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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Mise au point au sujet d'un vote

Organisation des débats

Gendarmerie nationale (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

Vote sur l'ensemble

Parcours professionnels dans la fonction publique (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

Vote sur l'ensemble

Nouvelle-Calédonie et Mayotte (Conclusions de la CMP)

Discussion générale commune

Vote sur le projet de loi organique

Vote sur le projet de loi ordinaire

Grenelle de l'environnement (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

Vote sur l'ensemble

Ajournement du Sénat




SÉANCE

du jeudi 23 juillet 2009

10e séance de la session extraordinaire 2008-2009

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaire : M. Philippe Nachbar

La séance est ouverte à 14 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Jacques Gautier.  - Lors du scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical, M. Ambroise Dupont a été indiqué par erreur comme n'ayant pas pris part au vote. Il s'agissait en réalité de Mme Bernadette Dupont ; M. Ambroise Dupont a bien voté.

M. le président.  - Je vous donne acte de votre déclaration.

Organisation des débats

M. le président.  - La Conférence des Présidents n'ayant pas organisé les discussions générales des conclusions des commissions mixtes paritaires que nous allons examiner, les dispositions de l'article 29 ter, alinéa 3, du Règlement s'appliquent.

Il est donc attribué un temps de deux heures pour chaque discussion générale.

Gendarmerie nationale (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la gendarmerie nationale.

Discussion générale

M. Jean Faure, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.  - Déposé en premier lieu au Sénat il y a près d'un an, ce projet de loi historique -la dernière loi sur la gendarmerie remontant à 1798- organise le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur, voulu par le Président de la République.

Avant même le dépôt du texte, notre commission des affaires étrangères et de la défense a constitué un groupe de travail chargé de réfléchir à l'avenir de l'organisation et des missions de la gendarmerie. Après de nombreuses auditions et plusieurs déplacements, ce groupe, que je présidais, a émis dix-sept recommandations, adoptées à l'unanimité et reprises dans un rapport d'information publié en avril 2008.

Pour l'examen du projet de loi, je me suis largement fondé sur les recommandations de notre commission. J'ai entendu des représentants du ministère de l'intérieur, de la défense et de la justice, mais aussi d'anciens directeurs généraux de gendarmerie, des officiers, des préfets et des magistrats. M'inspirant du décret du 20 mai 1903, j'ai « cherché à bien définir la part d'action que chaque département ministériel peut exercer sur la gendarmerie afin de sauvegarder cette arme contre les exigences qui ne pouvaient trouver leur prétexte que dans l'élasticité ou l'obscurité de quelques articles ». La vingtaine d'amendements que nous avons présentés avec M. Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois, ont tous été adoptés par nos commissions respectives.

Après son passage au Sénat, le projet de loi était passé de dix à vingt-deux articles. Tout d'abord, nous avons modifié l'intitulé du projet de loi pour le rendre plus solennel. Ensuite, nous avons entièrement réécrit l'article définissant les missions de la gendarmerie nationale afin de mentionner expressément la mission de police judiciaire et affirmer son ancrage territorial ainsi que sa dimension internationale. Nous avons également introduit un nouvel article consacrant le principe du libre choix du service enquêteur par l'autorité judiciaire.

La question des relations avec les préfets suscitait de fortes inquiétudes au sein de la gendarmerie. Nous avons précisé que l'autorité des préfets ne s'exerce que sur les commandants de groupement de gendarmerie, afin de préserver le principe hiérarchique ; que cette autorité ne joue que pour la sécurité publique et non pour les missions judiciaires ; enfin, qu'elle s'exerce « dans le respect du statut militaire » de la gendarmerie.

Au total, nous sommes parvenus à un bon équilibre, qui a été préservé par nos collègues députés.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Très bien.

M. Jean Faure, rapporteur.  - Le Sénat a accepté de supprimer la réquisition, incompatible avec le rattachement au ministère de l'intérieur, en maintenant toutefois une procédure d'autorisation pour le recours aux moyens militaires spécifiques, comme les véhicules blindés, et en encadrant l'usage des armes à feu afin de garantir la traçabilité des ordres.

Nous avons notamment reconnu le rôle essentiel joué par les réservistes de la gendarmerie nationale.

En définitive, au-delà des clivages politiques sur l'opportunité du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, le Sénat a tenu à garantir le maintien du dualisme des forces de sécurité publique et le caractère militaire de la gendarmerie. Je salue d'ailleurs l'attitude constructive de l'opposition, avec laquelle nous avons adopté plusieurs amendements.

Ce projet de loi a été transmis en janvier à l'Assemblée nationale, qui l'a adopté le 7 juillet dernier en y apportant des modifications essentiellement rédactionnelles.

L'Assemblée a modifié l'article premier, définissant les missions de la gendarmerie nationale, sur quatre points. A l'initiative de sa commission des lois, elle a supprimé la phrase selon laquelle « la police judiciaire constitue une mission essentielle » de la gendarmerie nationale, qui avait été ajoutée par le Sénat. Idem pour la disposition selon laquelle la gendarmerie est compétente pour assurer la sécurité publique et l'ordre public, « particulièrement dans les zones rurales et périurbaines, ainsi que sur les voies de communication ». En revanche, à l'initiative de sa commission de la défense, l'Assemblée a précisé que la gendarmerie contribue à la lutte contre le terrorisme. Enfin, à l'initiative du député Folliot, elle a ajouté que la gendarmerie « participe au contrôle et à la sécurité des armements nucléaires ».

Le compromis adopté par la commission mixte paritaire a été de reprendre l'ensemble des ajouts apportés par les deux assemblées.

Ainsi, le texte que nous avons élaboré mentionne la contribution de la gendarmerie à la lutte contre le terrorisme et son rôle en matière de contrôle et de sécurité des armements nucléaires.

En contrepartie, nous avons souhaité rétablir les deux dispositions du décret de 1903 reprises dans le texte du Sénat et supprimées par l'Assemblée nationale. D'une part, la vocation de la gendarmerie nationale à assurer la sécurité publique et l'ordre public « particulièrement dans les zones rurales et périurbaines, ainsi que sur les voies de communication », d'autre part, la réaffirmation du caractère essentiel de la mission de police judiciaire assurée par la gendarmerie. Le texte, équilibré, élaboré par la commission mixte paritaire donne pleinement satisfaction au Sénat sur ce point.

