Risque de submersion marine

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à assurer une gestion effective du risque de submersion marine.

Discussion générale

M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi n°172.  - Je m'exprimerai à la fois comme auteur et rapporteur du texte : cela fera gagner du temps au Sénat.

M. le président.  - Bien volontiers.

M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi n°172, rapporteur de la commission de l'économie.  - Malgré son nom féminin, Xynthia a été violente, brutale et meurtrière, puisqu'elle a tué une cinquantaine de personnes le 28 février 2010. Ces événements nous ont marqués à jamais ; la vie de bien des familles a basculé cette nuit-là.

La reconstruction est en bonne voie, grâce à la bonne volonté de l'État, des hommes et des collectivités territoriales. Mais si les dégâts matériels sont réparables, rien ne peut remplacer la perte d'un être cher dans sa singularité irréductible.

La France était très mal préparée, faute d'une culture du risque. Nous vivons avec la fausse idée d'un risque zéro. Depuis des décennies, nos sociétés se sont construites sur la volonté prométhéenne de domestiquer la nature. Hélas ! Elle reprend ses droits.

Je rends hommage aux centaines de sapeurs-pompiers qui ont sauvé des vies en risquant la leur : 765 victimes potentielles ont été épargnées grâce à eux. Ces femmes et ces hommes ont rappelé le sens profond du plus beau mot de notre devise républicaine : fraternité.

Quand on est législateur, on doit prendre ses responsabilités en adoptant les dispositions excluant la répétition d'un tel drame. C'est ce qu'a fait le Sénat, sous l'impulsion de son président qui a voulu une mission commune d'information. Dès juillet, cette mission a rendu son rapport : cette proposition de loi reprend ses conclusions. C'est pourquoi je remercie les membres de la mission, notamment son rapporteur, M. Anziani. Il est rassurant que, sur un tel sujet, nous sachions transcender les clivages. (Marques d'approbation sur de nombreux bancs)

Ce texte se fixe deux objectifs. Le premier consiste à ne pas ajouter de règles aux règles. Nous voulons améliorer la cohérence de la prévention et de la protection en passant par la prévision. Le second tend à développer la culture du risque grâce à des mesures concrètes.

Le texte que la Commission a adopté s'articule autour de quatre axes.

D'abord, mieux prendre en compte les risques d'inondation spécifiques au littoral. Afin d'éviter la multiplication des documents de planification et d'encourager une gestion globale du risque, le texte adopté par la commission intègre la prise en compte des risques littoraux au sein des documents existants : schéma directeur de prévision des crues, plan de gestion des risques d'inondation et PPR.

Deuxième axe : affirmer clairement la suprématie de la prévention des risques sur le droit de l'urbanisme. La commission a consacré pour la première fois le principe de la protection des vies humaines face aux risques comme un objectif du droit de l'urbanisme et prévu que la carte du risque et la carte de l'occupation des sols devaient coïncider.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. Bruno Retailleau, rapporteur.  - Les maires auront un an pour mettre en conformité PLU et PPRI. Il sera interdit de délivrer des permis tacites dans les zones délimitées par les plans de prévention des risques soumises à des risques particulièrement graves. Le préfet aura pouvoir d'opposition et de substitution si la mise en conformité n'est pas assurée ; la pression financière et immobilière croissante sur le littoral nécessite des outils ad hoc.

Troisième axe : améliorer l'efficacité de la gestion des ouvrages de protection.

Le texte clarifie le régime de propriété afin d'envisager, en cas de carence, le transfert en propriété publique.

Nous renforçons les moyens de contrôle en rendant obligatoire, comme aux Pays-Bas, un rapport d'évaluation des ouvrages et en créant un mécanisme de financement pérenne grâce à la nouvelle taxe d'aménagement.

Quatrième axe : il faut sensibiliser la population à la culture du risque en diffusant cette culture du sommet à la base. Nos concitoyens doivent adopter les réflexes qui sauvent. (M. Roland Courteau approuve)

Dès lors qu'il aura été publié, le plan communal de sauvegarde sera obligatoire, avec les exercices de simulation qui s'imposent, comme les exercices d'évacuation.

Nous instaurons une journée nationale de prévention. Cette journée existe au Japon depuis le grand séisme de 1923. Elle a porté ses fruits auprès de la population.

Telle est l'économie générale de ce texte, fruit d'un travail d'équipe.

