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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Organisme extraparlementaire (Candidature)

Questions orales

Gare des Arcs-Draguignan

Prolongement du RER E

Dépollution du site chimique de Ganagobie

Pomme de terre transgénique

Installations classées et traitement des déchets

Dispositif Scellier en zone C

Électricité photovoltaïque

Coffres-forts numériques

Filière aquacole

Tribunaux d'instance parisiens

Conditions de travail au TGI de Pontoise

Difficultés au Pôle emploi

Aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise

Avenir de l'usine First Aquitaine Industrie de Blanquefort

Médecins français formés à l'étranger

Déchets d'activités de soins à risques infectieux

Archivage des images médicales

Plate-forme hospitalière de Melun

Organisme extraparlementaire (Nomination)

Grand Paris

Rappel au Règlement

Discussion générale

Exception d'irrecevabilité

Question préalable

Discussion des articles

Article premier

Renvoi pour avis

Dépôt de rapport




SÉANCE

du mardi 6 avril 2010

85e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

Secrétaires : Mme Michelle Demessine, M. François Fortassin.

La séance est ouverte à 9 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Organisme extraparlementaire (Candidature)

M. le président.  - Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de l'aviation civile créé en application de l'article D. 370--4 du code de l'aviation civile. La commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Alain Chatillon pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire. Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à dix-huit questions orales.

Gare des Arcs-Draguignan

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je souhaite de nouveau attirer l'attention de M. le secrétaire d'État chargé des transports sur la desserte de la gare des Arcs-Draguignan et les manquements de la SNCF à ses obligations de service public, si tant est qu'elle en soit encore un... Cette gare dessert 52 communes varoises, dont celles de la communauté d'agglomération dracénoise et du golfe de Saint-Tropez, et le plus grand camp militaire d'Europe à Canjuers. Or la direction de la SNCF, après y avoir imposé sans concertation de nouveaux horaires qui pénalisent les actifs, vient d'y supprimer un arrêt sur la ligne TGV conduisant à Lyon et à Paris, sans plus de ménagement. En outre, alors que la communauté d'agglomération dracénoise a aménagé à grands frais les abords de la gare, la SNCF se refuse toujours à réaliser d'indispensables travaux pour améliorer l'accessibilité des personnes aux trains, si l'on excepte un équipement pour les bagages installé à la veille des élections régionales...

Les courriers des élus et de l'association des usagers sont restés sans réponse. J'ai moi-même renoncé à contacter la direction de la SNCF ou de Réseau ferré de France : il semble plus facile d'évoquer ces problèmes avec le ministre concerné !

La SNCF est-elle encore chargée d'une mission de service public ? A-t-elle des comptes à rendre aux représentants de la nation et à son Gouvernement, ou le président de la SNCF est-il empereur en son royaume ? Plus prosaïquement, comment peut-on entrer en contact avec les responsables de la SNCF ? Ces restrictions d'horaires signifient-elles que la gare des Arcs-Draguignan devra se contenter de regarder passer les TGV de la nouvelle ligne des « grandes métropoles » ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - Il n'est pas normal qu'une entreprise, qui plus est publique, ne prenne pas la peine de répondre aux courriers des élus ; je ferai part au président de la SNCF de votre mécontentement.

La SNCF est chargée de desservir le territoire, aujourd'hui dans un contexte concurrentiel. Le trafic international peut désormais être assuré par d'autres compagnies, comme c'est le cas depuis quelques années pour le fret. Vous verrez peut-être bientôt des trains italiens dans la gare des Arcs-Draguignan.

Les modifications de la desserte de la gare des Arcs-Draguignan sont destinées, selon la SNCF, à améliorer la qualité du service rendu, non pas aux usagers mais aux clients : ne confondons pas. En 2010, les offres TGV Paris-Toulon et Paris-Marseille ont été différenciées afin d'accélérer les trains desservant Hyères et Toulon. Le cadencement, voulu par la région, facilite, depuis décembre 2008, la vie des usagers grâce à des horaires faciles à mémoriser ; il a impliqué de modifier les arrêts. Sur la ligne Marseille-Nice, les TGV s'arrêtent soit à Toulon, soit aux Arcs-Draguignan. Sachez que le temps de parcours entre cette dernière gare et Paris est de 4 heures 40.

En ce qui concerne l'accessibilité aux trains, une rampe à bagage est d'ores et déjà opérationnelle. Le schéma directeur d'accessibilité approuvé par la région en février 2008 prévoit de nouveaux équipements.

Vous regrettez l'absence de communication entre l'association des usagers et la SNCF. Un comité de ligne s'est pourtant réuni normalement et la direction de la SNCF a annoncé à l'association le programme des travaux. Toutefois, si le dialogue se révèle insuffisant, je le signalerai.

Cette gare importante doit être desservie correctement et la SNCF doit répondre aux sollicitations des usagers et des élus.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je vous remercie, monsieur le ministre, de vous être déplacé ce matin. Mais vous m'avez fait une réponse très classique : à vous en croire, ce qui se passe est inévitable... (M. le ministre le conteste) Pour le reste, vous vous êtes contenté de considérations sémantiques... Vous avez évoqué le contexte concurrentiel ; mais d'après les zélotes de la concurrence, celle-ci doit améliorer le service rendu ! Plutôt que d'usagers, vous préférez parler de clients ; mais si ceux-ci sont moins bien traités que ceux-là, je n'en vois pas l'intérêt ! La gare des Arcs-Draguignan, qui dessert une zone bien plus vaste que la communauté d'agglomération dracénoise, est ravalée au rang de gare subalterne, et le sera encore davantage lorsque la ligne à grande vitesse sera en fonction. Depuis Paris, on considère sans doute que seuls des touristes et des retraités vivent dans cette région... Quid des actifs ? Vous comprendrez que je reste sur ma faim.

Prolongement du RER E

Mme Catherine Dumas.  - Le projet de prolongement du RER E à l'ouest de Paris, qui doit relier la gare d'Hausmann-Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie en passant par la Défense, est destiné à améliorer les communications entre l'est et l'ouest et à désengorger la ligne A. Il faudra, pour cela, construire de nouvelles infrastructures souterraines et des gares. Trois tracés sont à l'étude, dont deux prévoient la création d'une gare dans Paris intra muros. Compte tenu des données chiffrées présentées par le Stif, il semble que le tracé comprenant un arrêt à la Porte de Clichy ne puisse être retenu. Il ne resterait donc que deux tracés possibles, l'un qui prévoit un arrêt à la Porte Maillot, l'autre qui relie directement Saint-Lazare à la Défense.

L'attractivité économique du secteur de la Porte Maillot, où est implanté le Palais des Congrès, est telle que la ligne 1 du métro ne suffit plus à la desservir. Le prolongement de la ligne E, dont le coût est estimé entre 2,2 et 2,8 milliards d'euros, facilitera la vie quotidienne des Franciliens. La phase de consultation du public doit débuter cette année et les travaux commencer en 2013. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous m'indiquiez quand et selon quelle procédure le tracé définitif sera choisi et quelles dispositions seront prises pour améliorer la desserte de la Porte Maillot.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - Le Sénat débattra cet après-midi du Grand Paris. Le prolongement du RER E s'inscrit dans la même perspective. Pour l'heure, la ligne Éole s'arrête à la cathédrale ferroviaire de la gare Saint-Lazare.

Dans son discours du 29 avril 2009 sur le Grand Paris, le Président de la République a indiqué que l'objectif était d'achever cette ligne en 2017. Le Stif, en tant qu'autorité organisatrice des transports et RFF en tant que maître d'ouvrage, ont saisi la commission nationale du débat public (CNDP). Celle-ci a décidé qu'un débat serait animé par une commission particulière du débat public. RFF et le Stif établissent un dossier qui servira de base pour ce débat, dont je souhaite qu'il débute l'automne prochain. Il durera quatre mois. Le schéma de principe de l'opération pourrait ensuite être arrêté en 2011 et les études conduites pour un début des travaux en 2013.

Trois options de tracé de Haussmann-Saint-Lazare jusqu'à la Défense ont été retenues. L'une d'elles comprend un arrêt à la Porte Maillot avec la création d'une gare nouvelle. Cela serait très intéressant pour desservir le Palais des Congrès, les commerces et les grands hôtels. Aujourd'hui, seule fonctionne la ligne 1 mais son automatisation améliorera le confort des passagers et la régularité des trains. Je vous le confirme, le Gouvernement est très attaché au projet Éole.

Mme Catherine Dumas.  - Élue parisienne du 17e arrondissement, je suis très attentive à tous les projets qui structurent les déplacements et améliorent la desserte de Paris et de la petite ceinture, qu'ils soient ceux du Stif ou du Grand Paris.

Dépollution du site chimique de Ganagobie

M. Claude Domeizel.  - Ganagobie, dans les Alpes-de-Haute-Provence, est un haut lieu pour la prière, mais aussi pour la chimie...

M. le président.  - Le lieu est magnifique et, quand je présidais la région, nous avons consacré beaucoup d'argent à la rénovation du monastère !

M. Claude Domeizel.  - Le site industriel d'Isotopchim a été ouvert en 1986 et l'activité, le marquage des molécules au carbone 14, était soumise au régime d'autorisation des installations classées pour la protection de l'environnement. A la suite de multiples procès-verbaux pour non-respect de l'autorisation préfectorale et pour rejets radioactifs non autorisés, l'entreprise a été mise en liquidation judiciaire en septembre 2000. Ses responsables ont abandonné les lieux sans éliminer les déchets. Les locaux ont subi une première phase de dépollution, prise en charge par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs. Aujourd'hui, la deuxième phase va commencer et ce ne sera pas la dernière. Le terrain appartient à la commune et la dépollution, prise en charge par l'État, donc par le contribuable, coûtera 4 millions d'euros ! Une telle situation pourrait-elle se reproduire ? Quelles mesures sont prises lors de l'installation d'une usine de ce type ? Quels contrôles sont mis en place pour prévenir les risques mais aussi pour contraindre les instigateurs à assumer le coût de la dépollution ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - Mme Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie, m'a prié de vous apporter la réponse suivante. L'État poursuit la dépollution ; l'action engagée sur ce site est conforme à la politique suivie par le ministère du développement durable en cas de défaillance des responsables. Afin de ne pas dilapider l'argent public, l'État vérifie d'abord que ni l'exploitant ni le propriétaire du terrain ne sont solvables. La priorité reste, bien sûr, de prévenir de telles situations, en veillant à n'accorder d'autorisation qu'à des industriels capables d'assumer l'ensemble de leurs responsabilités et en contrôlant périodiquement les modes d'élimination des déchets. Les inspections par les services déconcentrés sont l'occasion de vérifier que l'exploitation se déroule dans le respect des arrêtés préfectoraux. Les dérives détectées donnent lieu à la prescription d'actions correctives par des arrêtés préfectoraux.

Le renforcement des effectifs de l'inspection des installations classées a été décidé dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Une vigilance toute particulière s'exerce lorsque les enjeux de protection de l'environnement sont lourds ou lorsqu'il existe un risque important de défaillance de l'industriel. La loi dite Grenelle II, que vous avez votée et qui sera très prochainement débattue à l'Assemblée nationale, renforce encore l'application du principe pollueur-payeur, en obligeant par exemple une société mère à assumer les conséquences de l'activité d'une filiale, même quand celle-ci disparaît.

M. Claude Domeizel.  - Comme simple contribuable, je ne comprends pas qu'on ait pu aboutir à une telle situation ! On trouve dans le bâtiment des flacons dont on ne sait ce qu'ils contiennent ! Il va falloir les analyser pour savoir comment les éliminer... La commune propriétaire va devoir détruire le bâtiment et le dépolluer. On contrôle toujours tout mais, dans ce cas, on n'a pas su éviter pareille dérive, dont le coût atteindra 4 millions d'euros.

Pomme de terre transgénique

M. Christian Demuynck.  - La Commission européenne a récemment autorisé la culture, à des fins industrielles, de la pomme de terre transgénique Amflora. Or, chez nous, les anti-OGM, lobbyistes des firmes américaines, ont une fois encore caricaturé et stigmatisé le choix de Bruxelles. C'est pourtant une équipe de scientifiques franco-belges qui est à l'origine des premiers travaux sur les plantes transgéniques !

Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, le ministre de l'écologie a lancé un programme de recherche sur les risques liés à la dispersion des OGM et les risques sanitaires. Ce programme, doté de d'un million d'euros pour 2010, vise à « soutenir la réflexion et les recherches sur les diverses dimensions liées aux OGM ». Il prétend fournir des connaissances scientifiques solides, neuves et pratiques. De nombreux travaux réalisés par la recherche publique française ou européenne existent déjà. Pourtant, le Gouvernement a cru bon de mettre en place un comité d'orientation, censé définir les thématiques prioritaires et veiller à la pertinence des recherches. Beaucoup de ses membres sont également présents dans le comité économique, éthique et social du Haut conseil des biotechnologies. Le Gouvernement a également créé un comité scientifique chargé de l'évaluation des projets de recherche. Pourquoi avoir créé ces deux structures supplémentaires pour suivre la dispersion des OGM ? On dénombre 35 000 publications sur le sujet dans les revues internationales. Et les avis des comités d'experts dans le monde entier concluent à l'absence de risque. Jamais aucune innovation n'a été autant étudiée !

Ne vaudrait-il pas mieux étudier le gain écologique de l'utilisation de variétés résistantes à des insectes par exemple ? Le Grenelle de l'environnement a conclu à la nécessité, je vous le rappelle, de réduire l'usage des pesticides.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie m'a prié de vous donner la réponse suivante. Le programme de recherche du ministère de l'écologie résulte des conclusions du Grenelle de l'environnement. Trois mesures avaient en effet été adoptées concernant les OGM : le renforcement des connaissances et de la recherche publique sur les OGM et les biotechnologies ; l'adoption d'une loi, et ce fut la loi du 25 juin 2008, relative aux organismes génétiquement modifiés et la création du Haut conseil des biotechnologies.

La première mesure visait à susciter des échanges au sein de la communauté scientifique et avec les parties prenantes. Il s'agissait aussi d'obtenir des connaissances nouvelles dans des domaines précis. Les conclusions du conseil, votées à l'unanimité des États membres en décembre 2008, ainsi que l'avis de décembre 2008 du Haut conseil sur les biotechnologies confirment l'exigence d'une recherche active sur les impacts environnementaux des OGM et leur intérêt agronomique. Le ministère de l'écologie et celui de l'agriculture ont saisi conjointement l'Inra et le CNRS pour examiner la résistance aux herbicides.

Il est important de pouvoir ainsi orienter la recherche vers les lacunes identifiées. J'ajoute que ce programme, comme tout autre, fait l'objet d'échanges entre un comité d'orientation, composé de représentants des ministères et des parties prenantes, qui exprime les besoins et contribue à la construction de la pertinence stratégique du programme, et un comité scientifique composé de chercheurs, qui veille à la pertinence et la qualité des propositions de recherche.

Ces comités font partie du dispositif habituel qui accompagne les programmes de recherche. Des questions comme celles portant sur les faibles doses ou sur l'équivalence en substance renvoient à d'autres programmes de recherche. Le Grand Emprunt devrait aussi comporter un volet biotechnologique.

M. Christian Demuynck.  - Je regrette l'absence de Mme Jouanno.

Pourquoi dépenser l'argent des contribuables à pratiquer des évaluations dont les résultats sont déjà connus du monde entier : les organismes génétiquement modifiés ne présentent aucune nocivité. Mieux aurait valu utiliser cet argent à informer nos concitoyens.

Installations classées et traitement des déchets

M. Michel Doublet.  - Ma question porte sur l'évolution de la nomenclature des installations classées et du traitement des déchets ultimes. Je prendrai pour exemple la communauté de communes Charente Arnoult Coeur de Saintonge, dont je suis vice-président. Elle couvre 15 000 hectares et 16 communes rurales et est en contrat avec la communauté de communes du Pays Santon, pour le traitement des déchets ultimes, jusqu'au terme du marché en cours, à savoir le 31 mars 2010, qui vient d'être prorogé de trois mois.

Le mode de traitement actuel ne répond pas aux nouvelles normes, si bien que la préfecture de la Charente-Maritime refuse d'accorder à la communauté de communes du Pays Santon son plan d'épandage. La prestation facturée par le Pays Santon pour le traitement des déchets ultimes est de 86 euros de la tonne. Au regard des éléments énoncés ci-dessus, les conditions du futur marché s'établiraient à 109 euros la tonne. Le syndicat intercommunautaire du Littoral nous demande un prix sensiblement identique ; le Smictom de Surgères évoque un coût de 21 euros par habitant, hors impact de la future construction. Faut-il confier le traitement de nos déchets ultimes à un prestataire privé pour un traitement par enfouissement avec valorisation ? Les coûts seraient alors situés au niveau des prix actuels mais il faudrait alors disposer d'un quai de transfert pour transvaser la collecte dans des bennes. Ce qui est actuellement rendu impossible par la rubrique 322 A de la nomenclature des installations classées, laquelle devrait être prochainement modifiée.

Il me serait donc agréable que vous puissiez me dire quand cette modification sera effective.

Les élus souhaitent poursuivre leurs efforts en matière de collecte et de valorisation des déchets mais nous sommes trop souvent confrontés à des contraintes administratives qui pèsent sur nos projets.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - Je vais répondre au président de l'association des maires de mon département au seul nom de Mme Jouanno.

Nous vivons une période charnière dans le domaine des déchets. Les tables rondes du Grenelle de l'environnement puis le vote de la loi Grenelle 1 ont fixé de nouveaux objectifs, ambitieux et réalistes : produire moins de déchets, en valoriser plus et donc en envoyer moins en incinération et centres de stockage. L'article 46 de la loi Grenelle 1 incite à une valorisation accrue de la matière organique contenue dans les déchets ménagers. Le retour au sol de cette matière devra être privilégié, en cohérence avec la hiérarchie des modes de traitements définie par la directive de novembre 2008. Cet enfouissement répond de plus à l'obligation communautaire portée dans la directive de 1999 relative aux décharges. Ces éléments doivent être intégrés aux réflexions des élus.

La réglementation sur les installations classées n'interdit en rien leur réalisation mais conditionne, dans certains cas, cette dernière à l'obtention préalable d'une autorisation préfectorale. Le retour d'expérience de l'exploitation de certaines installations et les améliorations apportées aux techniques industrielles ont conduit mes services à prévoir un classement de l'activité de transit, tri et regroupement de déchets non dangereux sous le régime administratif de la déclaration, avec contrôle périodique dès que le volume de déchets susceptibles d'être présents dans l'installation est inférieur à 1 000 m3. Le décret modificatif de la nomenclature des installations classées est à la signature de Mme Jouanno ; il prend en compte cette modification et sera publié au Journal officiel dans les prochains jours.

Les départements ont demandé à l'État des aides de financement ; les promesses seront honorées.

M. Michel Doublet.  - Je vous remercie pour ces réponses rassurantes.

Dispositif Scellier en zone C

M. Bernard Fournier.  - Je souhaite attirer votre attention sur les dispositions de l'article 83 de la loi de finances pour 2010 qui assouplit le dispositif d'aide à l'investissement locatif privé pour les communes classées en zone C. Ce dispositif était issu du rapport d'information parlementaire de juillet 2008 de MM. Scellier et Le Bouillonnec, à la suite des décisions du Conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008, lequel avait proposé de recentrer les aides fiscales à l'investissement locatif privé dans les zones où les besoins de logements sont prioritaires et le marché du logement locatif privé connaît des tensions. Il s'agissait de protéger les particuliers qui peuvent être incités à investir là où l'état du marché locatif ne leur permet pas de louer leur bien dans des conditions optimales.

Comme l'avait été le dispositif Robien, le dispositif Scellier est centré sur les zones où le marché est le plus tendu. Selon L'arrêté du 3 mai 2009, seules les zones A, B1 et B2 bénéficient d'aides à l'investissement locatif privé, ce qui exclut les communes de la zone C. Toutefois, l'article 83 de la loi de finances pour 2010 a rendu possible l'ouverture d'une procédure locale de dérogation pour les programmes ayant fait l'objet d'un agrément ad hoc par le ministre du logement, après avis du maire de la commune d'implantation ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale territorialement compétent en matière d'urbanisme. Il est donc désormais possible de proposer des opérations en Scellier dans une commune située en zone C.

Les élus comptent sur ces dispositifs pour assurer le développement urbain, économique et démographique de leurs communes. Ces dispositions devant s'appliquer à compter de l'imposition des revenus de 2010, je souhaite que vous me précisiez ce que prévoit le futur décret.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - . Je vous prie de bien vouloir excuser M. Apparu, dont je vais lire la réponse.

Le dispositif Scellier est destiné à soutenir la production de logements locatifs privés dans les zones où la demande de logements est très forte. Par l'article 83 de la loi de finances pour 2010, le législateur a donné la possibilité au ministre du logement de délivrer des agréments ponctuels à des communes. Tous les éléments du décret ne sont pas encore complètement arrêtés mais le secrétaire d'État au logement et à l'urbanisme veille personnellement à l'avancement de ce dossier.

La demande d'agrément pourra être introduite après avis du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme. L'agrément porte sur une seule commune mais on pourra faire une demande groupée pour l'ensemble des communes relevant d'un EPCI compétent en matière d'urbanisme, sans pour autant priver la décision de son caractère individuel. La commune devra disposer d'un programme local de l'habitat (PLH) ou être membre d'un établissement public de coopération intercommunale doté d'un tel programme. Ce document, qui analyse les marchés locaux du logement, attestera l'existence de tensions sur le secteur locatif. Le PLH est aussi le lieu d'expression de la stratégie des collectivités locales en matière de logement ; il montre donc la cohérence entre la demande de dérogation et la politique globale des collectivités. La demande pourra aussi contenir tout document que le pétitionnaire jugera utile. Le Comité régional de l'habitat donnera un avis. La demande sera instruite par le ministère du logement et comprendra l'analyse d'indicateurs statistiques de tension du marché immobilier sur la commune, l'analyse de l'offre et des besoins en logements et, le cas échéant, des éléments d'expertise sur la situation du marché immobilier local. Enfin, il sera fait publicité de l'agrément dans la presse locale.

Il reste à régler quelques arbitrages entre M. Apparu et Mme Jouanno.

M. Bernard Fournier.  - C'est avec beaucoup d'impatience que les communes attendent ce décret.

Électricité photovoltaïque

M. Michel Boutant.  - Quand la défense de l'environnement est chaque jour davantage prise en considération dans les politiques publiques, est-il logique d'avoir réduit le prix d'achat de l'électricité photovoltaïque, cette énergie propre et renouvelable par excellence, dans l'arrêté du 12 janvier 2010 ? De même, pourquoi avoir établi une différence de traitement entre les particuliers et les services d'enseignement et de santé qui bénéficient d'un tarif de 0,58 euro par kWh, contre 0,42 euro pour les bâtiments agricoles ? Il est également dommageable que l'on applique le nouveau tarif aux projets déposés après le 1er novembre 2009. C'est sanctionner les agriculteurs qui ont consenti de lourds investissements dans des panneaux photovoltaïques quand la vente d'énergie propre peut compenser partiellement la baisse considérable des revenus agricoles. Dans ces conditions, ne pourrait--on pas aménager l'arrêté du 12 janvier ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - Monsieur le sénateur, vous avez raison de soulever cette question à laquelle il nous faut souvent répondre sur le terrain. Pour atteindre l'objectif du Grenelle de l'environnement en matière d'énergie renouvelable, nous avons mis les moyens nécessaires : des crédits d'impôt, des exonérations fiscales, des appels d'offres sur le solaire et la biomasse et des tarifs préférentiels d'achat de l'électricité. Cette politique porte ses fruits : deuxième producteur européen d'énergies renouvelables, la France installe 1 000 MW d'éolien par an et nous avons près de 45 000 installations solaires raccordées au réseau. Résultat, les grandes entreprises internationales du secteur veulent désormais s'installer en France !

Pour autant, le photovoltaïque a fait l'objet d'une bulle spéculative : EDF enregistrait chaque mois environ 5 000 demandes de contrat d'achat mi-2009, 3 000 par jour début janvier. Ces demandes, pour nombre d'entre elles, concernent des bâtiments neufs, dont l'utilité est souvent sujette à caution. Par exemple, des étables qui n'abritent pas d'animaux, dont la construction a été parfois conseillée par d'étranges personnages dont l'honnêteté n'est pas la qualité première... D'où le nouvel arrêté tarifaire de janvier destiné à lutter contre cette spéculation à l'état pur. Si celui-ci tient compte de la très forte baisse du prix des panneaux photovoltaïques ces derniers mois, il reste, observe Mme Jouanno qui m'a chargée de vous donner cette réponse, le dispositif le plus incitatif au monde avec un tarif inchangé de 0,58 euro kWh pour les particuliers et, quel que soit le bâtiment concerné, un tarif de 0,50 euro pour les bâtiments existants et de 0,42 euro pour les nouvelles constructions. Ce dernier tarif, qui ménage un taux de rentabilité de plus de 10 % d'après les calculs de la commission de régulation de l'énergie, est plus élevé qu'en Allemagne où -ce n'est pas faire injure à nos voisins que de le dire- l'ensoleillement est pourtant moindre.

Tous les contrats signés seront honorés, aucune rétroactivité ne sera appliquée. Grâce à l'arrêté du 23 mars dernier pris en étroite concertation avec le Parlement, les projets qui étaient avancés bénéficieront de l'ancien dispositif. Pour conclure, je regrette vivement que des aigrefins spéculent sur le dos d'agriculteurs dont nous connaissons tous la très grande misère. De tels comportements sont moralement condamnables. Développons une vraie filière des énergies renouvelables en la protégeant de la spéculation !

M. Michel Boutant.  - Soit. Mais, pour éviter que les agriculteurs ne soient piégés encore une fois par des spéculateurs, mieux vaudrait organiser, via les directions départementales des territoires plutôt que les directions départementales de l'agriculture et de la forêt, une campagne d'information.

M. le président.  - Que ces réponses ministérielles sont technocratiques ! (Marques d'approbation et sourires sur tous les bancs)

Coffres-forts numériques

Mme Catherine Morin-Desailly.  - La dématérialisation croissante des documents administratifs, tels les bulletins de paie, présente de nombreux avantages en termes de rapidité, de réduction des coûts de traitement et d'envoi et de diminution de la surface de stockage. Néanmoins, elle constitue un défi pour l'État qui doit garantir la confidentialité et la pérennité des informations transmises. Le principe de l'indépendance entre le document écrit et son support technique, posé dans la loi du 13 mars 2000, est peu applicable. Comment le Gouvernement compte-t-il remédier à cette situation ? Ensuite, pour résoudre le problème du nécessaire stockage à long terme de ces documents, ne faudrait-il pas promouvoir les coffres-forts électroniques, ces services en ligne hautement sécurisés permettant d'archiver, d'indexer et de retrouver facilement l'ensemble des fichiers numériques sensibles ? Le cadre juridique actuel est insuffisant -je pense à l'ordonnance du 8 décembre 2005 qui a jeté les bases d'un espace de stockage en ligne exploité sous la responsabilité de l'État et à la loi de simplification et de clarification du droit qui a autorisé la dématérialisation du bulletin de paie des salariés. Madame la ministre, comment comptez-vous encourager le développement de ces nouveaux usages ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique.  - Pour profiter pleinement de la dématérialisation de certains documents, il faut, madame la sénatrice, poser un ensemble cohérent de briques de confiance. L'impression papier des bulletins de salaire, mais également des factures d'énergie ou de téléphone utilisées comme preuves de domicile ou des relevés d'identité bancaires, sont juridiquement valables pour constituer un dossier administratif. Néanmoins, pour garantir que l'impression papier n'a pas fait l'objet d'une altération frauduleuse, je travaille avec l'Intérieur et le ministère chargé de la réforme de l'État, ainsi qu'avec les acteurs concernés, à la mise au point d'un code-barres infalsifiable, garant de l'authenticité de ces justificatifs.

Il sera ainsi possible de vérifier qu'un document papier, qu'il s'agisse d'un original ou d'une impression réalisée par l'usager, contient bien des données authentiques.

Sur le second point, l'administration propose déjà à l'usager, avec le portail mon.service-public.fr, un compte personnalisé. Sur ce compte en ligne, l'usager peut effectuer des démarches dématérialisées avec différents services : les caisses de retraite, les Urssaf, les allocations familiales, la sécurité sociale... Il peut déjà joindre en justificatif les différents documents demandés sous forme dématérialisée, qu'il les ait reçus ainsi ou qu'il les ait scannés. La liste des administrations accessibles par ce portail a vocation à s'allonger.

Plus généralement, dans un rapport remis en février à Éric Woerth et à moi-même, le groupe d'experts du numérique présidé par Franck Riester a recommandé, pour améliorer les relations numériques entre l'administration et les usagers, de faciliter le recours aux documents dématérialisés pour toutes les télé-procédures. Mon.service-public.fr constitue un exemple de coffre-fort électronique gratuit dédié aux échanges avec l'administration.

D'autres offres commerciales de coffre-fort électronique apparaissent également, gratuites ou payantes, pour stocker les documents dématérialisés des internautes et permettre des échanges avec différents partenaires publics ou privés. Les garanties offertes par ces offres commerciales sont d'ordre contractuel. Il est donc important que les utilisateurs choisissent des sociétés de confiance, capables de garantir la sécurité de leurs documents ainsi que leur archivage sur le long terme, plusieurs décennies s'il s'agit de bulletins de salaire. La Fédération nationale des tiers de confiance, qui regroupe les professions des experts-comptables, des greffiers de tribunaux de commerce et des huissiers de justice ainsi que les principales sociétés offrant des prestations de dématérialisation et de sécurité électronique, propose un label applicable aux coffres-forts électroniques et qui distingue les prestataires de confiance. Il faudra lui faire une plus grande publicité.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Je vous remercie de cette réponse aux questions que se posent beaucoup d'administrations et d'entreprises au sujet d'une dématérialisation très souhaitable dans l'optique d'un développement durable mais sur laquelle elles demandent de légitimes garanties.

Filière aquacole

M. Yannick Botrel.  - Ma question s'adresse au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

L'évolution de la filière aquacole, inquiétante, peut faire disparaître de nombreux pisciculteurs. La consommation de poissons en France a nettement progressé au cours des vingt dernières années, passant de 17,5 kg par an et par habitant à 24 kg. Or, pour ce qui est de l'élevage de poissons d'eau douce, en dix ans, la salmoniculture française a perdu 20 % de sa production, 27 % de ses sites et 35 % de ses emplois car elle est directement victime des distorsions de concurrence de pays situés hors de l'Union européenne, en particulier.

Pour le poisson, notre balance commerciale est déficitaire de 1,6 milliard par an et ce déficit ne cesse de se creuser. Les produits d'importation envahissent les étals alors que, souvent, ils ne respectent pas les critères de qualité sanitaire des produits français. Vendus décongelés, ils arrivent à profusion en Europe, tels le panga ou le tilapia, provenant généralement d'Asie ou d'Afrique. Vendus peu cher, ils déstabilisent le marché et les deux grandes régions de production de salmonidés que sont la Bretagne et l'Aquitaine subissent fortement cette pression.

L'une des sources de distorsion vient de l'absence de différenciation, à l'étal, entre produits frais et produits décongelés. Pourtant, les consommateurs ont le droit d'être informés. En plus d'être étiquetés, les produits frais et les produits décongelés devraient être placés séparément sur les étalages.

Avec 140 000 tonnes de poissons frais vendus en 2009, les éleveurs français devraient constituer un secteur économique fiable. La filière a su respecter des critères de durabilité et les écoles d'agriculture forment les producteurs de demain. Mais l'aquaculture d'eau douce est en déclin. Quelle mesure volontariste M. Le Maire compte-t-il proposer à l'échelle européenne pour que les pisciculteurs français et ceux des États membres retrouvent des perspectives d'avenir pour leur production ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique.  - Avant toute chose, je tiens à excuser Bruno Le Maire qui est aujourd'hui en déplacement dans l'Essonne avec le Président de la République.

