Immigration, intégration et nationalité (Suite)

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen des articles du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité. (M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, quitte l'hémicycle)

M. Jean-Pierre Sueur.  - M. Hortefeux s'en va ! Il ne semble pas vouloir soutenir ce projet de loi.

Article 22

M. le président.  - Amendement n°40 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

M. Jacques Mézard.  - Nous demandons la suppression de cet article qui va plus loin que la directive Retour. En imposant l'interdiction du retour de l'étranger durant cinq ans, il constitue une régression majeure à laquelle nous nous opposons.

M. le président.  - Amendement identique n°152, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Éliane Assassi.  - Nous sommes opposés à la directive Retour, et donc hostiles à sa transposition qui renforce l'obligation de quitter le territoire français et l'assortit d'un bannissement du territoire européen. Nous demanderons un scrutin public sur cet amendement.

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois.  - Avis défavorable aux deux amendements identiques. J'indique par avance qu'il en ira de même pour l'amendement n°350.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales.  - En février 2007, le Sénat s'était prononcé pour l'interdiction de retour. Au reste, elle est de deux ou trois ans, au maximum. Dans certains cas exceptionnels seulement, l'interdiction de retour pourra durer cinq ans.

M. Alain Anziani.  - Le gouvernement de M. Jospin avait supprimé, en 1998, l'interdiction de retour. Aujourd'hui, on nous propose de la rétablir, mais pas de façon automatique. L'avis de la commission consultative des droits de l'homme a été très critique : cette peine complémentaire relève de l'autorité judiciaire.

À la demande du groupe CRC, les amendements identiques nos40 rectifié et 152 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 152
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°350, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéas 1 et 2

Après les mots :

obligation de quitter le territoire français

Supprimer la fin de ces alinéas.

M. Alain Anziani.  - Je l'ai présenté.

L'amendement n°350, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 22 est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°153, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 213-2 du même code est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Cette décision est notifiée à l'intéressé avec mention de son droit d'avertir ou de faire avertir la personne chez laquelle il a indiqué qu'il devait se rendre, son consulat ou le conseil de son choix. La décision mentionne également son droit d'introduire un recours en annulation sur le fondement de l'article L. 213-9 et précise les voies et délais de ce recours. La décision et la notification des droits qui l'accompagne doivent lui être communiquées dans une langue qu'il comprend. »

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« En aucun cas, le refus d'entrée ne peut donner lieu à une mesure de rapatriement contre le gré de l'intéressé avant l'expiration du délai d'un jour franc. »

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Depuis la condamnation de la France par la CEDH en avril 2007, la majorité a voté la loi du 20 novembre 2007 relative à l'immigration, l'intégration et l'asile qui a créé un recours suspensif de la décision de refus d'admission sur le territoire français au titre de l'asile. Ce recours est cependant loin d'être satisfaisant, car les personnes retenues en zone d'attente restent soumises au régime antérieur, celui-là même qu'avait condamné la CEDH.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La nécessité d'un recours suspensif a été imposée par la CEDH, mais cette disposition ne s'applique pas aux personnes à qui l'entrée sur le territoire a été refusée. Au demeurant, des voies de recours existent.

L'amendement n°153, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°154, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 524-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 524-1. - L'arrêté d'expulsion pris antérieurement à la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, à l'encontre d'un étranger visé aux articles L. 521-1 et L. 521-3 du présent code est abrogé. »

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Trop d'étrangers frappés par la double peine sont toujours sous la menace constante d'un éloignement du territoire en exécution d'un arrêté d'expulsion prononcé avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 novembre 2003. Pourtant, ils appartiennent pour beaucoup aux catégories « protégées » par cette loi. Ces étrangers n'ont pas bénéficié des mesures transitoires mises en place au moment de la promulgation de celle-ci.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'article 35 de la loi de 2003 impose de réexaminer tous les cinq ans tout arrêté d'éloignement. En outre, l'amendement propose une abrogation générale sans examen de la situation des intéressés, ce qui est déraisonnable.