Depuis Xynthia, le Var a subi des inondations en juillet 2010. Le 11 mars 2011, après bien des cyclones aux États-Unis, a vu la catastrophe de Fukushima.

Nous devons rester humbles face aux transformations que nous imposons à la nature. Inévitablement, d'autres phénomènes paroxystiques auront lieu : le centre de recherche de l'université de Louvain l'a montré. Avec l'augmentation du niveau de la mer, les catastrophes centennales deviendront décennales. Nous ne devons plus répéter ce qu'avait déclaré M. Obama après l'inondation de la Nouvelle-Orléans : « c'était une catastrophe naturelle mais l'homme en était le complice ». (Applaudissements)

M. Alain Anziani, auteur de la proposition de loi n°173.  - Le premier mérite de ce texte est de lutter contre l'oubli. Nous sommes toujours menacés mais avons tendance à sous-estimer les risques, face aux contraintes financières et humaines, en nous disant, « nous avons le temps ». Or, le temps presse. Nos sociétés, Xynthia l'a montré, restent d'une grande fragilité : la France a subi 670 catastrophes naturelles en dix ans, soit 67 par an, incluant la célèbre canicule mais aussi les avalanches, les tempêtes et les inondations.

Le coût en vies humaines est considérable, avec 15 000 morts. Il est aussi financier et économique : 30 milliards depuis 2001. Et ces catastrophes s'accélèrent ; le niveau moyen de la mer pourrait augmenter de 88 cm d'ici à 2100.

Les scientifiques néerlandais en concluent que les catastrophes météorologiques en seront accélérées, les dommages aggravés, puisque le littoral attire : près de 40 % de la population mondiale vit à moins de 50 km des côtes.

En France, le risque d'inondation concerne une commune sur trois, dont mille sur le littoral. Xynthia a provoqué une émotion considérable dans notre pays ; je m'associe à l'hommage rendu par M. Retailleau à tous ceux qui ont secouru une population en détresse. Je salue également l'initiative de notre président et le travail effectué par notre mission d'information et son président, M. Retailleau.

Cette mission a dénoncé les insuffisances du système d'alerte, des prévisions météorologiques, de la prévention, des POS et de l'entretien des digues. Sans pouvoir limiter les catastrophes naturelles, nous avons la responsabilité politique de limiter les dommages provoqués par ces fléaux.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. Alain Anziani, auteur de la proposition de loi n°173.  - Nous avons constaté, ce qui nous a laissé pantois, que le risque de submersion était ignoré par notre droit. Pourtant, 864 communes sont entre zéro et 2 mètres au-dessous du niveau de la mer. Or, seuls existaient 46 plans de prévention des risques naturels. Quant aux plans communaux de sauvegarde, ils étaient quasi inexistants.

Le risque de submersion sera enfin intégré dans les PPRI et les plans communaux de sauvegarde.

Nous avons également constaté quelque complaisance dans l'attribution des permis de construire, à La Faute-sur-Mer et ailleurs ; 150 maisons étaient illégalement construites à l'Aiguillon-sur-Mer. Les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales devront désormais être mis en conformité avec les plans de prévention, de rang supérieur dans la hiérarchie des normes. L'État devra se donner les moyens d'assurer un contrôle de légalité qui ne soit plus une passoire.

J'en viens aux digues. Elles n'assureront pas une protection absolue...

M. Roland Courteau.  - C'est bien de le rappeler.

M. Alain Anziani, auteur de la proposition de loi n°173.  - ...ni un moyen d'échapper à la délimitation de zones non constructibles. Elles apportent une protection nécessaire mais non suffisante.

Il faut savoir qui préside, qui gère, qui entretient. Ce qui pose la question du financement. Nous proposons d'accroître les ressources du fonds Barnier, ce à quoi le Gouvernement nous oppose que ces ressources sont suffisantes : espérons que l'on n'en viendra pas à solliciter encore les collectivités locales.

Aux Pays-Bas, les ressources -donc les prélèvements- sont modulées en fonction des risques.

M. Bruno Retailleau, rapporteur.  - Absolument.

M. Alain Anziani, auteur de la proposition de loi n°173.  - C'est pourquoi nous proposons de donner aux communes la faculté de moduler.

Si ce texte trouve une issue rapide devant l'Assemblée nationale, nous aurons fait oeuvre utile ; mais sans volonté forte de l'État, ses dispositions resteront sans effet.