Alors que la France dispose, avec ses 5 500 kilomètres de côtes et ses collectivités d'outre-mer, d'un potentiel exceptionnel et que la demande des consommateurs est en constante augmentation, son secteur aquacole peine à se développer, si bien que notre balance commerciale en produits de la pêche et de l'aquaculture est déficitaire.

Pour remédier à cette situation, le Gouvernement a pris plusieurs initiatives.

Dès juin 2008, la France a soumis à ses partenaires européens un mémorandum pour le développement de l'aquaculture européenne que dix-sept d'entre eux ont signé. Depuis lors, la Commission européenne a présenté, en avril 2009, une nouvelle stratégie pour le développement de l'aquaculture durable en Europe, suivie, en juin 2009, de l'adoption à l'unanimité par le Conseil de conclusions en faveur du développement d'une aquaculture durable. C'est avec ce même objectif que le ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche défendra, dans le cadre du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, la création de schémas régionaux de l'aquaculture marine. Ils auront notamment pour objet d'identifier les sites existants propices au développement de cette activité et de le faciliter.

La vente des produits d'importation décongelés au rayon frais entraîne de réelles distorsions de concurrence et c'est pourquoi consigne a été donnée aux agents de contrôle d'accorder une attention particulière au respect de l'étiquetage et de la mention de l'origine des produits décongelés. Je transmettrai au ministre votre demande d'une présentation séparée des produits frais et des produits décongelés.

Enfin, pour favoriser la consommation de produits frais et originaires de nos régions, le Comité interprofessionnel pour la promotion des produits d'aquaculture, lancera prochainement, avec l'aide de FranceAgrimer, une campagne nationale de promotion.

M. Yannick Botrel.  - Je vous remercie de cette réponse qui apporte des éléments intéressants. Mais j'avais surtout insisté sur l'aquaculture d'eau douce : il ne faudrait pas l'oublier dans la réflexion globale.

Tribunaux d'instance parisiens

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'éventuel regroupement des tribunaux d'instance parisiens dans la future cité judiciaire des Batignolles à l'horizon 2015 a été annoncé mi-janvier par le Premier président de la cour d'appel. Il n'a pourtant été à aucun moment évoqué lors de l'établissement de la nouvelle carte judiciaire et il n'a jamais été question, dans les déclarations de la ministre de la justice de l'époque, d'une suppression des tribunaux d'instance parisiens. A aucun moment non plus le Gouvernement actuel, interpellé à ce sujet à plusieurs reprises, y compris par moi-même, notamment lors de la discussion du budget, n'a apporté de réponses claires. La majorité du Conseil de Paris s'est prononcée en faveur du maintien des tribunaux d'instance parisiens, structures de proximité si utiles. Beaucoup craignent que ce regroupement soit synonyme de diminution des moyens et de déshumanisation des procédures et qu'il porte un coup fatal à la justice de proximité déjà bien mal en point.

On peut aussi légitimement s'interroger sur les aménagements des transports publics prévus car la ligne 13, qui dessert ce quartier déjà plus que surchargée, sera forcément empruntée par une partie des 10 000 personnes qui travailleront à la cité judiciaire, sans parler des justiciables qui s'y rendraient. Pouvez-vous m'apporter des réponses claires quant aux intentions de l'État en la matière et nous rassurer sur l'indispensable concertation qui devra être engagée avant toute décision ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.  - Votre question me permet de confirmer ce que j'ai déjà indiqué à plusieurs reprises, notamment devant les parlementaires, lors de mes auditions à l'occasion du projet de loi de finances pour 2010. Dans le cadre du transfert du tribunal de grande instance à Batignolles, une réflexion est effectivement engagée sur le sort des tribunaux d'instance. Je n'ai pris à ce jour aucune décision définitive. La réflexion doit tenir compte de l'intérêt des justiciables, des transports ou des capacités de mutualisation.

Il y a trois solutions : le maintien de la situation actuelle -qui n'est pas forcément la meilleure option-, le regroupement des tribunaux d'instance autour de quatre pôles ou la constitution d'une entité unique aux Batignolles, au sein d'une grande cité judiciaire où même les avocats envisagent de s'installer. La décision sera prise après concertation étroite avec les élus concernés.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je vous remercie de confirmer que la décision n'est pas encore prise. Je ne suis pas systématiquement pour le maintien des situations actuelles.

Je reconnais que Paris n'est pas un département facile. Le nombre d'affaires à gérer est énorme. Regrouper tout cela dans une cité judiciaire unique n'est pas le choix que je ferais. Il faudra réfléchir aux questions de proximité, de commodité de déplacement et veiller au maintien des moyens car on sait ce qu'il en est, à cet égard, des rapprochements de structures... Tout cela mérite réflexion.

Conditions de travail au TGI de Pontoise

Mme Raymonde Le Texier.  - La situation de la justice dans le Val-d'Oise est critique. Au tribunal de grande instance de Pontoise, sur un effectif total de 65 magistrats, 11 postes sont vacants et 40 postes de fonctionnaires sur 167 ne sont pas pourvus ; un quart des effectifs manque au tribunal pour enfants. Situation révélatrice de la manière dont est aujourd'hui rendue la justice en France.

Les magistrats dénoncent non seulement les atteintes sans précédent portées à l'indépendance de la magistrature mais aussi la misère d'un service public qui n'est plus en mesure de traiter dans des conditions normales les attentes des justiciables : allongement des délais, audiences surchargées, temps consacré à chaque affaire abrégé... Le manque d'effectif retarde la prise en charge et augmente la durée de traitement de situations humaines douloureuses. Les magistrats, sur lesquels pèsent de lourdes responsabilités pour un salaire loin de faire rêver, s'inquiètent de ne pouvoir remplir correctement leur mission de service public. Il est vrai que cette situation ne date pas d'hier mais elle atteint aujourd'hui un seuil dangereux.

La fronde qui a eu lieu lors de la rentrée solennelle du TGI de Pontoise en est la preuve. Les magistrats ont voulu alerter les représentants du peuple que nous sommes sur la gravité de la situation. Que l'État ne soit plus en mesure d'exercer dans des conditions acceptables une de ses fonctions régaliennes essentielles est déjà grave, qu'il ait été alerté et n'agisse pas pour remédier à la situation est dramatique.

D'autant que l'ouverture du procès Concorde va mobiliser un nombre important de personnels, qui feront cruellement défaut dans les services où ils sont normalement affectés. Les limites de l'acceptable sont aujourd'hui dépassées. La qualité de notre justice est en jeu. De cela, le ministère est comptable.

Quels engagements êtes-vous prête à prendre, madame la ministre, pour que le tribunal de Pontoise puisse travailler dans de bonnes conditions ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.  - Je suis plus que quiconque attachée au bon fonctionnement de la justice, qui souffre d'avoir trop longtemps manqué de moyens. Mais depuis quelques années, le mouvement s'est inversé. Ainsi, les effectifs localisés au TGI de Pontoise sont-ils passés de 57 en 2002 à 65 en février 2009 : huit postes de magistrats ont été créés en sept ans.

Aujourd'hui, seuls deux postes restent non pourvus, et non pas onze comme on l'a entendu dire : un poste de juge d'instruction et un poste de juge chargé de service au tribunal d'instance de Gonesse, qui, pour remédier aux difficultés récurrentes que nous avons à le pourvoir, sera inscrit sur la liste des postes offerts aux auditeurs sortant de l'ENM.

Il est certes d'autres absences, pour congé maladie ou maternité, comme dans tous les services de l'État, mais qui ne sauraient être qualifiées de vacances. Il existe des mécanismes pour y pallier : treize magistrats placés près la cour d'appel de Versailles y ont vocation, dont une partie sont affectés au tribunal de Pontoise.

En ce qui concerne le tribunal pour enfants, l'effectif localisé de sept magistrats sera porté à huit pour 2010. Mes services étudient en outre attentivement la demande d'affectation supplémentaire de deux des magistrats placés près la cour d'appel de Versailles.

Pour parer aux besoins liés à l'ouverture du procès Concorde, l'effectif des juges non spécialisés a été augmenté de deux magistrats et sera à nouveau renforcé au deuxième trimestre par la nomination d'un troisième juge.

Le TGI de Pontoise compte donc 165 agents, 8 greffiers-chefs, 74 greffiers, 5 secrétaires administratifs, 71 adjoints administratifs et 7 agents techniques. A la suite de la commission administrative paritaire de mars et de l'affectation de nouveaux sortants de l'école des greffes, l'effectif sera porté à 174 personnes. J'ajoute que 6 postes supplémentaires de greffiers étaient inscrits à la CAP des 30 mars et 2 avril dernier, et que pour 2010, le TGI bénéficiera de crédits vacataires délégués.

Vous voyez donc que des efforts ont été déployés depuis plusieurs années, qui ont encore été renforcés par les dernières CAP.

Mme Raymonde Le Texier.  - Je vous remercie de ces précisions. Reste que l'augmentation des effectifs entre 2002 et 2009 se justifie largement par la croissance démographique d'un département qui, étant le plus jeune de France, compte par conséquent le plus grand nombre de jeunes prévenus. Le délai de leur prise en charge revêt, vous le savez, une importance toute particulière.

Quant aux congés de maternité que vous évoquez, on peut se demander si leur augmentation n'est pas liée à la féminisation de la profession, peut-être liée elle-même aux conditions de rémunération... Il faut savoir que certains magistrats travaillent plus de 70 heures par semaine pour un salaire de 3 000 euros par mois.

M. le président.  - Permettez-moi de saluer la présence dans nos tribunes d'une classe de lycée venant de Marseille.

Difficultés au Pôle emploi

Mme Françoise Cartron.  - Les graves difficultés de fonctionnement rencontrées par Pôle emploi ont des conséquences néfastes pour les demandeurs d'emploi. Issu de la fusion entre l'ANPE et les Assedic, Pôle emploi devait être plus efficace, plus réactif mais ce n'est toujours pas le cas deux ans après et les collectivités locales et les demandeurs d'emploi n'ont pu obtenir de réponses claires et juridiquement assurées à l'occasion du recrutement d'agents recenseurs. En Gironde, les demandeurs d'emploi recrutés par les mairies n'ont pu obtenir communication du seuil horaire de travail autorisé par l'administration sans perdre le bénéfice de l'allocation chômage. Le plus souvent, les demandeurs d'emploi ne parviennent pas à joindre Pôle emploi : les standards téléphoniques sont saturés et il n'y a pas assez de personnel. Les collectivités territoriales comme le centre de gestion de la fonction publique territoriale ont attendu plusieurs semaines des renseignements précis et aucun référent direct n'a été nommé. Cette confusion dans l'organisation provoque une insécurité juridique inacceptable pour les demandeurs d'emploi : comment connaître les conséquences financières exactes d'une reprise d'emploi ponctuelle quand les règles de calcul varient d'un département à l'autre, voire selon les interlocuteurs ? C'est pourtant le cas pour la compensation versée aux agents recenseurs. Alors que le chômage connaît une forte progression, décourager ainsi les demandeurs d'emploi à reprendre une activité, fût-elle ponctuelle, est inadmissible. Comment allez-vous remédier à ces difficultés de fonctionnement et faciliter les démarches des demandeurs d'emploi et des collectivités ou entreprises désirant embaucher ?

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.  - Soyons francs, la distinction entre les volets indemnisation et accompagnement, qui prévalait avant la fusion entre l'ANPE et les Assedic, était préjudiciable aux demandeurs d'emploi. C'est vrai, la fusion n'a pas tout réglé en un seul jour mais elle a permis une réelle progression du service rendu. Les objectifs de réduction des délais d'inscription et d'indemnisation ont été atteints en 2009. Pôle emploi développera et approfondira son offre en 2010, en développant sa capacité d'analyse sectorielle, par la mise en place du 39.95 ainsi que grâce au recrutement par simulation pour les métiers en tension. Les dysfonctionnements que vous avez évoqués démontrent la nécessité d'améliorer le service rendu. Quant au cumul entre activité et indemnité, il est possible sous la triple condition que l'activité ne soit pas auprès du précédent employeur, qu'elle reste inférieure à 110 heures et que le salaire brut ne dépasse pas 70 % du salaire de référence. Si l'un de ces deux seuils est dépassé, l'allocation ne peut plus être versée. Le cumul peut se prolonger durant quinze mois, voire au-delà mais sur la base d'un nouveau calcul des droits de l'intéressé.

Le Gouvernement entend tout mettre en oeuvre pour que le Pôle emploi soit encore plus efficace, dans l'intérêt des demandeurs d'emploi comme des entreprises.

Mme Françoise Cartron.  - Je vous remercie de cette réponse et prends acte de la volonté du Gouvernement d'un meilleur service aux demandeurs d'emploi. Cependant, l'actualité en Gironde, c'est qu'en mars, à la suite d'un bug informatique, Pôle emploi n'a pas pu servir d'indemnités aux demandeurs d'emploi dont certains se retrouvent dans des situations financières extrêmement difficiles.

Aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Dans un contexte bouleversé par la crise, l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise devrait être le moteur ou le vecteur de l'économie de marché et du développement d'entreprises nouvelles, au même titre que le statut d'auto-entrepreneur. Ce système est pourtant confronté à une série de questions. La circulaire du 30 novembre 2007 n'exige pas une activité effective, mais elle fixe un délai de 45 jours pour la transmission des dossiers et seule l'Urssaf est compétente pour examiner les dossiers qui lui sont transmis par le centre de formalités des entreprises. Or il arrive qu'un repreneur ne puisse, pour des raisons qui lui sont extérieures, déposer le dossier demandé dans les 45 jours et que le centre de formalités des entreprises ne le transmette pas à l'Urssaf, dont les décisions ne peuvent d'ailleurs être contestées. Comment expliquer que ce délai soit systématiquement opposé aux bénéficiaires de bonne foi, comment se fait-il que la transmission n'appartienne qu'au centre de formalité des entreprises et comment se pourvoir contre la décision de l'Urssaf ?

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.  - L'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise, gérée par le ministère de l'emploi, consiste en une exonération de cotisations sociales ; 137 000 chômeurs en ont bénéficié l'an passé. Depuis le 1er décembre 2007, les CFE peuvent recevoir les demandes d'exonération de cotisation, qui doivent leur être adressées dans un délai de 45 jours maximum après le dépôt de l'aide elle-même, ce qu'ils sont libres de vérifier en exigeant un récépissé du dépôt de la demande. Après s'être assuré que le dossier est complet, le CFE doit le transmettre à l'Urssaf dans un délai de 24 heures et l'Urssaf statue alors dans un délai d'un mois, conformément au code du travail. Le CFE doit s'assurer que le dossier est complet, qu'il comporte en particulier l'attestation de l'Urssaf ; la procédure est strictement encadrée pour assurer que le demandeur satisfait bien aux conditions d'octroi de l'exonération de charges sociales. Les CFE ne font qu'appliquer les règles, sans ajouter de conditions : tous les dossiers complets sont transmis aux Urssaf.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Vous rappelez les règles générales alors que je vous interrogeais sur le cas de chômeurs qui n'ont pu obtenir à temps certains documents et qui ne peuvent communiquer dans les délais leur dossier complet au CFE. Je vous réinterrogerai par écrit.

Avenir de l'usine First Aquitaine Industrie de Blanquefort

M. Alain Anziani.  - En reprenant l'an passé le site de l'usine Ford de Blanquefort, spécialisée dans la fabrication de boîtes de vitesses automatiques, la société allemande HZ Holding annonçait son intention d'y maintenir la plupart des 1 600 emplois. Depuis, la seule certitude est que Ford va y cesser son activité l'an prochain : les salariés, les sous-traitants et les élus s'inquiètent ! Le repreneur projette d'y produire des pièces d'éoliennes mais il lui faut trouver 50 millions, que les banques rechignent à lui prêter malgré l'intervention répétée de Mme Lagarde et des collectivités locales.

Monsieur le ministre de l'industrie, l'État a déjà fait un effort avec une prime d'un million, ce n'est pas suffisant pour un projet aussi important et qui relève bien de la politique industrielle de notre pays, tout comme du développement durable. Que comptez-vous faire pour inciter les banques à plus d'audace ? Quelles autres pistes pour diversifier la production ?

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.  - Le Gouvernement est très attaché à l'avenir du site de Blanquefort et à ses 1 600 salariés, nous ferons tout notre possible pour le maintien de l'activité industrielle. Le 11 février, Mme Lagarde a réuni un comité de suivi où le repreneur a présenté son plan, validé par un cabinet d'audit de renom et qui prévoit l'implantation d'une activité de transmission et de pièces d'éoliennes.

L'État est vent debout, vous rappelez sa participation à l'investissement immobilier et je vous annonce que sa part dans le projet pourra aller jusqu'à 12 millions, aux côtés des collectivités locales. Nous pourrons également mobiliser le Feder, pour 6 millions. Un financement bancaire est nécessaire, des négociations sont engagées avec le soutien du médiateur du crédit ; le projet pourra encore compter sur Oseo.

Je demanderai au préfet de région d'installer un comité de suivi local qui associera toutes les parties prenantes, en particulier les salariés, via le comité d'entreprise.

Je reste à votre disposition pour organiser une nouvelle réunion sur le plan national. Le Gouvernement, soyez-en certain, mobilisera toutes ses forces aux côtés des élus pour maintenir l'activité industrielle du site de Blanquefort, et l'emploi des 1 600 salariés !

M. Alain Anziani.  - Je vous remercie pour votre implication. Je n'en suis pas à ma première question sur ce sujet, chaque fois la réponse fait preuve d'un certain optimisme : j'espère que les actes suivront !

Médecins français formés à l'étranger

Mme Claudine Lepage.  - Les médecins de nationalité française titulaires d'un diplôme de médecine extracommunautaire ne peuvent occuper un poste de faisant fonction d'interne en France, au motif qu'ils possèdent la nationalité française, alors que cette possibilité est reconnue aux médecins étrangers.

Si l'on peut comprendre que des diplômés étrangers n'aient pas le droit d'exercice en France, faute d'avoir été sélectionnés au numerus clausus, il n'est pas normal d'interdire à des Français titulaires d'un diplôme étranger de présenter leur candidature à des postes de faisant fonction d'interne. Cette inégalité de traitement relève de la Halde !

Madame la ministre, comptez-vous autoriser ces médecins français, à exercer, comme leurs collègues étrangers, en qualité de faisant fonction d'interne ?

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports.  - Les médecins français titulaires d'un diplôme extracommunautaire n'ont pas accès à l'attestation de formation spécialisée ni à l'attestation de formation approfondie spécialisée, qui seront bientôt remplacées par les diplômes de formation médicale spécialisée (DFMS) et de formation médicale spécialisée approfondie (DFMSA). Ces formations ont été conçues pour permettre aux médecins de nationalité extracommunautaire de compléter leur formation avant de retourner exercer la médecine dans leur pays d'origine. C'est dans le cadre de ces formations que les praticiens peuvent être recrutés en qualité de faisant fonction d'internes (FFI) et bénéficier ainsi d'une formation pratique complémentaire.

Soulignons que les titulaires de diplômes non européens ne sont pas tous soumis au même régime pour l'inscription en DFMS et DFMSA : seuls peuvent s'inscrire les médecins ayant obtenu leur diplôme dans un pays qui reconnaît le DFMS ou le DFMSA pour l'exercice de la spécialité. Ces diplômes ne sont pas qualifiants et ne donnent pas le droit d'exercer comme spécialiste dans l'Union européenne.

Toutefois, les ressortissants français titulaires d'un diplôme extracommunautaire ne sont pas privés de toute ressource. Grâce à la procédure d'autorisation d'exercice (PAE), s'ils ont satisfait à des épreuves de vérification des connaissances, ils peuvent être recrutés par un établissement public de santé en qualité de praticien assistant associé ou de praticien attaché associé, avant d'être autorisés à exercer la médecine en France.

Il n'y a donc pas de rupture d'égalité mais des dispositifs différents répondant à des objectifs et des besoins distincts.

Mme Claudine Lepage.  - Avouez que la situation est ubuesque. Cette inégalité de traitement pourrait valoir à la France d'être condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme. Alors que nous souffrons d'un manque de médecins, les jeunes praticiens français détenteurs de diplômes étrangers se voient tout juste offrir des postes d'aides-soignants. Je vous remercie cependant de m'avoir indiqué les différentes procédures.

Déchets d'activités de soins à risques infectieux

M. Jean-Claude Frécon.  - Je souhaite alerter Mme la ministre de la santé sur le traitement des déchets d'activités de soins à risques infectieux, nommés Dasri dans le jargon administratif et médical. Lorsque ces déchets sont produits dans un établissement médical, celui-ci doit en assurer le traitement. Mais lorsqu'ils sont le fait de patients en auto-traitement, il en va différemment : la loi de finances pour 2009 prévoyait qu'à compter du 1er janvier 2010, le principe de responsabilité élargie des producteurs s'appliquerait ; faute de collecte locale, le retour des Dasri dans les officines de pharmacie, les pharmacies à usage intérieur et les laboratoires de biologie médicale serait privilégié. Un décret en conseil d'État devait déterminer les conditions techniques et financières de la collecte et du traitement des déchets.

Or ce décret n'a toujours pas été publié. Pourquoi ? Il est urgent d'assurer la collecte des Dasri des patients en auto-traitement : dans mon département comme sans doute ailleurs, on en a retrouvé dans les ordures ménagères... L'insécurité est triple : administrative, car la responsabilité des personnes en charge du traitement des ordures ménagères -et notamment des élus locaux- est engagée, juridique, mais aussi sanitaire : si quelqu'un est contaminé, l'État en sera responsable.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports.  - La ministre de la santé et des sports tient beaucoup à ce que soit mise en place rapidement une filière sécurisée pour l'élimination des déchets d'activités de soins à risques infectieux des patients en auto-traitement. Il faut éviter qu'ils ne soient déposés avec les ordures ménagères car ils risquent alors de contaminer le personnel en charge de la collecte et du traitement, ainsi que l'entourage du patient. Ce problème concerne près de deux millions de patients, notamment les diabétiques.

L'article 30 de la loi de finances pour 2009 prévoit que l'obligation de collecte s'exerce dans le cadre de la responsabilité élargie des producteurs. Il a fallu s'interroger sur le champ des déchets concernés et celui des contributeurs financiers. Le projet de loi Grenelle II prévoit de modifier cet article pour ne viser que les déchets perforants, tels que les aiguilles.

Le décret d'application est d'ores et déjà en cours de préparation, sous la houlette du ministère chargé de l'écologie ; la ministre de la santé et des sports en sera cosignataire. Il sera soumis à la Commission consultative d'évaluation des normes et à l'Autorité de la concurrence, notifié à la Commission européenne, puis examiné par le Conseil d'État.

Il est indispensable que ces déchets soient déposés dans des emballages adaptés afin d'éviter les risques infectieux et les blessures. Ces emballages doivent être mis à disposition des patients lors de la délivrance de médicaments injectables ou de dispositifs médicaux perforants. Le décret qui impose aux personnes responsables de la mise sur le marché de tels produits de fournir ces emballages aux patients est prêt. Il sera signé en même temps que l'autre.

M. Jean-Claude Frécon.  - Merci de ces précisions sur le contenu des décrets. Mais pourquoi les services du Gouvernement ont-ils attendu si longtemps avant d'y travailler ? Le délai est expiré depuis trois mois ! S'il faut consulter la Commission européenne, cela prendra du temps. En cas de problème sanitaire, qui pourrait être tenu pour responsable sinon l'État, c'est-à-dire nous tous ?

Archivage des images médicales

M. Alain Houpert.  - Par une décision du 21 juillet 2009, le Conseil d'État a annulé l'arrêté du 10 septembre 2007, pour autant qu'il approuvait les stipulations de l'avenant n°24 de la Convention nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes créant une option conventionnelle d'archivage des images médicales numériques, au motif que dans le cas où elle introduit des réserves de facturation, l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ne peut laisser aux partenaires conventionnels le soin d'en définir les conditions. L'Uncam a demandé aux médecins qui avaient adhéré à cette option de rembourser les suppléments versés postérieurement à cette décision, ce qui pénalise les patients et les médecins. Ces derniers ont pourtant respecté le cahier des charges et investi dans des systèmes d'archivage coûteux.

L'archivage, en rendant possible la reproduction et la comparaison des documents conservés, améliore la qualité des examens radiologiques. Il est indispensable à la mise en place du dossier médical personnel, de la télé-imagerie ou de la télé-expertise. Il permet d'améliorer considérablement l'organisation et l'efficacité du dépistage du cancer du sein, entre autres.

Il appartient à la Caisse nationale d'assurance maladie de faire aboutir un nouvel accord sur l'archivage, qui tienne compte de la décision du Conseil d'État. Elle s'y refuse, alors qu'un protocole d'accord a été rédigé dès le début du mois de décembre. Mme la ministre de la santé compte-t-elle donner les instructions nécessaires afin de remédier au plus vite à cette situation ?

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports.  - L'Uncam a créé, le 23 août 2007, une cotation spécifique pour financer l'archivage numérique des actes de radiologie, dont la facturation était réservée aux médecins ayant adhéré à l'option conventionnelle créée par l'avenant 24 de la convention médicale. Le Conseil d'État, dans son arrêté du 21 juillet 2009, a annulé cette cotation spécifique au motif que la création d'une telle option relevait de la compétence de l'Uncam et non des partenaires conventionnels. L'Uncam aurait dû récupérer les versements faits à ce titre mais Mme Bachelot-Narquin lui a demandé d'y renoncer.

Ni le développement de la radiologie ni la qualité des soins ne sont cependant menacés. En effet, la Cnamts a souligné, dans un rapport de juillet 2008, que les actes de radiologie bénéficient de marges nettes élevées, du fait d'importants gains de productivité et d'une croissance très rapide en volume.

Depuis 1991, le supplément pour la numérisation des images radiologiques aura coûté à l'assurance maladie plus d'un milliard d'euros. Depuis 2003, le nombre de scanners a augmenté de 35 %, celui des IRM de 86 % ; sur les onze premiers mois de 2009, la valeur des examens par scanner et par IRM a progressé respectivement de 9 % et 13 %.

Nombre d'établissements et de cabinets de radiologie se sont équipés du système Pals de communication et d'archivage des images avant même l'introduction du supplément dans la nomenclature. L'investissement a été largement financé par la réduction du budget « films et produits chimiques », jusqu'à 50 %. Avec la suppression du forfait d'archivage numérique, les radiologues font bénéficier la collectivité de leurs gains de productivité, ce qui concourt à préserver notre système solidaire.

M. Alain Houpert.  - Je remercie Mme Bachelot de ne pas demander le remboursement des suppléments. Mais, sans tomber dans le corporatisme -je suis moi-même radiologue-, je signale que la suppression de la cotation de l'archivage, comme la diminution d'autres cotations d'examens, fragilise la radiologie de proximité : nombre de cabinets de province ferment, au détriment de l'aménagement du territoire et de la présence médicale, car il n'est pas de médecine sans imagerie...

Plate-forme hospitalière de Melun

M. Yannick Bodin.  - Le 13 janvier 2009, j'interrogeais la ministre de la santé sur la plate-forme hospitalière de 650 lits qui devait être réalisée à Melun à l'horizon 2012. Le projet médical a été validé par l'ARH ; il est commun à l'actuel hôpital Marc Jacquet et à la clinique privée Les Fontaines. Un fort retard a été pris, les discussions étant engagées depuis 2004 avec le ministère... M. Laporte m'avait répondu, il y a plus d'un an, que le projet serait validé au second semestre 2009. Il n'en a rien été. Les élus locaux restaient en attente d'un geste. Or, dans un courrier du début de cette année, Mme la ministre demande que soit mis à profit le délai qui nous sépare de la date de dépôt formel des dossiers pour finaliser la réflexion sur le projet et le déposer à l'ARH d'Ile-de-France. Elle indique que le projet « fera l'objet d'une instruction très constructive de la part des services du ministère ». Cela n'avait donc pas été le cas précédemment ?

On nous annonce à présent une décision au premier semestre 2010 : il va falloir se dépêcher ! En outre, malgré la demande des partenaires locaux, le projet n'est toujours pas inscrit dans le plan Hôpital 2012. Les terrains ont été acquis par la ville et le conseil général, les études financées. Et d'immenses panneaux ont été plantés sur le site, annonçant l'ouverture du nouvel hôpital en 2012 : faut-il leur scier les pattes ou doit-on les laisser debout ?

L'inquiétude grandit chez les élus locaux. Une pétition circule désormais pour demander au ministère de s'engager par écrit en faveur de la plate-forme hospitalière qui concernera 300 000 habitants. Quand cet engagement écrit sera-t-il pris ? Quand le lancement du futur hôpital du sud Seine-et-Marne sera-t-il effectif ?

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports.  - Mme Bachelot souhaite dissiper ces inquiétudes infondées. Le report de l'examen du projet à la deuxième tranche du plan Hôpital 2012 a été annoncé depuis longtemps. La première version du projet ne pouvait pas être instruite dans le cadre de la première tranche car elle nécessitait d'être approfondie. Ce projet est complexe et ambitieux, il coûtera 230 millions d'euros : il paraît légitime d'attendre un dossier irréprochable. Le Gouvernement ne saurait engager les ressources de l'assurance maladie sans disposer de toutes les garanties nécessaires. La ministre de la santé et des sports sera particulièrement attentive à ce que la plate-forme se traduise par une véritable mutualisation des activités afin de concilier optimisation de la prise en charge des patients et gains d'efficience. La recherche d'un juste dimensionnement doit aussi être au coeur de la réflexion. Depuis le dépôt de la deuxième version du préprogramme, les deux établissements, en lien avec l'ARH, ont beaucoup travaillé pour préciser tout ce qui devait l'être. Ils seront sans aucun doute en mesure prochainement de présenter un dossier solide.

M. Yannick Bodin.  - Je suis très déçu : M. Laporte m'a fait mot pour mot la même réponse il y a un an ! Les autres dossiers hospitaliers du département, celui du nord de la Seine-et-Marne et celui de Fontainebleau, ont progressé rapidement. La population de Melun ne comprendrait pas que la ministre répète ce qu'elle a dit il y a un an !

Organisme extraparlementaire (Nomination)

M. le président.  - La commission de l'économie a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire. La présidence n'ayant reçu aucune opposition, je proclame M. Alain Chatillon membre du Conseil supérieur de l'aviation civile.

La séance est suspendue à 11 h 55.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.

Grand Paris

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris.

Rappel au Règlement

M. David Assouline.  - Nous demandons solennellement le retrait de ce projet de loi illégitime. Illégitime parce qu'élaboré au mépris de la démocratie locale et de ce qui fonde notre République qui est, au titre de l'article premier de la Constitution, décentralisée ; au mépris ensuite de la place et du rôle que cette même Constitution reconnaît à notre assemblée dans son article 39 ; au mépris enfin de l'expression du peuple souverain lors des dernières élections régionales, qui a rejeté la liste qui portait ce texte et confirmé celle qui s'y opposait avec fermeté.

La création d'un secrétariat d'État à la région capitale et la mise en chantier de ce projet de loi, sans aucune concertation, remettent en cause l'article premier de la Constitution. Le schéma directeur de la région Ile-de-France, issu d'une large concertation et définitivement adopté le 25 septembre 2008, n'a toujours pas été transmis au Conseil d'État. Malgré les assurances, le projet de métro automatique dit « Grand huit » apparaît comme concurrent -ne serait-ce qu'au titre des financements de l'État- du plan de mobilisation régional. Élaboré par la région avec Paris et les conseils généraux et approuvé par le Conseil régional le 18 juin 2009, le protocole d'intention pèse 18 milliards d'euros d'investissement.