M. Philippe Richert, ministre.  - Les arrêtés ne relèvent pas tous de la double peine ; ils peuvent viser des terroristes ou des prêcheurs extrémistes.

L'amendement n°154 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°423 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Après l'article L. 524-1, il est inséré un article L. 524-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 524-1-1. - L'arrêté d'expulsion pris antérieurement à la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, à l'encontre d'un étranger visé aux articles L. 521-1 et L. 521-3 du présent code est abrogé. » ;

2° Après l'article L. 541-4, il est inséré un article L. 541-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 541-5. - L'interdiction du territoire français pris antérieurement à la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, à l'encontre d'un étranger visé par les articles 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal est relevée de plein droit. »

M. Alain Anziani.  - La loi du 26 novembre 2003 a partiellement supprimé la double peine et dressé la liste des personnes qui ne peuvent pas être expulsées. Cependant, le dispositif ne fonctionne pas bien, comme le montre le cas d'un ressortissant marocain, sans aucune attache au Maroc, non expulsable et non régularisable, placé deux fois en quatre ans au centre de rétention de Marseille -centre que vous connaissez bien, monsieur le président.

M. le président.  - Je n'y ai jamais séjourné ! (Rires)

M. Alain Anziani.  - Notre amendement réglerait pareil cas.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le texte de 2003 a ouvert pour un an le relèvement des interdictions du territoire. On ne peut accepter un relèvement général.

L'amendement n°423 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°155, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 541-4 du même code, il est inséré un article L. 541-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 541-5. - L'interdiction du territoire français prise antérieurement à la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, à l'encontre d'un étranger visé par les articles 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal est relevée de plein droit. »

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Il est défendu.

L'amendement n°155, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Article 23

M. Louis Mermaz.  - Cet article très important montre que les insuffisances des effectifs et les entraves mises au travail de l'autorité judiciaire ouvrent la voie au durcissement arbitraire des textes.

Le Gouvernement introduit ici une des plus graves dispositions de la directive Retour, derrière laquelle il se cache hypocritement, alors que la droite porte une grande responsabilité dans son élaboration et son adoption.

Tout étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement est susceptible d'être frappé, sur décision administrative arbitraire, par une interdiction de retour, un bannissement de tout le territoire européen -excusez du peu- pour deux à cinq ans, signalement en étant fait au système Schengen. Cet article restreint les droits des étrangers, l'administration pouvant s'appuyer sur des motifs nombreux et vagues. C'est d'ailleurs une tendance croissante des lois que nous votons.

Mme Bariza Khiari.  - Vous utilisez l'Europe afin de ne pas devoir justifier vos choix. La directive n'autorise l'administration à s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire que dans trois hypothèses, le risque de fuite, le rejet d'une demande de séjour manifestement infondée et le danger pour l'ordre public ; le texte en prévoit huit... Le délai devrait être la règle, il devient l'exception. La transposition est un prétexte idéologique.

Quant à l'interdiction de retour, c'est un recul des valeurs qui ne devrait pas concerner les demandeurs d'asile ; mais le texte est muet sur ce point.

M. le président.  - Amendement n°41 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

M. Jacques Mézard.  - Cet article illustre la transposition ultra petita de la directive. Avec les objectifs chiffrés d'expulsions, le nombre de mesures d'éloignement prononcées a explosé, tout comme l'encombrement des juridictions par un contentieux sans cesse croissant.

Au lieu de privilégier le retour volontaire, comme y incite la directive, vous optez pour l'éloignement forcé, qui ne devrait intervenir qu'en dernier recours. La directive permet aux États membres d'imposer des délais de départ inférieurs au droit commun dans un nombre de cas limité ; le texte les applique à tous et inverse la charge de la preuve, l'administration pouvant désormais se contenter de motiver sa décision par le seul constat de la présence irrégulière sur le territoire tandis que l'étranger devra justifier qu'il n'envisage pas de fuir.

L'obligation de quitter le territoire français (OQTF) sans délai de départ volontaire est contraire à la directive. Cet article risque de rendre impossible une demande d'asile politique. Le HCR a d'ailleurs émis de fortes réserves.