Un mot sur l'article 40 opposé par la commission des finances à notre amendement tendant à élargir la procédure d'expropriation pour risque naturel majeur aux érosions marines. Nous sommes là pourtant en présence d'un risque considérable qu'il vaudrait mieux prévenir plutôt que de subir... J'en appelle au Gouvernement : qu'il accepte de lever le gage !

Il est rare de pouvoir faire oeuvre utile, concrète : je crois que nous en avons aujourd'hui l'occasion. (Applaudissements)

M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Nous avons tous à l'esprit et au coeur les événements tragiques qui ont suivi la tempête Xynthia. La commission des lois a souhaité se saisir pour avis des dispositions qui relèvent de sa compétence.

L'empilement des documents d'urbanisme n'est pas gage d'efficacité. La commission des lois n'a pas souhaité en ajouter, après les clarifications apportées par la loi Grenelle II.

Dès lors que le CGCT impose aux schémas départementaux la couverture de tous les risques, l'article 11 ne lui est pas apparu nécessaire.

En revanche, il est bon de rapprocher le code de l'environnement et le code de l'urbanisme, lequel doit intégrer les prescriptions environnementales. Je vous proposerai donc un amendement rappelant que le PLU peut restreindre l'occupation du sol en vertu de l'existence de risques naturels.

Nous aurions préféré une « mise en compatibilité » du PLU avec le PPR. Dans un souci de consensus, je vous proposerai un amendement afin que l'autorité gestionnaire ait la main.

Les outils de la loi Littoral doivent venir en appui des documents d'urbanisme.

Je regrette la suppression de l'article 20, si utile à la bonne articulation des deux codes.

Les drames sont souvent moins le fait d'une mauvaise gestion que d'un défaut de cohérence dans les dispositions.

Le développement d'une culture du risque, nous en sommes d'accord, est essentiel.

À l'article 12, nous prévoyons de rappeler l'importance des programmes communaux de sécurité.

Sur la clarification du régime de propriété des digues, la commission des lois souhaite l'accord, dans tous les cas, du propriétaire public.

Un mot sur les digues orphelines : le code général de la propriété des personnes publiques, via la procédure des « biens sans maîtrise », permet déjà de désigner clairement un propriétaire.

Je souhaite que cette mobilisation unanime du Sénat permette de prévenir les risques de submersion marine et d'assurer la sécurité des populations. Les témoignages émouvants que nous avons recueillis en Vendée ont renforcé notre détermination. C'est par la collaboration de tous les acteurs que nous réussirons. (Applaudissements)

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - Je salue le travail remarquable de votre mission d'information, qui contribuera à nous permettre de tirer tous les enseignements de Xynthia. Des familles entières ont été détruites : cela ne doit pas se reproduire. Notre priorité a été de restaurer les digues.

Puis, en avril 2010, nous avons défini les zones où les habitations devraient être rachetées par l'État : 1 574 habitations étaient concernées ; 1 129 biens ont fait l'objet d'un accord. Ensuite, un périmètre des zones à risques a été défini.

Grâce aux dispositions exceptionnelles de la loi de finances, la trésorerie du fonds Barbier a permis de faire face. J'ajoute que ses ressources annuelles -soit 165 millions- suffisent à financer nos programmes, notamment les 80 millions consacrés au plan de submersion marine.

En matière de prévention des risques, Xynthia nous a beaucoup appris : les PPR doivent être actualisés.

Votre mission d'information a montré que bien des digues sont sans responsable actif ou même identifié. Le plan de submersion rapide, qui intègre nos recommandations, est une première réponse, doté de 500 millions sur la période 2011-2016. Son premier objectif vise à réduire la vulnérabilité des zones : 242 communes ont ainsi été identifiées et devront élaborer et approuver un PPR dans un délai de trois ans et 68 communes verront leur PPR révisé.

Il convient également d'élaborer des projets d'aménagement intégrant prévention des risques et objectifs de développement, par exemple via des Scot expérimentaux sur le littoral.

L'équilibre qui prévaut aux Pays-Bas doit nous être un exemple. En France, à l'horizon 2040, la progression démographique dans les zones littorales sera de 20 %, contre 10 % ailleurs. Il est de notre devoir de trouver un équilibre entre réduction de la vulnérabilité et maintien du développement.

Deuxième objectif : améliorer la chaîne vigilance-prévention-alerte. Météo France mettra en place à partir de fin 2011 une vigilance vagues.