La deuxième divergence portait sur les conséquences de la suppression de la réquisition, prévue à l'article 2. Je rappelle que, selon la procédure de réquisition, le ministre de l'intérieur ou le préfet ne peuvent faire appel à la gendarmerie mobile pour les besoins du maintien de l'ordre que sur réquisition écrite, alors que pour les CRS, un ordre verbal est suffisant.

Tirant les conséquences du rattachement de la gendarmerie au ministre de l'intérieur, le projet de loi vise à supprimer la procédure de réquisition pour la gendarmerie. Compte tenu de l'importance de ces questions, qui touchent directement les libertés publiques et les droits des individus, le Sénat avait souhaité encadrer cette suppression en prévoyant une procédure d'autorisation pour l'usage des moyens militaires et l'usage des armes à feu au maintien de l'ordre, dont les conditions seraient fixées par décret en Conseil d'État. Mais l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois, était revenue sur ce dispositif, ne prévoyant qu'un décret simple pour les moyens militaires et en supprimant toute procédure particulière pour l'usage des armes à feu.

Nous nous réjouissons que le texte élaboré par la CMP s'inspire largement du dispositif adopté par le Sénat. Ainsi, le recours aux moyens militaires spécifiques dont dispose la gendarmerie, comme les véhicules blindés, sera soumis à une procédure d'autorisation dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. En outre, les conditions d'usage des armes à feu, dans le cadre du maintien de l'ordre, tant par les gendarmes que les policiers, seront également précisées par décret en Conseil d'État. Nous tenions au décret en Conseil d'État, pour préserver l'avenir.

Au total, le texte élaboré par la commission mixte paritaire donne largement satisfaction aux préoccupations exprimées par le Sénat, tout en prenant en compte les améliorations apportées par l'Assemblée nationale. La gendarmerie nationale verra son statut de force armée et ses missions consacrés au niveau législatif. Le rattachement de la gendarmerie au ministre de l'intérieur permettra de renforcer la coordination des deux forces de sécurité en matière de lutte contre la criminalité et donc d'améliorer la sécurité des Français. Il permettra aussi de renforcer la mutualisation des moyens entre la police et la gendarmerie.

En outre, les militaires de la gendarmerie bénéficieront d'une grille indiciaire spécifique, ce qui permettra d'aller vers une parité globale de traitement et de carrière entre les gendarmes et les policiers, conformément à l'engagement du Président de la République.

Enfin, le caractère militaire de la gendarmerie sera préservé. L'existence de deux forces de sécurité, l'une à statut civil, la police nationale, l'autre à statut militaire, la gendarmerie nationale, constitue un atout majeur pour notre pays et la sécurité des Français. C'est cette exigence qui a guidé les travaux de la commission mixte paritaire et a conduit à l'élaboration de ses conclusions, que nous recommandons d'adopter aujourd'hui. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - Le texte qui vous est soumis aujourd'hui est d'importance : il constitue, ni plus ni moins, la première réforme d'ampleur de la gendarmerie nationale depuis quelque deux siècles, après celle de 1798, ainsi que l'a rappelé le rapporteur. A l'heure où se joue, dans votre hémicycle, l'histoire autant que l'avenir de l'une de nos plus vieilles institutions nationales, permettez-moi, tout d'abord, de réagir sur le présent.

Comme vous le savez, un attentat à la voiture piégée a visé, hier matin, la gendarmerie de Vescovato, en Haute-Corse. Devant vous, représentants de la Nation, je tiens à condamner avec fermeté cet acte terroriste irresponsable, qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques. Si heureusement aucun blessé n'est à déplorer, je rappelle que l'explosion s'est produite à proximité d'une caserne dans laquelle vivent plusieurs familles de gendarmes et alors que des enfants se trouvaient à l'extérieur. Je saisis cette occasion pour rendre hommage aux militaires de la gendarmerie nationale et à l'ensemble des forces de sécurité intérieure de Corse. Je sais le contexte souvent difficile dans lequel ils exercent leurs missions. Je leur exprime mon soutien et ma confiance dans l'action qu'ils mènent au service de la paix publique et du respect du droit auxquels aspirent l'immense majorité des habitants de Corse, ainsi que ceux-ci le rappellent à chaque élection.

Le ministre de l'intérieur, qui vous prie d'excuser son absence due à son déplacement sur les lieux des tragiques incendies de Marseille, a demandé que tous les moyens soient mis en oeuvre pour identifier, interpeller et remettre à la justice ceux qui ont fait le choix de la violence. Le Gouvernement réaffirme, en outre, la détermination de l'État à faire respecter la paix et la sécurité publiques, en Corse, comme dans toutes les collectivités locales de notre territoire.

C'est pour répondre à ce même objectif de protection de nos concitoyens que Mme Alliot-Marie vous avait présenté ce texte, en octobre 2008. Je me réjouis de constater combien vous vous l'êtes approprié, combien vous l'avez commenté et enrichi, particulièrement vos deux rapporteurs. Nous arrivons au point d'orgue de la procédure : la commission mixte paritaire a adopté, la semaine dernière, un texte équilibré de 27 articles, contre 10 initialement, qui rencontre le plein accord du Gouvernement. Je remercie vos commissions de la défense et des lois.

Vos débats ont montré combien nous sommes unis par un même attachement à la gendarmerie nationale. Sur tous les bancs, la volonté de pérenniser une institution qui assure avec efficacité et proximité un service public de sécurité a fait l'unanimité.

Je tiens à le réaffirmer : aucune fusion n'est à l'ordre du jour. L'objectif de cette loi est le maintien de deux forces de sécurité intérieure à statuts différents, comme l'a précisé le Président de la République en novembre 2007 lorsqu'il a lancé ce travail d'intégration de la gendarmerie au ministère de l'intérieur. Je veillerai à ce que ce rapprochement soit mis en oeuvre dans le respect de l'identité militaire des gendarmes. Je serai également attentif à son efficacité : le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l'intérieur doit ouvrir de nouvelles perspectives d'amélioration du service public. Il doit favoriser les synergies, les complémentarités opérationnelles, les mutualisations, notamment dans la fonction soutien. C'est sa raison d'être.

Vous l'avez compris, la réforme qui vous est proposée aujourd'hui n'est pas une réforme de l'institution militaire. C'est une réforme pragmatique, qui doit renforcer la sécurité et conforter l'identité de la gendarmerie nationale.