M. le président.  - Amendement identique n°156, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Éliane Assassi.  - Cet article est l'un des plus graves du texte, en créant une procédure unique d'éloignement éventuellement accompagnée d'un bannissement signalé au système Schengen. Pratiquement toutes les situations d'entrée ou de maintien irrégulier sur le territoire national sont visées par l'OQTF sans délai de départ volontaire.

Le Gouvernement n'a retenu que les dispositions les plus répressives de la directive, tandis que l'Assemblée nationale faisait du zèle -au point que la commission des lois, craignant sans doute une invalidation constitutionnelle, a été contrainte de revenir au texte originel. Mais ces quelques modifications ne suffisent pas à faire passer la pilule. L'objectif reste bien de relancer la machine à expulser.

J'ajoute que les demandeurs d'asile sont concernés par les dispositions de l'article 23, au mépris de la Convention de Genève, de même que les personnes ayant bénéficié d'un regroupement familial. Le HCR a émis de fortes réserves sur ce texte.

M. le président.  - Amendement identique n°351, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Richard Yung.  - L'article 23 procède à une transposition abusive de la directive Retour. Celle-ci distingue trois hypothèses dans lesquelles un État peut s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire, le risque de fuite, la menace à l'ordre public et le rejet d'une demande de séjour manifestement infondée ; le texte en ajoute cinq -citons l'absence de demande de titre de séjour, alors que les pratiques et les effectifs des préfectures empêchent jusqu'au dépôt de la demande, ou l'absence de documents de voyage ou d'identité. C'est dire que la directive n'est pas respectée.

L'interdiction du retour sur le territoire des 27 est inique et extrêmement sévère. Elle fait fi de l'évolution individuelle pouvant se produire dans la période considérée.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Ces amendements de suppression marquent un profond désaccord avec la refonte de la législation résultant de la directive. Le texte simplifie le droit en vigueur et fait du délai de départ volontaire la règle, l'administration devant motiver son refus de l'accorder.

Enfin, l'interdiction de retour sur le territoire ne peut être prononcée que dans des circonstances précises, en tenant compte de la situation des personnes concernées. La commission des lois est revenue sur son automaticité.

M. Philippe Richert, ministre.  - Le Gouvernement aussi est défavorable, car l'article 23 réorganise les mesures d'éloignement en intégrant le principe du départ volontaire, ce qui est favorable aux droits des étrangers.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous abordons un article majeur du texte. Il y a quelques jours, le Sénat s'est honoré en refusant l'extension de la déchéance de la nationalité -déchéance, on sait d'où vient ce mot qui pèse si lourd. Mais un autre mot fait mal : le « bannissement ».

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Ce n'est pas un bannissement, c'est une interdiction de revenir !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le bannissement... Au plus profond de l'histoire, de la littérature, de la civilisation il y a cette question de l'Autre, du diable, de celui qu'on réprouve. On peut construire un système social contre l'exclu, contre celui qui est dehors : le banni. En créant le bannissement, nous ne faisons pas progresser la civilisation.

Jusqu'à présent, personne n'a justifié ce bannissement, que la directive n'impose pas. L'Assemblée nationale a souhaité lui donner un caractère automatique, ce que notre commission a heureusement écarté.

En 1993, le Conseil constitutionnel a refusé toute interdiction automatique.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Où est la différence ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Pourquoi cette disposition ?

M. Éric Doligé.  - Pour vous faire parler !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je veux pour finir citer ces mots de M. Etienne Pinte : « L'interdiction du territoire français (...) est à mes yeux une sorte de bannissement. (...) Les déboutés du droit d'asile pourront être bannis de notre territoire. Or le fait que ne leur soit pas reconnu le statut de réfugié ne signifie pas pour autant qu'ils n'ont pas été exposés à des persécutions dans leur pays d'origine. Parfois, ces personnes n'ont pu bénéficier des conditions indispensables à la constitution d'un dossier solide. (...) Ceux qui n'ont pu accéder (aux Cada) ont vu leur demande de protection rejetée. Faut-il pour autant les bannir de notre territoire et les renvoyer à leurs bourreaux ? » (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Les amendements identiques n°s41 rectifié, 156 et 351 ne sont pas adoptés.