Vous êtes tous ici attachés à la place spécifique de notre Haute assemblée. Le président Bel vous a alerté en notre nom sur le fait qu'au mépris de l'article 39 de la Constitution, l'Assemblée nationale avait été saisie en premier de ce texte et que la procédure accélérée nous privait d'un débat digne de ce nom. Déclarer l'urgence sur un projet de loi qui produira ses effets dans vingt ans prêterait à rire si l'avenir des Franciliens n'était pas en jeu. Je m'adresse à vous, monsieur le président : quelle est cette conception de la revalorisation du rôle du Parlement en général et de celui du Sénat en particulier ?

Vous n'ignorez pas, monsieur le ministre, le vote récent des Franciliens. On s'est beaucoup interrogé sur les motivations locales ou nationales du scrutin. S'il y a une région où les deux se sont étroitement mêlées, c'est bien en Ile-de-France. Mme Pécresse a placé sa campagne sous le signe de votre projet de loi. Ministre elle-même, elle comptait d'autres membres du Gouvernement sur sa liste ; et le Président de la République, qui n'avait pas défendu un tel projet lors de sa campagne de 2007, l'a reçue et assurée de son soutien. Résultat : 43 % pour le Grand Paris, qui n'a d'ailleurs de grand que le nom, et 57 % pour le projet opposé de M. Huchon. Ce vote d'une large majorité de Franciliens, vous ne l'écoutez pas.

Je le répète, en pesant mes mots : ce projet de loi est illégitime. Je vous demande de le retirer. Si vous refusez, levez au moins l'urgence et donnez du temps au débat, particulièrement avec les collectivités territoriales. Votre « Grand huit » ressemble à un manège infernal, à un train fantôme, à un saut à l'élastique -sans élastique. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Un mot pour répondre à ceux de vos propos qui m'étaient adressés. J'ai interrogé le Premier ministre après avoir été saisi par les groupes socialiste et CRC-SPG. Je rappelle aussi que nous avons créé une commission spéciale qui a procédé à plus de cinquante auditions, qui a consacré sept heures à l'examen des amendements, s'est déplacé sur le terrain, notamment à Saclay. La Conférence des Présidents a réservé 28 heures au débat en séance. Deux motions et 289 amendements ont été déposés. C'est dire que le Sénat pourra débattre largement. Il ne vous aura pas échappé, enfin, qu'une quinzaine d'amendements issus des groupes d'opposition de l'Assemblée nationale ont été conservés par la commission spéciale.

Discussion générale

M. Christian Blanc, secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale.  - Je remercie tout d'abord les membres de la commission spéciale, qui ont contribué de manière constructive à l'amélioration du texte, et au premier chef le président Jean-Paul Émorine et le rapporteur Jean-Pierre Fourcade.

Notre débat intervient deux semaines après les élections régionales. (Marque d'ironie sur les bancs socialistes)

M. Yannick Bodin.  - En effet !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Je l'ai dit devant la commission spéciale : ce projet de loi est en tout point respectueux des compétences de la région et ne conteste en rien la légitimité de son exécutif.

Mme Catherine Tasca.  - Qu'est-ce que ce serait, sinon !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Nul ne remet en cause la légitimité de l'État à agir sur tout le territoire dès lors que l'intérêt national est en jeu. C'est dans ce cadre que le Gouvernement a saisi le Parlement de ce texte relatif au Grand Paris, qui permettra à l'État et à la région d'unir leurs efforts dans le cadre de leurs compétences respectives et sans confondre celles-ci.

Le monde change vite, ce qui suscite des inquiétudes chez nos concitoyens ; ils mesurent les risques de ces évolutions mais pas toujours les promesses qu'elles recèlent. Ils ont l'impression que leur pays n'a plus de prise sur les évolutions du monde, comme si nous étions collectivement incapables de répondre à des questions comme celles-ci : comment être plus compétitifs sans abdiquer notre modèle social ? Comment développer notre industrie sans sacrifier l'environnement ? Comment mettre la culture et la qualité de vie, qui sont notre identité, au coeur de la société ? Avons-nous le potentiel et les modes d'organisation à même de nous faire entrer dans le monde du XXIe siècle ?

Hier, le monde décrit par Fernand Braudel s'appelait la mer Méditerranée. Puis ce fut le monde européen de Venise à Bruges, dans lequel Paris se mit à rayonner ; puis le monde des deux rivages de l'Atlantique, entre l'Ancien et le Nouveau Monde. Notre peuple a connu un rayonnement dans chacune des histoires du monde. Aujourd'hui, le monde se déplace entre les deux rives du Pacifique, entre San Francisco et Shanghai, entre Los Angeles et Tokyo. Dans ce monde-là, nous nous interrogeons sur la place de la France et de l'Europe. Nous n'avons pas encore suffisamment compris que nous avons le potentiel d'entrer dans ce monde dominé par l'économie de la connaissance et de l'innovation, dont les villes-monde sont les plates-formes, les lieux de convergence du savoir, de l'innovation et de la création, les centres névralgiques de l'activité économique, financière, scientifique, culturelle.

Paris est encore dans le peloton des quatre premières villes-monde, avec New York, Londres et Tokyo ; mais elle est dans la ligne de mire de Shanghai et de Bombay. Les échanges s'étirent aujourd'hui aux dimensions de la planète. Et les villes-monde autour desquelles ils s'organisent ont atteint une intensité inédite.

Paris figure encore au premier rang ; pour combien de temps ? Deux mille ans d'Histoire nous ont légué une ville superbe, mais mal adaptée au XXIe siècle. Si nous ne prenons pas les bonnes décisions, si nous ne nous donnons pas les moyens d'agir, Paris sera rapidement distancée. Si le Grand Paris est une ville-monde rayonnante et dynamique, il attirera sur le pays les échanges de biens, d'investissements, d'intelligence. Fonctionnant en réseau avec toutes les villes de France, c'est un système d'enrichissement mutuel. A l'inverse, si nous laissons la métropole parisienne perdre des points chaque année, si nous nous résignons à ce que, à travers sa capitale, la France ne soit plus parmi les lieux qui déterminent l'avenir, tout le pays en payera le prix. La croissance que nous n'impulserons pas ici ne se reportera pas ailleurs. La matière grise et les investissements que nous n'aurons pas su attirer iront à Shanghai, Sidney ou San Francisco. Les circuits des échanges traceront leurs sillons en dehors de notre pays.

C'est donc un enjeu stratégique majeur. « La sagesse suprême, écrivait Faulkner, est d'avoir des rêves assez grands pour ne pas les perdre du regard tandis qu'on les poursuit ». Cette phrase s'applique bien à notre ambition pour le Grand Paris. Nous devons bâtir un projet global de développement, qui plonge ses racines dans le territoire, dans le génie des hommes et des lieux.

Le Grand Paris sera une capitale internationale parce qu'elle sera ouverte sur le monde. La dynamique des villes-monde repose sur leur capacité à concentrer des flux immatériels tout en générant une capacité exceptionnelle dans les flux matériels. Le Grand Paris est une ville-monde parce qu'elle en a la taille, l'importance et la diversité. Ouverte au monde entier, elle le restera. Avec le Havre...

M. Charles Revet.  - Très bien !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - ...Rouen et Caen, avec le territoire de la Confluence, là où la Seine, l'Oise et le canal Seine-nord se rejoignent, la région Capitale s'ouvre sur le grand large et acquiert sa façade maritime. Avec ses aéroports, le Grand Paris est relié au monde. Avec le nouveau réseau de transport automatique, tout le territoire de la métropole est relié aux aéroports. Le Grand Paris sera aussi connecté avec les gares nationales et européennes et avec la voie de chemin de fer à grande vitesse vers l'ouest. (M. Charles Revet s'en félicite)

Le Grand Paris sera un pôle magnétique des routes du monde. Au carrefour des routes et des voies, il sera au coeur des échanges -de marchandises, d'activités commerciales, d'idées, de cultures, des événements qui façonnent le monde moderne. Capitale internationale d'échanges, le Grand Paris deviendra une ville-monde du savoir, de la création et de l'innovation. Ses territoires sont riches de multiples talents, qui se retrouvent isolés, sans l'environnement qui leur donnerait leur efficacité. Cet environnement qu'il faut créer, c'est la rencontre entre les petites et les grandes entreprises, entre le monde académique et les start-up, entre les recherches fondamentale et appliquée, entre un marché et un territoire. C'est un écosystème grâce auquel la richesse commune peut croître.

Pour favoriser la croissance, il n'y a pas de recette qu'il suffirait d'appliquer. Mais il y a quelques repères. Pensez que 60 % du commerce mondial des fleurs coupées passe par la région de Rotterdam ! Cette activité représente des dizaines de milliards, un savoir-faire, des innovations incessantes.

Autre exemple : deux étudiants de Stanford cherchent une mise de fonds pour développer un moteur de recherche internet à partir d'un projet qu'ils ont monté en classe. Quelques anciens élèves de Stanford leur font confiance parce qu'ils les connaissent. Les investisseurs font ce pari parce que l'innovation, l'enseignement, la création d'entreprises et la finance fonctionnent ensemble. Sans cette capacité d'investissement territorialisée, la mise de départ pour lancer la commercialisation et les développements de seconde génération d'internet aurait-elle été réunie ? Peut-être. Sans les interactions entre l'université et les entreprises, ces deux étudiants auraient-ils vu les applications possibles de leur procédé ? Peut-être. Sans la culture de l'innovation de ce territoire, auraient-ils choisi comme sujet d'étude « le nombre de liens entrants comme mesure de la pertinence d'une page sur Internet » ? Peut-être. Oui, peut-être que Google, 24 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2009, aurait existé sans Stanford...

M. David Assouline.  - Il nous fait faire le tour du monde !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Il faut reconnaître que c'est des échanges entre ces acteurs réunis sur un même territoire que procèdent l'innovation et la croissance. Dans ce monde de la connaissance, le territoire n'est pas le cadre de l'économie, il en est le moteur. Les nouveaux modes de production du XXIe siècle sont là. Certes, Alphonse Allais disait que « les prévisions sont difficiles, surtout en ce qui concerne l'avenir » ; mais ici, le risque de se tromper est faible car ce n'est pas une prévision, c'est un constat.

Les territoires sont les piliers du développement, les coeurs battants d'une métropole multipolaire. Le rééquilibrage entre Paris et ses banlieues passe par le développement de grandes polarités urbaines. Ces grandes polarités, qui s'affirment comme des axes magnétiques, redessinant les lignes de force au sein de la métropole, ne peuvent pas être conçues comme des villes nouvelles. Elles ne peuvent être dessinées sur des feuilles blanches. Le Grand Paris n'est pas un exercice de style. Notre région capitale est riche d'un héritage historique, d'un patrimoine écologique, de traditions industrielles, riche aussi des talents de ses habitants, de leur jeunesse. C'est sur ces territoires, grâce à leur population et avec leur histoire, que se bâtira le Grand Paris. C'est sur leur caractère propre que reposent les projets qui sont autant de centres de gravité de cette métropole. Ces territoires de projet se construiront autour d'histoires partagées et de potentiels réalisés. Ces histoires confèrent à chaque territoire de projet son esprit et, demain, sa lisibilité mondiale.

Nous avons identifié neuf territoires de projet qui seront les grands axes du développement de la région capitale. II y a, au nord, autour de Pleyel, le territoire de la Création. Tous les arts, tous les artisanats y trouveront leur place, avec toutes les formes de création, notamment numériques. Ce territoire de la Création sera un lieu foisonnant qui communiquera sa vitalité à tout le Grand Paris.

A l'est, autour de la cité Descartes, le Grand Paris va se doter d'un pôle d'excellence sur la ville en mouvement.

M. David Assouline.  - Dans cinquante ans ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Ce sera un lieu de conception et d'expérimentation des villes durables. On y inventera les nouveaux usages, les nouveaux matériaux, les nouvelles technologies des villes du monde. Ce territoire sera sa propre vitrine et son premier champ d'application avec le territoire voisin de Clichy-Montfermeil.

Le plateau de Saclay dispose de tous les potentiels pour devenir une référence mondiale comparable à la Silicon Valley. Mise en réseau avec les autres grands pôles de la région capitale, la puissance technologique et scientifique du plateau de Saclay peut être considérable.

Le Grand Paris, c'est aussi Le Bourget, la future ville-coeur est un grand territoire de 250 000 habitants oublié depuis vingt ans, qui regroupe les communes d'Aulnay-sous-Bois, Sevran, Livry-Gargan, Clichy-sous-Bois et Montfermeil. On va faire de la ville là ou elle manque cruellement.

C'est aussi la vallée des biotechnologies au sud. C'est aussi Roissy-Villepinte, le territoire des échanges, porte du Grand Paris sur le monde et vitrine de ses talents. C'est encore La Défense, qui peut devenir la cité financière de l'Europe. Dans chacun de ces territoires, le travail est engagé depuis de nombreux mois autour de groupes de projets, pour définir l'identité et la stratégie de développement.

C'est ainsi trois millions d'habitants qui, par l'intermédiaire de leurs élus, sont déjà inscrits dans la définition stratégique du Grand Paris.

M. Yannick Bodin.  - Et les 9 autres millions ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Ces territoires constituent la première vague des projets du Grand Paris, pas la fin. Cette entreprise est un corps vivant qui va s'enrichir et évoluer en permanence. D'autres lieux s'organisent déjà pour s'inscrire dans cette démarche, telle que la vallée de l'automobile au nord des Yvelines...

Mme Dominique Voynet.  - Ça au moins, c'est moderne !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - ...le territoire de Sarcelles, Gonesse, Villiers au nord du Val-d'Oise.

Chacun de ces territoires a son histoire, sa personnalité, son génie propre. Ensemble, ils forment une cohérence dans laquelle chacun est plus fort de la force de l'autre. Cette cohérence d'ensemble sera progressivement précisée en liaison avec le syndicat mixte Paris-Métropole, qui peut avoir vocation à la favoriser.

Le Grand Paris doit être aussi une métropole de l'art de vivre. Sa richesse n'est pas dissociable de la qualité de vie de ses habitants. Sortir les ghettos de leur isolement, c'est agir pour le dynamisme et la croissance du Grand Paris. Traiter la question du logement à l'échelle de la métropole avec une ambition et des moyens nouveaux...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Lesquels ?

M. Jean-Pierre Caffet.  - Et il n'y a toujours pas de métro...

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - ...équilibrer la région capitale entre l'est et l'ouest, le nord et le sud, entre un centre unique et des périphéries mal connectées, c'est encore agir pour le dynamisme et la croissance du Grand Paris. Structurer la métropole par un nouveau réseau rapide de transports... (« Enfin ! » à gauche), c'est toujours agir pour le dynamisme et la croissance du Grand Paris. Faire tout cela ensemble, avec les élus partageant une même stratégie de développement économique et sociale, c'est encore faire une ville-monde dynamique. Le Grand Paris puisera les racines de son énergie dans son art de vivre et celui-ci devra être avant tout un art de vivre ensemble.

M. Yannick Bodin.  - Et si l'on parlait budget maintenant ?

M. Jean-Pierre Caffet.  - Combien de milliards ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Voilà l'ambition à laquelle ce projet de loi veut donner les moyens d'exister avec deux objectifs. Un objectif d'efficacité et de rapidité par la mise en oeuvre par l'État des dispositifs contenus dans ce projet de loi et un objectif de partenariat clair, dans le respect des compétences respectives de la région et de l'État.

Compte tenu de la situation de nos finances publiques, je comprends parfaitement que la rapidité de réalisation de la double boucle de métro automatique dépende de son financement. J'ai présenté le schéma de son financement devant votre commission spéciale. Je le fais ici aujourd'hui, au nom du Gouvernement. Le projet du Grand Paris, dont la double boucle de métro automatique n'est qu'une composante, vise notamment à favoriser la croissance économique de la région capitale et, par effet d'entraînement, de la France entière. Après quinze ans, un point de croissance annuel supplémentaire du PIB régional, cela fait 100 milliards de richesses nouvelles créées chaque année.

Mme Nicole Bricq.  - Des plans sur la comète...

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - C'est une partie de cette richesse créée en région capitale qui permettra d'assurer cet investissement de 21 milliards. La structure de son financement est à la fois classique -nos anciens avec le métropolitain au début du XXe siècle n'ont pas fait autre chose- et moderne puisqu'il s'agit de mieux partager la richesse créée. L'État dotera la société du Grand Paris d'un capital de 4 milliards. C'est acquis, je le disais déjà le 18 mars à votre commission spéciale. Ce capital, quelle en sera l'origine ? A la suite des états généraux de l'industrie automobile tenus début 2009, l'État, comme il l'avait auparavant fait pour les banques, a consenti 6,5 milliards de prêts à nos grands constructeurs automobiles. Ces prêts doivent être remboursés en mars 2014. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, le Gouvernement vous proposera donc de céder à la société du Grand Paris 4 milliards de ces créances. Cela garantit l'engagement de l'État dans le projet du Grand Paris. D'ici là, dès mars 2011, la société du Grand Paris bénéficiera du produit généré par ces créances, soit 260 millions par an. Ces sommes, couplées aux recettes inscrites dans le présent projet de loi, permettront de lancer très tôt les appels d'offres pour les études, puis les travaux du réseau du Grand Paris. Le reste de l'investissement sera couvert par des emprunts d'une durée totale de l'ordre de quarante ans.

En face des annuités d'emprunts, il s'agit d'assurer des recettes pérennes.

D'abord, la valorisation foncière. Ce sont les excédents réalisés sur les aménagements ou constructions autour des gares : les contrats de développement territoriaux en organiseront le partage. Ensuite, la dynamique économique créée en région capitale dégagera des recettes fiscales supplémentaires, qu'il est légitime d'affecter au financement du métro automatique. Enfin, il ne faut pas s'interdire de recourir à des mécanismes dérivés du droit fiscal en affectant une part de la valorisation ne relevant d'aucun des points précédents. La Haute assemblée a introduit un tel mécanisme hors lle-de-France dans le projet de loi Grenelle Il, votre rapporteur l'a étendu dans ce projet de loi. Je proposerai moi-même de l'étendre encore en en faisant bénéficier le Stif.

Mme Nicole Bricq.  - Merci ! Merci !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Deuxièmes recettes, celles générées par les gares de la nouvelle infrastructure, gares qui doivent être pensées dès le départ à la lumière des recommandations du rapport de votre collègue, Mme Fabienne Keller.

Dernière recette, la redevance domaniale payée par le futur exploitant du réseau de transport, comme c'est le cas aujourd'hui pour les réseaux ferroviaire ou autoroutier.

L'ensemble des dispositions qui nécessitent une adoption législative seront inscrites dans la loi de finances pour 2011.

Je voudrais maintenant dissiper quelques malentendus. Aucune recette fiscale de la région, du Stif ou des collectivités territoriales ne sera ponctionnée pour cet investissement parce que le Stif doit pouvoir continuer à jouer son rôle actuel.

Mme Nicole Bricq.  - Vous faites le contraire !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - La réalisation, par l'État, du réseau du Grand Paris permet à la région de réduire de 6 milliards le montant de son plan de mobilisation, puisque les deux morceaux d'Arc Express aujourd'hui prévus seront fondus dans le réseau du Grand Paris qui reprend à plus de 80 % leur tracé.

M. David Assouline.  - C'est à voir...

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - L'État continuera d'honorer ses engagements pris au titre du CPER ou du Plan Espoir Banlieue. Le Président de la République l'a affirmé dès le 29 avril 2009, je l'ai répété à l'Assemblée nationale, je le répète encore ici. Donc, nous n'opposons pas les projets de la région à ceux du Gouvernement. Avec la région et les départements, nous rechercherons les convergences. En particulier, une complémentarité sera recherchée avec le plan de mobilisation des transports, notamment par un fonctionnement optimal des gares d'interconnexions.

Nous veillerons à ce que les 50 kms d'Arc Express puissent être intégrés dans la double boucle de 130 kms. C'est dans cette perspective que les études conduisant au tracé indicatif rendu public dès le 29 avril 2009 ont été conduites.

Ensuite, dès la fin de sa réalisation, l'infrastructure de la double boucle du métro automatique sera transférée pour exploitation à l'autorité organisatrice des transports, pour permettre l'unicité de tarification en région parisienne. Ce réseau de métro, qui sera le plus performant au monde, n'aura rien coûté au Stif, qui ne sera en rien concerné par le remboursement des emprunts effectués pour le compte de la seule société du Grand Paris.

Mme Catherine Tasca.  - C'est un conte de fées !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - C'est la réalité ! Je réaffirme ce qu'a promis le Président de la République le 29 avril 2009.

Mme Nicole Bricq.  - Il n'est pas à ça près, le Président de la République...

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Les engagements de l'État pris dans le contrat de plan État-région seront respectés !

Enfin, dans le souci de la cohérence générale des aménagements en Ile-de-France, nous sommes prêts à reprendre les discussions sur le protocole d'accord entre l'État et la région, qui avait été interrompues par la région en juillet 2009, à l'approche des élections régionales. Un accord permettra la transmission par l'État au Conseil d'État du projet de Sdrif approuvé par l'exécutif régional. Cette validation par le Conseil d'État entraînera la révision immédiate du nouveau Sdrif par la région pour intégrer le projet du Grand Paris.

Le coeur du Grand Paris, c'est une aire métropolitaine de plus de neuf millions d'habitants...

M. David Assouline.  - ...qui ont voté à gauche...

M. Jean-Louis Carrère.  - Même les Hauts-de-Seine !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Et alors ?

C'est l'équivalent des quatorze plus grandes villes françaises. Imaginez qu'on additionne les populations de Bordeaux, de Lyon, de Marseille, de Lille, de Strasbourg, etc. et vous arrivez au même nombre d'habitants que dans la banlieue de Paris. Cette transposition virtuelle souligne la terrible inorganisation de cette aire métropolitaine face à une telle concentration de population. Ce projet de loi permet aux communes ou EPCI de conduire les projets de développement contractuellement avec l'État : ce sont les contrats de développement territorial, garantie que le développement des clusters se fera dans le même temps que l'urbanisme, le logement, les équipements de proximité, les lieux de vie. Votre commission spéciale, en proposant de partager pour moitié le produit des valorisations foncières, a introduit une précision essentielle pour la réalisation de ces projets. Avec les contrats de développement territorial, ce projet de loi affirme le principe d'un partenariat nouveau entre l'État, qui porte la vision stratégique à long terme et qui accompagne, et les communes ou EPCI, qui sont les meilleurs artisans des territoires au contact des populations et des entrepreneurs. La centaine de communes, qui préfigurent aujourd'hui les territoires stratégiques, sont déjà au travail pour élaborer ces contrats qui ne pourront être signés qu'après le débat public et les décisions qui suivront, fixant le tracé de la double boucle de métro automatique et l'emplacement des gares.

Je fais donc appel à vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour adopter ce texte, que nous avons amélioré ensemble, afin que notre ambitieux projet pour la région capitale s'inscrive dans notre histoire. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur de la commission spéciale sur le Grand Paris.  - Ce texte volontariste est porteur d'une grande ambition : conforter la place éminente de l'Ile-de-France, la région capitale, dans la compétition internationale des « villes-monde ». Comme l'a dit l'architecte Christian de Portzamparc, « l'enjeu consiste à passer de l'époque des villes à l'époque des villes-monde » qui deviennent des têtes de réseau. Il ne s'agit pas de décréter sur un mode incantatoire que la croissance doit s'accélérer en Ile-de-France mais de mettre à disposition des acteurs politiques et économiques la boite à outils nécessaire pour qu'elle progresse durablement.

Nous n'avons pas le choix : à ne rien faire, demain, nous ne serons plus seulement en concurrence avec Londres, New York, Tokyo ou Shanghai mais aussi avec Berlin, Rome et Madrid. C'est une part du rayonnement de la France dans le monde qui se joue.

Cette ambition pour notre région capitale s'appuie sur trois projets de grande envergure : la construction d'une nouvelle ligne de métro automatique de grande capacité, sur 130 kms, en rocade, projet dit de la double boucle ; le développement des territoires situés autour des futures gares de ce nouveau réseau, au moyen d'un outil juridique partenarial inédit, dénommé contrat de développement territorial ; la valorisation du pôle scientifique et technologique établi sur le plateau de Saclay.

Sur la méthode, permettez-moi de paraphraser les termes visionnaires de Robert Schuman à propos de la construction européenne : le Grand Paris « ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble ; il se fera par des réalisations concrètes, créant d'abord une solidarité de fait ». Ce texte pose les fondations et crée des synergies de nature à faire naître le Grand Paris dans tous les esprits. Il ne se résume pas à un texte sur les transports mais s'appuie sur une dynamique économique et d'aménagement du territoire.

Eu égard à la diversité des sujets traités, le Sénat a décidé d'en confier l'examen à une commission spéciale dont la composition, tout en assurant une représentation proportionnelle des groupes politiques, a permis d'associer largement les sénateurs franciliens. Nous avons conduit un important travail d'écoute en menant quelque cinquante auditions, avec l'exécutif du conseil régional mais aussi toutes les institutions, organismes, associations et personnalités concernés par le projet de loi. Une délégation de la commission spéciale s'est rendue à Orsay, le 25 février 2010, pour y tenir plusieurs tables-rondes avec l'ensemble des acteurs du pôle scientifique et technologique du plateau de Saclay. Une autre délégation s'est rendue à Londres, le 2 mars 2010, afin d'examiner les modalités de financement des infrastructures de transport public du Grand Londres, notre principal compétiteur.

Nos collègues députés avaient très sensiblement amélioré le projet de loi initial. Ils ont ainsi, à l'article premier, introduit la notion d'« offre de logement géographiquement et socialement adaptée » et inscrit dans le texte les objectifs de réduction des déséquilibres sociaux et territoriaux et de maîtrise de l'étalement urbain ; garanti, à l'article 3, un débat public plus efficace et plus ouvert que ne le prévoyait le projet de loi initial ; encadré, à l'article 7, la compétence d'aménagement de la société du Grand Paris ; adopté, aux articles 14 et 15, des modifications pertinentes au droit de la commande publique, conformément à l'ordonnance de 2005 et dans le respect des exigences européennes quant aux dérogations aux règles de la concurrence.

Votre commission spéciale a adopté 97 amendements. Le texte qui en est résulté s'articule autour de deux objectifs, déclinés en quatre thèmes. Tout d'abord, construire un projet partenarial et cohérent pour le Grand Paris du XXIe siècle en associant, ainsi que le prévoit l'article premier, le public et les collectivités territoriales à sa conception et à sa réalisation, mais aussi en prévoyant la consultation du syndicat mixte Paris-Métropole qui rassemble une centaine de collectivités de toutes sensibilités et pourrait être le précurseur de la future assemblée territoriale du Grand Paris, comme l'a récemment déclaré le Président de la République.

En second lieu, le texte que nous proposons à votre examen articule l'emploi, le logement et les transports dans le respect du développement durable La commission spéciale, qui veut un Grand Paris ambitieux, a prévu l'interconnexion du nouveau réseau de transports avec les autres réseaux. A l'initiative de notre collègue Charles Revet, elle a indiqué que le nouveau réseau devrait prendre en compte les interconnexions avec les réseaux ferroviaires et routiers. Sur la proposition de notre collègue Christian Cambon, elle a confié à l'établissement public Société du Grand Paris le soin de veiller au développement, autour des futures gares du métro automatique, d'un réseau de transport de surface s'appuyant sur les lignes de bus pour avoir un maillage fin du territoire. Des objectifs ambitieux en matière de production de logements ont également été fixés. Votre commission a inscrit à l'article premier un objectif de production annuelle en Ile-de-France de 70 000 logements, auquel participent les contrats de développement territorial. Elle a également prévu, à l'initiative de notre collègue Dominique Braye, que le préfet de région serait chargé de décliner cet objectif sur le territoire. Nous avons, de plus, conforté le contrat de développement territorial en prévoyant, outre la consultation de la région et du département concerné, sa soumission systématique à enquête publique et des précisions sur son financement, qui inclura notamment la moitié des excédents dégagés par les opérations d'aménagement. Nous avons enfin garanti la préservation des terres agricoles en adoptant un amendement présenté par notre collègue Laurent Béteille et un amendement de notre collègue Jean-Pierre Caffet, précisant que la zone de protection devra comporter au moins 2 300 hectares de terres consacrées aux activités agricoles situées sur la petite région agricole du plateau de Saclay.

En troisième lieu, nous avons voulu faciliter la mise en oeuvre du projet en posant les premiers jalons législatifs d'un financement viable du Grand Paris. C'est ainsi que nous rappelons que l'État assurera le financement de l'infrastructure du nouveau réseau de transport tout en précisant que ce financement sera indépendant de la contribution de l'État aux contrats de projets conclus avec la région d'Ile-de-France pour la création, l'amélioration et la modernisation des réseaux de transport public, mesures consacrées comme prioritaires à l'initiative de notre collègue Christian Cambon ; que, sur proposition de notre collègue Jean-Pierre Caffet, sont inclus dans le dossier du Grand Paris soumis au débat public les modes de financements envisagés pour la réalisation des infrastructures ; qu'est précisé que le produit des baux commerciaux conclus dans les gares du futur réseau du Grand Paris bénéficiera à la SGP. Votre commission spéciale a également introduit deux dispositifs fiscaux affectés au budget de cet établissement : l'adaptation à l'Ile-de-France de la taxe sur les plus-values immobilières liées à la réalisation d'une infrastructure de transport collectif, adoptée par le Sénat dans le projet de loi Grenelle II, en instance à l'Assemblée nationale ; l'assujettissement à l'imposition forfaitaire des entreprises de réseau du matériel roulant utilisé sur les lignes exploitées par la RATP.

Enfin, votre commission s'est souciée de l'efficacité de la gouvernance du projet. C'est ainsi qu'elle a renforcé la légitimité et l'efficacité de la SGP par trois mesures : l'audition par les commissions parlementaires compétentes du candidat au poste de président du directoire de la SGP...

M. Charles Pasqua.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - ...le choix d'une structure à trois niveaux -un directoire composé de trois personnes, un conseil de surveillance resserré et un comité stratégique très largement ouvert ; sur proposition de notre collègue Laurent Béteille, la désignation d'un préfigurateur avant la mise en place du directoire et du conseil de surveillance.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est le retour à la monarchie ! (Protestations à droite)

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Dans le même souci, la commission a proposé d'améliorer la gouvernance de l'établissement public de Paris-Saclay : un conseil d'administration resserré comprenant un membre de la SGP et un comité consultatif dont la composition est élargie et les prérogatives renforcées. Elle a également précisé les compétences de cet établissement pour la couverture en très haut débit et, sur proposition de notre collègue Yves Pozzo di Borgo, pour la préservation du patrimoine hydraulique du plateau de Saclay

Mme Nicole Bricq.  - Qu'est-ce qu'il a obtenu en échange ?

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Au final, le projet de loi, qui devrait être utilement complété par l'adoption de plusieurs amendements au cours de nos prochaines séances, met en oeuvre neuf principes simples : un financement clair ; des outils de pilotage efficaces ; une concertation loyale avec les collectivités territoriales (« Tu parles » à gauche) ; l'association des citoyens à l'élaboration des projets ; des transports collectifs modernes, rapides et interconnectés (mêmes mouvements à gauche) ; le développement de l'emploi ; la création de logements diversifiés et en nombre suffisants ; le soutien à la recherche et à l'innovation, ainsi qu'à leur valorisation industrielle ; le souci du développement durable. Seul le respect de ces impératifs permettra à Paris et à sa région de demeurer, au XXIe siècle, non seulement une ville-monde attractive mais encore une ville soucieuse de la cohérence des territoires qui la composent et prenant en compte les conditions de vie de ses habitants. Et sachez combien j'ai apprécié, monsieur le ministre, ce que vous avez dit à ce propos. (On ironise à gauche)

Comme l'a dit le directeur général du Fonds monétaire international, Dominique Strauss Kahn, en parlant de l'Europe, Paris est aujourd'hui à la croisée des chemins : soit rester en première division avec Londres, et demain Berlin, soit se laisser glisser en deuxième division avec Rome et Madrid. Le présent projet de loi marque le début d'un choix positif et volontariste et votre commission spéciale vous demande, dans sa majorité, de l'adopter. (Applaudissements à droite, au centre et au banc des commissions)

M. Yvon Collin.  - Garantir sur le plan international la place de Paris est un objectif auquel chacun peut souscrire. Élu du sud-ouest, je comprends parfaitement qu'on assigne un objectif particulier à la capitale. « Sauver Paris, c'est plus que sauver la France, c'est sauver le monde ». Sans aller aussi loin que Victor Hugo, reconnaissons que le développement de la région parisienne aurait un effet d'entraînement : avec 30 % du PIB national, n'a-t-elle pas le plus gros potentiel, et ne faut-il pas le stimuler en permanence ?