Vous avez souhaité enrichir le texte du projet, tout en en respectant la cohérence. Je salue votre travail de grande qualité, qui conforte la gendarmerie dans ses missions particulières de défense et de police judiciaire. Le Gouvernement se félicite de l'accord équilibré auquel vous êtes parvenus sur l'article 3, dans une rédaction qui ménage tout à la fois le rôle de direction du préfet et le respect de la contrainte hiérarchique. De même, vous avez su concilier le droit des réservistes à l'exercice d'un mandat électif et la protection des citoyens en prévoyant que leur activité ne pourra s'exercer dans leur circonscription. Il n'y aura donc aucun mélange des genres.

Ont également été prévues des dispositions nouvelles pour le transfert, nécessaire, des personnels non titulaires, qui se fera dans le respect des droits des agents tels qu'ils sont inscrits dans le texte.

Il est enfin pertinent d'avoir repoussé à deux ans au lieu d'un, pour assurer le recul nécessaire, la remise d'un rapport du Gouvernement sur les premiers résultats de la réforme. Ce qui n'empêchera pas d'avoir un point chiffré au prochain rendez-vous budgétaire.

Je souhaite préciser le sens de deux dispositions importantes introduites par le Sénat. La suppression de la procédure de réquisition pour les missions du ministère de l'intérieur était la conséquence logique du rattachement organique de la gendarmerie au ministère : on n'a pas à requérir une force dont on dispose déjà. Mais cette évolution doit être respectueuse des libertés publiques. C'est pourquoi un décret en Conseil d'État fixera, votre rapporteur y a insisté, les conditions d'usage des armes à feu dans le cadre du maintien de l'ordre. Je rappelle que le cas est extrêmement rare et qu'il est important qu'il le reste. La procédure, lourde, de la réquisition écrite étant supprimée, elle est néanmoins remplacée par un dispositif technique d'enregistrement des ordres qui garantit la traçabilité de la décision.

A chaque ordre d'usage des armes à feu correspondra une chaîne de responsabilité clairement établie. Un dispositif similaire existera pour l'utilisation de moyens militaires spécifiques pour le maintien de l'ordre. L'utilisation de ce type de moyens, strictement encadrée, restera exceptionnelle.

Je souhaite vous rassurer au sujet de l'implantation territoriale...

Mme Nathalie Goulet.  - Ah !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Le maintien du maillage territorial est nécessaire pour assurer la sécurité partout et pour tous. Le texte élaboré par la CMP précise que « la gendarmerie nationale est destinée à assurer la sécurité publique et l'ordre public, particulièrement dans les zones rurales et périurbaines ». L'élu rural que je suis est très sensible à cette formulation.

La compétence territoriale de la police nationale demeure. Les redéploiements sont possibles entre celle-ci et la gendarmerie afin de trouver, au cas par cas, la répartition des forces la plus adaptée à la situation locale.

Ce texte est équilibré. Cette réforme de fond s'inscrit dans le long terme et nous permettra d'améliorer la sécurité de nos concitoyens. Il ne s'agit pas d'une révolution mais d'une évolution nécessaire pour adapter les moyens au besoin de l'époque sans mettre en cause les spécificités de la gendarmerie. Nous devons désormais concrétiser ce rapprochement sur le terrain. Brice Hortefeux et moi-même veillerons à ce que celui-ci se fasse dans un souci d'équité, de complémentarité et d'efficacité. (Applaudissements à droite et au centre)

M. le président.  - Le Sénat s'associe à l'hommage que vous avez rendu aux forces de la gendarmerie et à l'action des services de la sécurité civile et des sapeurs-pompiers dans la lutte contre les dramatiques incendies qui ravagent les portes de Marseille.

Mme Virginie Klès.  - Renforcement du Parlement. Textes importants, fondamentaux. Réflexion approfondie. Concertation sereine. Respect des institutions, des élus, des professionnels... Tout ce que vous auriez voulu avoir lors de sessions parlementaires, mais que vous n'osez même plus demander ou espérer... Depuis octobre 2008, j'assiste à un travail parlementaire échevelé, déstructuré, poursuivant des objectifs politiques confus, avec l'examen bâclé de textes appliqués avant même d'être débattus, quand ils ne sont pas condamnés par un ordre venu d'en haut à un vote conforme...

M. Jacques Mahéas.  - Bien vu !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Quel sens de la nuance !

Mme Virginie Klès.  - Cette boulimie législative ne rime ni avec simplification, ni avec efficacité, et elle finira en symphonie pathétique sans chef d'orchestre. Je crains la cacophonie. Ainsi en est-il de cette loi, qui a échappé au vote conforme mais pas au rétrécissement des délais ni à la déclaration d'urgence et à un calendrier loufoque : déposé le 23 juillet 2008 pour une entrée en application le 1er janvier 2009, le texte a été examiné en décembre au Sénat, début juillet à l'Assemblée nationale, après réunion de la CMP, nous voici le 23 juillet... Joyeux anniversaire !

Sur le fond, quels sont les objectifs du Gouvernement et quels sont ceux que nous pourrions partager ? Les moyens affichés permettent-ils de les atteindre réellement ? Tout à sa volonté de concentrer les forces de sécurité sous une seule autorité, le Gouvernement n'a pas bien mesuré les conséquences de son texte, à moins qu'il ne mette sciemment en danger les fondements de notre République...

Selon Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l'intérieur et qui a effectué un virage à 90 degrés en quittant le ministère de la défense, ce texte visait à renforcer le dispositif de sécurité intérieure tout en garantissant le maintien du statut militaire des gendarmes. J'aimerais être certaine que vous partagez ces intentions, monsieur le ministre, mais j'ai du mal à partager votre optimisme.

Oui, cent fois oui, il est nécessaire de moderniser nos institutions, l'organisation et le fonctionnement des forces de sécurité. Mais fallait-il tout bousculer et, malgré les affirmations gouvernementales, remettre en cause le statut militaire des gendarmes, la dualité des forces de police et de sécurité, la procédure de réquisition, le maillage territorial ? Fallait-il prendre le risque de voir la gendarmerie nationale devenir le supplétif de la police nationale avant de disparaître ?

Trop de personnes ont parlé ou écrit au sujet de la fusion de la gendarmerie et de la police : ministre de la défense, parlementaires de la majorité, syndicats de police, gendarmes... Le danger que nous dénonçons depuis des mois est réel et imminent. Le statut militaire est menacé, et cet avis semble partagé par les auteurs d'un rapport de l'inspection générale de l'administration. Ce document aurait-il été classifié « secret défense » ? Malgré ma demande formulée le 23 avril, je n'ai toujours pas pu en prendre connaissance.