Troisième objectif : recenser les ouvrages de protection, pour donner un propriétaire responsable aux digues orphelines.

En matière de maîtrise d'ouvrage, faut-il maintenir la diversité existante ou un schéma unique via les EPCI ? Il faudra y réfléchir. Nous avons entendu votre souhait, monsieur Retailleau. Vous souhaitez que l'on accorde à titre transitoire le taux de 40 % d'aide, tant que le PPR prescrit n'est pas approuvé, contre un taux de 25 % actuellement ; le Gouvernement proposera un amendement en ce sens pour ne pas prendre du retard.

M. Bruno Retailleau, rapporteur.  - Merci.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - La culture du risque est structurante, ce que démontre l'exemple japonais, encore dernièrement. Mais une culture du risque à la française reste à créer : nous tendons spontanément à rechercher le risque zéro, alors qu'il faut vivre dans la conscience que la menace existe.

Désormais, grâce à votre proposition, les plans communaux de sauvegarde, qui servent à organiser l'alerte et l'évacuation des populations, devront être élaborés par les communes dès qu'un PPR sera prescrit, et plus seulement lorsque le PPR est approuvé.

La culture du risque est structurante, ce que démontre l'exemple japonais, encore dernièrement. Mais une culture du risque à la française reste à créer : nous tendons spontanément à rechercher le risque zéro, alors qu'il faut vivre dans la conscience que la menace existe.

J'en viens à la gouvernance : une nouvelle instance pilotera l'ensemble des actions de prévention des inondations.

Un an après Xynthia, l'État reste mobilisé. Nous avons progressé dans la connaissance des dangers. Cette double proposition de loi marque une étape essentielle : je remercie ses auteurs. (Applaudissements au centre et à droite)

M. François Fortassin.  - Une fois de plus, le Sénat tire les enseignements du drame qui a durement frappé la France en février 2010, jusque dans des départements éloignés du littoral.

Le bilan humain de la tempête fut dramatique ; les dégâts provoqués sont estimés à 2 milliards d'euros.

Sans stigmatiser quiconque, il apparaît que notre droit ne protégeait pas assez contre le risque de submersion marine. En revanche, la chaîne spontanée de solidarité fut exemplaire.

L'exemple récent du Japon confirme l'ampleur de telles catastrophes.

Nos ancêtres savaient d'expérience quelles zones pouvaient être construites et sur lesquelles il valait mieux s'abstenir.

M. Bruno Retailleau, rapporteur.  - Ils avaient la culture du risque.

M. François Fortassin.  - Aujourd'hui, après une catastrophe, l'urgence est de rétablir l'eau, tous les réseaux de communication et l'électricité. Méfions-nous : le mieux est parfois l'ennemi du bien. Enfouir les lignes électriques n'est pas toujours la solution : le rétablissement du courant peut s'en trouver compliqué.

Bravo à MM. Retailleau et Anziani pour leur conduite admirable de la mission sénatoriale, qui a mené une réflexion approfondie.

À ce jour, la France est mal préparée au risque. Les PPR datent de la loi Barnier de 1995 mais la culture du risque reste embryonnaire.

Cette double proposition de loi est très importante. Mais je souhaite la compléter par une réflexion de bon sens. Trop de dégâts sont provoqués par des chutes d'arbres : ne serait-il pas bon d'éviter la proximité entre lignes électriques et plantations arborées ? (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-France Beaufils.  - Nous avons été marqués par les conséquences humaines de Xynthia, mais également impressionnés par les secours.

Le titre de la proposition de loi exprime bien le souhait des membres de la mission.

Nous devrions peut-être définir le risque acceptable, sans oublier l'ampleur des effets dominos. Il est bon d'évoquer les « risques littoraux ».

J'insiste sur l'étude de danger assurée par les services de l'État, avec la participation de tous les acteurs de terrain. (M. Benoist Apparu, secrétaire d'État, exprime son approbation)

Il est ensuite important d'adapter le droit du sol. La responsabilité des collectivités est manifeste, mais cela ne justifie pas le transfert de prérogatives sans financement.

La RGPP a fait fondre les DDE ; les conseils généraux ne peuvent s'y substituer. Les communes se retrouveront donc seules.

Il ne suffit pas de transférer la propriété des digues : sans financement pérenne, rien n'y fera. De même que l'interdiction de construire ne suffit pas à éviter les occupations sans titre.