Si Paris compte parmi les premières grandes villes monde, elle accumule un retard de croissance qui risque de la déclasser au profit de Shanghai ou Singapour, qui évoluent à un rythme deux fois plus rapide. Dans un monde de plus en plus ouvert et concurrentiel, il est urgent de donner à Paris les moyens de conserver son attractivité.

Le Gouvernement a fait le choix d'un établissement public à caractère industriel et commercial, la société du Grand Paris, chargée de développer un réseau de transports d'intérêt national et de favoriser le développement autour de ses gares.

Une remarque sur la méthode d'abord : compte tenu de la durée de ce chantier pharaonique, qui prendra vingt ou trente ans, pourquoi légiférer dans l'urgence ? (Applaudissements sur les bancs socialistes) Les parlementaires auraient aimé disposer des délais nécessaires à une réflexion approfondie. Quant aux consultations des principaux acteurs concernés, elles ont été réduites au minimum. Les élus franciliens ne comprennent pas pourquoi les collectivités n'ont que quelques semaines pour donner leur avis sur un projet qui va les engager pendant plusieurs décennies.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Exact !

M. Yvon Collin.  - Avez-vous créé les conditions du dialogue ? Cette mise à l'écart se poursuit dans le texte puisque la place prépondérante de l'État tient les élus à distance alors que des pans entiers de leurs collectivités seront réaménagés. S'agissant de construire une ligne de métro, le Stif, compétent et légitime, devait-il être relégué au second plan ?

M. Jean-Pierre Caffet.  - Très bien !

M. Yvon Collin.  - Il risque pourtant d'être sollicité au moment de payer...

M. Jean-Pierre Caffet.  - En effet...

M. Yvon Collin.  - Rien n'interdisait de l'associer, sinon la volonté d'écarter les élus !

En l'état, le schéma de gouvernance aboutit à une incroyable entreprise de recentralisation. L'exposé des motifs des projets que nous examinons depuis quelques mois vante l'approfondissement des libertés locales mais le dispositif de ce projet prive ces beaux mots de toute réalité tandis que cet établissement public ajoute à la complexité que vous dénoncez : où est la simplification et où est l'esprit démocratique ? Les Franciliens viennent de reconduire une majorité à laquelle ils avaient fait confiance : comment expliquer qu'un tel projet soit conduit par l'État ? Cette majorité a défini des priorités en fonction des attentes des usagers et veut y consacrer 12 milliards mais l'État, qui se désengageait financièrement, propose un autre projet pour 35 milliards... Compte tenu des contraintes financières, comment allez-vous garantir des financements clairs, sûrs et non concurrents ? Nous attendons des réponses.

Le Gouvernement n'a pas souhaité reprendre les pistes de la mission Carrez mais il prône un endettement de 21 milliards. Les recettes foncières, quant à elles, sont conditionnées par une réussite économique que seul un optimisme déraisonnable permet d'espérer. Tout le monde aimerait que 60 000 emplois se créent chaque année à Saclay, mais c'est deux fois plus qu'actuellement ! Un peu de prudence : souvenons-nous du travailler plus pour gagner plus...

M. Jean Desessard.  - Ha !

M. Yvon Collin.  - La crise est passée par là et l'ambition présidentielle s'est retrouvée décalée par rapport à la réalité. Pour autant, il n'est pas préférable de ne rien faire mais il faut faire bien ce que l'on fait et avec ceux qui connaissent la cité, y vivent et y exercent des responsabilités publiques. Il convient de donner davantage de cohérence au Grand Paris en intégrant toutes les dimensions de l'action publique. Surtout, ce projet répondra-t-il au défi de la fracture sociale ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Très bien !

M. Yvon Collin.  - Cela fait cruellement défaut et la majorité du RDSE, dont les radicaux de gauche, ne votera pas le texte en l'état. (Applaudissements à gauche)

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

M. Jean Desessard.  - On va parler du Grand Paris sous la présidence du maire de Marseille ? (Rires)

Mme Éliane Assassi.  - Nous abordons l'avenir de la métropole parisienne deux semaines après les élections régionales. Les Franciliens ont donné leur avis en votant pour une majorité de gauche. Le Gouvernement a fait le choix de passer outre leur vote et de ne pas entendre les voix qui se sont élevées depuis pour demander le retrait de ce texte. Envers et contre tout, vous remettez en cause ce vote ainsi que la majorité de gauche au conseil régional et son mode de gouvernance inédit. Voilà de quoi nous débattons en urgence.

Il y a des enjeux de pouvoir, des enjeux politiques. On s'est toujours interrogé sur les liens entre Paris et sa banlieue : cela a été le cas sous Haussmann, puis avec Paul Delouvrier, mais aussi avec Paris métropole. Le Président de la République a souhaité placer ce projet dans le cadre d'une réflexion globale sur le renforcement de Paris, ville-monde de l'après-Kyoto. Les scénarios pluridisciplinaires ont suscité l'enthousiasme des élus...

M. Jean-Pierre Caffet.  - C'est vrai !

Mme Éliane Assassi.  - ...et de la population mais le Grand Paris est vite apparu impuissant à répondre aux besoins de 11 millions de citoyens. C'est qu'il pose d'abord un enjeu de pouvoir. Nous le savions depuis votre nomination, il fallait un projet alternatif au schéma directeur. C'est chose faite avec le concours d'architecture, même si les équipes qui y ont participé déplorent un subterfuge pour une reprise en main. A l'opposé de la décentralisation, la création d'une société du Grand Paris, calquée sur les sociétés anonymes, aurait un directoire nommé par décret et le conseil de surveillance dominé par les représentants de l'État ; elle pourrait créer des filiales et déléguer à des personnes publiques ou privées ; ses décisions s'imposeraient aux collectivités, dont la région. Ce déni de démocratie s'inscrit pleinement dans votre objectif de réforme des collectivités et de dévitalisation de tout espace démocratique de proximité. Décidément, vous ne vous intéressez qu'à la recentralisation du pouvoir. Où sera le progrès alors que l'État n'assume plus ses responsabilités en matière de services publics ? Ce sera le retour de l'État sans les services public !

Le manque de consultation est flagrant. On sait les réticences de l'association des maires d'Ile-de-France, de Paris métropole, de la majorité régionale mais aussi des chercheurs et des architectes. Cela devrait vous faire réfléchir. Le débat public, au lieu de se réduire au tracé, devrait porter aussi sur la création d'un établissement public à caractère industriel et commercial. On ne peut déterminer la gouvernance de manière autoritaire, il faut se situer au plus près des attentes et des réalités, dans une approche non figée. Vous avez donc les mêmes problèmes avec les procédures qui suivront le débat public.

Loin des effets d'annonce, la réalité du projet est plutôt faible.

Votre projet consiste principalement à construire un métro souterrain en rocade de 130 kms qui desservira des clusters, comme la Défense ou Saclay, en dérogeant systématiquement aux règles d'urbanisme et en mettant fin de façon autoritaire à des projets comme Arc Express.

Le schéma directeur est peut-être incomplet mais il a le mérite de vouloir être plus qu'un simple métro automatique ! Vous avez conçu votre « Grand huit » souterrain sans concertation aucune et remettez toute la décision à la société du Grand Paris... Ce projet, ce n'est pas celui des salariés franciliens mais celui des hommes d'affaires qui ont besoin de rejoindre les aéroports à des clusters dédiés à la finance et à la recherche. Vous ne vous souciez pas des déplacements domicile-travail alors que c'est la première préoccupation des Franciliens : que comptez-vous faire sur ce sujet, monsieur le ministre ?

Plutôt que de laisser le marché imposer sa loi, l'État devrait renforcer les outils de puissance publique que sont la SNCF, RFF et la RATP ! Les réseaux sont vétustes et saturés, la Région ne gère le Stif que depuis 2006 : la situation actuelle résulte d'un désengagement massif de l'État en matière de transports collectifs publics.

Comment penser la métropole de l'après-Kyoto en limitant le fret ferroviaire à la question de l'accès aux ports ?

Le « Grand huit » nécessitera une chenille d'expropriation et d'urbanisation couvrant une surface de quatre fois Paris, dont la société du Grand Paris sera seule responsable : cette privatisation de l'intérêt commun est insupportable ! Car pour financer ce projet de rocade, la valorisation des terrains attenants aux gares va créer de nouvelles ségrégations sociales, ceci sans aucune péréquation fiscale.

Sous couvert de co-construction, les contrats de développement territorial vont enfermer les collectivités locales dans un face-à-face bien inégal avec l'État : elles seront contraintes d'accepter les désidérata de la société du Grand Paris et de l'État. Monsieur le ministre, quel objectif politique poursuivez-vous ? Ensuite, dès lors que des financements actuellement consacrés aux contrats de plan vont abonder ces contrats de développement territorial, la région et le département devraient être associés à leur négociation plutôt qu'être seulement consultés.

Sur le fond, nous contestons l'organisation de l'espace à partir des clusters. Comme le souligne l'ordre des architectes d'Ile-de-France, ce projet ouvre la voie à la balkanisation des aires métropolitaines, en laissant de côté toute une partie du territoire. Ce qu'il manque aux citoyens, c'est un maillage fin par des services publics, mais votre texte n'en parle pas ! Ensuite, la spécialisation des territoires est une impasse, bien des pays l'ont constaté : vous nous proposez un modèle obsolète !

Il ne faut pas laisser de côté la grande couronne car c'est mettre en péril l'existence même de l'échelon régional.

Mme Nicole Bricq.  - C'est vrai !

Mme Éliane Assassi.  - Dans son rapport, M. Carrez juxtapose les financements du « Grand huit » à ceux qui vont au réseau actuel, mais comment ne pas voir que le Stif et les collectivités locales auront moins de moyens, ou bien qu'ils devront contribuer davantage, au détriment de la péréquation tarifaire, ou des contribuables ? Quid du financement du plan de modernisation des transports proposé par la région ?

Comment croire au développement d'un Grand Paris si vous sacrifiez la production matérielle de richesses et des projets de développement économique à la création de bulles financières ? Votre texte va accentuer la désindustrialisation de la région capitale !

Maintenir Paris au rang de ville-monde, c'est une belle ambition, mais sans renoncer à résorber les inégalités ! Cela suppose de prendre en compte la singularité de ce territoire plutôt que de calquer son développement sur un modèle londonien ou new-yorkais !

Paris est déjà une ville-monde. Et ce n'est pas en libéralisant son développement que sa place dans le monde sera améliorée !

M. Jean Desessard.  - Très bien !

Mme Éliane Assassi.  - Si nous devions proposer un projet pour le Grand Paris, la responsabilité et la légitimité en reviendraient aux Franciliens et à leurs représentants. Mais puisque nous ne pouvons faire l'économie d'une réflexion sur ces questions, nous vous proposerons, par amendement, de prendre des mesures pour le logement, les transports de proximité et les équipements collectifs de service public

S'il est urgent de mobiliser toutes les intelligences pour créer la ville de demain, ce doit être pour le bien commun plutôt qu'en le contournant en s'inspirant du capitalisme mondialisé, alors même qu'une crise mondiale vient d'en démontrer les dangers ! (Applaudissements à gauche)

M. Yves Pozzo di Borgo.  - (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre) Dans le rapport qu'il a remis au Président de la République en juin 2009, M. Saint-Etienne soulignait que la globalisation accélérait la transformation de l'économie en une économie entrepreneuriale de la connaissance, tirée par les interactions entre entrepreneurs, capitaux-risqueurs et investisseurs... (Exclamations à gauche)

M. Alain Gournac.  - Eh oui !

M. Jean-Pierre Caffet.  - Il n'est pas question de métro !

M. Yves Pozzo di Borgo.  - M. Saint-Etienne précise également que la mondialisation intègre la puissance de l'urbanisation dans le développement économique. Les villes sont la colonne vertébrale du développement : ce n'est pas la Chine qui se développe, mais d'abord Shanghai, Canton, Pékin ou Hong Kong !

Sur cette urbanisation s'est greffé le concept des villes mondes, celles où la croissance économique est beaucoup plus forte que dans le reste de leur territoire national.

Paris Ile-de-France est cette ville-monde, un géant économique sur le plan national et européen avec 5,3 millions d'emplois, soit le quart de l'emploi national. Savez-vous que 55 % des brevets français déposés ont au moins un partenaire qui réside dans le bassin parisien et que celui-ci compte 70 000 chercheurs et 25 % des étudiants de notre pays ? L'Ile-de-France est de loin la première région européenne pour le PIB, avec 29 % du PIB français, dont une partie n'est pas consommée par les Franciliens mais redistribué dans les autres régions françaises.

Cependant, ce « géant économique » manque de dynamisme, l'emploi y progresse moins vite que dans le reste de la France métropolitaine, sa croissance n'a été que de 2 % quand celle du grand Londres faisait quatre fois mieux.

Le territoire pourrait perdre son statut, il est devenu nécessaire de lui proposer un projet : c'est celui du Grand Paris ! (M. Jean-Pierre Caffet le conteste)

La multiplicité des acteurs augmente les charges publiques, nuit à la cohérence et à l'efficacité de la décision publique et l'agglomération pâtit de l'absence de politiques communes : l'intercommunalité ne couvre que 56 % du territoire régional, contre 89 % dans le reste de notre pays.

Pour affronter la concurrence mondiale avec une masse critique suffisante, la plupart des grandes villes européennes ont regroupé les collectivités locales comprises dans leur aire urbaine pour organiser leur développement et leur aménagement.

Voyez l'agglomération lyonnaise, qui bénéficie d'une gestion urbaine placée sous une autorité administrative unique depuis quarante ans.

En Ile-de-France, l'absence de gouvernance explique la croissance moindre du territoire, alors qu'il dispose d'atouts incomparables. Le plateau de Saclay accueille deux universités, un campus d'envergure mondiale, six organismes et instituts de recherche, de nombreuses entreprises. Si les méthodes américaines d'aménagement d'échanges de connaissances et d'accompagnement étaient appliquées a Saclay, nous pourrions augmenter le nombre d'emplois non pas de 100 % mais de 1 000 % !

Mme Éliane Assassi.  - Chiche !

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Mais la région à Saclay, c'est un RER poussif et quelques bus, sans aucune vision d'ensemble.

C'est la raison pour laquelle il a fallu que ce soit l'État stratège, à l'initiative du Président de la République et son secrétaire d'État M. Blanc, qui propose un texte sur le Grand Paris ! (Exclamations à gauche)

M. Alain Gournac.  - Très bien !

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Neuf pôles seront ainsi mis en valeur grâce à un réseau serré de transports et deviendront bientôt des villes modernes de 4 ou 500 000 habitants.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Des villes nouvelles ?

Mme Éliane Assassi.  - Il fallait nous le dire !

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Ce projet de loi pragmatique privilégie la constitution d'un réseau de transports autour de la ligne 14 et de clusters d'innovation, lieux où se concentreront des universités et des chercheurs de niveau mondial, appartenant au secteur public ou privé. La croissance de la région et de la France s'en trouvera accélérée. J'espère que ce texte est le premier d'une série. Pourquoi ne pas pérenniser notre commission spéciale ? Plus de 70 % des Européens et la moitié de la population mondiale vivent aujourd'hui en ville. Il est temps de réfléchir à une nouvelle urbanité afin de ne pas imiter les exemples de Delhi, Shanghai, Séoul et Tokyo, villes économiquement dynamiques mais qui sont une insulte faite à l'homme tant elles sont denses, bruyantes, polluées.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Tokyo ? Vous allez susciter un incident diplomatique !

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Espérons que le débat en séance permettra d'avancer. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

MM. Alain Gournac et Charles Revet.  - Bravo !

Mme Nicole Bricq.  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) « [L']organisation [de la République] est décentralisée. (...) Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon ».

M. Jean-Pierre Sueur.  - Tout est dit !

Mme Nicole Bricq.  - Vous aurez reconnu les articles 2 et 72 de la Constitution, qui devrait être notre Bible à tous. Or ce projet de loi poursuit la recentralisation entamée par la loi de finances pour 2010, qui a supprimé l'impôt économique local et l'instrument de péréquation de l'Ile-de-France. (Mme Dominique Voynet le confirme) Ce texte est inspiré par la défiance de l'État vis-à-vis des collectivités locales et cela suffirait à nous le faire combattre. Mais en outre, il repose sur un diagnostic erroné et une stratégie qui nous ramène vingt-cinq ans en arrière et propose des outils inadaptés.

M. le ministre prétend que l'Ile-de-France est insuffisamment attractive et M. le rapporteur renchérit en disant qu'il faut faire participer la région à la croissance mondiale. La région souffrirait donc d'un manque de compétitivité, à laquelle il serait possible de remédier grâce à un réseau de métro automatique. Le Gouvernement fait fi de l'avis du conseil régional approuvé par les Franciliens le 21 mars dernier ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La notion de compétitivité est malaisée à définir mais voici quelques indications chiffrées : la richesse produite par l'Ile-de-France en 2008 représente 19 % du PIB français, soit environ 488 milliards d'euros. Cela fait d'elle la première région d'Europe, mais la sixième seulement si l'on rapporte le PIB au nombre d'habitants. Cet écart tient aux fortes inégalités sociales et territoriales, qui constituent la véritable entrave à la compétitivité.

Mme Catherine Tasca.  - Très juste !

Mme Nicole Bricq.  - Dans les secteurs à forte intensité de croissance, l'Ile-de-France est la première région européenne. Elle se situe au deuxième rang européen et au quatrième rang mondial pour les investissements étrangers, derrière Shanghai, Hong-Kong et Londres. Paris est la deuxième ville du monde pour l'accueil des centres de décision et la première pour les emplois stratégiques.

Je ne prétends pas qu'il faille rester passif, car rien n'est jamais acquis. C'est sur l'ensemble du territoire français que la création de richesses reste inférieure à la croissance potentielle : n'est-ce pas pour cette raison que le Président de la République a lancé le Grand Emprunt ? Encore faudrait-il faire les bon choix économiques, sociaux et environnementaux.

Or vous ne songez qu'à développer des pôles économiques reliés par des moyens de transport rapides. Alors que toutes les métropoles européennes ont fait le choix d'un aménagement urbain compact, et contrairement aux orientations du schéma directeur de la région, vous préférez l'étalement. Depuis la décentralisation, les élus locaux se sont organisés. Certes, comme nous le rappelle M. Dallier, la gouvernance locale n'est pas sans faille. (On applaudit M. Philippe Dallier sur plusieurs bancs UMP) Mais faut-il rappeler que Bertrand Delanoë et son équipe ont créé dès 2001 le syndicat Paris-Métropole ?

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Rien n'a été fait depuis dix ans !

Mme Nicole Bricq.  - Faut-il redire que Jean-Paul Huchon a passé plus de quatre ans à négocier un schéma d'urbanisme bloqué par l'État et un plan de mobilisation pour les transports que nul ne conteste ? Les intercommunalités développent leurs projets. Depuis que la région a retrouvé sa compétence dans le domaine des transports, elle a plus que doublé son effort financier en privilégiant les équipements existants, ce qui devrait permettre de combler le retard pris par l'État depuis trente ans !

M. Alain Gournac.  - Vous ne prenez donc jamais la ligne A du RER le matin ?

Mme Nicole Bricq.  - Je la connais aussi bien que vous ! Tout le travail de la commission spéciale a consisté à rendre crédible le projet gouvernemental en lui appliquant un vernis de territorialisation, sans pour autant associer les élus à la réflexion, et en prévoyant un financement aléatoire pour un projet de transports dont le coût est mal évalué. M. le ministre a annoncé tout à l'heure, ce qu'il avait refusé de faire jusqu'à présent, qu'il y consacrerait les sommes provenant du remboursement des prêts consentis aux constructeurs automobiles, contredisant ainsi M. le rapporteur qui avait déclaré que ce projet serait financé par le Grand Emprunt. Mais que se passera-t-il si les créanciers ne remboursent pas ? (M. le ministre hausse les épaules) Cet expédient montre bien que l'État a épuisé ses ressources ! (M. Jean Desessard renchérit)

Nous réclamons une loi de finances pour que le financement de cette infrastructure soit envisagé globalement. Pourquoi n'avoir pas tenu compte des recommandations de M. Carrez, président du comité des finances locales ?

M. Jean-Pierre Caffet.  - Tant s'en faut !

Mme Nicole Bricq.  - Le Gouvernement préfère avoir recours aux valorisations foncières, très aléatoires. Comme la majorité sénatoriale, il est resté sourd à l'avis exprimé par les Franciliens le 21 mars. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat renchérit) En outre, l'article 3 annule le débat public lancé par la région au sujet d'Arc Express...

M. David Assouline et Mme Catherine Tasca.  - C'est scandaleux !

Mme Dominique Voynet.  - Une honte !

Mme Nicole Bricq.  - Cela autorise M. le ministre à dire, sans rire, qu'il a fait économiser 6 milliards d'euros à la région, soit exactement la somme que celle-ci attendait de l'État pour boucler le financement du plan de mobilisation. Au lieu d'une négociation, c'est un oukase ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

L'article 9 ter assujettit à l'Ifer le matériel roulant dont le Gouvernement a déjà transféré la propriété au Stif, par un amendement scélérat à un texte antérieur, alors même que ni la région ni les départements ne sont associés aux décisions. Curieuse conception du dialogue !

S'agissant de l'organisation des transports nécessaires au plateau de Saclay, le Gouvernement ne respecte pas l'engagement qu'il a pris devant l'Assemblée nationale de retirer l'article 29 si le Stif acceptait une délégation de compétences, ce qu'il a fait le 17 février dernier. (Mme Catherine Tasca le confirme)

Il me semblait que le Sénat tirait une grande partie de sa légitimité de la représentation des collectivités locales. Mais si la majorité vote ce texte, elle aura contribué au sabotage des projets de la région et des départements. Faut-il y voir une provocation ? Non pas : nous faisons la loi. M. le rapporteur se félicite que la dérogation au droit commun de la procédure de débat public permette de gagner un an et de lancer les travaux début 2012 : étonnante précipitation à propos d'un projet qui n'est ni financé, ni daté ! Curieuse conception de la démocratie ! S'agit-il d'une prise de guerre destinée à créer un rapport de forces favorable à l'État ?

Dans ce cas il y a instrumentalisation de la loi et du Parlement.

Pour nous, il ne s'agit pas de porter des appréciations sur telle ou telle modalité mais de défendre une vision et des priorités en contradiction totale avec ce projet de loi. Notre contribution au débat, nos amendements, notre opposition à ce texte nous placent du côté de la démocratie, de la décentralisation, de la confiance les uns dans les autres, sans lesquelles aucun projet d'avenir n'est viable. (Applaudissements à gauche)

M. Roger Romani.  - (Applaudissements à doite) Le présent projet de loi est particulièrement important pour l'agglomération parisienne mais aussi pour tout le pays. (M. Charles Revet renchérit) Il est une chance pour la région qui pourra s'adapter à la concurrence internationale et rester l'une des quatre ou cinq villes-monde. Il est une chance pour les habitants, je songe aux transports et à l'emploi. Il est une grande chance pour tout notre pays car l'effet d'entraînement sera sensible non seulement sur le grand bassin parisien -vingt départements et six régions, plus de 30 % de la population française- mais aussi, indirectement, sur tout le territoire national. Ce projet n'est pas celui d'une région contre les autres : il bénéficiera à toutes. Il répond donc à l'ambition formulée par le Président de la République.

Ce texte a fait l'objet d'un très important travail d'analyse et d'amélioration par la commission spéciale ; le remarquable document établi par notre rapporteur avec la rigueur et le talent que nous lui connaissons (applaudissements sur les bancs UMP et sur plusieurs bancs au centre) expose bien les enjeux ainsi que les attentes et les interrogations suscitées. Et le ministre a pour l'essentiel répondu, car son texte marque à la fois une réelle ambition et un solide pragmatisme. Pour la première fois depuis cinquante ans et les travaux menés par Paul Delouvrier, une vision globale de la région capitale combine développement économique, planification raisonnée des transports et création d'instruments de coordination de l'action publique. Je retiens quatre innovations : la société du Grand Paris, l'établissement public de Paris Saclay, la création de la double boucle de métro automatique et les contrats de développement territorial, gage de respect mutuel et de concertation loyale entre l'État et les collectivités locales, afin d'atteindre l'objectif de 70 000 logements supplémentaires. La quarantaine de gares créées sera un support inestimable pour l'essor des pôles de compétitivité.

Vous n'avez pas cédé, monsieur le ministre, à la tentation du meccano législatif ni au vertige de la table rase. Quant à la commission spéciale, elle a fait des propositions d'amélioration, je songe aux amendements du rapporteur pour améliorer la gouvernance de la société du Grand Paris ou à ceux de M. Cambon pour améliorer le réseau de transports publics. Il est indispensable d'établir une interconnexion entre la double boucle et l'ensemble du réseau ferroviaire et routier national. Paris se doit d'avoir des échanges constants avec les autres métropoles européennes. Il y a urgence à améliorer certaines lignes de métro et de RER, particulièrement la ligne A, au bord de la saturation et sur laquelle les conditions de transport sont très dégradées.

M. Roger Romani.  - Mais 70 % des déplacements quotidiens se font de banlieue à banlieue. Je suis un élu du Paris historique, du Paris central ; mais l'effort sur les déplacements de banlieue à banlieue me semble une priorité que nul, s'il a le sens de l'intérêt général, ne devrait contester.

Je terminerai par deux suggestions. Ne sous-estimons pas l'enjeu vital qu'est le bassin de la Seine pour le développement économique de la région capitale. La commission demande un rapport sur la possibilité d'un réseau affecté au fret ferroviaire, à partir des ports du Havre et de Rouen. A l'initiative de M. Revet, il devra étudier également l'hypothèse de nouvelles installations portuaires le long de la Seine pour assurer une meilleure desserte du Grand Paris. Il faut dire que nous vivons sous l'empire -le mot n'est pas trop fort- du port autonome de Paris et je proposerais volontiers de supprimer le qualificatif « autonome », car jamais l'on n'a pu suggérer, conseiller, encore moins demander quoi que ce soit au port autonome. M. Revet m'a expliqué qu'il en allait de même plus en aval...

M. le président.  - Comme à Marseille !

M. Roger Romani.  - Je ne m'étonne plus qu'Anvers ait la première place en Europe. En second lieu, la préservation de l'agriculture en région parisienne, indispensable, ne contredit pas l'objectif économique ni le développement durable. Je me félicite qu'à l'initiative de M. Béteille, 2 300 hectares de terres agricoles sur le plateau de Saclay soient protégés. Le grand juriste, figure de l'école de Bordeaux, Léon Duguit, écrivait, il y a un siècle : « Il faut adapter les catégories juridiques aux faits et non les faits aux catégories juridiques ». C'est tout l'atout de votre démarche, monsieur le ministre, et c'est pourquoi je vous apporte volontiers mon soutien. (Applaudissements sur les bancs UMP et sur plusieurs bancs au centre)

Mme Françoise Laborde.  - Faire de Paris une ville-monde : cette ambition métropolitaine implique une motivation de tous. L'enjeu dépasse de loin les querelles intestines entre la province et Paris, ou parmi les Franciliens. Mes collègues du RDSE et moi-même ne sommes pas élus d'Ile-de-France et pourtant, nous souhaitions participer à ce débat. Comme le rappelait déjà Blaise Pascal, « il y a des lieux où il faut appeler Paris : Paris, et d'autres où il faut l'appeler « capitale du royaume ». C'est de la région capitale et donc de la France que nous allons débattre. L'enjeu est national et c'est en ma qualité de parlementaire de la Nation que j'interviens.

Le concours international confrontant des architectes de renom avait porté cette ambition, au-delà du consensus dégagé au sein de « Paris, métropole » qui rassemble des élus de toutes tendances. Il y a bientôt un an que le Président de la République s'est exprimé au palais de Chaillot. Hélas !, le temps écoulé depuis n'a pas été mis à profit pour animer la consultation. Un mois à peine laissé aux élus concernés pour se prononcer sur un édifice aussi important !

Le présent projet de loi s'articule autour de trois grands axes. D'abord, un réseau de transports publics : si les moyens financiers suivent, on peut difficilement être contre. Mais le texte de loi présente plusieurs incohérences qui jettent un doute sur sa faisabilité, pire, sur sa sincérité. Où est l'articulation entre le futur « Grand huit » et les réseaux existants ? Comment assurer une gestion coordonnée avec des opérateurs différents ? Le nouveau métro ne peut être une solution alternative à tous les modes actuels de transport en commun ; il ne doit pas non plus faire passer la modernisation du réseau existant au second plan. Certaines lignes sont en déshérence.

II est indispensable de faire des 130 kms de rocade un ciment entre tous les Franciliens et non seulement une passerelle de plus destinée à une élite. Les orientations qui seront données aux investissements détermineront la place de la navette automatique, relais ou non d'un ascenseur social en panne.

Le titre V crée un Épic, Paris-Saclay, aux missions très larges : aménagement du territoire, promotion de l'innovation économique, valorisation du tissu industriel. Son inscription comme opération d'intérêt national en 2009 confirmait déjà la position du plateau de Saclay parmi les neufs clusters franciliens. Le bassin parisien est en effet un catalyseur de l'innovation et de la recherche avec plus de 55 % des dépôts de brevets. Il faut maintenir l'effort.

Je me félicite que l'Assemblée nationale ait enrichi les compétences environnementales de l'établissement public -au moment où le Grenelle et ses défenseurs ne semblent plus en odeur de sainteté...

Je salue le travail de la commission spéciale, mais le satisfecit s'arrête là. Plusieurs volets du texte ne sont à la hauteur ni des ambitions affichées ni des besoins. Des milliers de logements font défaut tandis que la mise en oeuvre du droit au logement opposable est un échec. L'inscription, dès l'article premier, de la construction de 70 000 logements par an est un pas en avant mais il est bien petit. Le financement des réseaux de transport existants est désormais garanti, mais au contraire de l'esprit de la décentralisation et de la volonté des élus. Le texte crée un nouvel échelon administratif doté d'outils d'urbanisation recentralisateurs, dont l'efficacité est incertaine ; la société du Grand Paris apparaît comme un outil privatisé au service de l'État pour pallier son désengagement financier.

L'articulation des processus de décision est insuffisamment dessinée. Pourquoi ne pas avoir arrêté le Sdrif, qui a fait l'objet d'une consultation publique et a été validé à une large majorité en 2008 ? Le projet de loi balaie d'un revers de main tous les efforts passés pour faire vivre la démocratie locale et la décentralisation.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Très juste !

Mme Françoise Laborde.  - Le texte crée en outre une série de dispositifs dérogatoires, alors que les outils existants pourraient convenir, qu'il s'agisse de transports ou d'urbanisation. L'État se voit attribuer un droit absolu de préemption et d'expropriation -et percevra à l'occasion les plus-values financières.

Sur le plan financier, la taxe forfaitaire est un maigre palliatif ; les financements d'État restent en suspens, qu'il s'agisse de la rénovation tant attendue par les Franciliens des lignes de RER, du désengorgement de la ligne 13 ou du prolongement d'Éole. Le plan d'urgence élaboré en 2008 en concertation avec les conseils généraux tentait de compenser l'inertie de l'État ; mais la contribution de celui-ci n'est toujours pas connue alors que le Stif l'a déjà lancé. Il y a urgence !