L'amendement n°42 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°43 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 8, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

Mme Françoise Laborde.  - La phrase est contradictoire avec la directive.

M. le président.  - Amendement identique n°352, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Richard Yung.  - L'article 12 de la directive impose une motivation distincte pour l'obligation de quitter le territoire et pour la décision relative au séjour. Nous voulons que l'OQTF soit systématiquement motivée.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La loi de 2007 impose de ne motiver que la décision relative au séjour.

Les amendements n°s43 rectifié et 352, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°353, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« À tout moment, l'autorité administrative peut décider d'accorder un titre de séjour autonome ou une autre autorisation conférant un droit de séjour pour des motifs humanitaires ou autres à un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire français.

M. Louis Mermaz.  - Amendement de repli, pour éviter le pire. Il reprend l'article 6, paragraphe 4, de la directive Retour. Le texte européen comporte en effet et malgré tout quelques dispositions allant vers un certain humanitarisme, sur lesquelles le Gouvernement français s'assoit volontiers.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement est bien trop large, d'autant que plusieurs dispositions du Ceseda le satisfont partiellement.

M. Philippe Richert, ministre.  - L'autorité administrative peut déjà prononcer une admission exceptionnelle au séjour, notamment pour les étrangers malades ou victimes de violences conjugales. Il va de soi que les situations sont examinées au cas par cas.

L'amendement n°353 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°160, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéas 11 à 21

Supprimer ces alinéas.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Cet amendement de repli vise à supprimer les cas, au-delà de ceux prévus par la directive, dans lesquels l'administration peut prononcer une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire -ne pas avoir sollicité la délivrance un titre de séjour ou l'absence de documents de voyage serait interprété comme une soustraction à l'obligation de quitter le territoire. Il ne faut pas donner de pouvoir discrétionnaire à l'administration.

En octobre 2006, le Conseil d'État a d'ailleurs précisé la notion de « fuite », en lui donnant une signification distincte de celle que vous utilisez.

M. le président.  - Amendement identique n°357, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Louis Mermaz.  - Nous ne voulons pas que l'administration puisse imposer un départ brutal du territoire. L'étranger qui s'opposerait à la mesure d'éloignement n'aurait que 48 heures pour contester jusqu'à six décisions administratives. Il est à craindre qu'il n'aurait même pas la possibilité de déposer un recours. Le dispositif est contraire à la jurisprudence de la CEDH.

Par ailleurs, les critères permettant à l'administration de prononcer une OQTF sans délai de départ volontaire sont particulièrement larges et flous.

Les alinéas 11 à 21 sont contraires aux principes généraux de la directive, comme l'examen des situations au cas par cas. Encore une fois, le Gouvernement fait du zèle dans la persécution de l'étranger. (Applaudissements à gauche)

Les amendements nos45 rectifié et 44 rectifié sont retirés.

M. le président.  - Amendement n°359, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

, lorsque son comportement constitue une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale

II. - Alinéas 12 à 20

Supprimer ces alinéas.

M. Louis Mermaz.  - Toujours pour éviter le pire et conformément à l'esprit du texte communautaire, nous proposons que l'OQTF sans délai de départ volontaire ne puisse être prononcée que si la personne concernée menace l'ordre public ou la sécurité nationale.

Mais rien dans la directive n'oblige à les transposer. L'obligation de quitter le territoire ne devrait concerner que les cas les plus graves. Encore une fois, le Gouvernement est hors des clous !

M. le président.  - Amendement n°157, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 12

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 1° Si le comportement de la personne concernée constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société ;

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - La notion d'ordre public est trop floue. Elle fait l'objet d'une utilisation abusive pour justifier les options idéologiques prises par le Gouvernement en matière de politique migratoire et sécuritaire.

L'ordre public renvoie au « bon ordre », à « la sécurité », à « la salubrité » et à « la tranquillité publique ».