La mécanique est en marche avec la suppression de la procédure de réquisition. Le renforcement du rôle du préfet place l'autorité militaire sous la tutelle de l'autorité administrative et rompt la chaîne hiérarchique propre à la gendarmerie, en contradiction avec la tradition républicaine. Le terme « modernisation » serait-il, pour le Gouvernement, synonyme de suppression ? S'agirait-il d'une nouvelle doctrine d'utilisation de cette force armée ? Quelle sera la traçabilité des ordres donnés ?

Environ 100 000 gendarmes et 140 000 policiers devront cohabiter sous le même toit et sous les mêmes autorités. Déjà une polémique est née et grandit au sein de forces qui doivent oeuvrer dans un cadre institutionnel serein. Entre devoir de réserve et droit syndical, déroulements de carrière et grilles indiciaires, logements de fonction, temps de travail et astreintes, répartition des territoires et des missions, les comparaisons soulèvent des interrogations fortes quant à des différences vécues comme des disparités. Les gendarmes sont des militaires dont la culture se caractérise par un lien fort et séculaire avec le monde rural permettant une utilisation souple, originale et économique des femmes et des hommes qui servent sous ce statut.

Le fonctionnement et les contraintes de la police lui sont spécifiques, et son action est tout aussi méritoire. La présence de ces deux forces, différentes et complémentaires, garantit le bon fonctionnement de la police au sens large. Je crains que ce ne soit plus pour très longtemps.

Quelle simplification apportera la gestion interministérielle des ressources humaines de la gendarmerie ? Les mesures disciplinaires continueront à relever du ministère de la défense, mais la gestion des carrières et des mises en disponibilités relèvera de celui de l'intérieur... Encore un mauvais coup bientôt porté, je le crains, au statut militaire des gendarmes, qui seront de plus en plus des « pas tout à fait militaires ». Le directeur général de la gendarmerie nationale est toujours un général issu du corps, la formation des officiers et sous-officiers est maintenue au sein de la défense, mais pour combien de temps encore ?

Les missions judiciaires représentent 40 à 50 % de l'activité des gendarmes et l'autorité judiciaire conserve la possibilité de choisir le service adéquat pour ces actes. Mais la disparition du statut militaire des gendarmes et la fusion avec la police annoncent aussi un seul corps de police judiciaire.

Les gendarmes sont des militaires avec des missions de sécurité intérieure, militaires et judiciaires. Ils dépendaient donc, logiquement, du ministère de la défense. Les préfets exerçaient l'autorité pour les missions banales et avaient recours à la réquisition en cas de nécessité. Une convention de mutualisation, signée le 28 juillet 2008 entre les deux ministères, avait pour objet d'assurer une meilleure synergie entre les services. Cela aurait été trop simple ! Sous couvert d'économies et de rationalisation, nous nous trouvons avec des gendarmes pas tout à fait militaires, placés sous autorité civile mais dépendant de la gestion disciplinaire de la défense... La répartition territoriale sera décidée par les préfets, ce qui laisse craindre que les zones gendarmerie ne soient définies uniquement par défaut. Quant aux missions judiciaires, elles sont sous autorité civile... Vous gommez ainsi des frontières légales, historiques, républicaines entre nos deux forces de sécurité. Vous ne vous préoccupez pas des difficultés que vous créez ni de la qualité future du service public. (M. Jacques Mahéas approuve)

Une véritable réforme aurait nécessité, en tout premier lieu, d'analyser les spécificités et les complémentarités de nos forces de sécurité. Mais le Gouvernement souhaitait sans doute constituer au plus vite une force de sécurité unique civile. Nous aurions pu débattre d'un tel objectif, mais ainsi affiché il aurait été plus difficile à défendre !

Monsieur le ministre, faut-il favoriser les synergies entre la police et la gendarmerie nationales, conforter l'existence de deux forces de sécurité, préserver le maillage territorial d'un service dont le Premier ministre lui-même affirme qu'il doit être un « service de proximité attentif aux sollicitations de nos concitoyens » ?

Mme Nathalie Goulet.  - Ah !

Mme Virginie Klès.  - Oui, oui et oui. Je le dis avec d'autant plus de conviction que, bien que la droite s'affirme seule légitime pour traiter des questions de sécurité, les résultats en la matière ne sont pas à la hauteur des effets d'annonce ponctués d'une inflation législative répressive. La gauche est attachée à la sécurité. Nous estimons que la sécurité des Français mérite plus et mieux que ce que vous lui offrez.

M. Jacky Le Menn.  - Bravo !

Mme Virginie Klès.  - Ce texte ne permettra en rien d'améliorer la sécurité, conduira à la disparition du statut militaire des gendarmes, à la fusion des forces de sécurité en un corps unique de statut civil, organisation de sinistre mémoire dans l'histoire française, et enfin à la désertification en la matière de nos zones rurales.

A cela s'ajoutera la désertification des zones rurales. Et je suis certaine que nombre de collègues de la majorité partagent cette analyse -qu'ils n'osent exprimer. Mon groupe est trop attaché aux valeurs républicaines pour accepter ce texte : nous voterons contre. (Applaudissements à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Je proteste contre cette détestable pratique gouvernementale qui consiste à faire débattre le Parlement de textes déjà entrés en vigueur : l'urgence, contestable, a été déclarée en août 2008, le Sénat a examiné le texte en décembre 2008, l'Assemblée nationale en juillet 2009 ! Mais la gendarmerie nationale est placée sous la pleine autorité du ministre de l'intérieur depuis le 1er janvier dernier.

Police et gendarmerie seront donc sous la même autorité ministérielle pour la quatrième fois de notre histoire : elles le furent sous le Premier et le Second Empire et le régime de Vichy. Pas d'amalgame déplacé ! Mais ce nouveau rattachement est révélateur d'un certain état d'esprit. C'est sans doute ce qui a motivé l'opposition de tous ceux qui voient dans ce texte un recul des libertés, imposé au nom de la politique sécuritaire, centralisatrice et autoritaire du Président de la République.

Nous nous sommes opposés au rattachement organique, opérationnel et budgétaire de la gendarmerie au ministère de l'intérieur car ils recèlent deux dangers pour notre démocratie. Le premier réside dans la concentration en une seule main de tous les pouvoirs et tous les moyens affectés à la sécurité intérieure -la loi de programmation militaire et le présent texte organisent la toute puissance du ministère de l'intérieur sur celui de la défense. L'autre danger est la mise en cause de cette spécificité républicaine et démocratique de notre pays, l'existence de deux forces de police différentes. Vous présentez ce projet de loi comme la suite logique d'une simple clarification et d'une adaptation du droit engagée depuis six ans. Mais s'il ne s'agissait que de moderniser, de mutualiser les moyens, d'améliorer la coopération, le rattachement au ministère de l'intérieur ne s'imposait pas !