Au total, plusieurs questions restent sans réponse : le financement, le respect de la démocratie locale, des processus décisionnels en contradiction avec les compétences de la région et des autres collectivités. Pour toutes ces raisons, et hors de toute considération partisane, parce que l'État semble vouloir prendre le pouvoir sans mettre les moyens nécessaires, la majorité du groupe du RDSE ne pourra voter ce texte en l'état. (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - (Applaudissements à droite) Élue de Paris, je me félicite que le Gouvernement souhaite donner davantage de rayonnement à notre agglomération et à notre région. Il était nécessaire de les mettre davantage en valeur, de leur offrir un véritable réseau de transport, d'y développer une grande politique de recherche, de renforcer leur dynamisme économique. L'État devait intervenir pour pallier l'inaction des responsables locaux.

Ce texte pragmatique doit susciter un développement économique et urbain structuré autour de projets stratégiques identifiés, définis et réalisés par l'État et les collectivités territoriales, dont au premier chef un réseau de transport public avec 40 gares, unissant les zones les plus attractives de la capitale et de la région. Il ne faudrait pas oublier, cependant, les enjeux humains, les politiques de l'emploi, du logement, de la santé. Le rapporteur a, à juste titre, rappelé l'importance d'assurer une cohérence globale entre ces différentes politiques, dans le respect d'un objectif de développement durable. L'emploi croît plus modérément en Ile-de-France que dans les autres régions de France, tandis que la part de la région dans la construction nationale de logements a baissé de 7 % en quinze ans. Or le nombre de mal-logés ne cesse d'augmenter. Il ne faudrait pas que se développât une région à deux vitesses, l'une pour les gagnants du Grand Paris et l'autre pour les oubliés du « Grand huit ».

S'engage sur le plateau de Saclay une véritable politique de recherche ; nous disposons en Ile-de-France d'une grande richesse intellectuelle avec 78 000 chercheurs et 43 % des dépenses nationales de recherche et développement. Nous devons davantage la mettre en valeur grâce aux pôles de compétitivité. Ce sera l'occasion, je l'espère, de mettre en avant la recherche biomédicale à visée thérapeutique, en liaison avec le maillage sanitaire et hospitalier qu'organise aujourd'hui M. Claude Évin. (M. Charles Revet approuve)

Une question, monsieur le ministre : sur quelles études vous êtes-vous fondé pour adapter le Grand Paris aux évolutions démographiques à l'horizon 2020 ? Je partage votre analyse, le Grand Paris est un ensemble systémique ; l'incapacité à penser en même temps local et global est l'obstacle principal à toute politique de développement durable. J'ose espérer que l'écologie des hommes sera prise en considération ; mais cette dimension n'a pas été privilégiée. Je le regrette, même si je comprends, monsieur le ministre, votre objectif d'efficacité. On ne peut faire l'économie de l'intégration des hommes dans les territoires, de la façon dont ils sont connectés aux différentes logiques urbaines et architecturales -sans quoi les plus beaux rêves urbanistiques s'évanouiront. Vous voulez faire du Grand Paris un corps vivant.

M. Jean-Pierre Caffet.  - C'est mal parti !

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - N'attendez pas pour nous présenter la phase 2 et faire de votre projet une vraie chance pour tous les Franciliens. Je salue votre investissement personnel. Comme mes collègues du groupe UMP, je soutiens ce texte. (Applaudissements à droite)

M. Bernard Vera.  - Je m'en tiendrai à évoquer la création de l'établissement public Paris Saclay. Le statu quo n'est ni possible ni souhaitable, il faut aller vers un véritable projet partagé, appuyé sur les atouts accumulés depuis cinquante ans. Certes, l'intervention de l'État est bienvenue, dans un contexte plutôt marqué par son désengagement dans le financement des transports, du logement, de la recherche et de l'emploi ; mais elle doit aller de pair avec une large concertation avec les collectivités territoriales et les différents acteurs de la région, avec la prise en compte des populations qui y vivent, et non avec la remise en cause de l'indépendance de la région et des projets des élus ou de la pérennité de l'agriculture. L'intervention autoritaire de l'État conduit dans une impasse.

Le plateau de Saclay n'a pas attendu ce texte pour devenir un pôle scientifique et technologique de renommée mondiale. Il est la plus importante concentration de personnels et de moyens de la recherche publique française, accueille des établissements prestigieux -Paris 11, le CNRS, le CEA, l'Inra, Polytechnique, HEC, Supelec-, le synchrotron Soleil et des grandes entreprises comme Thales ou EADS.

On s'interroge sur les raisons qui incitent le Gouvernement à définir par la loi des dispositions relatives à la création d'un ensemble scientifique et technologique qui existe déjà. La réponse à cette question se trouve dans une de vos déclarations, monsieur le ministre : « L'excellence des équipes devra être utilisée pour nourrir des thématiques plus orientées vers le marché ». C'est donc clair : le Gouvernement veut s'assurer la maîtrise et l'orientation de ce pôle scientifique afin de le réorienter vers les secteurs susceptibles de rentabilité de court terme tout en connectant l'élite de la recherche avec les grands groupes privés.

Avec ses atouts d'exception, le plateau de Saclay est le cadre idéal pour réaliser le prototype d'une conception libérale des relations entre la science, l'enseignement supérieur et les intérêts privés. Cette réalisation aurait valeur de référence pour l'ensemble du territoire national et valeur démonstrative pour les pays étrangers.

Outre que cette soumission de la recherche fondamentale à des intérêts privés n'est pas admissible, l'écrémage de quelques élites reléguera au second plan la formation de la grande masse des étudiants. Alors que le Gouvernement désagrège la recherche publique et l'enseignement supérieur, les risques sont grands d'une orientation des activités de recherche vers la valorisation économique, tandis que les entreprises privées multiplient les restructurations et suppressions d'emploi, notamment dans les domaines de la recherche et du développement.

La pertinence du choix consistant à concentrer nouveaux centres de recherche et nouvelles grandes écoles sur un périmètre aussi restreint que celui du plateau de Saclay est loin d'être démontrée. On va ainsi pénaliser les territoires sur lesquels ces structures sont actuellement implantées. Nous condamnons cette mise en concurrence des territoires et combattons l'accroissement des inégalités territoriales à quoi elle conduit. Et qu'allons nous y gagner ? Votre conception fondée sur la seule proximité géographique relève d'un modèle ancien, inadapté au développement actuel des activités de recherche et aux modes de communication moderne. L'important, pour favoriser des synergies, c'est que les différents établissements partagent un référentiel, un langage, des pratiques susceptibles de nourrir des projets communs. Enfin, le regroupement en campus thématiques risque de casser des lieux pluridisciplinaires, les plus générateurs de créativité et pourvus d'une communauté scientifique qui a mis des décennies à se constituer et à élaborer des codes.

C'est d'ailleurs l'une des caractéristiques de ce projet que de ne pas tenir compte des réalités et des volontés locales. Je pense au parc d'activités de Courtaboeuf, où des entreprises à vocation scientifique sont déjà implantées et qu'il est impératif de désenclaver. Je pense également à la vocation agricole du Plateau, que vous reconnaissez du bout des lèvres. Vous êtes allé jusqu'à remettre en cause, à l'Assemblée nationale, la nécessité de préserver au moins 2 300 hectares de terres agricoles, qui fait pourtant l'objet d'un consensus local. Je me félicite que la commission spéciale ait, à l'unanimité, réintroduit cette exigence accompagnée d'une localisation précise du périmètre sanctuarisé.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Merci.

M. Bernard Vera.  - Ce projet ignore les dynamiques impulsées par les élus locaux. Les disponibilités foncières existantes dans l'ensemble des PLU des communes concernées suffisent pour répondre aux besoins diversifiés de logements, et notamment de logements sociaux, tout en réalisant l'équilibre habitat-emploi et en économisant les espaces agricoles du Plateau. Pour les transports, les parties auditionnées sont unanimes : l'urgence est à la rénovation des réseaux existants, prioritairement des lignes du RER, et au déploiement d'infrastructures de proximité permettant des déplacements rapides sans aggraver l'engorgement du réseau routier. Ces projets sont inscrits dans le plan de mobilisation pour les transports en Ile-de-France adopté par la Région et les départements franciliens et leur réalisation est prioritaire.

Le respect des volontés locales est une condition impérative pour que se développe le pôle d'innovation qui s'étend de Paris à Évry, en passant par le plateau de Saclay et le pôle d'Orly, sans accroître les inégalités entre les territoires. La création d'un établissement public, où l'État aura une place prépondérante et dont les prérogatives s'exerceront au détriment des compétences des collectivités territoriales, est contraire à cette exigence. De même, la création d'un syndicat mixte des transports se substituant au Stif ne peut que nuire à la cohérence des infrastructures de transports dont ce territoire a besoin.

Construire un métro automatique à haut débit, particulièrement adapté à des zones urbaines denses, au milieu de centaines d'hectares agricoles nous fait craindre le pire. De même, le très coûteux déménagement de l'université nous conduit à nous interroger sur les risques de spéculation immobilière.

Une autre logique est possible, fondée sur les politiques publiques locales, coordonnées à l'échelle de la région pour répondre aux besoins des populations, en termes d'égalité d'accès à l'emploi, au logement, aux transports et aux services publics en général. Une logique qui articule l'indépendance de la recherche avec la nécessité qu'elle féconde tous les secteurs sociaux, économiques, culturels et environnementaux. Une logique qui tienne l'équilibre entre les activités scientifiques et les activités agricoles, dans une perspective de développement durable et solidaire.

Pour toutes ces raisons, nous n'adhérons pas à votre projet concernant le plateau de Saclay et nous défendrons une autre vision de son avenir. (Applaudissements à gauche)

M. Denis Badré.  - Notre débat est organisé en urgence. Urgence, il y avait hier, il y a aujourd'hui, il y aura demain. La compétition mondiale ne nous attend pas. Les retards pris doivent être rattrapés, les problèmes du jour doivent être traités et il faut anticiper sur ceux de demain. Il ne faut pas pour autant confondre vitesse avec précipitation. Puisqu'il y a retard sur ce débat, il fallait d'urgence l'ouvrir pour le traiter complètement. Heureusement, bâcler n'est pas le genre de M. Fourcade, ni le choix de notre commission spéciale. Sous l'autorité éclairée du président Emorine, celle-ci s'est mise au travail dans le calendrier imposé. La passion qu'y a mise notre commission atteste de notre volonté d'aller vite et loin. Nous commençons à être vraiment dans le sujet, à en mesurer la complexité et à en maîtriser nombre d'aspects. Et l'élan va être cassé. Une CMP et ce sera terminé ! Quel dommage ! Vu les retards accumulés, on n'était plus à un quart d'heure près. Une navette aurait enrichi le texte. Il va falloir trouver une manière de poursuivre en conservant l'élan.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Quel élan, avec ce Gouvernement ?

M. Denis Badré.  - La récente campagne électorale a donné le fâcheux sentiment que le débat pouvait se résumer à un règlement de compte politicien entre l'État-UMP et la région PS.

M. Jean-Pierre Caffet.  - C'est le cas.

M. Denis Badré. - Il leur appartient aujourd'hui de montrer qu'il ne s'agissait pas de postures de circonstance et qu'ils sont déterminés à sortir d'un face-à-face paralysant pour retrouver le chemin d'un partenariat actif. Peut-être auront-ils besoin du Centre pour cela.

M. Nicolas About.  - Peut-être...

Mme Nicole Bricq.  - C'est bon !

M. Denis Badré.  - C'est d'ailleurs beaucoup plus largement encore que notre débat doit être fédérateur. II ne faut pas seulement amener l'État et la région à se parler. Nous aurons fait oeuvre utile si Franciliens et provinciaux comprennent qu'il s'agit d'un débat national, et même européen, qui ne peut laisser indifférents ni les uns ni les autres. Ne sommes-nous pas tous élus nationaux ? Derrière nos collègues normands, directement intéressés, et le président Emorine, dont l'engagement personnel est porteur de sens, il est souhaitable que nous nous mobilisions tous. Vider la province au profit de Paris serait aussi absurde que refuser au Grand Paris les moyens nécessaires pour s'imposer sur la scène mondiale.

Nous sommes tous peu ou prou à la fois enclavés et Franciliens. Dans le même esprit, il nous faut traiter les problèmes qui peuvent opposer l'est et l'ouest, Paris intra muros, la petite et la grande couronnes, voire telle ou telle de nos intercommunalités. Nous avons ici une exceptionnelle occasion de travailler ensemble, bon exercice pour des Français dont ce n'est pas le penchant naturel.

Pour progresser durablement, il faut d'abord éviter toute recentralisation.

M. Jacques Mahéas.  - C'est raté.

M. Denis Badré.  - Il faut aussi éviter de compliquer encore une organisation déjà lourde et peu lisible, ainsi que d'aller vers une spécialisation des territoires qui concentrerait les entreprises à la Défense, la science à Saclay et les logements ailleurs. Pour que chaque territoire soit vivant, il faut pratiquer à toutes les échelles une mixité bien tempérée.

Un très bon instrument de cette mixité est l'intercommunalité. Celle-ci peut construire son projet en visant le meilleur équilibre logement-emploi-transport. Si les très grands équipements structurants, tels qu'opéra, grand stade ou aéroport, doivent se concevoir à l'échelle du Grand Paris, l'équilibre de l'ensemble ne peut être recherché qu'à travers celui de chacune de ses parties. Les intercommunalités en seront donc des acteurs majeurs.

Il faudra bien parler de gouvernance, et pas trop tard. C'est dès la conception du projet qu'il faut dire comment il sera mis en oeuvre et comment il sera financé. Jean-Pierre Fourcade y a fort justement insisté. Ce projet a pu être caricaturé comme étendant la compétence du préfet de police à la petite couronne, offrant un « Grand huit » pour répondre à l'attente de transports et structurant le plateau de Saclay pour donner à l'ensemble une caution scientifique. Cette caricature peut amener une réflexion.

De fait, un Parisien peut traverser le périphérique même s'il est préfet de police. Les truands le font bien. Sachons décloisonner et unir.

Entrer dans le triptyque logement-emploi-transport, clé d'un aménagement durable du territoire, par le côté transport est une bonne manière de plonger dans le débat.

Encore faut--il avoir la volonté de ne pas en rester là et de relier rapidement le côté transport aux deux autres, emploi et logement : notre commission s'y est employée. Encore faut-il également poser complètement le problème crucial des transports et dire ce qui sera fait, quand et avec quel financement. L'usager du réseau actuel n'a pas besoin d'être sensibilisé au sujet. Il l'est et, malheureusement, très négativement, notamment s'il fréquente le RER B, les lignes 13 ou 14 ou la gare Saint-Lazare... Il subit tous les jours le fait que les renforcements rendus nécessaires par l'augmentation du trafic ne suivent pas. Le transfert amorcé du transport individuel vers le collectif est une bonne chose, à condition que les moyens suivent. Si de très importants renforcements sont d'absolues nécessités, il faut aussi combler les lacunes flagrantes : prolongation d'Éole à l'ouest, désenclavement de Roissy ou de Saclay, gares TGV à Orly et à la Défense, pour ne citer que quelques exemples. Si l'on veut, enfin, éviter qu'on se retrouve demain face aux mêmes difficultés, amplifiées, il est indispensable d'anticiper sur les besoins du futur C'est par là que vous avez choisi de commencer. Notre plus grosse préoccupation concerne la coordination dans le temps de l'effort à réaliser pour ces renforcements, pour pallier les lacunes et pour préparer l'avenir. Nous contenter de répondre à notre usager exaspéré d'aujourd'hui qu'il pourra disposer dans quinze ans d'un « Grand huit », même rapide et automatique, relèverait de la provocation...

Mettre le projet sous le signe de la recherche et de l'enseignement supérieur s'imposait dès lors qu'on parle de compétitivité. Alors, allons au bout de la démarche. Faisons un véritable emblème de cette priorité à la recherche en branchant d'emblée le plateau sur le très haut débit.

Nous ferons oeuvre utile si nous avons des idées claires sur la question générale du devenir du Grand Paris, de sa place et de son rôle dans le monde comme dans le pays.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Vous y croyez ?

M. Denis Badré.  - Je ne peux donc que souhaiter la plus grande ouverture pour notre débat, sûr que nous saurons travailler ensemble et avec vous, monsieur le ministre, ici en séance, comme nous avons choisi de le faire en commission. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Serge Lagauche.  - L'histoire de l'aménagement du territoire en Ile-de-France est marquée par un désengagement financier progressif de l'État, dans le cadre des contrats de plan puis de projet, contribuant à l'accroissement des inégalités sociales et territoriales, en matière d'emploi, de logement et de transports collectifs.

Les Opérations d'intérêt national (OIN) lancées sur le territoire francilien ont ensuite progressivement annoncé le retour de la volonté de l'État de s'impliquer dans l'aménagement du territoire de la région. Dans le Val-de-Marne, avec l'OIN Orly-Rungis-Seine amont, nous avions apprécié ce retour de l'État, considérant que cela se traduirait par des investissements publics plus importants, dans le respect de la démocratie locale. Malheureusement, le texte issu de notre commission spéciale reste marqué par la philosophie générale de votre projet de loi. La dimension globalement unilatérale de votre projet de métro automatique en rocade confère en effet à l'État et à la société du Grand Paris la quasi-totalité des moyens de définition et de réalisation, à la fois de l'infrastructure et des noyaux urbains autour des gares.

Or, la puissante logique opérationnelle mise en place, associée à la recherche de plus-values foncières et immobilières, risque d'accentuer les inégalités et les déséquilibres. En périphérie des périmètres définis dans le cadre des contrats de développement territorial, vous prenez le risque de rejeter une nouvelle fois les populations modestes et les activités économiques les moins rentables. Votre projet comporte un risque réel de ségrégation accrue et de développement à plusieurs vitesses alors que le but d'un métro traversant le territoire francilien en rocade doit être de bénéficier à l'ensemble du territoire. C'est précisément l'objet du projet de rocade de métro en proche couronne Arc Express, porté par la région via le Schéma directeur (Sdrif), étroitement lié au plan de mobilisation pour les transports en Ile-de-France. Ce plan, doté de 17,8 milliards pour les transports en commun pour les dix ans à venir, est le plus ambitieux depuis la création du Réseau express régional dans les années 70. Le plus ambitieux non seulement en termes de moyens mais encore et surtout en ce qu'il place au premier rang de ses priorités la modernisation et la rénovation des lignes existantes. A la tête du Stif (Syndicat des transports d'Ile-de-France) depuis 2006, M. Jean-Paul Huchon a réussi à obtenir l'engagement des départements franciliens, de la ville de Paris et du Stif pour cofinancer ce plan. Il est invraisemblable que l'État refuse de s'engager financièrement. Le texte issu de la commission spéciale tente de nous faire croire qu'il permettra d'articuler les travaux de la société du Grand Paris avec le plan de modernisation des transports en Ile-de-France issu d'une concertation générale avec l'ensemble des représentants des collectivités territoriales. Mais l'État, par l'intermédiaire de l'amendement de M. Pozzo di Borgo, adopté par la commission, supprime purement et simplement le débat public engagé sur le projet Arc Express.

Mme Catherine Tasca.  - Inadmissible !

M. Serge Lagauche.  - Cette suppression constitue ni plus ni moins un rejet d'Arc Express ! Une fois de plus la majorité sénatoriale manifeste sa curieuse conception de la démocratie locale et son mépris des projets co-élaborés et votés par l'ensemble des collectivités territoriales franciliennes.

Vous nous proposez un projet de rocade automatique éloignée des lieux de vie qui, en reliant uniquement les principaux pôles économiques franciliens, fait totalement abstraction des besoins réels de déplacement domicile-travail. Votre « Grand huit » est déconnecté des besoins des franciliens. Contrairement au projet Arc Express qui doit permettre une desserte fine des zones d'habitation et de travail autour de Paris, la rocade en double boucle desservira des gares éloignées les unes des autres. Or un réseau de transport doit d'abord améliorer les déplacements domicile-travail. C'est précisément l'objet d'Arc Express qui, pour un moindre coût -moins de 10 milliards contre plus de 21 pour la double boucle-, prévoit davantage de gares dans des territoires fortement urbanisés et permet donc de desservir un maximum d'habitants et d'emplois.

Un consensus s'était d'ailleurs dégagé au sein de la commission spéciale présidée par notre collègue M. Gilles Carrez pour financer prioritairement le plan de mobilisation pour les transports en Ile-de-France, qui inclut le projet Arc Express. Nous ne sommes pas hostiles au principe d'une grande boucle autour de Paris mais ce n'est pas la priorité tant les Franciliens attendent, avant tout, un meilleur fonctionnement des transports actuels.

Par exemple, dans mon département, le Val-de-Marne, le projet de métro automatique Orbival, qui, après concertation, a été intégré au projet Arc Express de la Région, doit faciliter les déplacements à l'intérieur du département en le traversant d'est en ouest. En correspondance avec les lignes de RER et avec trois lignes de métro, Orbival connectera le Val-de-Marne à l'ensemble du territoire régional. Voilà comment, concrètement, contribuer au rééquilibrage entre l'est et l'ouest du département et ainsi le relier à Marne-La-Vallée. En raccordant les principaux pôles d'activité et d'emploi, Orbival crée des synergies de développement au sein des différentes filières économiques du département. Les trajets domicile-travail seront raccourcis grâce au rapprochement des bassins de vie et des secteurs économiques.

Les universités de Paris 12 et de Marne-La-Vallée, récemment réunies sous la même bannière Université Paris Est, possèdent tous les atouts pour égaler des ensembles universitaires internationaux, pour ce qui est des conditions de vie et de travail des chercheurs et des étudiants. Avec actuellement 45 000 étudiants dont 15 000 en master et 1 300 en doctorat, avec 1 300 enseignants, 1 600 chercheurs et enseignants-chercheurs dont près des deux tiers dans les sciences exactes, l'Université Paris Est doit être soutenue pour créer à l'est un grand pôle industriel et scientifique consacré à la construction, à la maintenance et aux services de la ville durable. Il faut penser la complémentarité entre le site de Saclay et celui de cette Université. Il faut développer des coopérations internes à l'Ile-de-France. Or le Grand Emprunt va continuer à privilégier le site de Saclay, déjà fortement doté. A Créteil, comme à Marne-La-Vallée et à la Cité Descartes, on peut engager le processus de développement tout de suite. Une nouvelle dynamique est manifestement en route et il existe un fort consensus entre tous les acteurs, élus, universités, grandes écoles, aménageurs, chambres de commerce. Attention à l'hyperspécialisation des sites académiques dans la logique des pôles d'excellence.

La mise en relation de l'OlN Orly-Rungis-Seine amont avec Marne-La-Vallée, les efforts du conseil régional, du conseil général du Val-de-Marne, de la communauté d'agglomération de la Plaine centrale du Val-de-Marne et de la ville de Créteil ont permis de regrouper les principales composantes de l'Université Paris-est sur des sites proches. 4 000 logements étudiants sont d'ores et déjà disponibles sur les deux sites de Créteil et Marne-La-Vallée, mais les besoins n'en sont pas moins considérables. Plus de 6 000 logements pourraient y être réalisés 1 800 dans et autour de la Cité Descartes, 2 500 au Val d'Europe, 1 500 à et autour de Créteil, 500 sur le domaine de Chérioux à Vitry-sur-Seine. Il faut développer d'urgence un plan de construction de logements étudiants, en concertation avec les municipalités et en associant des bailleurs publics et privés. Comment peut-on penser une ville-monde si elle n'est pas une ville à vivre ?

Une fois de plus, l'argent ira à l'argent : 850 millions seront versés au Plateau de Saclay dans le cadre du plan Campus. Dans le même temps, vous préparez une desserte sur mesure pour le quartier d'affaires de La Défense. Rien, ou si peu, dans ce texte pour répondre à la demande de logement social.

Votre texte ne permettra d'améliorer ni la qualité de vie des Franciliens ni la solidarité entre les territoires. Tout au mieux le métro automatique en double boucle permettra-t-il aux millions de salariés modestes résidant à l'est de Paris de rallier La Défense et ses futurs tours jumelles pour lesquelles est évoquée la construction de quelques logements de très grand standing à 12 000 euros le mètre carré. Le prix du mètre carré pour les entreprises est dix fois plus cher à l'ouest qu'à l'est. Il y a là une injustice qu'un projet global pour le Grand Paris ne peut éluder. Ce texte sera-t-il l'occasion manquée de traiter en priorité la question fondamentale du nécessaire rééquilibrage entre l'est et l'ouest en matière de logements, d'emplois et de transports , triptyque indissociable pour faire du Grand Paris une métropole à vivre.

Nous ne sommes pas opposés par principe à un métro automatique en double boucle. Mais les priorités sont ailleurs. C'est tout le sens des actions planifiées sur vingt cinq ans dans le Sdrif. Le Gouvernement doit cesser d'en bloquer la mise en oeuvre et agir de concert avec l'ensemble des collectivités territoriales franciliennes. On ne transforme pas le présent et l'avenir d'une région sans ses élus, encore moins sans la prise en compte des besoins de ses habitants.

Monsieur le secrétaire d'État, que les pleins pouvoirs que va vous donner la loi ne vous fassent pas oublier les avis des élus, de la population et des architectes, même si cela fait perdre un peu de temps pour accomplir le grand projet du Président de la République. (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Dumas.  - (Applaudissements à droite) Ce texte ne concerne pas uniquement l'avenir des 11 millions de Franciliens mais bel et bien celui des 65 millions de Français. Il répond à la volonté du Président de la République de définir un nouveau modèle de développement et pose les bases qui permettront à notre pays, et à la Ville lumière, de continuer à rayonner sur le XXIe siècle. Il est de notre responsabilité d'élus de répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens et nous devons rendre compréhensibles à chacun les réalisations concrètes permises par ce projet de loi.

Votre projet de loi fournit, monsieur le ministre, des outils techniques et juridiques pour avancer la réalisation des chantiers prioritaires. Je pense aux contrats de développement territorial, signés entre les communes et l'État. Je suis, en tant qu'élue parisienne, particulièrement attentive aux flux de déplacements et à l'amélioration des dessertes de la zone centrale qui concentre, à elle seule, 90 % des trajets en Ile-de-France. Le prolongement de la ligne 14 au nord, vers la mairie de Saint-Ouen, et les nouvelles possibilités d'interconnexions qu'il apporte, est une réelle avancée. Ce nouvel axe traverse le 17e arrondissement qui m'est très cher. La gare de la porte de Clichy doit être agrandie pour accueillir la liaison Météor et organiser l'interconnexion avec le RER C. Le futur tracé doit non seulement améliorer la desserte de ce secteur très peuplé mais également constituer le futur poumon des terrains Clichy-Batignolles.

A terme, pas moins de 25 000 personnes viendront vivre et travailler dans ce secteur. Ce projet, qui constitue l'une des dernières opportunités d'aménagement foncier dans Paris intra muros, va permettre de relier la Plaine Monceau aux Batignolles et aux Épinettes. Sur cet emplacement, le plus grand « éco-quartier » de Paris doit voir le jour : un parc de 10 hectares, plus de 3 000 logements, des équipements scolaires, des commerces, des bureaux et la future cité judiciaire annoncée par le Président de la République. Les perspectives de développement autour de la future gare de la porte de Clichy sont donc très nombreuses. C'est un secteur stratégique, qui mérite une volonté politique forte. Mme le maire du 17e arrondissement vous a fait part à plusieurs reprises de son souhait pour qu'une réflexion soit menée, notamment par les dix cabinets d'architectes, sur ces terrains et que ceux-ci soient pris en compte dans le cadre de cette loi. Je vous demande solennellement qu'un contrat de développement territorial soit conclu entre l'État et la ville de Paris dès l'entrée en vigueur de ce texte, dans les conditions énoncées par son article 18. J'insiste, monsieur le ministre, sur la nécessité d'associer pleinement la municipalité et le maire d'arrondissement à la réalisation de ce projet de grande ampleur, qui transformera en profondeur le visage du 17e arrondissement.

Le second point sur lequel je souhaite attirer votre attention concerne les métiers de l'artisanat d'art et de la création. Au sein des huit grands pôles d'activité définis dans le projet figure, sur le secteur de la Plaine Saint-Denis, l'implantation et le développement d'un « territoire de la création ». Ce pôle, qui s'appuiera sur le très riche tissu existant d'entreprises, d'artistes et de créateurs, a l'ambition de devenir une référence mondiale de l'innovation, sur des secteurs porteurs de croissance et d'attractivité, comme les nouvelles technologies ou les industries du divertissement. Les travaux engagés par la mission territoriale ont également permis d'identifier les nombreux savoir-faire traditionnels existants, qu'il convient de fédérer, en encourageant la création d'un centre de l'artisanat d'art sur « l'îlot du cygne », au coeur de la ville de Saint-Denis. La réhabilitation de cet espace de 6 000 m², en plein centre historique, permettra de développer la vocation économique et touristique de ce territoire. Ce centre favorisera également l'emploi et l'insertion professionnelle des jeunes avec, par exemple, la transmission de métiers rares comme ceux du bronze.

Je soutiens également le projet de modernisation des Puces de Saint-Ouen autour des métiers de la restauration et de la création contemporaine. La rénovation de ce lieu emblématique, autour d'une « résidence d'artistes » et d'un centre de la création où pourront collaborer les designers et les étudiants de l'École des beaux-arts de Saint-Ouen, est tout à fait souhaitable.

Ces projets très concrets démontrent l'utilité du Grand Paris, catalyseur d'énergies autour de potentiels bien tangibles. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous présenter les perspectives de développement de ce pôle de la création et le calendrier prévisionnel de sa mise en oeuvre ?

Ce texte ambitieux sait exploiter les atouts du territoire francilien, les plaçant dans une perspective de développement équilibré, rationnel et durable. Il répond efficacement à la vision dynamique exprimée par le Président de la République, pour notre capitale, pour la région Ile-de-France et pour notre pays. Je lui apporterai donc tout mon soutien. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Ce projet ambitieux, que notre commission et son rapporteur, M. Fourcade, dont je salue le travail, ont su améliorer, pose la première pierre d'un édifice ambitieux sur le long terme, projetant au rang des grandes métropoles mondiales un Grand Paris qui transcende les frontières de l'actuelle agglomération parisienne et de la région Ile-de-France, en s'appuyant sur ces deux piliers que sont le réseau des transports et le développement du pôle de Saclay, dont découlent toutes les autres dispositions, ainsi que l'ont bien montré MM. Pozzo di Borgo et Badré.

Si je trouve la structure du projet globalement satisfaisante, je souhaiterais attirer votre attention sur ce qui me semble actuellement une faiblesse.

Avec mes collègues du groupe centriste, Jean-Léonce Dupont et Hervé Maurey, je suis vigilante à la manière dont le Grand Paris est amené à s'ouvrir sur la Normandie, afin de bénéficier d'une façade maritime voulue par le Président de la République.

Car, ainsi que le remarquait Fernand Braudel, la capitale française est, à son désavantage, continentale. Si la métropole parisienne veut rester demain dans le peloton restreint des métropoles de rang mondial, elle doit se donner les moyens de maitriser la puissance des flux commerciaux. Et cela lui commande de se connecter à sa façade maritime. La Normande que je suis a donc été surprise de ne rien trouver dans le texte initial. Le travail en commission, et notamment l'apport de mon collègue de Seine-Maritime, Charles Revet, a heureusement a permis de soulever la question de la liaison entre Paris et la Normandie, tant pour le transport à grande vitesse de voyageurs que pour le transport multimodal de marchandises depuis Le Havre. (M. Charles Revet le confirme)

La réflexion sur le Grand Paris, monsieur le ministre, doit absolument rejoindre celle que mène la Normandie, arbitrairement divisée en deux au début des années 1950.

Si la Seine est bien une artère stratégique dans ce projet, n'oublions pas qu'elle se jette en Haute et Basse-Normandie. Le projet de Seine Métropole, fort intéressant, ne saurait se résumer à faire du fleuve un simple couloir de transit des marchandises et des savoirs vers Le Havre et de la Seine-Maritime la banlieue périphérique de la capitale.