Je m'interroge sur la majoration de la taxe d'aménagement, jusqu'à 20 %, dans les communes disposant d'un PPR approuvé.

Pour vérifier l'attribution de permis de construire, il faudra revenir sur la RGPP, appliquée de façon aveugle.

J'en viens au régime Catnat. L'article 18 ayant été supprimé par la commission, il faudra préciser la cotisation additionnelle sur les assurances. Jusqu'où pourra-t-on l'augmenter sans alourdir la cotisation des assurés ?

Le régime Catnat doit rester solidaire, mais ne faut-il pas moduler la cotisation perçue en fonction des caractéristiques du bâti ? Cela inciterait les propriétaires à intégrer la culture du risque dès la construction.

Alors que la loi Littoral a déjà subi bien des assauts, la culture du risque est insuffisante partout en France. Une journée nationale ? Pourquoi pas ? Nous proposerons sa coordination au plan international. J'ajoute que trop peu d'élus locaux disposent d'une formation adéquate.

Je regrette, enfin, que les collectivités territoriales soient abusivement sollicitées. Le nouveau fardeau qui leur est imposé pourrait neutraliser trop de disposions utiles du texte, sur lequel nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Claude Merceron.  - La conjonction de vents violents et de fortes marées a tué 53 résidents dans mon département, quelques semaines avant les 25 décès causés par les inondations dans le Var. Nous pensons aux victimes et à leur familles et nous remercions tous ceux qui leur ont porté secours et ont témoigné de leur solidarité.

Si le risque inhérent à la submersion marine ne peut être conjuré, il nous appartient de travailler à en limiter les effets. Certains ont cherché à fuir leur responsabilité mais il est évident que la responsabilité est partagée.

Certaines mesures d'urgence ont déjà été prises, comme le classement d'habitations en zone noir ou jaune, dite de solidarité. Le texte d'aujourd'hui doit aider à éviter que ne se reproduise pareil désastre.

Je salue la décision du président du Sénat de constituer une mission d'information dès le 10 mars et je remercie son président et son rapporteur d'avoir rédigé en trois mois un rapport qui a inspiré cette double proposition de loi que le groupe de l'Union centriste votera. Bravo pour le plan gouvernemental « submersion rapide » ! L'application de plans de gestion du risque d'inondation permettra un réel progrès par rapport aux PPR.

J'en viens aux digues, dont l'entretien doit être organisé, comme il l'est aux Pays-Bas. La Faute-sur-mer était censément protégée par la digue de l'Aiguillon. Je déplore le morcellement de la propriété des digues entre communes alors qu'elle devrait revenir à l'État. Il faut certes maintenir la gestion de proximité mais il faut éviter que certaines collectivités ne soient tentées de rejeter les opérations coûteuses sur d'autres.

Nous nous félicitons de la mobilisation du fonds Barnier, qui accélèrera les opérations de rénovation, ainsi que de la primauté donnée à la prévention des risques sur le droit de l'urbanisme. Nous savons quelles difficultés auraient rencontrées les préfets pour assurer le respect des prescriptions de précautions dans les zones concernées par le PPR. Les nouveaux pouvoirs qui leur seront attribués sont donc bienvenus.

Il reste que le développement des zones littorales doit être favorisé, dans le cadre des Scot, pour autant que leur mise en valeur se fasse, en cohérence avec le PPR.

Vous l'avez compris : le groupe Union centriste souhaitait la proposition de loi et félicite son rapporteur. Grâce à son texte, rien ne sera comme avant Xynthia. (Applaudissements au centre et à droite)

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

M. Roland Courteau.  - Les choses doivent bouger ! Voilà un texte d'extrême importance, qui relève un immense défi.

Je rends hommage aux victimes et à leurs familles. Les catastrophes naturelles sont inévitables, mais pas tous les drames qu'elles provoquent. Notre mission d'information a travaillé à les éviter pour l'avenir : je félicite son président et son rapporteur.

Le groupe socialiste soutient les deux propositions de loi, auxquelles il proposera quelques amendements.

Espérons qu'il y aura un avant et un après Xynthia. Notre pays est toujours plus souvent soumis à des inondations, marines ou non.

C'est pourquoi le conseil général de l'Aude, sous l'impulsion de Marcel Raynaud, a engagé une action énergique contre le risque de crues.