La notion d'ordre public est évidente lorsque le trouble provoque un danger ou une restriction des libertés des autres citoyens, elle est floue lorsqu'il s'agit d'une nuisance à la quiétude. Il convient donc de préciser que le comportement de la personne constitue une menace réelle, actuelle et grave pour un intérêt fondamental de la société.

Comment décider d'un départ sans délai d'un étranger ?

M. le président.  - Amendement n°354, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 13

Supprimer les mots :

ou manifestement infondée ou

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Aucune demande de délivrance ou de renouvellement de titre ne peut être « manifestement infondée », même si elle ne correspond pas aux conditions légales dans lesquelles l'étranger se voit attribuer, de plein droit, une carte de séjour temporaire. Il convient de limiter le pouvoir discrétionnaire de l'administration.

M. le président.  - Amendement n°48 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéas 14 à 20

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« 3° S'il existe un risque de fuite.

Mme Françoise Laborde.  - L'article 7 § 4 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 énumère trois hypothèses dans lesquelles l'administration peut s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire : s'il existe un risque de fuite, si une demande de séjour régulier a été rejetée comme manifestement non fondée ou frauduleuse ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale. Il convient de s'en tenir à ces dispositions.

M. le président.  - Amendement identique n°490, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Conformément à l'article 7 paragraphe 4 de la directive Retour, il convient de réduire de huit à trois les hypothèses dans lesquelles l'administration peut prononcer une OQTF sans délai de départ volontaire. La mise en oeuvre des alinéas 14 à 20 revient à retourner les charges de la preuve. Ces alinéas sont contraires à la directive.

M. le président.  - Amendement n°47 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Après l'alinéa 20

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Dans le cas de ressortissants de l'Union européenne ou de leurs familles, les mesures d'ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l'individu concerné. L'existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures.

« Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues. »

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Il convient de prévoir un sort différent pour les ressortissants européens.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Les amendements identiques n°s160 et 357 ne permettraient plus à l'administration de prononcer une reconduite à la frontière. Avis défavorable. Même avis sur l'amendement n°357.

Sur l'amendement n°359, la directive prévoit expressément le cas de fuite : avis défavorable.

La notion d'ordre public est classique et fait l'objet d'une jurisprudence abondante : avis défavorable aux amendements n°s157 et 354.

Sur les amendements identiques n°s48 rectifié et 490, la commission estime que les critères fixés par le texte sont indispensables. Avis défavorable.

Enfin, je demande le retrait de l'amendement n°47 rectifié : l'article 23 ne traite pas des ressortissants de l'Union européenne.

M. Philippe Richert, ministre.  - Avis défavorable aux amendements n°s160 et 357.

L'amendement n°359 ne saurait non plus être accepté car les cas visés figurent dans la directive Retour.

L'amendement n°157 conduirait à la confusion. Avis défavorable. J'en viens à l'amendement n°354 : les termes « manifestement infondés » proviennent de la directive.

Les amendements nos48 rectifié et 490 ne peuvent non plus être acceptés. Enfin, l'amendement n°47 rectifié devrait être retiré.

L'amendement n°47 rectifié est retiré.

Les amendements identiques nos160 et 357 ne sont pas adoptés, non plus que les amendements nos359, 157 et 354.

Les amendements identiques nos48 rectifié et 490 ne sont pas adoptés.

L'amendement n°49 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°158, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'alinéa 21

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Avant de prendre une décision obligeant un ressortissant communautaire à quitter le territoire pour des raisons d'ordre public ou de sécurité publique, l'autorité administrative tient dûment compte notamment de la durée du séjour de l'intéressé sur le territoire, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle dans l'État membre d'accueil et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Il s'agit de la transposition littérale de l'article 28, paragraphe 1, de la directive Retour. Une fois de plus, l'unification de la procédure d'éloignement des étrangers en situation de séjour irrégulier ne doit pas aboutir à une identité de traitement entre les ressortissants de pays tiers et les ressortissants communautaires, dans un sens qui diminuerait les protections de ces derniers.

L'amendement n°158, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°50 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéas 22 à 32

Supprimer ces alinéas.