Le Grand Paris, sans « s » , pour reprendre la formule d'Antoine Grumbach, doit reposer sur la mobilisation de tous les acteurs qui permettra non seulement de développer l'axe Seine autour d'un projet éco-responsable qui concernera les deux ports maritimes de Rouen et du Havre mais aussi de valoriser les atouts d'une Normandie réunifiée autour du réseau Rouen-Caen-Le Havre. Des projets d'envergure comme la ligne ferroviaire pour le TGV normand pourront ainsi être réalisés.

Les Normands sont déterminés à ne pas laisser passer cette opportunité et à voir exploités tous les atouts de nos ports.

Le Grand Paris appelle la Grande Normandie et réciproquement. Pour être la locomotive de l'économie française et européenne, le Grand Paris doit accrocher le plus grand nombre de wagons. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous y serez vigilant. (Applaudissements au centre, à droite et au banc des commissions)

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M. Bernard Angels.  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Votre projet est démocratiquement inquiétant. (M. Nicolas About s'impatiente) Il marque un stupéfiant recul de la décentralisation : avec le Grand Paris, vous tournez le dos à plus de trente années de progression des libertés locales. Aucune concertation avec les élus locaux, les habitants, le conseil régional. Avec vous, « l'organisation de la république est décentralisée », sauf en Ile-de-France.

Votre projet est financièrement hasardeux : en dépit de vos efforts, vous n'arrivez toujours pas à nous présenter des pistes de financement crédibles. (M. le ministre le conteste) Certes, vous annoncez, comme à votre habitude, la création de nouvelles taxes. Mais nous ne savons toujours pas comment vous parviendrez à réunir les 20 à 25  milliards d'euros dont vous avez besoin.

Surtout, votre projet est, et c'est le plus préoccupant, socialement et territorialement injuste. Vous ignorez superbement les outils de cohésion sociale et territoriale que des élus légitimes ont patiemment élaborés : le schéma directeur de la région Ile-de-France et le plan de mobilisation des transports, fruits d'un travail de longue haleine mené dans la concertation entre la région, et que les électeurs ont encore approuvé il y a quelques semaines...

Le Sdrif, que le Gouvernement n'a toujours pas transmis au Conseil d'État, veut promouvoir un aménagement du territoire francilien plus harmonieux et plus cohérent, contribuer à résorber les inégalités sociales et territoriales, mettre notre région à l'heure du développement durable. Il fixe des objectifs concrets : la construction de 60 000 logements par an, pendant vingt cinq ans et, à terme, un taux de 30 % de logement locatif social.

Quant au plan de mobilisation des transports, il a l'ambition de rattraper un retard de trente ans, alors que l'État avait la responsabilité des transports de l'Ile-de-France. La région et l'ensemble des départements franciliens ont su s'accorder pour le financement de ce plan. Vous n'en tenez pas compte. Pire encore, vous dépouillez le syndicat des transports d'Ile-de-France, auquel pourtant vous aviez transféré la gestion des transports franciliens il y a six ans. En ignorant les orientations définies par le conseil régional, vous bloquez un processus de développement mûrement réfléchi et méprisez, par la même occasion, la voix des franciliens qui ont été consultés pour son élaboration.

Vous prétendez faire du réseau de transports en Ile-de-France un levier pour le développement de la région ? Mais vous négligez le quotidien et l'urgent : l'amélioration des infrastructures existantes et le renforcement des premiers pôles d'attractivité. L'amélioration du réseau de la grande couronne et celle des liaisons banlieue-banlieue, voilà une priorité absolue. Vous faites mine de l'ignorer.

Dans le département du Val-d'Oise, l'ensemble des élus souhaitent vivement la réalisation du barreau ferroviaire de Gonesse, qui permettrait de relier les RER D et B. Nous voulons également une liaison structurante entre Cergy et le pôle aéroportuaire de Roissy, car il s'agit là d'un axe stratégique joignant le nord-ouest et le nord-est de l'Ile-de-France. Que faites vous pour cela ? Nous préconisons la création d'une liaison entre une gare parisienne et le TGV Roissy-Charles-de-Gaulle, porte d'ouverture sur le monde. Nous voulons développer le fret fluvial, entre la confluence Seine-Oise et le futur canal à grands gabarits Seine-Europe. Que prévoyez-vous pour faire émerger ces projets d'avenir ?

Votre projet se veut prospectif et stratégique ? Mais il délaisse l'urgent, le quotidien. Pire encore, il néglige plusieurs millions d'habitants de la région. Ainsi, mon département, le Val-d'Oise, est le grand oublié de ce texte.

Votre projet se veut englobant et cohérent ? Mais le projet de métro automatique ne concerne qu'une partie restreinte de la population active censée rejoindre rapidement des pôles de développement économique.

Que faites-vous de l'autre partie et du Val-d'Oise, le grand oublié de votre projet ? La double boucle ne l'irriguera pas alors qu'on parlait de remédier aux inégalités territoriales et de désenclaver. Pourquoi seule une partie sera-t-elle rattachée au Grand Paris et faut-il, quand on habite Sarcelles ou Villiers-le-Bel, passer par gare du nord pour aller à Roissy ?

M. Jean-Pierre Caffet.  - Exact !

M. Bernard Angels.  - Je ne crois pas que le Grand Paris puisse se passer d'un département de 1 200 000 personnes et qui connaît une croissance continue ; je ne crois pas qu'il puisse se passer d'un département dynamique doté d'un aéroport international ; je ne crois pas qu'on puisse faire l'impasse sur l'abbaye de Royaumont, le château de la Roche-Guyon, le musée Van Gogh ou le beau musée de la Renaissance à Ecouen. Le Val-d'Oise, qui a tant contribué au développement de la région, est le grand oublié de la réforme. Il est absurde de faire le Grand Paris en écartant la région et impensable de le faire sans intégrer le Val-d'Oise. Il est grand temps d'associer les élus à votre projet ! (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Dominati.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Tous les présidents de la Ve République se sont impliqués dans le développement de la capitale : c'est le Président Giscard d'Estaing qui a permis la première élection d'un maire de Paris depuis des siècles ; c'est également pendant son septennat que le conseil régional a été pour a première fois élu au suffrage universel. Dans un premier temps, le Président Mitterrand avait manifesté sa défiance en voulant morceler la ville en 20 communes autonomes...

Voix sur les bancs socialistes.  - Une erreur !

M. Philippe Dominati.  - ...avant d'associer son statut à celui de Lyon et de Marseille.

M. le président.  - Une autre erreur ! (Sourires)

M. Philippe Dominati.  - Le Président Chirac, qui avait été maire de Paris et député de la Corrèze, a démontré que la France n'avait plus rien à craindre de Paris et que celle-ci était essentielle à la croissance et à la prospérité de celle-là. En s'engageant pour le Grand Paris, le Président Sarkozy a répondu à la nécessaire ambition de modernité pour une métropole qui avait perdu un peu de son éclat ; il devait pour cela vaincre les réticences de ses adversaires... et de ses amis.

M. Jean-Pierre Caffet.  - C'est pas gagné !

M. Philippe Dominati.  - Il a suscité des espérances mais, dans un tel projet, il convient de commencer par les fondations avant de préciser la gouvernance puis de déterminer les caractéristiques du budget. Le Gouvernement a cette ambition pour l'ensemble des collectivités mais leur réforme, que je soutiens sans réserve, excluait Paris, dans l'attente du présent projet. Or celui-ci n'aborde aucun des sujets qui seraient incontournables pour donner crédit et légitimité à cette ambition : c'est un texte technique organisant l'engagement de l'État dans les transports collectifs et la recherche à Saclay.

Je ne fais pas partie de la forte majorité associant le Gouvernement, de nombreux membres de la droite et la totalité de l'opposition pour maintenir coûte que coûte un système qui remonte à 1945 et qui est une exception en France et en Europe comme dans les villes mondes : le monopole exclusif de l'État sur les transports publics. Les uns défendent les services publics, les autres la paix sociale ou l'efficacité centralisatrice. Lors de son audition, le président de la SNCF nous a pourtant vanté la réussite des transports régionaux : tous les acteurs se sont approprié la réforme dans toutes les régions sauf une, où l'État continue à défendre le monopole des sociétés publiques, exposant ainsi le Parisien que je suis à 142 incidents l'an dernier. Après avoir demandé à Bruxelles la prolongation de la durée du monopole public, vous nous proposez de créer un quatrième établissement public pour résoudre les problèmes laissés irrésolus par les trois précédents !

Vous en donnez-vous les moyens ? Avec une dotation initiale de 4 milliards, vous voulez emprunter plus de 20 milliards d'ici 2025. Dans l'état de ses finances, l'État peut multiplier de tels montages pour dissimuler une dépendance à l'endettement de plus en plus mal acceptée par nos concitoyens mais c'est un second grand emprunt que vous nous soumettez quelques semaines après le vote du premier. Ce schéma, classique depuis trente ans, entraînera des coûts de fonctionnement élevés : 7 milliards dans ce projet.

L'État tient rarement ses engagements pour les transports publics en Ile-de-France car les estimations financières sont systématiquement dépassées : on avait prévu 950 millions pour Éole en 1992 et il a fallu abandonner la seconde partie car on avait atteint 1 200 millions ; Méteor était déjà passé de 670 millions à un milliard. Le représentant d'une société spécialisée nous a indiqué qu'à Hong-Kong, pour un projet similaire, le kilomètre revenait à 500 millions. Nous entendons l'inquiétude et la perplexité et souhaitons qu'on définisse d'abord les modalités en s'inspirant du rapport Carrez. Les Franciliens, leurs entreprises seront sollicités, ne serait-ce qu'en raison de la redéfinition des zones après la victoire des socialistes. Pouvez-vous nous préciser les engagements de l'État pour la modernisation et la mise à niveau du réseau existant ?

M. Jean-Pierre Caffet.  - Très bonne question !

M. Philippe Dominati.  - La SNCF, qui n'assure que le quart du trafic, estime ses frais de fonctionnement pour les dix prochaines années à 4 milliards. Or si l'État a réussi la construction du plus grand aéroport continental européen, on a négligé sa liaison avec Paris et la liaison Charles-de-Gaulle-Paris-Est est incompatible avec le projet de double boucle : le Gouvernement devra faire preuve de clarté. Enfin, le trafic au coeur de Paris augmentera si votre réseau connaît le succès : comment les infrastructures existantes l'absorberont-elles ?

Le Président de la République avait suscité beaucoup d'espérances. Vous avez eu le mérite d'animer le débat. Votre mission est d'ouvrir des perspectives, mais ce travail visionnaire est difficilement compatible avec les exigences du quotidien. J'aurais préféré commencer par les fondations mais s'il faut commencer par la technicité administrative, avançons. Bien que perplexe sur la méthode, je préfère l'action à l'immobilisme et j'essaierai de vous convaincre des corrections nécessaires pour notre ville-monde. (Applaudissements à droite)

Mme Dominique Voynet.  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Le vrai, le beau, le grand, et même le juste..., le Président de la République n'était pas à court de qualificatifs le 29 avril dernier, allant jusqu'à convoquer Victor Hugo. On allait recréer du lien social, refaire la ville, inventer le durable, la cité de l'après-Kyoto... On annonçait la fin des zones urbaines sensibles et de la discrimination sociale. Promis craché, la réflexion des architectes et à aux candidats UMP de dire Grand Paris pour l'emporter.

Pourtant, le geste est resté très éloigné des paroles. L'an dernier, vous nous annonciez un projet pour fin 2009. Nous y voilà, monsieur le secrétaire d'État. Nous avons eu droit à un roboratif exposé truffé de citations érudites de Braudel ou d'Allais, enrichi du vocabulaire de l'âge d'or de la Datar et des années 80 -ha ! les clusters, ha ! les systèmes productifs locaux. Mais en fait, vous ne nous soumettez qu'un métro automatique ! Finies les grandes envolées du Président de la République, le plus vite, plus haut, plus fort pour affronter les autres grandes métropoles.

Dans votre lettre de mission, le Président de la République vous a demandé que la vision précède le projet. Intéressons-nous à votre vision de la ville de demain et nous comprendrons pourquoi il a si peu été question du Grand Paris dans la campagne pour les dernières élections régionales. Que disent les dix équipes d'architectes qui ont rendu ce travail considérable dont le projet de loi devait s'inspirer ? Elles disent que leurs travaux n'ont pas été entendus, que ce métro ne correspond pas au projet initial du Grand Paris et qu'il comporte un trop grand nombre d'incohérences : vous voulez le construire en sous-sol et sans qu'il relie les lieux d'habitation aux lieux de travail !

En vérité, vos choix urbanistiques et sociaux importent peu, votre objectif est ailleurs puisque ce sont le CAC 40 et le classement de Shanghai qui guident votre politique !

M. Carrez a souligné le manque de moyens pour ce projet, notamment les recettes que vous escomptez de la valorisation foncière autour des gares. Vous avez répondu en commission que vous entendiez lui donner tort. Nous pouvons prévoir une concentration massive d'investissement sur quelques opérations lourdes, autour de gares choisies de façon discrétionnaire et qui assécheront les autres projets urbains. La spéculation foncière que vous appelez de vos voeux, autour de ces gares, est peu propice à la construction des logements dont les Franciliens ont besoin ! En favorisant la constitution de nouvelles poches de richesse, vous perpétuerez la ségrégation qui pénalise déjà nos territoires. Il est vrai que vous avez déclaré devant le conseil général de Seine-Saint-Denis que certains de ces territoires sont si arides qu'il est inutile de les arroser ! En fait, ces territoires souffrent du manque de services publics et votre texte leur garantit pour quelque temps encore de faire plus qu'à leur tour la Une des journaux télévisés.

Et puis je n'oublie pas le faux pas écologique de ce texte : les terres agricoles du plateau de Saclay comptent peu dans la compétition mondiale dans laquelle vous voulez nous fourvoyez.

J'alerte l'ensemble de mes collègues : le dessein recentralisateur de ce texte nous concerne tous ! En bâillonnant le Stif, en amorçant ce qui apparaîtra bien comme une privatisation de la RATP, en confiant à la société du Grand Paris la gestion du super réseau sans évaluer le coût de l'ensemble, en refusant de considérer le schéma réalisé par la région et l'État, en mettant fin à la concertation sur l'Arc express, le Gouvernement tend à mettre la région sous tutelle !

M. Christian Cambon.  - Où sont vos propositions ?

Mme Dominique Voynet.  - Bien sûr, vous nous assurez que le financement de votre super métro n'enlèvera rien aux contrats de développement territorial, mais qui pourra vous croire en cette période de vaches maigres ?

Victor Hugo, devant les drames qui frappaient Paris, a écrit que la société devait dépenser toute sa force, toute sa sollicitude, toute son intelligence et toute sa volonté pour détruire la misère. Comment y parvenir deux siècles plus tard si l'on ne comprend pas que la puissance des villes réside dans la qualité de vie de leurs habitants ? Maire de la ville la plus peuplée de Seine-Saint-Denis, je constate tristement qu'il n'y a rien dans votre texte qui puisse convaincre les Franciliens que vous les avez entendus, que vous avez pris la mesure de leurs difficultés à arriver à l'heure au travail. Avez-vous l'intention de leur répondre ? (Applaudissements à gauche)

M. Charles Revet.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Le projet du Grand Paris concerne tous nos concitoyens : la carte routière et ferroviaire nous montre que notre pays a progressivement aménagé ses voies de communication en les faisant converger vers Paris. Et comme l'a souligné le Président de la République, une capitale doit avoir une ouverture sur le grand large, ce sera le second point sur lequel j'insisterai.

Il est devenu indispensable de réorganiser les transports dans la région parisienne, chacun en convient, mais on ne peut le faire sans prendre en compte l'organisation de l'Hexagone tout entier. De plus en plus les déplacements se font de région à région et il faut transiter par Paris, en changeant de gare ou en empruntant le périphérique, ce qui engorge les réseaux. Aussi le projet d'aménagement doit-il prendre en compte ces déplacements des personnes qui ne font que transiter, ce sera l'objet de mon premier amendement, repris par la commission.

Quant à l'ouverture de la capitale vers le grand large, elle passe tout naturellement par l'axe de la Seine, de Paris au Havre. Aujourd'hui, 85 % du commerce mondial se fait par voie maritime et l'Europe du nord est la première destination commerciale. L'axe Seine abrite le premier complexe portuaire de l'Europe du nord et nous donne un positionnement stratégique exceptionnel. Ceci est d'autant plus important que si, dans beaucoup de domaines industriels, les pays émergents sont des concurrents, dans le domaine maritime, au contraire, ils sont des partenaires.

Nos concurrents sont les autres grands ports maritimes européens et nous avons pris du retard. Est-il normal qu'aujourd'hui le premier port français, en nombre de containers à destination de notre pays, ce soit Anvers plutôt que Le Havre, Rouen ou Marseille ? Cela s'explique par le fait que les moyens d'acheminement des containers reposent essentiellement sur le routier. Lorsque ce magnifique équipement qu'est Port 2000 au Havre a été inauguré, les trains et les barges ne pouvaient que très difficilement accéder à l'emprise portuaire. Des progrès ont été faits mais nous sommes encore très en retard. Nous devons y travailler de toute urgence, notamment pour le fret ferroviaire avec la réalisation d'une ligne grande vitesse partant de la Normandie vers la région parisienne et en raccordement avec l'ensemble du réseau ferroviaire français et européen. La même démarche doit être engagée dans le domaine du transport fluvial, surtout avec la perspective de la réalisation du canal Seine nord.

Je m'interroge sur la possibilité et l'intérêt, à l'image de ce que fait Hambourg sur l'Elbe, de remonter la Seine jusqu'en aval et en amont du Pont de Tancarville ce qui, outre les espaces immenses disponibles pour faire des bassins et terre-pleins de part et d'autre des rives de la Seine, optimiserait le fret sans investissements démesurés. C'est le sens de l'étude que notre rapporteur propose ; j'y souscris avec enthousiasme.

Je félicite notre rapporteur et le président de la commission pour leur excellent travail. Je suis convaincu qu'avec le Grand Paris, nous pouvons contribuer à redonner un second souffle à l'économie et notre pays ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Catherine Tasca.  - J'avais prévu de vous reprocher la procédure accélérée et le fait que le Sénat n'ait pas été saisi de ce texte en premier, mais ces deux arguments ont été développés.

Ce débat de grande importance ne peut consister à redire ce qu'ont dit les députés. Je ne puis imaginer que le scrutin des 14 et 21 mars ne soit pas pris en compte. Ni nos concitoyens ni les élus n'ont été convaincus par le projet gouvernemental ; ces derniers attendaient pourtant que l'État assumât sa juste part de la modernisation de la métropole francilienne. Après des années de désengagement financier, de désintérêt ou de blocage, l'intérêt soudain du Président de la République fut salué, mais les espoirs furent vite déçus. Ce regain d'intérêt s'est soldé par le mépris des décisions et des compétences des collectivités : en lle-de-France, la décentralisation est mise entre parenthèse.

Je me concentrerai sur le titre V relatif au plateau de Saclay. Vous n'êtes pas le premier, monsieur le ministre, à vous soucier de son aménagement : un groupement d'intérêt public a été créé par les 49 communes concernées, mais leur collaboration est bloquée par l'État. Les quatre communautés d'agglomération concernées ont toutes fait connaître leur désaccord avec ce projet. Non seulement le Gouvernement ne tient aucun compte de leur expérience mais il ne favorise nullement leurs propres projets, comme la création d'une ligne de transports en commun en site propre entre Orly et Saint-Quentin-en-Yvelines. Ce texte ne parvient pas à articuler les projets à court et à long terme.

Le même constat vaut pour le logement : l'objectif est de construire 70 000 logements par an, mais aucun engagement n'est pris sur leur répartition géographique ni sur la part des logements sociaux. Votre conception du développement de Saclay inquiète : ce qui est en cause, ce n'est pas le développement multipolaire mais l'hyperspécialisation des pôles. Vous ne vous souciez pas assez des logements, des transports, des équipements publics indispensables dans la vie quotidienne : le rapport le confirme. Ce texte est animé par une vision dépassée du cluster qui, pour réussir, doit être un lieu de vie et « faire ville », ce qui suppose que l'on se préoccupe de la mixité sociale et des déplacements. Je reviendrai sur le problème de la zone agricole protégée : il faudra bien y faire évoluer les cultures sans diminuer sa superficie.

C'est l'architecture même du projet que nous contestons : la création d'un établissement public aux compétences exorbitantes par rapport au droit commun, une superficie qui rendra la coopération difficile, le droit octroyé à l'établissement public d'acquérir des immeubles ou de procéder à des aménagements au-delà de son périmètre, contre l'avis des communes concernées. Nous craignons aussi que ne soient transférées à Saclay des activités implantées à Paris ou dans les Hauts-de-Seine. La gouvernance de l'établissement public appelle quant à elle une double critique. En créant un comité consultatif, la majorité a privé certaines institutions comme le conseil régional de toute représentation au conseil d'administration. Au sein même de celui-ci, le collège des élus est minoritaire et le président n'en est pas issu ; ce dernier, qui sera également directeur général, sera nommé par décret et amené à rendre des comptes à l'État plutôt qu'au conseil, ainsi dépossédé de son rôle de contrôle. Tout cela manifeste la volonté recentralisatrice du Gouvernement.

La création d'une autorité organisatrice de transports manifeste également la défiance de l'État vis-à-vis des collectivités : les élus paieront, mais l'État décidera. M. le ministre avait pris l'engagement de retirer l'article 29 si le Stif acceptait la création d'un syndicat mixte autour du plateau de Saclay, ce qu'il a fait ; le maintien de l'article trahit les intentions dilatoires du Gouvernement...

Si j'ai centré mon propos sur le titre V, c'est parce qu'il concerne au premier chef les collectivités des Yvelines, mais c'est aussi parce qu'il illustre la philosophie du projet de loi et la volonté du Gouvernement d'aller à rebours de la décentralisation initiée par la gauche il y a trente ans. Nous voterons contre ce texte en l'état. (Applaudissements à gauche)

M. Christian Cambon.  - Les transports sont une des préoccupations majeures des Franciliens et un enjeu essentiel dans la concurrence entre les métropoles européennes. Depuis quarante ans, rien n'a été fait pour répondre aux besoins. Certes, des projets importants ont vu le jour sous différentes majorités -Météor, Éole, les tramways...-, ce qui montre qu'il était possible d'agir en ce domaine sans compétence générale. Mais ils restent insuffisants, alimentant le scepticisme de nos concitoyens à l'égard de la politique. Au lendemain d'élections régionales marquées par une forte abstention, n'est-il pas temps de dépasser les clivages partisans et de travailler ensemble sur le projet du Gouvernement plutôt que de l'accabler de critiques ? Le Sénat, représentant des territoires, jouerait ainsi son rôle. (Applaudissements à droite)

M. Fourcade a fait la preuve, au cours des travaux préparatoires, de l'immense compétence et de l'esprit de synthèse que je lui connais depuis que j'ai travaillé, pour ainsi dire sous ses ordres, au conseil régional. Ce projet de loi est ambitieux par ses objectifs -faire de Paris et de sa région une ville-monde- et par les moyens qu'il se donne pour les atteindre. (Exclamations à gauche, applaudissements à droite) Cependant il ne faut pas oublier les difficultés quotidiennes des Franciliens, qu'il s'agisse des transports en commun -notamment sur les lignes A et D du RER où les installations sont vétustes, les wagons surchargés et les grèves fréquentes- ou des axes routiers -dans ma commune du Val-de-Marne, 270 000 véhicules transitent chaque jour par l'autoroute A 4. Ni l'engorgement des autoroutes, du périphérique ou du pont de Nogent, ni le renchérissement du carburant ne découragent les automobilistes : il faut entendre leur exaspération et moderniser le réseau existant en même temps que l'on construit de nouveaux équipements ultramodernes. (Applaudissements à droite) Le Président de la République s'y est engagé, le Gouvernement doit poursuivre cet effort et la région y contribuer financièrement : c'est le sens d'un amendement que M. le rapporteur a eu la bonté de retenir à l'article 2.

Pour un tel chantier, les outils juridiques traditionnels ne suffisent pas. Rien ne remplace la volonté politique, le dialogue (rires sur les bancs socialistes) et des financements sûrs.

M. Yannick Bodin.  - Il faudrait s'accorder sur la définition du dialogue...

M. Christian Cambon.  - Nous approuvons la création de la société du Grand Paris mais la concertation doit se poursuivre avec les maires au sujet du tracé de la nouvelle ligne.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Ce n'est pas gagné !

M. Christian Cambon.  - Souvenons-nous des ravages causés par l'urbanisation incontrôlée des années 1970. Les contrats de développement territorial doivent permettre une véritable collaboration entre l'État et les collectivités. Il faudra associer les maires, et pas seulement ceux des communes où seront implantées les gares, à la conception et à la réalisation du projet.

En tant qu'élu de l'est, je souhaite que ce soit l'occasion de rééquilibrer l'est et l'ouest de la région parisienne.

M. Jacques Mahéas.  - C'est raté !

M. Christian Cambon.  - Tant que les emplois demeureront concentrés à Paris et dans les départements sympathiques de l'ouest parisien, le problème des transports restera entier. Les emplois sont situés au centre, où le foncier devient hors de prix. Les familles les plus modestes s'éloignent de plus en plus des bassins d'emplois, si bien qu'un Francilien sur deux travaille dans un autre département que celui où il habite. Privilégions les liaisons de banlieue à banlieue, en la grande couronne. Une double boucle est prévue à l'ouest de Paris, mais à l'est, c'est une boucle simple ! Certes, le tracé n'est pas inscrit dans le marbre, ni même dans votre projet de loi ; mais en l'état, il ne peut nous satisfaire, il dessert mal les pôles d'excellence du Val-de-Marne. L'État apportera-t-il son appui à d'autres projets de transports en commun, sans lesquels ce « Grand huit » perdrait de son impact ? Je pense au prolongement de la ligne 1 du métro et du T1 jusqu'à Val-de-Fontenay, à la rocade ferrée en moyenne couronne sur laquelle la SNCF a déjà beaucoup travaillé et qui pourrait relier le Val-de-Fontenay au « Grand huit ». Elle irriguerait un territoire qui dispose d'un vrai potentiel d'emplois et de nombreux atouts, par exemple en matière de ville durable : voyez la cité Descartes à Champs-sur-Marne.

Plus le « Grand huit » aura d'interconnexions de surface avec le réseau existant, plus il répondra aux objectifs que vous lui fixez. Remodelons les réseaux de surface, chargés de rabattre les usagers vers les gares du « Grand Huit », car il serait absurde qu'elles soient plus accessibles en voiture que par transport en commun. Ce texte est l'occasion inespérée de pousser un projet novateur, structurant, économiquement utile. Il faut privilégier la complémentarité avec les transports en commun existants et travailler avec les maires. C'est une nouvelle chance pour l'Ile-de-France : notre métropole de rang mondial verra son rôle accru. Nous vous soutiendrons dans cette entreprise. (Applaudissements à droite)

M. Jacques Mahéas.  - (M. Jean-Pierre Caffet applaudit) L'intitulé du projet autorisait tous les espoirs ; mais son contenu déçoit. Il recouvre essentiellement un métro automatique en rocade et la promotion du pôle de Saclay. Grand Paris, petite ambition... Le lien n'est pas suffisamment fort entre les transports, l'emploi, les services publics et le logement, entre le Grand Paris et les collectivités locales, entre l'établissement public et les communes franciliennes. Nous pouvons nous accorder sur le diagnostic : la région la plus riche de France se caractérise par des déséquilibres sociaux et territoriaux qui freinent sa croissance. Le taux de chômage en Ile-de-France est de 7,9 % mais il atteint 10,6 % en Seine-Saint-Denis. Cependant, je cherche en vain ici des dispositions tendant à réduire les inégalités... Vous avez un problème de boussole : tout pour l'ouest, quelques efforts pour le nord ; et, à l'est, rien de nouveau ou presque. Certes, le métro automatique devrait désenclaver Clichy-sous-Bois, mais ce « Grand huit » doit absolument desservir des communes comme Montfermeil ou Neuilly-sur-Marne et s'articuler avec les infrastructures existantes et les projets déjà votés par les collectivités.

Il ne faudrait pas que sa réalisation, en absorbant toutes les ressources, condamne d'autres projets et conduise à la relégation de territoires qui seraient privés des moyens de transport auxquels ils pouvaient aspirer. L'est parisien est riche de projets, comme le prolongement des lignes de métro 1, 9 et 11, la Tangentielle nord ou la liaison Arc Express. Or, de façon scandaleuse, cette liaison se trouve purement et simplement supprimée par un amendement adopté en commission, qui met fin à toutes les projections de débat public engagées. Vous ne vous êtes pas privé, monsieur le secrétaire d'État, de nous dire que l'abandon de ce projet ferait économiser 6 milliards d'euros au Stif... Cette rocade ferroviaire qui privilégiait des déplacements de banlieue à banlieue aurait pourtant été très utile.

Je voudrais être certain que l'État tiendra ses engagements car le métro du Grand Paris ignore Montreuil, Fontenay-sous-Bois, Saint-Mandé, Vincennes, Rosny-sous-Bois, Champigny-sur-Marne, Noisy-le-Sec, Le Perreux, Romainville, Bondy ou Bry-sur-Marne... Le « maillage cohérent du territoire » évoqué à l'article  7 ne saurait se résumer au « Grand huit ». Reste à desservir les zones enclavées et à opérer un maillage fin, seul susceptible d'améliorer les déplacements quotidiens.

Ce texte aurait pu servir à lutter contre l'exclusion, contre les ghettos issus de décennies d'aménagement hasardeux. Il est plus que temps d'instaurer une mixité sociale. Or, quand j'ai suggéré de l'inscrire comme l'un des objectifs, notre rapporteur a répondu qu'il serait possible, pour certaines communes, selon leur niveau de ressources, d'exonérer de taxation des plus-values immobilières certaines cessions d'immeubles. Autrement dit, certains maires pourront continuer en toute impunité à se dérober aux 20 % de logements sociaux prévus par la loi Solidarité et renouvellement urbains et à préférer l'amende à la solidarité.

Le texte manque de souffle mais il manque aussi de crédibilité parce que son financement reste des plus nébuleux. Ne nous faites pas croire, monsieur le secrétaire d'État, que vous espérez trouver 21 milliards d'euros grâce à la valorisation foncière des terrains proches du tracé de votre nouveau métro automatique ! Ces ressources sont des plus aléatoires et le rapport Carrez avait par conséquent écarté cette solution. Quelle que soit la disette budgétaire, il serait indécent que la charge du projet pèse essentiellement sur les ménages, qui ont souvent tant de mal à boucler leurs fins de mois.

Les collectivités locales sont inquiètes. La société du Grand Paris pourra conduire des opérations d'aménagement et de construction « après avis » des communes concernées ! Plus de 700 hectares seront à sa disposition. Où est le partenariat loyal ? Nous ne sommes pas dans un jeu de Monopoly géant ! Il y a fort à craindre que les prix autour des gares augmentent, ce qui pourrait poser de gros problèmes en matière de logement social. Songez à la cohésion sociale, en particulier dans les quartiers populaires de banlieue déjà fragilisés par les inégalités.

A quoi bon des pôles de croissance si les richesses ne sont pas redistribuées ? De nouvelles poches de pauvreté apparaîtront à leurs marges, d'où l'on regardera passer les trains du « Grand huit »... Ce n'est pas notre vision du Grand Paris. Nous voulons un développement fondé sur l'égalité, la solidarité, la réponse aux besoins des habitants, en services publics, logement, emploi, mobilité, éducation ou santé. Votre « Grand Pari » - sans S- est bien risqué, bien oublieux de la démocratie et des exigences techniques et financières, en un mot bien mal ficelé. (Applaudissements à gauche)

M. Laurent Béteille.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Le Président de la République a pour ambition de replacer la région capitale dans la compétition mondiale.