Alors que la densité humaine s'accroît sur le littoral, n'oublions pas que le niveau de la mer pourrait s'élever d'un mètre à l'horizon 2100. Ne faudrait-il au moins interdire toute construction nouvelle dans la bande de 100 mètres ?

Nous approuvons l'amendement de M. de Legge, rejeté en commission.

Nul pays n'est à l'abri du risque de tsunami, dont le mécanisme -séisme sous marin, instabilité gravitaire- est très différent des submersions marines que notre pays a connues.

La décennie 2001-2010 a été marquée par le nombre record d'événements climatiques survenus dans le monde et en France. Qu'en sera-t-il de la décennie à venir ?

Pour parer à l'oubli naturel du malheur, il nous revient de rétablir une culture du risque. (M. Bruno Retailleau, rapporteur, approuve)

L'institution d'une journée nationale devrait y contribuer, notamment pour faire connaître les plans communaux de sauvegarde.

Un aléa naturel peut se transformer en désastre, lorsque les plans de prévention sont inexistants ou ignorés.

Nous nous félicitons d'un texte conciliant protection et développement du littoral.

Je m'associe à la demande formulée par les deux auteurs du texte, visant à porter à 40 % la subvention destinée à la consolidation des digues. Combien de temps faudra-t-il pour les conforter, quand parfois le propriétaire en est ignoré, sur 3 000 kilomètres ?

Évitons cependant de créer l'illusion que les digues apporteraient une sécurité absolue : il faut déclarer inondables les zones qui seraient submergées en cas de rupture de digues.

À l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, je propose d'ajouter l'objectif de protéger la vie humaine face aux risques naturels.

Je salue la proposition imposant aux PLU, cartes communales et Scot de respecter les PPR.

Bien sûr, nous approuvons la compensation des pertes de bases subies par certaines communes.

En commission, je m'étais inquiété de la taxe d'équipement, dont le taux pourrait être porté à 20 % dans certains secteurs, pour financer des travaux de voirie ou de réseaux. En effet, la logique de cette taxe exclut les équipements visés par un PPR. Nous proposerons un amendement de suppression.

J'en viens au risque de tsunami. L'impréparation de la France est certaine, avais-je écrit dans mon rapport de décembre 2007, dont certaines préconisations ont été reprises, notamment la création d'un centre de surveillance sur la façade atlantique et en Méditerranée. Reste le cas de l'outre-mer.

En un siècle, seuls 4 % des tsunamis ont eu lieu dans l'océan pacifique. Depuis, 250 000 personnes y ont été tuées en décembre 2004 !

Ne nions pas l'universalité du risque de tsunami ! Comme l'a écrit Thierry Gentet, l'homme ne dominant pas la nature, nous devons rester humbles face aux risques naturels et utiliser toutes nos connaissances pour nous en protéger ! En raison des vies humaines exposées, je ne saurais mieux dire ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Gisèle Gautier.  - Nous ne pouvons évoquer Xynthia sans une pensée émue pour ses victimes. Aujourd'hui, je rends hommage à l'engagement sans faille dont ont fait preuve le président et le rapporteur de la mission d'information.

Déposant votre rapport, vous avez promis de suivre jusqu'au bout l'oeuvre législative prolongeant vos auditions. Puisse votre exemple être suivi !

Je salue l'intervention des services de sécurité, coordonnée par le préfet, qui a été exemplaire; elle a sauvé des vies humaines par centaines.

Les 14 et 15 avril, nous avons constaté sur place un accablement bien compréhensible, mais aussi la colère soulevée par la prétendue évaluation de la dangerosité réalisée unilatéralement par de pseudo-experts venus de Paris.

Les préfets ont dû gérer tout cela... Je ne conteste pas la nécessité d'agir dans l'urgence mais, de grâce, évitons, dans ces situations, d'ajouter le mécontentement à la douleur en peignant de grandes croix noires sur les maisons.

En matière de prévision, il est indispensable d'intégrer la prévention de la submersion marine dans le code de l'environnement. Idem pour l'institution de systèmes d'alerte. Il serait bon d'instituer une gradation de l'alerte. Je sais que c'est difficile, on l'a vu en 2003 avec la canicule. Mais il faut éviter toute confusion des messages dans des situations qui exigent le plus grand sang-froid. Et n'oublions pas l'équipement : un responsable de sapeurs-pompiers nous a dit ne pas avoir disposé d'un système de communication satellitaire au moment crucial. C'est invraisemblable ! Il faut que les moyens soient là !