Afin de respecter en apparence le dualisme républicain des forces, ce texte ne remet pas directement en cause le statut militaire de la gendarmerie mais il le vide subrepticement de sa raison d'être. Vous supprimez la procédure de réquisition pour l'engagement des unités dans des interventions de maintien de l'ordre. C'est dénier une spécificité des forces militaires, supprimer le signe de leur subordination et de leur obéissance aux autorités civiles. La réquisition est aussi une garantie écrite pour les commandants d'unités contre d'éventuels excès de pouvoir. Il y a donc là une grave atteinte aux principes républicains ; et les conclusions de la CMP sont encore en recul par rapport à la rédaction du Sénat, qui encadrait strictement l'utilisation de certains moyens militaires -je songe aux véhicules blindés, à la traçabilité des ordres pour l'emploi de la force. L'autorité des préfets sur les commandants d'unités remet en cause le principe d'obéissance hiérarchique inscrit dans le statut général des militaires. La perte de substance progressive du statut aura des conséquences funestes sur la sécurité en milieu rural, l'une des vocations de la gendarmerie. Nous ne disposerons plus d'une force toujours disponible au moindre coût ; les effectifs diminueront. Votre projet de loi crée plus de problèmes qu'il n'en résout. Nous refusons l'emploi de la force armée au quotidien, elle contrevient à l'équilibre républicain des pouvoirs et sert une politique du « tout sécuritaire ». Par conséquent, le groupe CRC-SPG maintiendra son vote contre. (Applaudissements à gauche)

M. François Fortassin.  - Notre tradition française de dualité entre le civil et le militaire est indissociable du régime républicain. Protéger les droits des citoyens exige un état d'esprit spécifique. Voyez l'action de la gendarmerie en 1968, alors que les forces civiles étaient défaillantes, bloquées, voire absentes. Nous craignons que le pivot de la stabilité républicaine soit légèrement altéré. Etre gendarme, ce n'est pas seulement une question de statut mais un état d'esprit. Il importe de le préserver, d'autant que les bases du recrutement ont beaucoup évolué. Nous craignons aussi que le lien historique avec la défense soit rompu. Le ministre aujourd'hui nous rassure, mais au fil du temps, n'ira-t-on pas vers une véritable fusion ? Cela m'inquiète pour l'aménagement du territoire : en milieu rural, le rôle de la gendarmerie dépasse la sécurité ; et le lien est étroit avec les élus, quelle que soit la sensibilité de ces derniers. Les gendarmes font partie du paysage et c'est tant mieux car leur mission est de se fondre le plus totalement possible dans la population. Hélas, les évolutions technologiques tendent à les éloigner de cet impératif. La force de renseignement que représentait la gendarmerie s'étiole...

Un travail conjoint entre les forces est nécessaire mais doit parfois être amélioré : au moment de la mort du préfet Érignac, par exemple, la coopération aurait gagné à être plus étroite. C'est une bonne chose que la gendarmerie participe à la lutte contre le terrorisme, mais dans les espaces ruraux, ce n'est pas la seule ni la principale forme de criminalité...

Le Gouvernement et nous avons essayé d'améliorer les choses mais il reste du pain sur la planche. Les élus n'ont pas compris en quoi le changement de statut et le rattachement au ministère de l'intérieur étaient si nécessaires. Et les réponses ne nous ont pas satisfaits. C'est la raison pour laquelle la grande majorité du groupe RDSE ne donnera pas son aval au texte, qui scelle non pas une union libre mais un mariage forcé. C'est bien le sentiment des gendarmes que je fréquente dans mon département ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jacques Gautier.  - Ce texte a une dimension historique, puisque la dernière réorganisation de la gendarmerie date du 28 Germinal an VI, autrement dit, de 1798. Dans la logique des évolutions intervenues depuis 2002, le projet de loi place les gendarmes sous l'autorité du ministre de l'intérieur et tire les conséquences de ce rattachement.

Le modèle français de dualité des forces de sécurité intérieure n'est pas remis en cause. Le statut militaire de la gendarmerie est préservé et réaffirmé ; toutes les garanties de la pérennité de cette force sont réunies.

Je souhaite également insister sur les conditions et les conséquences du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur. Comme nous le souhaitions, l'autorité du préfet ne remet pas en cause le principe hiérarchique. Le commandement des unités est exercé par les responsables de celles-ci, dans le respect de la chaîne hiérarchique. L'intervention du préfet ne remet donc pas en cause la cohérence du dispositif territorial. Le principe de la réquisition pour l'emploi de la gendarmerie au maintien de l'ordre est modernisé. La solution dégagée par la CMP nous convient parfaitement. Elle prévoit une procédure d'autorisation dans des conditions définies par décret en Conseil d'État pour le recours aux moyens militaires spécifiques et pour les conditions d'usage des armes à feu. Comme le rapporteur, nous souhaitions préserver la référence à un décret en Conseil d'État concernant un domaine qui touche directement aux libertés publiques, sachant qu'il faut maintenir une traçabilité des ordres.

Le projet de loi consacre et enrichit les missions de la gendarmerie, qui sont désormais énumérées dans un seul texte : exécution des lois ; missions judiciaires ; sécurité et ordre public ; renseignement des autorités publiques ; mission de défense ; lutte contre le terrorisme ; sécurité des armements nucléaires ; action internationale, notamment dans le cadre des opérations extérieures.

Grâce au travail de notre excellent rapporteur, deux de nos modifications resteront dans le texte final, concernant le rôle très important que la gendarmerie nationale joue dans le domaine de la police judiciaire et sa nécessaire présence territoriale. Nous tenons à bien préciser dans la loi que la gendarmerie est compétente pour assurer la sécurité publique et l'ordre public, « particulièrement dans les zones rurales et périurbaines, ainsi que sur les voies de communication ». Cet apport majeur du Sénat souligne l'importance de l'ancrage territorial de la gendarmerie nationale grâce au maillage assuré par ses brigades.

Je me réjouis également que la CMP soit arrivée à un accord sur le régime électoral des réservistes. C'est une manière d'encourager l'engagement à servir dans la réserve.