M. Jean Desessard.  - Oh là là !

M. Laurent Béteille.  - C'est un objectif que nous partageons tous, M. Desessard excepté. Or l'administration de cette entité est répartie entre de multiples décideurs, ce qui interdit de dégager des perspectives et une ambition claires. Certains auraient préféré que l'on traite d'abord de gouvernance, mais le Gouvernement a voulu faire face à l'urgence.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Quelle urgence : celle qui existe depuis vingt ans ?

M. Laurent Béteille.  - Les transports sont dans un état catastrophique. Je suis élu d'un territoire desservi par le RER D : les conditions de transport se dégradent chaque jour !

M. Yannick Bodin.  - Surtout depuis deux ans...

M. Laurent Béteille.  - Sur les trente dernières années, vous avez été quinze ans aux affaires, les responsabilités sont largement partagées ! (Applaudissements à droite)

M. Christian Cambon.  - Vous êtes depuis dix ans à la tête de la région !

M. Laurent Béteille.  - L'absence d'attractivité du plateau de Saclay doit être traitée en urgence. La procédure accélérée vise à susciter, grâce au réseau de transport, des liaisons fructueuses entre les zones les plus dynamiques.

Il crée un établissement public chargé de réaliser des opérations d'aménagement et de construction liées aux réseaux de transport ; il prévoit des outils d'élaboration de projets territoriaux ; il permet la création de pôles de développement scientifiques et technologiques sur le plateau de Saclay.

Le Sénat a choisi de créer, pour l'étudier, une commission spéciale dont je salue les travaux, le président et le rapporteur ; je remercie ce dernier d'avoir accepté plusieurs de mes amendements, pour autoriser la société du Grand Paris à conclure des conventions avec d'autres établissements publics ; pour permettre la désignation d'un configurateur et surtout, à l'article 28, de sanctuariser « au moins » -et non plus « environ », comme voté à l'Assemblée nationale- 2 300 hectares de terres agricoles dans la future zone de protection du plateau de Saclay. J'attends le décret créant celle-ci avec impatience et souhaiterai, par un amendement d'appel, que sa publication intervienne avant la signature des contrats de développement territoriaux sur cette zone.

Comme l'a souligné le Président de la République dans son discours du 29 avril à la Cité de l'architecture, la partie décisive se jouera dans les transports. Le projet de double boucle est une avancée considérable, mais il ne doit pas remettre en cause l'amélioration des réseaux existants. La commission a bien voulu accepter l'amendement que j'ai cosigné avec M. Christian Cambon et qui rappelait cette exigence. Je tiens aussi beaucoup à l'articulation des différents réseaux, de sorte qu'on parvienne à un maillage autorisant toutes les connexions, notamment avec l'indispensable future liaison rapide Roissy-Orly à laquelle le rapport fait opportunément allusion.

Le Grand Paris ne rencontrera le succès que si le logement, l'emploi, les transports, la recherche, le développement durable et le très haut débit sont pris en compte en concertation avec les élus locaux. Je suis persuadé, monsieur le ministre, qu'avec vous, nous pourrons faire avancer les choses. (Applaudissements à droite)

Mme Bariza Khiari.  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Ce texte prétend bâtir l'avenir avec des moyens du passé. L'Ile-de-France est une des plus puissantes régions du monde, avec, en son coeur, une ville globale comme le sont New York ou Tokyo ; elle est un moteur de croissance et une zone stratégique dont il est normal que l'État se préoccupe, où il est légitime qu'il veuille intervenir après l'avoir si longtemps délaissée. Mais il le fait avec autisme et un projet hors-sol, sans aucune concertation avec les élus. Pour préparer l'avenir de l'Ile-de-France, il utilise des méthodes et des modes de pensée qui rappellent le temps du grand préfet que fut Paul Delouvrier -il y a quarante ans, à une époque où l'État avait des moyens... Nous plaidons au contraire pour des méthodes plus actuelles, comme celle de Bertrand Delanoë et de Paris-Métropole, au travers d'un dialogue entre collectivités territoriales de tous bords, sans volonté d'hégémonie, sans pression, autour de thèmes fédérateurs d'intérêt général.

Vous présentez votre projet comme visionnaire ; je le trouve rétrograde. L'État ne revient pas dans le jeu avec une vision d'aménagement, il s'incruste avec violence, sans vision, avec un projet autoritaire et recentralisateur, inadapté aux attentes des Franciliens et de leurs élus. Vous vous bornez à créer deux Épic, chargés l'un de diriger la création de la double boucle et l'autre de gérer le cluster de Saclay. Nous voilà revenus au temps des villes nouvelles, avec un État seul maître à bord. C'est faire l'impasse sur plus de vingt ans d'évolutions institutionnelles et urbaines, de prise en compte des avis des citoyens, des habitants et des usagers.

Aménager un territoire est devenu plus complexe, plus exigeant, plus délicat, mais l'association des citoyens est un impératif démocratique. La société n'accepte plus les projets technocratiques qui promettent des lendemains qui chantent. Un aménagement moderne suppose un financement clair, des outils de pilotage efficaces, une concertation loyale et l'association des citoyens -tout ce qui manque à votre projet. Le coût, inconnu, estimé par le rapport à 21,4 milliards d'euros -encore manque-t-il celui de la construction des gares. Vous nous demandez un chèque en blanc, d'autant que le financement n'est pas assuré. Au sein des instances de décision du Grand Paris, l'État est majoritaire ; c'est dire qu'en cas de désaccord, il aura le dernier mot, au risque du passage en force. L'article 3 prévoit une procédure simplifiée de débat public, dérogatoire au droit commun, pour économiser un an. Est-il bien pertinent de précipiter un aménagement de long terme ? D'économiser le temps de la réflexion ? L'association des citoyens est purement factice.

Quant au développement durable... Le tracé du métro automatique passe en souterrain dans des espaces peu densément peuplés de Seine-et-Marne -mais on prévoit d'y installer des gares. Pour rentabiliser, il faudra densifier les territoires environnants et donc favoriser l'étalement urbain. C'est la négation de la ville durable, moins dévoreuse d'espace et moins cloisonnée. Et la question du fret est oubliée.

L'aménagement de Saclay laisse perplexe. Vous vantez une vision innovante mais votre projet méconnaît la réalité des clusters. Le vôtre couvrira plus de 40 communes et 240 kms², soit deux fois et demie la superficie de Paris. Vous évoquez la Silicon Valley et Stanford mais je connais bien Palo Alto, où l'on trouve une entreprise high tech à chaque coin de rue ; c'est le résultat d'une concentration exceptionnelle d'entreprises, non la cause de celle-ci. Vous proposez une gouvernance d'un autre temps, où l'État avait une place prépondérante, alors qu'un cluster est avant tout le résultat d'une dynamique locale. C'est un double déni, de démocratie et de modernité. Votre texte s'appuie ainsi sur des concepts insuffisamment maîtrisés : il n'est pas viable. Il est enfin fondé sur une vision très contestable de la métropole -une mosaïque de pôles spécialisés- qui ne résiste pas à l'analyse ; l'activité économique est plus diffuse, l'avenir est aux quartiers mixtes.

Nous privilégions pour notre part les attentes des Franciliens : les liaisons domicile-travail et de banlieue à banlieue, le désenclavement, le rééquilibrage à l'est (M. Jacques Mahéas approuve), les projets de proximité, comme en prévoit le Sdrif, bref des solutions aux trois défis d'une métropole moderne : démocratique, écologique et de solidarité. Défis qu'évoque le rapport mais qui brillent par leur absence dans le texte. Le résultat des élections régionales impose que vous le retravailliez ; un tel désaveu ne peut être sans conséquence. Nous ne sommes pas opposés au retour de l'État, mais d'un État stratège, pas d'un État autiste qui se contente de recettes du passé faussement innovantes. (Applaudissements à gauche)

Mme Fabienne Keller.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Ce projet de loi, qui constitue un enjeu pour la France entière, a fait l'objet d'un travail remarquable de la part du président Emorine et de notre rapporteur, M. Fourcade. Il marque la volonté forte de l'État d'accélérer l'indispensable restructuration de la région capitale, autour de ses transports. Cet effort de l'État devra s'ajouter à celui des collectivités territoriales.

Trois décennies de retard dans l'investissement font que rail et gares sont saturés et offrent aux Franciliens des conditions insupportables que les provinciaux n'accepteraient pas -et ce n'est pas la dernière décennie qui aura amélioré les choses. Il faut donc accélérer les projets et mobiliser les énergies, M. Cambon a raison.

La desserte TGV des petite et grande couronnes intéresse autant les provinciaux que les Franciliens : tout le réseau actuel est organisé vers les gares de tête qui sont des culs de sac dans Paris. La liaison province-province en TGV passe donc par l'interconnexion avec le « Grand huit ». L'interconnexion sud, inscrite dans le Grenelle, aurait aussi l'avantage de soulager un tronçon actuellement utilisé à la fois par les TGV, les trains de marchandise et le RER C ; on améliorerait les trois d'un coup.

M. Jean-Louis Carrère.  - Et qui paie ?

Mme Fabienne Keller.  - Je me réjouis que l'aménagement des gares et de leur environnement urbain soit aussi traité dans ce projet de loi. La gare est le lieu naturel de l'intermodalité. C'est aussi autour d'elle que s'organise le territoire urbain. Ce texte traite de 40 gares ; il y en a 60 autres en Ile-de-France qui méritent aussi qu'on s'en occupe, d'autant que, pour la moitié d'entre elles, elles vont connaître une forte augmentation de leur fréquentation d'ici 2030. Il faut donc une politique ambitieuse pour améliorer l'accès aux gares et les conditions d'attente sur les quais. Les voyageurs sont vraiment très mal traités !

Ce débat a le mérite de marquer une ambition forte pour la région capitale, que la Strasbourgeoise que je suis ne peut qu'approuver ; tous nos territoires ont besoin de sa croissance et de son rayonnement, et ils veulent être reliés à elle dans une logique de réseaux et de complémentarité. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Catherine Procaccia.  - Pour nous, parlementaires et élus qui nous sommes impliqués, l'intitulé de ce projet de loi est clair ; mais il ne l'est pas pour tous. Nombre de Franciliens ne savent pas quel est le contenu du texte et croient que leur commune pourrait annexée par la capitale, surtout en grande couronne. Lorsqu'ils comprennent qu'il s'agit d'un nouveau tracé de transports en commun qui reliera de façon automatique plusieurs villes de la petite et de la grande couronnes, ils sont rassurés. A défaut de modifier l'intitulé du texte, faisons un effort pour le rendre plus compréhensible.

Si notre réseau de transport est l'un des plus denses au monde, il n'est plus efficace. II y a trente cinq ans, le RER a amélioré nos temps de trajets : je mettais dix minutes pour aller de Vincennes à Auber ou à Noisy-le-Grand. Il y a dix ans, ce temps avait doublé et maintenant, si je veux être sûre d'arriver à l'heure, je prévois 35 minutes. Le stress des salariés dû aux transports collectifs parisiens est une réalité qui est multipliée par deux si l'on doit récupérer les enfants à la crèche ou à l'école. C'est pourquoi je réaffirme que l'avenir de ce projet ne peut être déconnecté de l'amélioration rapide du quotidien de nos transports.

Votre projet de loi vise à améliorer un futur qui peut paraître assez proche à des élus, mais ceux qui, chaque jour, galèrent dans les transports ne pourront attendre quinze ans. C'est le sens de l'amendement que j'ai déposé avec M. Cambon. Il a été accepté par la commission ; dans le cas contraire, mon vote sur ce texte aurait été compromis. (On ironise sur les bancs socialistes)

M. Yannick Bodin.  - Quelle témérité !

Mme Nicole Bricq.  - Ne vous arrêtez pas en si bon chemin !

Mme Catherine Procaccia.  - Sur le logement, je répète mes inquiétudes exprimées en commission. Si les transports jadis efficaces ne le sont plus, c'est parce que les entreprises ne se sont pas implantées à l'est ou au sud, près des logements, mais à l'ouest.

Mme Nicole Bricq.  - Et voilà !

Mme Catherine Procaccia.  - Si les logements supplémentaires prévus dans le texte de la commission ne sont pas accompagnés d'emplois de proximité, le nouveau système de transport sera saturé à peine les rails posés. II est donc indispensable que les futures gares soient accompagnées d'implantations d'entreprises.

A Vincennes arrivent deux branches du RER, celle de Boissy-Saint-Léger et celle de Marne-la-vallée. C'est aussi là qu'arrivent des milliers de banlieusards dont les véhicules stationnent sur plusieurs kilomètres dans le bois de Vincennes. Le prolongement de la ligne 1 jusqu'à Val-de Fontenay est donc une impérieuse nécessité, qui doit faire partie intégrante du Grand Paris. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Philippe Dallier.  - Chacun aura compris que les esprits ne semblent pas encore tout à fait disposés à la recherche du consensus qu'il nous faudra pourtant trouver si nous voulons faire avancer la cause du Grand Paris.

Mais d'abord, de quel Grand Paris parlons-nous ?

Du Grand Paris de la compétition économique avec les autres villes-monde, et bientôt avec les grandes métropoles qui émergent en Asie et en Amérique du Sud, qui tentent également d'attirer les grandes entreprises, les universitaires, les chercheurs, les emplois et la richesse économique ?

Parlons-nous du Grand Paris de la galère quotidienne des transports, due à un manque d'investissements depuis bientôt trente ans ?

Parlons-nous du Grand Paris de la ségrégation territoriale, de l'iniquité fiscale et d'une péréquation financière tellement insuffisante que c'est dans nos banlieues les plus pauvres que les impôts locaux sont les plus lourds, alors que les services à la population sont les plus faibles ?

Parlons-nous du Grand Paris du manque de logements, du manque de mixité sociale, du manque de structures d'hébergement, qui laisse chaque nuit des centaines de personnes sur les bouches de métro ?

Parlons-nous d'un véritable projet métropolitain bâti à partir d'un constat partagé, traçant les politiques à mener pour corriger tout cela ? Parlons-nous d'un véritable outil de gouvernance pour porter ce projet ?

Malheureusement, ce « Projet de loi relatif au Grand Paris » n'a pas l'ambition de traiter tous ces problèmes.

Même amendé par notre rapporteur qui, sous l'impulsion de M. Braye, a souhaité donner une orientation sur l'objectif annuel de construction de 70 000 logements, ce texte ne traite que des voies et moyens qui permettront à la future société du Grand Paris de construire le métro automatique et d'assurer le développement du plateau de Saclay.

C'est déjà beaucoup, mais encore trop peu.

Si je souscris entièrement à ce projet de métro en rocade, que je crois effectivement porteur d'un important potentiel de développement économique, je considère qu'il ne suffira pas à construire ce Grand Paris où la cohésion urbaine et sociale serait assurée, dont le développement économique ne reposerait pas sur le schéma des années 60, qui a vu l'État investir massivement sur des territoires qui ont ensuite capté la richesse fiscale.

Il y a deux ans, monsieur le ministre, lorsque nous nous sommes entretenus pour la première fois de l'avenir du Grand Paris, j'ai défendu devant vous la thèse qui est la mienne depuis longtemps, celle de la création d'une collectivité locale capable de porter efficacement les grandes politiques publiques, garante de la cohésion urbaine et sociale par le partage de la richesse fiscale, collectivité locale qui serait, avec la région, qui a en charge les transports, l'interlocuteur dont l'État a besoin pour faire avancer ses propres projets. Vous m'aviez alors répondu vouloir d'abord faire rêver les Franciliens et les élus locaux avec un beau projet, avant de vous attaquer au problème de la gouvernance qui, selon vous, nous entraînerait forcément dans des querelles sans fin.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? Nous avons effectivement un beau projet de transport que les maires concernés, alléchés par l'idée d'obtenir une gare du futur métro dans leur commune, plébiscitent. Vous travaillez d'ailleurs directement avec eux.

Nous disposons également du travail réalisé par les dix équipes d'architectes maintenant réunies au sein de l'Atelier international du Grand Paris mais nous n'avons toujours pas su entraîner l'adhésion de nos concitoyens, pas plus que nous n'avons su construire, entre élus locaux, la structure de gouvernance qui devrait nous permettre d'aborder ensemble l'avenir de notre métropole -balayons aussi devant notre porte... (Applaudissements à droite)

Et que dire des relations entre l'État et la Région si ce n'est que, depuis le soir du second tour des élections régionales, les couteaux sont tirés. D'un côté, le président de la région, largement réélu, voudrait nous faire croire que ce résultat vaut référendum contre le projet gouvernemental alors que, pendant toute la campagne électorale, le Grand Paris a été un non-sujet. De l'autre côté, l'adoption par notre commission spéciale de l'amendement mettant fin, par la loi, au débat public engagé sur le projet Arc Express est vécu par la région comme une provocation.

M. Jacques Mahéas.  - Et c'en est une !

M. Philippe Dallier.  - A juste titre ! Ce n'est donc pas, monsieur le ministre, le rêve que vous annonciez mais plutôt l'enlisement que vous aviez craint que nous risquons aujourd'hui.

M. Jean-Pierre Caffet.  - A qui la faute ?

M. Philippe Dallier.  - Quelle déception pour tous ceux qui, de droite, de gauche ou d'ailleurs, sont comme moi sincèrement convaincus de l'urgence qu'il y a à inventer une nouvelle organisation politique de notre métropole pour enfin porter un véritable projet métropolitain !

Alors, que faire aujourd'hui pour renouer les fils du dialogue et sortir de cette situation de blocage ? Il faut d'abord que l'État reconnaisse, dans la logique de notre République aujourd'hui décentralisée, qu'il a besoin des collectivités locales, pas seulement pour payer les factures en investissement ou en fonctionnement mais dès l'élaboration des projets. (M. Jean-Louis Carrère applaudit)

Il faut également que, dans cette région capitale, les collectivités locales reconnaissent que l'État, garant de l'intérêt national, est légitime à y intervenir fortement. Il faut ensuite que les uns et les autres reviennent à la table des négociations.

Pourrons-nous y parvenir uniquement en amendant ce texte ? Je ne le crois pas, mais nous pouvons donner des signes forts aux collectivités locales, notamment dans la constitution du conseil de surveillance de la future société du Grand Paris. Dans une récente interview à la revue Architecture d'Aujourd'hui, le Président de la République a, plus clairement encore que dans son discours du 29 avril dernier, prononcé à la Cité de l'architecture, souhaité que le syndicat Paris-Métropole joue un rôle prépondérant dans ce Grand Paris. Je vous proposerai donc des amendements en ce sens.

Nous pouvons également, monsieur le ministre, en revenant sur l'amendement de notre collègue Pozzo di Borgo, qui, certes, avait une logique vertueuse mais qui est un peu brutal, inviter l'État et la région à discuter des projets de transport, à retenir ou à modifier, en fonction de la nouvelle donne que constitue votre métro automatique.

A deux ans de la prochaine présidentielle, le risque est grand d'un blocage complet jusqu'à cette échéance. C'est à l'évidence la tentation de certains. Nous aurions alors perdu quatre années depuis 2008. Nous ne pouvons pas nous payer ce luxe-là. Voilà pourquoi je souhaite qu'au-delà de nos divergences politiques, nous tentions, de bonne foi, les uns et les autres, de faire bouger les choses. Sur un sujet aussi important, nos concitoyens ne nous pardonneraient pas nos petites querelles car c'est le Grand Paris et la France entière qui y perdraient. (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - A entendre certains, j'ai cru que nous frôlions la guerre civile. Restons raisonnables !

Je crois avoir dit -mais certaines interventions avaient manifestement été rédigées avant de m'entendre- que l'objectif est de faire le Grand Paris avec les outils qu'offre ce projet de loi, et de le faire ensemble : l'État prend la responsabilité des opérations et les collectivités territoriales concernées ne payent pas les infrastructures de transport. C'est cela, la réalité ! L'État veut réaliser un projet stratégique d'intérêt national, chacun restant dans l'exercice de ses compétences. J'affirme que celles de la région ne sont pas affectées et, jusqu'à présent, personne ne m'a démontré le contraire.

M. Jean-Pierre Caffet.  - On va le faire !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - J'attends avec intérêt votre démonstration.

Chacun, exerçant ses compétences, doit contribuer à réaliser ce projet d'intérêt national. Je n'ai entendu aucun parlementaire remettre en cause la nécessité de hisser le Grand Paris au niveau des autres grandes villes-monde en compétition.

Si le schéma directeur d'aménagement de l'Ile-de-France avait été autre, le Président de la République n'aurait pas demandé au président de région de mettre en place un projet de développement ambitieux. Quand un projet d'aménagement de la région parisienne ne relie pas le réseau de transport aux aéroports d'Orly, de Roissy ou du Bourget, cela pose déjà un petit problème... Quand on parle de cohésion sociale et que l'enclavement des territoires les plus sensibles n'est pas traité par le schéma directeur, cela pose encore un autre problème... Parce que ce schéma directeur présentait de profondes lacunes, on a demandé un projet plus ambitieux, celui du Grand Paris.

Merci, monsieur Romani, monsieur Pozzo di Borgo, madame Dumas, d'avoir rappelé la nécessité pour la région capitale de peser dans la compétition internationale et, cela, dans l'intérêt de la France tout entière. J'approuve ce que vous avez dit, madame Morin-Desailly, monsieur Revet, sur l'articulation de la région avec sa façade maritime.

Il faut écarter l'idée que ce projet de loi préfigure une forme de gouvernance du Grand Paris. La société n'est qu'un établissement. Que le syndicat mixte Paris-Métropole puisse préfigurer cette forme de gouvernance, on pourra en discuter... La question de cette gouvernance est posée, en pointillé, tout le monde doit y travailler.

Madame Bricq, vous avez dit que les collectivités territoriales avaient des compétences...

Mme Nicole Bricq.  - Ce n'est pas moi qui le dis, c'est la Constitution !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Oui, c'est son article 72. Mais ce projet de loi met en oeuvre des décisions correspondant à des compétences qui ne peuvent être que celles de l'État.

Vous connaissez d'ailleurs suffisamment l'international pour savoir qu'à Londres comme dans toutes les grandes capitales, les grands projets sont mis en place par l'État...

M. Jacques Mahéas.  - Et la décentralisation ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - ...qui détient d'ailleurs plus de pouvoirs...

M. Jean-Pierre Caffet.  - C'est vous qui l'avez voulu.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Plus embêtant : vous nous avez reproché de ne pas avoir intégré le Sdrif alors qu'il ne comprend pas Saclay, pourtant si important pour le rayonnement de Paris. Encore plus embêtant, vous avez dit que les créances de l'industrie automobile ne seraient peut-être pas honorées. On ne peut pas laisser planer de tels doutes...

Mme Nicole Bricq.  - On ne sait pas quand elles seront remboursées.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - On ne peut prendre un tel risque. Pendant des mois, on s'interroge sur le financement de la double boucle...

Mme Nicole Bricq.  - Elle n'est pas financée !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - ...et on dit cela au détour du débat. Le Gouvernement apporte des explications.

Mme Nicole Bricq.  - Attendons le budget !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - C'est un engagement !

M. Jacques Mahéas.  - Ce devait être le Premier ministre !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - J'avais dit : « le Premier ministre ou moi, nous apporterons... »

L'Arc Express ? Parlons-en ! La région réaliserait 50 kms pendant que l'État en réaliserait 130 pour une double boucle qui reprendrait son trajet ?

M. Jacques Mahéas.  - Attendez l'enquête publique !

M. Jean-Pierre Caffet.  - Montrez le tracé !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Il faudra aussi expliquer comment Clichy, Montfermeil, Sevran, Sarcelles ou Gonesse accepteront de ne plus être desservies alors qu'elles ont commencé à comprendre que leur développement pouvait être lié à cette desserte. C'est impossible.

Je ne me préoccupe pas des questions de droit d'auteur : j'aurais volontiers applaudi quelqu'un d'autre, pourvu que ces projets stratégiques se fassent intégralement et rapidement.

Dès l'instant que les compétences sont bien définies, ce qui est le cas, et que les engagements sont respectés, y compris dans le cadre des contrats de plan, la confiance sera là. En quoi pourrions-nous avoir des inquiétudes particulières là-dessus ?

Oui, il faut permettre au Val-de-Marne de favoriser le développement et intégrer dans le contrat de plan le prolongement de la Tangentielle nord jusqu'à Champigny sera une priorité pour le Gouvernement.

M. Christian Cambon.  - Très bien !

M. Jacques Mahéas.  - N'oubliez pas la concertation...

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Les engagements pris seront tenus.

M. Christian Cambon.  - Merci.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Évitons les clichés, madame Assassi. Si je comprends votre raisonnement, nous ferions les trajets boulot-boulot alors que vos feriez les trajets boulot-domicile, mais Arc Express est intégré à 80 % dans la double boucle ! Posons plutôt les problèmes clairement et objectivement -on a du temps pour les effets de manche...

Je me suis battu pour le désenclavement des territoires ; cela a été arbitré par le Président de la République.

M. Jean Desessard.  - Un détail !

M. Jacques Mahéas.  - La décentralisation ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Nous reprendrons ce que M. Badré a fort justement dit sur les polarités de vie. Mme Tasca y a également insisté. Rien dans le projet ne va à l'encontre de cela. De même, la notion d'écologie humaine évoquée par Mme Hermange pourra être approfondie. Sur le logement, évoqué par Mme Laborde, j'attends du débat...

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - J'aurai des amendements.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - ...que nous puissions arriver à l'accord le plus large possible, car il y a des convergences très fortes.

Enfin, nous aurons l'occasion d'approfondir ce qu'a dit Mme Tasca au sujet de Saclay. (Applaudissements à droite et au centre)

La séance est suspendue à 20 heures.

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

La séance reprend à 22 heures.

Exception d'irrecevabilité

Mme la présidente.  - Motion n°5, présentée par M. Voguet et les membres du groupe CRC-SPG.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris (n°367, 2009-2010).

M. Jean-François Voguet.  - II est des moments rares dans notre République où le peuple devient législateur. Nous venons d'en vivre un avec les élections régionales en Ile-de-France durant lesquelles les Franciliens, par leur vote, ont clairement marqué leur opposition au projet du Grand Paris, placé au coeur de la campagne régionale. Poursuivre l'examen de ce texte serait contraire aux principes fondateurs de la souveraineté du peuple et du vote comme outil de cette souveraineté, affirmés aux articles 2 et 3 de la Constitution. Le peuple francilien a tranché, il doit être entendu. C'est vous qui avez transformé cette élection en Île-de-France en un référendum sur le Grand Paris : le Président de la République a même tenu à rappeler aux têtes de liste de l'UMP, convoqués à l'Élysée, qu'ils devaient centrer leur campagne sur le projet du Grand Paris, soumis au Parlement contre l'avis de la majorité des élus et - étrange coïncidence !- examiné à l'Assemblée nationale juste avant les élections régionales. Passer outre le vote du peuple souverain serait contraire à l'article 3 de la Constitution. A scrutin régional, conséquence régionale, a dit le Président de la République. Le propos vaut pour ce texte.

Ensuite, que ce texte ayant trait à l'organisation des collectivités territoriales ait d'abord été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, et non celui du Sénat, est contraire à l'article 39, alinéa 2, de la Constitution. Devant ce manquement flagrant à nos règles, nous avons alertés les autorités parlementaires et gouvernementales, rien n'y a fait. Pourtant, l'exposé des motifs est clair : « Les projets de développement territorial seront définis dans leur contenu et dans leur périmètre en partenariat entre l'État et les collectivités locales et actés dans un contrat. »

En outre, en quoi ce texte relève-t-il du domaine de la loi, défini à l'article 34 de la Constitution ? J'avoue n'avoir rien trouvé dans la liste des matières concernées par la loi - liste dont je vous fais grâce- qui fasse écho à la création d'une infrastructure de transport public ou à la création d'un établissement public à caractère industriel et commercial. Bref, soit ce texte ne relève pas de la loi et vous violez l'article 34, soit il concerne l'organisation des collectivités locales et vous portez atteinte à l'article 39. J'attends donc une réponse précise : à quel domaine de la loi rattachez-vous ce texte ? La question est loin d'être anodine car, dans le deuxième cas, le texte constituerait une remise en question du principe de libre administration des collectivités territoriales, posé à l'article 72. La Société du Grand Paris, de par ses pouvoirs ainsi que par l'étendue de son territoire - quatre fois Paris !-, pourra imposer ses vues aux collectivités, qui perdront la compétence fondamentale de la gestion de leur sol, et à la région, dépossédée de sa compétence transport. Le périmètre de 1 500 mètres autour des gares, un temps envisagé, représente parfois plus de la moitié, voire la totalité du territoire de la commune. Et que dire, en matière de transports, quand l'État, après n'avoir rien fait pendant trente ans puis renié ses engagements, reprend la main de manière unilatérale ? Alors que notre Constitution, dans son article premier, affirme que l'organisation de notre République est décentralisée, le Président n'a pas hésité à nommer un ministre en charge d'une région et à passer par la loi pour imposer un modèle de développement aux élus. Notre Sénat, le représentant des collectivités locales, ne peut accepter un tel coup de force institutionnel. Cette loi d'exception, passant outre aux règles communes, prive les élus Franciliens de leurs pouvoirs, et, partant les citoyens de leurs droits, ce qui est contraire au principe d'égalité devant la loi posé à l'article premier de la Constitution. Ces dispositions sont d'autant plus contestables qu'elles sont inutiles, néfastes et dangereuses. Inutiles car le Gouvernement dispose de tous les outils pour réaliser une infrastructure de transport, via les Contrats État-Région, les schémas directeur d'aménagement, ou les opérations d'intérêt national. Néfastes car elles ajoutent à l'empilement des structures d'aménagement. Pour m'en tenir à l'exemple du plateau de Saclay, communes, département et région, mais aussi un plan Campus et des pôles de compétitivités interviennent dans l'aménagement. Néfastes aussi car vous démantelez le STIF quand, partout en France, on cherche à coordonner les transports régionaux et vous méconnaissez, avec le projet de Grand huit, la question essentielle des trajets entre le domicile et le travail. Dangereux car vous organisez un développement centré sur des pôles qui accentuera la compétition entre les territoires et relancera la spéculation foncière aux dépens des Franciliens. En fait votre objectif est clair. En dessaisissant les élus locaux de leur prérogative en matière d'aménagement, vous réduisez leurs possibilités de répondre aux besoins et aux attentes de leurs concitoyens. Voici revenu le temps des bétonneurs et des spéculateurs qui ont pourtant laissé tant de cicatrices dans le paysage de cette région ! Finalement vous n'avez rien appris de l'histoire, vous continuez de commettre les mêmes erreurs alors que vous avez été battu par le suffrage universel.

Voter cette motion permettrait de lancer une véritable réflexion en plaçant au coeur de ce Grand Paris, les Franciliens eux-mêmes. Ce serait un appel à construire un nouvel espoir. Nous voulons un Grand Paris, beau et respectueux de l'environnement où il fasse bon vivre pour les familles franciliennes, et non la mise en concurrence des territoires et des habitants au profit de la finance ! (Applaudissements nourris à gauche)

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Vous reprochez au texte de porter atteinte au principe de libre administration des collectivités locales, mais l'article 72 de la Constitution dispose que ce principe s'applique dans les conditions définies par la loi : c'est ce que nous faisons ici et si vous prenez la peine d'examiner ce texte, vous verrez que, loin de remettre en cause le projet de la région, il prépare l'avenir de la région capitale.

Vous dites ensuite que conformément à l'article 39 de la Constitution, il aurait dû être déposé en premier sur le bureau du Sénat plutôt qu'à l'Assemblée nationale, mais ce texte n'organise pas les collectivités locales ! (Exclamations à gauche)

Mme Nicole Bricq.  - Il les désorganise !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Ce texte, qui prépare la création d'un réseau de transport automatique de grande capacité, qui crée le contrat de développement territorial et qui valorise le pôle scientifique et technique de Saclay, n'a pas pour objet l'organisation des collectivités territoriales ! (Mêmes mouvements) Il est donc normal qu'il nous vienne après l'Assemblée nationale.