Mme Françoise Laborde.  - Il s'agit de supprimer l'interdiction de retour sur le territoire français, qui s'apparente à un ostracisme qui bafoue les valeurs de la République.

La directive Retour n'impose pas ces dispositions. Les alinéas ne protègent aucune catégorie d'étrangers. En outre, comment apprécier la « menace à l'ordre public » ?

La directive exclut de cette disposition les personnes ayant fait l'objet de traite des êtres humains. Il n'y en a plus trace ici.

M. le président.  - Amendement identique n°161, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Cette disposition vise à accorder à l'administration un pouvoir démesuré et très peu normé alors qu'elle instituerait un véritable bannissement des étrangers.

L'autorité préfectorale pourra assortir l'obligation de quitter le territoire (OQTF) d'une interdiction de retour avec une extension à tout le territoire Schengen. Cette disposition rend encore plus difficile, voire impossible la recherche éventuelle d'une protection ultérieure en Europe en cas de nécessité.

La durée de l'interdiction de retour varie selon que l'OQTF est assortie ou non d'un délai de départ volontaire. Il est à craindre que l'autorité administrative notifie largement aux étrangers renvoyés des obligations de quitter le territoire sans délai de départ volontaire.

Il n'est prévu aucun motif spécifiquement lié au droit d'asile afin d'obliger l'autorité administrative à ne pas prononcer une interdiction de retour ou restreindre sa durée. Si un demandeur d'asile débouté soumis à une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire français, il éprouvera les plus grandes craintes à se présenter au guichet d'asile d'une préfecture pour faire valoir son nouveau besoin de protection ou régulariser sa situation. L'interdiction de retour est exécutoire. Craignant de se rendre en préfecture, les anciens demandeurs d'asile risquent de se retrouver ainsi dans une situation de non-droit pendant plusieurs années.

Si un étranger revient avant l'expiration du délai de l'interdiction de retour, celle-ci pourra être prolongée de deux ans au maximum. S'il est placé en zone d'attente, il risque de ne pas être admis à entrer sur le territoire en raison de son interdiction de retour.

Certes, le projet de loi permet de solliciter l'abrogation de l'interdiction de retour mais à condition que l'intéressé soit hors de France, mais il sera extrêmement difficile de mener à distance une telle procédure.

En définitive, l'étranger voulant de nouveau faire examiner son besoin de protection sera contraint de recourir au juge administratif, s'il est encore dans le délai.

Cette mesure est laissée à la discrétion des préfectures et il est à craindre qu'elle ne devienne automatique. Ce texte va au-delà de la directive, comme l'a dit Mme Laborde.

M. le président.  - Amendement identique n°362, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Ces alinéas créent une mesure de bannissement, véritable épée de Damoclès menaçant tous les étrangers. Beaucoup d'entre eux seront bannis, l'IRTF relevant de la seule autorité préfectorale, ce qui est contraire à la Constitution et à l'article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Ces alinéas ne sont pas conformes à la directive Retour, dont l'article 7 limite la possibilité pour les États membres d'instaurer des départs volontaires sans délai.

Toute personne faisant l'objet d'un IRTF serait fichée, ce qui est contraire à la directive.

L'amendement n°46 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°363, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 22

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les personnes auxquelles un titre de séjour a été accordé, qui ont été victimes de la traite des êtres humains ou qui ont fait l'objet d'une aide à l'immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes, ne peuvent faire l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous poursuivons ce débat dans une atmosphère irréelle. Nul ne m'a répondu sur le bannissement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Il n'y a pas de bannissement ! Personne n'est obligé de vous répondre.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous avez le droit au silence... Mais il n'est pas interdit de fournir des arguments pour justifier une position d'une telle gravité.

J'en viens à l'amendement n°363.

La directive dispose que les victimes de la traite des êtres humains doivent être exclues d'une mesure de bannissement. Or, vous ne le précisez pas dans le texte.

M. le président.  - Amendement n°355, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 23, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Le signalement inscrit dans le système d'information Schengen est effacé dès lors que l'étranger n'est plus sous la contrainte d'une décision d'interdiction de retour.