J'insiste enfin sur l'obligation faite au Gouvernement de remettre tous les deux ans au Parlement un rapport d'évaluation sur les conséquences concrètes du texte. L'État doit veiller à ce que gendarmes et policiers soient traités de manière équitable et globalement équilibrée. II faut éviter que ne se développent des surenchères dont les effets pervers sont déjà bien connus. L'existence de deux forces différentes -l'une civile, l'autre militaire- et le partage de leurs rôles sont non seulement une tradition de notre République, mais répondent également aux exigences de protection des libertés publiques.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera sans réserve les conclusions de la CMP. Ce vote est l'occasion de réaffirmer notre attachement à la gendarmerie nationale et notre reconnaissance à tous les gendarmes pour le travail accompli jour et nuit sur le terrain. Il est également l'occasion de réaffirmer notre volonté de garder à la gendarmerie nationale son statut militaire. La gendarmerie est une institution majeure à laquelle les Français sont très attachés. N'oublions pas la mission que les Français nous ont confiée : assurer la sécurité de tous et partout sur le territoire de la République. Avec ce texte pragmatique et nécessaire, nous allons améliorer l'efficacité de notre politique de sécurité et conforter l'identité de la gendarmerie nationale. (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

Vote sur l'ensemble

M. le président.  - En vertu de l'article 42 alinéa 12 du Règlement, le Sénat étant appelé à se prononcer en second sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il procède à un vote unique sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements ayant reçu l'accord du Gouvernement.

Mme Nathalie Goulet.  - Je reconnais bien volontiers le travail important accompli par le Sénat et par son rapporteur, notre collègue Faure que je suis ravie de voir parmi nous. Mais j'ai voté contre ce texte en commission comme je l'avais fait en séance publique lors de la première lecture, et comme j'ai voté contre l'article 7 de la loi de programmation militaire. Il s'agit là d'une position personnelle qui n'engage pas mon groupe.

Mme Anne-Marie Payet.  - Je voterai ce texte mais je souhaite attirer une fois de plus l'attention du Gouvernement sur la difficile situation des gendarmes issus des départements d'outre-mer, qui ne sont pas affectés dans leur région d'origine. En réponse à une question orale que j'avais posée cet hiver, on m'a promis un décret ; il n'a toujours pas été publié. Quand le sera-t-il ? Les gendarmes réunionnais s'impatient et me l'écrivent tous les jours.

Les conclusions de la commission mixte paritaire sont adoptées.

Parcours professionnels dans la fonction publique (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.

Discussion générale

M. Hugues Portelli, rapporteur pour le sénat de la commission mixte paritaire.  - Ce texte a été examiné par le Sénat le 3 avril 2008...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - En urgence ! (Rires)

M. Hugues Portelli, rapporteur.  - ...et il avait disparu dans les tiroirs de l'Assemblée nationale, d'où le Gouvernement vient de le ressortir et de l'agrémenter de quelques amendements que, du fait de la procédure d'urgence, le Sénat n'a connus à aucun stade ni dans aucune de ses instances. Heureusement, nous avons voté l'été dernier une réforme constitutionnelle en vertu de laquelle tout texte doit être examiné par la deuxième assemblée dans les six mois qui suivent son examen par la première.

La commission mixte paritaire s'est réunie il y a quelques jours pour examiner le texte adopté par l'Assemblée nationale. Je ne puis donc que vous dire les modifications qui ont été apportées. Elles concernent la commission de déontologie et sa saisine obligatoire pour les collaborateurs du Président de la République, les membres d'un cabinet ministériel et les collaborateurs de cabinet des autorités territoriales ; l'avis de compatibilité rendu par ordonnance du président de la commission de déontologie ; l'élargissement aux corps de catégorie A et B de la fonction publique d'État et de la fonction publique hospitalière de la possibilité d'accéder par concours et promotion interne aux grades supérieurs ; l'augmentation de un à deux ans de la durée pendant laquelle le fonctionnaire qui crée ou reprend une entreprise peut cumuler son activité privée avec son emploi public.

Il faut citer aussi la possibilité pour les agents occupant un emploi représentant moins de 70 %, et non plus seulement 50 %, de la durée légale du travail d'exercer une activité privée lucrative ; la généralisation de l'entretien professionnel en lieu et place de la notation ; la création de statuts d'emplois dans la fonction publique territoriale pour permettre la prise en compte des situations comportant des responsabilités d'encadrement ou de conduite de projets ; la monétisation des comptes épargne-temps dans la fonction publique territoriale ; la possibilité donnée aux employeurs territoriaux de recourir à l'ensemble des organismes de protection sociale complémentaire labellisés. D'autres points peuvent être mentionnés, comme le report à 2013 du reclassement des fonctionnaires de La Poste ou l'habilitation donnée au Gouvernement de modifier par ordonnance le code de justice administrative.

L'Assemblée nationale, en séance, a supprimé la saisine automatique de la commission de déontologie pour les collaborateurs de cabinet des autorités territoriales et l'a remplacée par son information automatique ; sur amendement du Gouvernement, elle a permis dans des cas précis des dérogations au statut général ; et précisé que le recrutement des agents territoriaux en CDI vaut entrée dans le service. S'ajoutent à cela des dispositions diverses relatives par exemple au Palais de la Découverte...

M. Jacques Mahéas.  - Une véritable auberge espagnole !

M. Jacky Le Menn.  - La voiture-balai !

M. Hugues Portelli, rapporteur.  - ...aux fonctions de soutien du ministère de la défense ou encore au maintien des auxiliaires de vie scolaire dans le cadre d'un partenariat avec les associations agréées. L'Assemblée nationale a repoussé la disposition prévoyant un classement à la sortie des écoles de fonctionnaires.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Nous ne l'avons pas acceptée non plus.

M. Hugues Portelli, rapporteur.  - Toutes ces dispositions ont été validées en CMP, à l'exception de celle autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnance dans le domaine de la justice administrative.

Ce texte, qui fait suite à la loi Jacob de 2007, organise une meilleure communication entre les trois fonctions publiques, tout en fixant des règles plus sévères pour les mutations et la collaboration des fonctionnaires avec le secteur privé. Il clarifie aussi le fonctionnement de la commission de déontologie. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jacques Mahéas.  - Quel enthousiasme !