La prévention touche aussi à l'urbanisation. Tout le monde est concerné, des maires à tous ceux qui influencent les décisions municipales. Aux yeux des riverains, les digues auraient dû servir de remparts naturels. Or nous constatons que bien des interrogations persistent depuis leur statut jusqu'à leur financement. Pourquoi la proposition de loi est-elle muette sur ce sujet ?

M. Bruno Retailleau, rapporteur.  - Le Gouvernement a lancé un plan « Submersion rapide », doté de 500 millions.

Mme Gisèle Gautier.  - L'essentiel est de voter un texte efficace, qui prépare l'avenir, car d'autres catastrophes se produiront ailleurs. Sachons nous doter de tous les moyens pour éviter le pire. Dans cette chaîne des moyens, la culture du risque est sans nul doute le premier maillon. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Éric Doligé.  - Je veux dire toute ma sympathie aux victimes des drames que nous avons connus. Leur prévention insuffisante -il est ici davantage question d'urbanisme que d'inondation- justifie la directive européenne qui tend à éviter des pertes de vie humaine et des déplacements de populations, sans compromettre le développement économique.

Nous ne pouvons plus faire comme si nous ne savions pas. Il faut profiter de toutes les opérations d'aménagement pour améliorer la sécurité des générations à venir. La mise en oeuvre de la directive doit être l'occasion de changer notre regard.

La proposition de loi de M. Retailleau, exercice d'autant plus difficile que Xynthia a conduit, une fois encore, à mener en parallèle trois missions et non pas une seule, aborde des sujets encore en pleine réflexion. Je citerai la réglementation sur les digues ou la doctrine de l'État en matière de PPR. Le Cepri, que j'ai créé pour faire entendre la voix des collectivités territoriales, a été auditionné par les trois missions ; pour lui, c'est l'aménagement du territoire qui joue le rôle majeur. Une inondation, ce n'est pas tant un débordement qu'un territoire qui est atteint dans sa population et son outil économique. Xynthia et la Dracénie montrent qu'anticiper est vital et s'adapter, capital. L'élu est au premier plan. Je salue le travail de M. de Legge, qui a su affiner les dispositifs proposés. Il n'était pas juste de donner aux maires une responsabilité qui revient à l'État ; il fallait aussi revoir la notion de « zone littorale homogène ». Voilà qui montre que la richesse de nos débats a su faire évoluer le texte.

Les digues et ouvrages de protection -8 600 kilomètres au total- sont un sujet de préoccupation majeur, sur lequel nous travaillons depuis cinq ans. Trop de kilomètres de digues dépendent d'un trop grand nombre de gestionnaires, ou de gestionnaires mal identifiés. Une telle situation appelle un « plan Marshall » -300 à 400 millions par an sur quinze à vingt cinq ans- qui nécessite un état des lieux précis et une programmation. Quelles sont les intentions du Gouvernement ? Où en est-on pour cette année ?

Plusieurs millions de nos concitoyens et un potentiel économique majeur sont à l'abri derrière ces ouvrages. Un mauvais entretien peut être fatal. Le débat reste ouvert sur la propriété et la responsabilité des ouvrages -un EPA rassemblant les propriétaires pourrait être une solution-, sur la définition juridique de ceux-ci, sur le savoir-faire à reconstituer -il faut organiser des filières professionnelles-, sur le financement. S'agissant de ce dernier point, l'augmentation du taux de la taxe d'aménagement m'apparaît prématurée.

Bien des dispositions de la proposition de loi sont bienvenues. Le schéma départemental a été à juste titre supprimé ; la prise en compte des risques technologiques est en effet essentielle ; il est heureux que les contraintes pesant sur les conseils généraux aient été allégées. Je m'interroge encore sur la compensation des pertes de bases.

Sur les projets d'urbanisme pilote, je pourrais, monsieur le ministre, vous rappeler d'utiles exemples dans mon département... Et je note que onze des treize éco-cités vont être développées en zone inondable...

Je vous incite également à engager un débat sur deux conclusions essentielles de notre groupe de travail : l'impératif de définition juridique des digues et celui de leur financement durable, par la solidarité locale comme nationale. (Applaudissements à droite)

La séance est suspendue à 16 h 45.

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présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 17 heures.