M. Jean-Pierre Sueur.  - La disposition de l'alinéa 23 ne figure pas dans la directive Retour. Lors de l'examen en commission, notre rapporteur a renvoyé au domaine réglementaire la question que nous soulevions.

L'article 34 de la Constitution autorise le législateur à décider que le signalement européen des étrangers frappés par une interdiction de retour prenne fin dès que celle-ci est levée, que ce soit par annulation de la décision par le tribunal administratif ou par acceptation du délai de retour volontaire.

M. le président.  - Amendement n°358, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 25

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Notre rapporteur a ôté à la mesure d'expulsion son caractère automatique, ce que nous approuvons.

Mais de nombreux migrants risquent de se trouver victimes d'une mesure de bannissement. Il convient donc de supprimer la possibilité pour l'administration de prononcer une OQTF sans délai de départ volontaire.

M. le président.  - Amendement n°356, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 28

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'un étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour sur le territoire français sollicite l'admission au séjour au titre de l'asile en vue de formuler une demande d'asile, la mesure d'interdiction de retour est suspendue jusqu'à ce que la demande de l'intéressé, ainsi que le recours qu'il aura éventuellement sollicité, aient été instruits par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ou la Commission nationale du droit d'asile. »

Mme Bariza Khiari.  - Le ministre de l'intérieur a déclaré au Figaro que « notre politique d'asile ne devait pas être dévoyée ». C'est pourtant ce qui risque d'arriver avec ce projet de loi : comment voulez-vous que les étrangers en situation irrégulière se rendent en préfecture pour demander à bénéficier de leurs droits ? Cette mesure donne malheureusement raison au Haut commissaire aux réfugiés, qui s'est dit préoccupé par la politique menée dans certains États de l'Union européenne.

M. le président.  - Amendement n°389 rectifié bis, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Alinéa 29, deuxième et troisième phrases

Supprimer ces phrases.

II. - Alinéas 30 et 31

Supprimer ces alinéas.

Mme Bariza Khiari.  - Il est imposé aux personnes de remplir une condition de résidence hors du territoire français afin d'introduire une requête en relèvement contre une interdiction du territoire français ou une demande d'abrogation d'une mesure d'expulsion.

Certaines personnes sont difficilement expulsables  soit en raison de leurs fortes attaches en France ou de leur état de santé, soit parce qu'elles se trouvent dans l'impossibilité de retourner dans leur pays.

L'amendement propose de supprimer la condition de résidence hors de France pour la recevabilité d'une requête en relèvement d'une interdiction du territoire français ou une mesure d'expulsion.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La commission est défavorable aux amendements identiques n°s50 rectifié, 161 et 362 ; s'il est hors de France, l'étranger pourra demander l'abrogation de l'interdiction de retour. Le texte de la commission est bien plus protecteur que celui de l'Assemblée nationale.

Les amendements n°s363 et 355 rectifié sont satisfaits par le droit positif : retrait.

Avis défavorable à l'amendement n°358.

L'amendement n°356 ne saurait être accepté, non plus que l'amendement n°389 rectifié bis.

M. Philippe Richert, ministre.  - Même avis négatif sur les amendements identiques n°s50 rectifié, 161 et 362.

Monsieur Sueur, l'interdiction de retour n'est pas un bannissement. Le seul à utiliser ce mot, c'est vous ! Il ne figure dans aucun texte. Il s'agit simplement d'inciter l'étranger à respecter l'obligation de quitter le territoire.

L'amendement n°363 est satisfait : retrait.

L'amendement n°355 ne saurait être voté puisqu'il s'agit de dispositions réglementaires.

Avis défavorable à l'amendement n°358, pour les mêmes raisons que M. le rapporteur. L'amendement n°356 n'est pas utile : l'interdiction de retour ne saurait empêcher d'instruire une demande d'asile. Avis défavorable. Enfin, avis défavorable sur l'amendement n°389 rectifié bis : vos craintes sont infondées.

Les amendements identiques nos50 rectifié, 161 et 362 ne sont pas adoptés, non plus que les amendements nos363, 355, 358, 356 et 389 rectifié bis.

L'article 23 est adopté.