M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.  - Il est vrai que la situation est inédite : ce texte, sur lequel l'urgence avait été déclarée, examiné ici voilà plus d'un an, n'a été débattu à l'Assemblée nationale que longtemps après. Tout cela en effet n'est pas parfait. Pendant cette période cependant le texte a mûri ; et les amendements adoptés à l'Assemblée nationale l'ont été pour l'essentiel à l'initiative des députés et non du Gouvernement...

Ce texte important et concret donne enfin à la fonction publique des règles de gestion modernisée. J'en remercie tous ceux qui ont participé aux débats dans les deux chambres, au premier rang desquels les présidents et rapporteurs des commissions des lois. Pour les fonctionnaires eux-mêmes comme pour nos concitoyens qui attendent un service public de qualité, il fallait améliorer la gestion des ressources humaines, aller vers des carrières plus attractives et plus diversifiées, permettre aux agents de découvrir de nouveaux métiers et de nouvelles régions. Les idées doivent circuler, mais aussi les hommes et les femmes qui les servent, les compétences aussi : ce sont les conditions d'un État moderne et dynamique et d'une fonction publique heureuse et fière de faire son travail. Le chemin à parcourir est encore long. Le nombre de fonctionnaires qui servent en dehors de leur corps d'appartenance n'est aujourd'hui que de 5 %, ce qui n'est pas assez. Comment s'étonner que la mobilité soit une préoccupation centrale des fonctionnaires ?

Ce projet de loi est le fruit d'une intense concertation. Certains y ont vu une dérive vers les règles du privé et une remise en cause déguisée du statut de la fonction publique. A ceux-là, je réponds que je suis favorable au statut, mais pas au statu quo ... (M. Jacques Mahéas : « Comme nous ! ») Les conclusions de la CMP répondent parfaitement aux objectifs initiaux du Gouvernement, valables dans les trois fonctions publiques : lever les obstacles juridiques à la mobilité des fonctionnaires ; créer les conditions de la modernisation, de la continuité et de l'adaptabilité du service ; enfin mettre en oeuvre des outils de gestion des ressources humaines modernes afin de faciliter les parcours de carrière et valoriser le mérite.

Tout au long du processus législatif, Gouvernement et Parlement auront été pragmatiques, attentifs aux besoins des administrations, des citoyens et des fonctionnaires. Ne nous y trompons pas, ce texte est un des premiers sur le sujet qui soit aussi important, aussi précis, aussi peu idéologique. Je me réjouis que nous ayons ensemble pu le faire aboutir. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Éliane Assassi.  - Nous achevons au coeur de l'été l'examen d'un texte qui est à nos yeux un cheval de Troie destiné à démanteler le statut de la fonction publique. Son objectif n'est pas de favoriser la mobilité des fonctionnaires mais de faciliter la révision générale des politiques publiques et de mettre en oeuvre le dogme du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Petit à petit, la conception de l'intérêt général qui fonde le service public cède du terrain à une conception managériale de la fonction publique et du service public. Depuis la loi Galland de 1987, qui a d'ailleurs créé les premiers freins à la mobilité des fonctionnaires, les atteintes au statut de la fonction publique se sont multipliées. Dans son rapport de 2003, le Conseil d'État envisageait de faire du contrat une source autonome du droit de la fonction publique ; la loi du 26 juillet 2005 y a introduit le contrat à durée indéterminé ; celle du 2 février 2007 a rapproché encore la situation des agents publics de celle des salariés du privé.

Forts du rapport Silicani d'avril 2008, le Gouvernement et sa majorité ont jeté, en moins d'un an, les bases de la fonction publique de métiers, véritable remise en cause de la fonction publique d'emplois, avec le projet de suppression du classement de sortie de l'ENA -une prime au népotisme !-, le recrutement de directeurs d'hôpitaux issus du privé dans la loi Hôpital et la proposition de loi, déposée par 87 députés de la majorité, visant à généraliser le contrat dans la fonction publique territoriale. Que 5,2 millions de fonctionnaires échappent à la logique de marché n'est plus supportable pour la majorité. Pourtant, dans la crise que nous traversons, le service public a largement démontré son rôle d'amortisseur social ; amortisseur parce qu'il préserve les emplois et le pouvoir d'achat des fonctionnaires (M. Eric Woerth, ministre, s'étonne) et constitue un facteur de solidarité, grâce à notre système de protection sociale et de répartition des retraites. Malgré l'échec des dogmes libéraux, le Président de la République continue d'appliquer une logique d'entreprise à la fonction publique. (Marques de désintérêt au banc de la commission et du Gouvernement) A preuve, ce texte. Son rapporteur à l'Assemblée nationale, M. Bénisti, n'a d'ailleurs pas hésité à répondre à M. Dolez que cette réforme avait pour but de mettre en oeuvre la révision générale des politiques publiques.

Nonobstant vos déclarations, ce texte a été rejeté par toutes les organisations syndicales lors de la réunion du Conseil supérieur de la fonction publique d'État du 18 mars 2008 et du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale du 26 mars 2008 qui le qualifient de « boîte à outils de la RGPP ».

M. Eric Woerth, ministre.  - C'est plutôt aimable ! (Sourires)

Mme Éliane Assassi.  - Cinq articles sont en cause. L'article 6, parce qu'il autorise l'agent à conserver son plafond indemnitaire le plus favorable entre son employeur d'origine et son employeur d'accueil en cas de restructuration, constitue un pas vers l'individualisation des rémunérations.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Rien à voir ! C'est une mesure de protection des agents !

Mme Éliane Assassi.  - Ah ! Monsieur le président, j'ai réussi à attirer votre attention !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Je vous écoute depuis le début !

Mme Éliane Assassi.  - L'article 7, au prétexte de la réorientation professionnelle des agents, constitue un véritable plan social dans la fonction publique.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Vous déformez tout !

Mme Éliane Assassi.  - Cela vous déplaît, mais c'est un fait !

En effet, un agent pourra être licencié de fait puisque placé en disponibilité d'office...

M. Eric Woerth, ministre.  - Il l'aura vraiment cherché !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Mais seulement s'il refuse successivement trois offres d'emploi public auparavant !

Mme Éliane Assassi.  - J'y venais...

En dépit des garanties, au demeurant fort maigres, apportées par les députés -une offre ferme tenant compte du lieu de résidence-, l'outil est idéal pour supprimer des postes et cohérent avec le projet de fonction publique de métiers.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - La fonction publique des métiers, c'est bien ! C'est moderne !

Mme Éliane Assassi.  - Avec des cadres statutaires extrêmement larges, l'administration pourra imposer des emplois sans rapport avec les qualifications. C'est la fin des garanties statutaires...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Non !