Vous évoquez ensuite le risque de spéculation, mais nous le prenons en compte avec notre proposition, reprise par le Gouvernement, d'une taxation de la plus-value immobilière spécifique à l'Ile-de-France.

Mme Nicole Bricq.  - Elle ne représentera rien !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - M. Carrez, que vous aimez tant citer, a estimé devant la commission que cette taxation devrait représenter 1 à 2 milliards, ce n'est pas rien ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Nicole Bricq.  - En dix ans !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Vous reprochez enfin au texte de ne pas tenir compte de l'expression populaire, mais nous ne sommes pas liés, nous, parlementaires nationaux, par le vote aux élections régionales ! J'ai exercé, parmi d'autres ici, des fonctions au conseil régional d'Ile-de-France, je m'y occupais des transports, et M. Hue siégeait à la commission : je sais distinguer les hémicycles !

Il y aura un débat public et l'article 18 prévoit que tout contrat de développement local sera précédé d'une enquête publique : les populations seront consultées !

Pour toutes ces raisons, je vous invite à repousser cette motion. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Même avis. (Applaudissements sur les mêmes bancs)

M. Christian Cambon.  - Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - M. le rapporteur nous dit en substance : « Circulez, il n'y a rien à voir ! », mais nous voyons bien qu'il faut y regarder de plus près ! Vous faites une réforme des collectivités locales et lors des élections régionales, le peuple s'est exprimé : vous devez en tenir compte ! Avec la réforme des collectivités locales et la suppression de la TP, vous enlevez des moyens d'action aux collectivités territoriales : c'est bien une manière de porter atteinte à leur libre administration car si elles n'ont plus de compétences pour réaliser leurs projets, de quelle liberté peuvent-elles disposer ?

Le fait métropolitain existe, l'État doit s'en occuper, nous ne le contestons pas : nous disons même qu'il doit s'en occuper davantage, qu'il doit mettre des moyens à hauteur de l'enjeu et nous déplorons son désengagement en Ile-de-France. Mais au lieu que l'État mette des moyens, il impose sa tutelle sur les collectivités locales par le biais d'une technostructure ! (Vives exclamations sur les bancs UMP)

Vous avez détaché le Grand Paris de la réforme des collectivités locales, pour des raisons de calcul politique, mais votre démarche est la même dans le fond, puisqu'il s'agit, dans les deux cas, de concentrer les pouvoirs à l'échelon métropolitain, avec un regroupement forcé des collectivités territoriales, sous la houlette du préfet : vous ajoutez de l'autorité, mais pas de moyens publics !

Il faut un débat public, avant cette réforme plutôt qu'après ! En dépit de l'intervention du Président de la République, les Franciliens ne vous ont pas suivi. Ils ont rejeté votre réforme des collectivités locales, reconnaissez-le ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jacques Mahéas.  - Nous voterons cette motion. Nous aurions aimé être consultés en premier : le Gouvernement s'y était engagé pour tous les textes touchant aux collectivités locales. Ce texte esquisse la création d'une quarantaine de gares en Ile-de-France, plus de 120 communes sont directement concernées et on nous dit que ce texte ne porterait pas sur l'organisation des collectivités locales ?

Une consultation était en cours sur Arc Express, nous nous étions organisés, à une quinzaine de communes du Val-de-Marne et de Seine-Saint-Denis, pour nous prononcer de façon autonome sur les améliorations à apporter.

Mais vous avez repoussé d'un revers de main la concertation populaire lancée par le conseil régional à propos d'Arc Express. « Poussez-vous de là ! », avez-vous dit en somme aux élus régionaux, « vous économiserez 7 milliards que vous pourrez verser à la cagnotte commune pour financer le « Grand huit » ! ». Sur la ligne qui mène de la cité Descartes à Clichy-Montfermeil, un arrêt était prévu à Chelles ou à Neuilly-sur-Marne. Cette dernière ville s'est ruinée pour acquérir des terrains et on lui demandera seulement son avis ? Les entrepôts du Louvre devaient y être installés mais le Président de la République ne l'a pas voulu : il a imposé son diktat. Pourtant, tout le monde était d'accord : les élus, les techniciens, et mêmes les ministres ! Alors quand vous nous dites qu'on va pouvoir discuter... (On fait remarquer à droite que l'orateur a épuisé son temps de parole) Pas d'impatience !

Le Gouvernement fait fi du résultat des dernières élections régionales. Les élus franciliens sont pourtant des élus à part entière et doivent être respectés ! (Applaudissements à gauche)

M. Christian Cambon.  - Ils n'ont rien fait pendant douze ans !

A la demande du groupe UMP, la motion n°5 est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 152
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

Question préalable

Mme la présidente.  - Motion n°1, présentée par M. Caffet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris (n°367, 2009-2010).

M. Jean-Pierre Caffet.  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Nous sommes nombreux à garder en mémoire le discours prononcé par le Président de la République le 29 avril 2009, lors de l'inauguration de l'exposition présentant les travaux des dix équipes d'architectes qui avaient planché sur le Grand Paris. Paraphrasant Victor Hugo, M. Sarkozy avait dit que le Grand Paris se ferait sous l'égide du vrai, du beau, du grand et du juste. Mais dans le projet de loi qui nous est présenté, il n'y a rien de vrai, rien de beau, rien de grand ni rien de juste. Le beau rêve a abouti à un piètre résultat : un métro automatique souterrain, deux établissements publics et un recul de la décentralisation.

La loi sort grandie du débat démocratique ; c'est pourquoi je me concentrerai sur nos désaccords de fond. Ce texte est fondé sur un diagnostic et une stratégie économique erronés : pour doubler le taux de croissance en Ile-de-France, il suffirait de relier par un métro automatique des pôles de développement spécialisés ou clusters. Le Gouvernement promet ainsi de créer un million d'emplois, contre toute vraisemblance démographique, sans dire où ni comment ces gens seront logés. Il présente les villes-monde, New York, Londres et Tokyo comme des eldorados, sans s'interroger sur leur stratégie de développement. Or les responsables de l'extension du réseau londonien, bien loin de privilégier les transports entre clusters, cherchent à relier l'est et l'ouest de la capitale en passant par le centre !

Dans beaucoup de filières, l'Ile-de-France est puissante. Ce n'est pas en territorialisant à outrance quelques secteurs dynamiques que l'on fera croître l'économie mais en encourageant l'esprit d'entreprise et en soutenant les PME : voyez l'exemple des étudiants de Stanford, cité par M. le ministre.

En Ile-de-France, le cluster, ce doit être la région toute entière. C'est cette stratégie qu'a tenté d'incarner le Sdrif, qui a essayé en outre d'intégrer au mieux les enjeux sociaux dans les priorités régionales, afin d'associer les politiques d'aménagement et les politiques de développement économique.

Notre deuxième désaccord porte sur la méthode. Ce texte signe le retour de l'État en Ile-de-France. Cela aurait pu être une bonne nouvelle après des décennies d'absence. Mais ce retour s'effectue dans les pires conditions -dans des conditions exécrables. Je ne reviendrai pas sur les différentes versions de ce texte : celle du 27 août 2009 a heureusement été modifiée après son examen par le Conseil d'État car ses aspects les plus recentralisateurs encourraient la censure du Conseil constitutionnel. Le Gouvernement avait imaginé d'imposer par décret aux collectivités le périmètre et le contenu des contrats de développement territoriaux, autrement dit les orientations de développement et d'aménagement, de logement, de déplacements, de communications numériques, etc. Dans votre rédaction, monsieur le secrétaire d'État, le décret pouvait même modifier la charte d'un parc naturel régional, ce qui en dit long sur les préoccupations environnementales qui vous animent ! (Rires à gauche)

Vous avez reculé mais cette philosophie attentatoire à la décentralisation demeure. Vous avez délibérément ignoré, méprisé le plan de mobilisation pour les transports élaboré par la région et les départements d'Ile-de-France, qui prend en compte les besoins urgents des Franciliens et qui, lui, est financé pour les deux tiers grâce aux engagements consentis par les collectivités locales. Vous avez aussi étouffé dans l'oeuf tout débat public sur la pièce maîtresse de ce plan, Arc-Express.

La composition des organes dirigeants de la société du Grand Paris et les pouvoirs exorbitants qui lui sont conférés sont eux aussi révélateurs. L'État, au travers du directoire de la SGP, un triumvirat nommé par décret, aura les pleins pouvoirs, les collectivités territoriales feront de la figuration au conseil de surveillance. C'est l'État qui définira le nouveau réseau de transport, au mépris des compétences légales de la région et du Stif. C'est l'État qui pourra imposer à une commune une opération d'aménagement autour d'une nouvelle gare. Il y a là un grave recul démocratique : c'est la première fois depuis que la gauche a lancé la décentralisation, il y a une trentaine d'années, que l'on éloigne ainsi la décision des élus concernés.

Monsieur le secrétaire d'État, nous pouvons le comprendre, vous représentez un gouvernement qui gère un État impécunieux et exsangue financièrement. Mais nous, élus nationaux, qui représentons les collectivités territoriales, nous ne pouvons accepter de cautionner un projet de plus de 20 milliards d'euros financé à la marge seulement par la valorisation foncière dans les périmètres concernés. Ces recettes procureront quelques centaines de millions d'euros, 1 ou 2 milliards tout au plus. Certes, l'article premier dans sa nouvelle rédaction précise que ce financement sera assuré par l'État. Mais pour alimenter les caisses de la société du Grand Paris, vous ne résistez pas à la tentation d'alourdir les charges du Stif en appliquant l'Ifer au matériel roulant utilisé pour le transport de voyageurs en Ile-de-France. Bref, le financement de ce nouveau réseau risque d'être beaucoup plus partagé avec les collectivités locales que vous ne voulez bien le dire.

Ce texte ne nous convient absolument pas. Pourtant, cette idée généreuse de Grand Paris pouvait trouver une autre application : un partenariat loyal et fécond entre l'État et les collectivités territoriales. Nous le réclamons depuis des mois en vain. Ce n'est pas une idée fumeuse, elle avait même trouvé une incarnation dans le rapport Carrez qui, sur l'essentiel, faisait consensus -double boucle, contrat de projet État-région dans sa dimension transports, plan de mobilisation de la région et des départements franciliens, calendrier crédible, plan de financement réaliste, gouvernance originale par la création d'une nouvelle entité juridique distincte du Stif, où l'État aurait pu être majoritaire mais où il aurait partagé ses équipes, dans un but de cohérence.

Ce schéma, monsieur le secrétaire d'État, vous n'avez pas voulu en entendre parler, pas plus que notre rapporteur. Votre volonté recentralisatrice bouscule les compétences légales des collectivités et leurs projets. Vous le faites en outre dans une conjoncture très particulière. Qui, sinon le Président de la République, a transformé les élections régionales franciliennes en un référendum sur les transports et sur votre vision du Grand Paris ? Et ce référendum, vous l'avez perdu. Mais vous persistez dans la voie que les électeurs ont rejetée. A élections régionales, conséquences régionales, nous avait-on dit. Mais ce fut : à élections régionales, oukase national. Quel déni de démocratie vis-à-vis des électeurs !

Stratégie économique erronée parce que trop partielle, empiétement de l'État sur les compétences des collectivités locales, aventurisme financier, refus de tirer les leçons du scrutin tout récent : voilà pourquoi il faut retirer ce texte et en écrire un autre, pour instaurer un partenariat inédit entre l'État et les collectivités, fondé sur le respect mutuel et la codécision. Nous sommes prêts à y contribuer. (Applaudissements à gauche ; Mme Françoise Laborde applaudit aussi)

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Si j'étais jeune sénateur et non élu ici depuis 1977, j'aurais certainement été très impressionné par votre argumentation. Vos quatre points étaient bien présentés... mais franchement à côté du texte ! La croissance de la région est inférieure à la croissance nationale et inférieure à celle de toutes les grandes villes comparables.

Mme Nicole Bricq.  - Non !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Mais si, la croissance est plus forte aux limites qu'au centre de la région ! Favoriser la mobilité par des transports modernes et bouclés est donc important, surtout s'il s'y ajoute des clusters et une mise en valeur du développement universitaire, comme à Saclay. Qu'y a-t-il dans le contrat de projet État-région ? Du saupoudrage ! La plus importante des seize petites opérations atteint péniblement un montant de 350 millions d'euros. Ce n'est pas ainsi que l'on règle les problèmes. (Applaudissements sur les bancs UMP) Quant aux méthodes du Gouvernement, je comprends qu'à la lecture du projet initial, elles aient pu vous sembler un peu brutales.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Mais l'Assemblée nationale a beaucoup amélioré la rédaction, notre commission spéciale également, par exemple sur le contrat de développement territorial ou sur la commission nationale du débat public. Le texte à est présent plus satisfaisant. Rien qui mérite en tout cas le qualificatif d'exécrable, que je m'étonne de trouver dans votre bouche.

Mme Nicole Bricq.  - Nous ne sommes pas, pour notre part, étonnés.

Mme Bariza Khiari.  - Notre collègue aurait pu utiliser des mots plus durs.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Vous ne croyez pas à ce que le ministre nous propose. Pourtant, dans tous les pays, on trouve habituel d'emprunter pour financer l'investissement. Quand nous étions aux responsabilités, l'investissement représentait deux fois le budget de fonctionnement... (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Bricq.  - Cela ne vous a pas empêchés d'être battus trois fois.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - ...et ce n'est plus du tout le cas aujourd'hui...

M. David Assouline.  - Vous exagérez !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - M. Caffet n'a pas fait dans la nuance... Le partenariat loyal et fécond, je le crois possible ; je vous accorde que l'affaire d'Arc Express est compliquée, nous en parlerons le moment venu.

M. David Assouline.  - N'interrompez pas le débat public !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Il est possible si le schéma directeur est remodelé et se garde du saupoudrage. Il faut prolonger Éole jusqu'à la Défense et la ligne 14 vers le nord. Qui a lancé cette ligne, d'ailleurs ? C'est nous !

Mme Nicole Bricq.  - C'est le gouvernement Rocard !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - J'ai encore en mémoire les reproches qu'on nous a faits de ces deux systèmes qui se croisaient sous la gare Saint-Lazare...

Dernier point, les élections. J'ai participé à de nombreuses élections régionales...

Mme Dominique Voynet.  - Vous en avez perdu trois !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Je n'ai pas souvenir qu'en 1992, la majorité d'alors, qui les avait perdues, ait changé quoi que se soit à sa politique ! Alors ne nous racontez pas d'histoires !

Un métro automatique qui sera financé par une dotation en capital et l'emprunt ; une séparation franche entre le financement des nouveaux investissements et la participation de l'État à un contrat de projet plus sérieux qu'il n'est -on se demande pourquoi la région en a signé un pareil ; et l'affaire de Saclay -il faut permettre aux entreprises de biotechnologie qui le veulent de revenir en France : voilà les trois points essentiels du projet de loi. Il faut en débattre. Je demande au Sénat de rejeter la question préalable. (Applaudissements à droite)

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. David Assouline.  - Heureusement que le rapporteur est là !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Mon groupe soutiendra la motion. Les métropoles deviennent un défi majeur pour les peuples en ce début de XXIsiècle ; de leur développement naissent richesses et potentialités, mais aussi déséquilibres et inégalités. Nous devons nous poser la question : dans quelle région voulons-nous vivre ? Quel type de développement peut favoriser un vivre ensemble écologique, solidaire et citoyen ? Loin de réduire les déséquilibres et les inégalités territoriales, ce projet de loi va les aggraver, comme il va aggraver les conséquences de la mondialisation libérale ; ce sont les hommes et les femmes les plus modestes, doublement touchés par la crise et la politique du Gouvernement, qui en feront les frais. Le texte met en scène une recentralisation du pouvoir entre les mains de l'État, le dessaisissement des collectivités territoriales et un modèle de développement assis sur la spéculation qui ne peut que produire davantage d'exclusion. C'est une arme redoutable contre la mixité sociale.

Comment ne pas voir que ce projet de loi s'inscrit dans un ensemble cohérent de réformes, qui fait la part belle aux grands groupes privés en sacrifiant la dépense sociale et la responsabilité publique ? Amorçant une recomposition de la région au sein d'une Europe de la concurrence, loin de répondre aux besoins, il va aggraver les déséquilibres qu'il prétend réduire en connectant les seuls centres d'affaires, en concentrant les richesses sur quelques pôles de la compétitivité.

La société du Grand Paris se voit accorder un droit de préemption sur une superficie grande comme quatre fois la ville de Paris, sur laquelle les élus perdront la main. Comment y voir une réponse aux défis de la coopération entre territoires solidaires dans l'intérêt du plus grand nombre ? Un partenariat fécond, monsieur le rapporteur, ne naîtra pas d'un texte qui piétine le Sdrif, un schéma démocratiquement élaboré. Quant au financement, il est hypothétique et flou ; l'État avancera 4 milliards d'euros au Grand Paris pour amorcer un emprunt qui serait remboursé grâce au produit d'une taxe sur les plus-values foncières issues de la valorisation des terrains autour des gares. La majorité n'a pas tiré les leçons de la crise financière. Et rien n'est prévu pour le financement du fonctionnement, sinon qu'il sera assumé par le Stif.

Ce projet de loi ne répond à aucun enjeu majeur pour la région ; il ne peut en résulter que de nouvelles inégalités. Nous voterons la motion. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Caffet.  - Je n'ai certes pas votre ancienneté dans cette maison, monsieur le rapporteur, mais j'y ai appris certaines choses... Le diagnostic et les taux de croissance ? Soyons prudents -et sérieux. Quand j'entends dire que Londres se développe à 8,5 % l'an... Les raisons du développement d'une métropole sont beaucoup plus complexes que vous le dites. S'il suffisait d'un métro automatique de 130 kms reliant des pôles d'activité pour doubler le taux de croissance, cela se saurait et aurait été fait depuis longtemps ! Ne nous faites pas l'injure de croire que nous ne savons pas penser ! Ni lire les études du Conseil d'analyse économique ou celles de tel prix Nobel d'économie qui estime que la politique des clusters est intéressante mais qu'il ne faut pas en attendre de miracles.

Vous vouliez vous-même réintroduire dans le texte les contrats de plan État-région, monsieur le rapporteur ; et voilà qu'ils ne servent à rien ! Nous sommes décidément mal partis !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Je souhaite qu'ils servent à quelque chose !

M. Jean-Pierre Caffet.  - S'il n'y a d'avenir que dans la double boucle... Vous avez raison, le premier projet était très inquiétant ; mais le deuxième l'est tout autant. L'amendement qui met un terme à toute possibilité de débat public est scandaleux.

M. David Assouline.  - Bien sûr !

M. Jean-Pierre Caffet.  - J'espère que nous pourrons y revenir. Le passage du texte au Conseil d'État et à l'Assemblée nationale a permis d'amodier un texte qui était inacceptable pour les collectivités territoriales. J'espère que ces acquis ne seront pas perdus.

A la demande du groupe socialiste et de la commission spéciale, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 152
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

Discussion des articles

Article premier

Le Grand Paris est un projet urbain, social et économique d'intérêt national qui unit la ville de Paris et les grands territoires stratégiques de la région d'Ile-de-France et promeut le développement économique durable, solidaire et créateur d'emplois de la région capitale. Il vise à réduire les déséquilibres sociaux, territoriaux et fiscaux au bénéfice de l'ensemble du territoire national. Les collectivités territoriales et les citoyens sont associés à l'élaboration et à la réalisation de ce projet.

Ce projet s'appuie sur la création d'un réseau de transport public de voyageurs dont le financement des infrastructures est assuré par l'État.

Ce réseau s'articule autour de contrats de développement territorial définis et réalisés conjointement par l'État, les communes et leurs groupements. Ces contrats participent à l'objectif de construire chaque année 70 000 logements géographiquement et socialement adaptés en Ile-de-France et contribuent à la maîtrise de l'étalement urbain.

Le projet du Grand Paris favorise également la recherche, l'innovation et la valorisation industrielle au moyen de pôles de compétitivité et du pôle scientifique et technologique du Plateau de Saclay dont l'espace agricole est préservé.

Dans cette perspective, l'élaboration du réseau organisant les transports dans la région d'Ile-de-France doit prendre en compte les interconnexions à mettre en place avec l'ensemble du réseau ferroviaire et routier national afin de permettre des liaisons plus rapides et plus fiables entre chacune des régions de l'hexagone et éviter les engorgements que constituent les transits par la région d'Ile-de-France.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Cet article pose l'objet de ce Grand Paris : un projet urbain, social et économique, associant les citoyens, réalisé conjointement par l'État et les collectivités, tendant à réduire les déséquilibres sociaux, territoriaux et fiscaux. Il évoque également la lutte contre l'étalement urbain, la nécessité d'une offre de logement adaptée. Cet article affirme également le financement de ce réseau par l'État, sans en indiquer toutes les modalités et les conditions. C'est donc la porte ouverte à la valorisation des terrains attenants aux gares et à de nouvelles sources de financement qui seraient affectées à la société du Grand Paris, hors de toute péréquation régionale.

Cette déclaration d'intention est en décalage avec le reste du texte. Les citoyens ne seront associés que ponctuellement, dans le cadre du débat public, et non de manière continue. Les collectivités seront minoritaires au sein du conseil de surveillance de la société du Grand Paris. Comment parler alors d'une réalisation conjointe ? Lutter contre l'étalement urbain ne peut passer par la création d'une chenille d'expropriation et d'urbanisation autour du « Grand huit ».

La question du logement n'est traitée qu'à la marge dans la quasi-totalité des articles, alors même qu'il s'agit d'un enjeu majeur sur le territoire francilien. Le déficit de logement est en effet une des causes majeures de l'allongement des parcours de transport ? On ne pourra donc améliorer l'offre de transports sans renforcer les dispositifs en faveur de la construction de logement public.

En fait de réinvestissement de l'État dans la région capitale, vous confisquez l'intérêt général pour l'offrir au privé, en organisant la spéculation foncière autour des gares. L'aménagement du territoire sera repris en main par l'État qui fera appel au privé. Ce métro en rocade n'aura de pertinence qu'en termes de déplacement travail-travail, et non travail-habitat. Il ne servira donc que les hommes d'affaires.

Ce que nous demandons à l'État, ce n'est pas un coup d'éclat avec un texte, c'est qu'il cesse de se désengager des politiques publiques. Transport, logement, éducation, tous ces budgets régressent ; les services publics sont en souffrance. Réduire les inégalités sociales et territoriales requiert un maillage fin du territoire, la présence de services et d'équipements publics, une politique industrielle ambitieuse. Pas la création d'un métro automatique, la réduction des dépenses publiques et la suppression de fonctionnaires.

Les difficultés de la région capitale sont liées à sa désindustrialisation ; cela mérite une réflexion.

Nous ne sommes pas contre une intervention de l'État en Ile-de-France si elle reste dans le cadre de ses compétences, sans empiéter sur celles de ces instances de démocratie de proximité que sont les collectivités territoriales. Les cadres de réflexion et d'action pour penser l'avenir de la région capitale existent déjà, ce sont les collectivités territoriales, le conseil régional, le syndicat Paris-Métropole. L'État n'en est pas exclu. Il est même censé garantir l'intérêt général national. Son attitude est paradoxale. Non content de ne pas honorer ses engagements au titre des contrats de plan, il bloque le schéma directeur, réalisé au terme d'un long débat démocratique.

J'en profite pour renouveler notre souhait que le document du Sdrif soit enfin transmis au Conseil d'État. Oui, il faut donc bien un projet pour l'Ile-de-France, mais construit avec les habitants et avec leurs élus.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Un article premier donne l'orientation générale d'un texte. Notre désaccord de fond est tel que ne pouvons même pas tenter d'amender celui-ci. On aura rarement vu un article premier d'un projet de loi connaître autant de vicissitudes que celui-ci. On en est à la quatrième version !

La première, celle du 28 août, faisait un état de la question. Un mois plus tard, l'article présenté en conseil des ministres ne contenait plus qu'une phrase, qui avait au moins le mérite de la simplicité. Hormis la fable selon laquelle ce projet de loi aurait été élaboré conjointement entre l'État et les collectivités territoriales, cette rédaction avait la vertu de la vérité, en reconnaissant le caractère réducteur de ce projet de loi. Après la troisième version, votée par l'Assemblée nationale, en voici une quatrième qui, à l'initiative de notre commission spéciale, fixe un objectif de construire 60 000 logements par an en Ile-de-France. Cet article est sans caractère normatif mais nous apprenons ce soir par une dépêche de l'AFP que le Gouvernement a l'intention de défendre un amendement supprimant cette mention du logement...

Voici donc quatre versions -et ce n'est pas fini !- pour cet article premier qui est censé dire ce que sont les intentions du Gouvernement. Autant dire que celui-ci navigue à vue. Mme Voynet et Mme Assassi ont peut-être raison de demander la suppression de cet article... (Applaudissements à gauche)

M. Yannick Bodin.  - Le Gouvernement nous a présenté ce projet du Grand Paris comme un projet pour l'Ile-de-France. Il devrait donc nécessairement viser un rééquilibrage vers l'Est, une meilleure répartition logements-emplois, une mise en valeur des zones stratégiques, mais qui n'oublie pas les zones périphériques, qui n'oublie pas non plus la formation, les universités, les pôles de recherche -en Seine-et-Marne, le taux de bacheliers suivant des études supérieures est inférieur à la moyenne nationale...

Or, votre projet du Grand Paris ne reprend aucunes de ces urgences. La localisation des pôles d'excellence exclut l'est de la région et particulièrement la Seine-et-Marne ; une seule zone d'activité est privilégiée, celle de Roissy ; rien du tout pour le sud de ce département ! Autrement dit, la moitié de notre région n'est pas concernée par ce Grand Paris. Pour le Seine-et-Marnais, ce fameux Grand Paris, c'est un métro, « un machin là-bas », alors qu'il attend des emplois, des centres de santé, la revitalisation de ses zones rurales !

Monsieur le secrétaire d'État, vous êtes allé présenter votre projet à Provins. Pourquoi à Provins ? En tout cas, je me souviens parfaitement des réactions de vos auditeurs : « En quoi sommes-nous concernés ? Concernés par un métro à 100 kms ? ». Vous avez dû en prendre conscience car, ensuite, vous avez organisé une séance de rattrapage à Marne-la-Vallée, seul secteur réellement concerné. Mais votre projet n'est pas pour l'Ile-de-France ! Il ne prévoit rien pour environ les deux tiers du territoire régional !

Nous, nous ne comptons pour rien. La déception des Seine-et-Marnais est grande. Elle nous conduira à voter contre cet article premier et contre les suivants.

Mme Dominique Voynet.  - Non, monsieur le rapporteur, il n'y a pas, d'un côté, ceux qui ont de l'ambition pour l'Ile-de-France et, de l'autre, ceux qui se contenteraient d'un saupoudrage. Le rapport de la Datar pour son quarantième anniversaire a conclu sur une phrase terrible selon laquelle il est impossible de tirer un bilan de quarante ans d'aménagement du territoire mais que, peut-être, la situation aurait été pire s'il n'y en avait pas eu... Vaut-il mieux concentrer l'effort sur les territoires qui ont déjà des activités ou investir davantage dans ceux qui sont en difficulté ? Des générations d'étudiants sont allées en Italie du nord étudier les clusters. On y constate l'efficacité des coopérations basées sur la proximité et l'adéquation aux besoins. Il est difficile de reproduire cela de façon autoritaire. La plupart des emplois viennent des PME, et même des petites entreprises, innovantes ou traditionnelles, dans le bâtiment, l'artisanat, les métiers de bouche. Au lieu de se battre à coups de caricatures, mieux vaut y regarder de près. En quarante ans d'aménagement du territoire, on n'a jamais entendu dire qu'un super métro reliant des pôles de développement économiques serait utile lorsque le logement et les systèmes éducatif ou hospitalier ne sont pas au rendez-vous.

Mme Catherine Tasca.  - Cet article premier et son alinéa 1 sont la clé de notre incompréhension mutuelle. Votre gouvernement a pris l'habitude d'essaimer ses textes de propos incantatoires qui créent de nombreux espoirs et autant de désillusions.

Tout y est, dans cet article. « Chacun en a sa part et tous l'ont en entier ». Il annonce tout à la fois le développement économique durable, solidaire et créateur d'emplois, la réduction des déséquilibres sociaux, territoriaux et fiscaux, et, par dessus tout cela, l'association des collectivités territoriales et des citoyens. C'est trop beau ! Mais c'est un effet d'annonce, la suite du texte le démontrera.

La loi n'est pas un exercice déclaratoire, elle doit être normative et créer des obligations concrètes dont les citoyens et le Parlement doivent pouvoir juger.

M. David Assouline.  - Ce projet, c'est un projet de transport, point final ! Vous pensez tout régler avec le « Grand huit », et tout le reste suivrait... Mais comme cela faisait un peu court, y compris pour les élus UMP, alors vous faites de la politique comme Nicolas Sarkozy : vous écrivez un article premier et un alinéa 1 qui montrent que vous avez de l'ambition et qu'on va voir ce qu'on va voir. Mais tout le reste du texte contredit cet article premier, sans parler des 70 000 logements qu'un amendement du Gouvernement supprimera à l'article 19. (M. le secrétaire d'État le conteste) C'est un communiqué de presse qui nous l'a appris...

Dommage. Cet alinéa 1 aurait pu être le cadrage d'un Grand Paris global et cohérent. Mais il s'agit seulement de nous refiler à tout prix un métro souterrain, un « Grand huit » qui, de plus, court-circuite un projet en cours et un débat public que vous voulez empêcher.

Une fois la loi adoptée, il n'y aurait plus de débat public. J'espère que nous aurons une bonne nouvelle à cet égard... On ne peut pas dire, comme le président Fourcade, qu'on est prêt, sur ces questions, à chercher une solution et prévoir, grâce à M. Pozzo di Borgo, une interruption brutale du débat public.

Mme Bariza Khiari.  - Avant le passage sous les fourches caudines du débat parlementaire, la rédaction initiale de l'article premier brillait par sa modestie et son manque de vision : à l'instar de ce texte, il manquait d'ambition. Il propose désormais une problématique plus nourrie, plus aboutie. Si je reste dubitative, c'est qu'on voit mal comment un métro souterrain permettrait de lutter contre les inégalités territoriales et contre le déséquilibre est-ouest souligné par M. Bodin.

Le Sdrif était autrement ambitieux ; il a fait l'objet d'études minutieuses, a été approuvé par la région, par la majorité des départements ainsi que par de nombreuses communes. On comprend mal pourquoi l'article premier n'en dit mot : on affirme qu'on va unir Paris, les communautés environnantes et l'État, mais on nie le travail des acteurs. Cet article énonce des principes sur lesquels on s'assoira ensuite : c'est du déclaratif d'apparat. Nous refusons de cautionner une recentralisation qui se pare des atours de beaux principes avant de les rejeter.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - En aucun cas, le Gouvernement n'a déposé un amendement de suppression de l'article 19 bis. (Mme Catherine Tasca s'en réjouit) Si on se met à commenter les dépêches de l'AFP, le débat va devenir encore plus compliqué...

M. David Assouline.  - Ce n'est pas le Canard Enchaîné.

Renvoi pour avis

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques (n°235, 2009-2010), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale est saisie au fond et qui a été renvoyée pour avis à la commission des finances, est également renvoyée pour avis, à sa demande, à la commission des affaires sociales.

Dépôt de rapport

Mme la présidente.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport analysant les avantages et les inconvénients du maintien des dispositions prévues par l'instruction codificatrice n°05-029-A8 de la Direction générale de la comptabilité publique, prévu par l'article 197 de la loi n°2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

Il a été transmis à la commission des finances. Il est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Prochaine séance, demain, mercredi 7 avril 2010 à 14 h 30.

La séance est levée à 23h 50.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 7 avril 2010

Séance publique

A 14 HEURES 30 ET LE SOIR

Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris (n°123, 2009-2010).

Rapport de M. Jean-Pierre Fourcade, fait au nom de la commission spéciale (n°366, 2009-2010).

Texte de la commission (n°367, 2009-2010).