Mme Éliane Assassi.  - ...garanties indispensables pour garantir la neutralité et l'indépendance des fonctionnaires.

L'article 8 autorise le cumul d'emplois à temps non complet entre les trois fonctions publiques. Le caractère expérimental et l'accord de l'agent ne sauraient constituer des garanties. L'expérimental est souvent pérennisé, nous le savons bien au Sénat. Quant à l'accord de l'agent, il est difficile de refuser une situation qui, pour précaire soit-elle, permet d'améliorer la rémunération. (M. André Trillard s'impatiente) Mieux aurait valu résorber la précarité par l'affectation sur des emplois à temps complet. De plus, il remet en cause l'obligation faite à l'administration d'affecter un agent reçu à un concours sur un emploi à temps complet correspondant à son grade. La rupture est donc profonde avec la conception d'une fonction publique de carrière. L'article 9, dans la même logique, étend le recours à des agents contractuels, ce qui contrevient au principe de la permanence de l'emploi, fondamental pour assurer la continuité du service public. Enfin, je dénonce l'article 10, qui a cristallisé les oppositions, puisqu'il autorise l'emploi d'intérimaires.

M. Eric Woerth, ministre.  - Et alors ? C'est très bien !

Mme Éliane Assassi.  - Que l'hôpital y ait déjà recours ne nous convainc pas. Cette disposition facilitera, à terme, les suppressions de postes. M. Portelli avait, d'ailleurs, proposé la suppression de cette disposition, considérant qu'il est « discutable de confier aux salariés de travail temporaire qui, par nature, assurent des missions assez fugaces chez des employeurs successifs de toutes natures, des fonctions de puissance publique » avant de conclure « le sens du service public s'acquiert par une longue pratique et par l'application d'un statut spécifique ». Nous regrettons, comme nous l'avions dit en première lecture, qu'il soit revenu sur cette décision au détriment de la qualité du service public.

Ce texte instaure une mobilité contrainte, contraire à l'esprit du statut de la fonction publique. Si la fonction publique doit évoluer, ce n'est certainement pas dans ce sens. Nous aurions aimé débattre de la promotion de l'égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs, de la résorption de la précarité ou encore de l'instauration de modalités sérieuses de négociation et de dialogue social. Hélas, en fait de proposition, la vôtre est de démanteler le statut de la fonction publique en généralisant le contrat, qui entraînera le développement du favoritisme, de l'arbitraire, des pressions politiques et économiques et de la corruption dont la France a su se protéger jusque-là. Cette atteinte au statut des fonctionnaires va à l'encontre de l'intérêt de nos concitoyens. Nous voterons contre ce projet et soutiendrons toutes les initiatives pour empêcher son application ! (Applaudissements à gauche)

M. Eric Woerth, ministre.  - Donc, madame Assassi, vous êtes contre ? (Sourires)

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

M. François Fortassin.  - Notre fonction publique a deux caractéristiques principales : la qualité...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Et la quantité !

M. François Fortassin.  - ...et le fait d'être peu atteinte par la corruption. Pourquoi ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - La vertu des fonctionnaires !

M. François Fortassin.  - La vertu, je m'en méfie ; être honnête, c'est déjà bien !

Pourquoi, donc ? D'abord, le recrutement par concours...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Oui !

M. François Fortassin.  - ...qui assure la plus grande égalité possible. Ensuite, le statut assure les déroulements de carrière et forme un état d'esprit du service public. De fait, le service public est un état d'esprit bien plus qu'un problème financier.

Que le Gouvernement veuille introduire de la flexibilité est compréhensible. Mais encore aurait-il fallu qu'il donne ses motivations réelles... Affirmer, d'un côté, que les fonctionnaires coûtent cher et, de l'autre, qu'ils sont mal payés est contradictoire.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Un dialogue de sourds...

M. François Fortassin.  - S'il s'agit d'assouplir le recrutement, permettez-moi d'être dubitatif car vous ouvrez la porte à de nombreuses dérives. Le recrutement ne se fondera plus sur la compétence...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Certaines collectivités territoriales sont déjà expertes en la matière !

M. François Fortassin.  - ...et certains candidats considéreront qu'il est plus important avoir des relations que de passer un concours. Monsieur le ministre, pourriez-vous dissiper ma perplexité en me donnant l'assurance...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - On aimerait que certaines collectivités territoriales, elles aussi, nous donnent des assurances !

M. François Fortassin.  - ...que cette réforme conservera à la fonction publique avec force ses caractéristiques ?

Comment se fait-il que la France s'enorgueillit d'avoir une fonction publique de qualité alors que des pays comparables ne peuvent le faire ?

Compte tenu des incertitudes qui demeurent, je resterai assez évasif, même si je reconnais que la commission a amélioré le texte.

M. Jacques Mahéas.  - On avait annoncé cette séance comme consacrée aux « navettes diverses », sans autre précision. C'était à l'image d'un texte qui, malgré l'urgence déclarée, est resté sur le bureau de l'Assemblée nationale pendant quatorze mois, après son vote au Sénat le 29 avril 2008. Il ne comprenait alors que dix-huit articles, deux de plus que le projet initial.

La discussion à l'Assemblée nationale l'a alourdi de 27 articles supplémentaires sur lesquels le Sénat n'aura eu aucun débat. Il s'agit désormais d'un projet de loi portant diverses dispositions relatives à la fonction publique. Lors de son intervention, notre rapporteur s'est trouvé dans l'obligation de faire oeuvre pédagogique pour nous expliquer, sans enthousiasme, quelques articles nouveaux. Durant la discussion générale, il n'y a eu aucun orateur UMP ou Nouveau centre.

Est-ce la marque du respect que le Gouvernement porte au travail des sénateurs ? Après la suppression de la publicité à la télévision publique ou la réduction de la TVA dans la restauration avant même le vote de la loi les autorisant, est-ce ainsi que vous concevez la revalorisation du Parlement ? Nous subissons là des conditions d'examen inacceptables ! La procédure accélérée ne doit pas permettre, après lecture dans une première assemblée, l'ajout de nombreuses dispositions dont la seconde assemblée ne pourra débattre ni en commission ni en séance avant la CMP. C'est une remise en cause du bicamérisme et un détournement de la procédure accélérée. La commission mixte paritaire ne saurait se transformer en séance de rattrapage, alors qu'elle est une instance de compromis entre les deux assemblées.

Cette manière de faire est d'autant plus choquante que les quatorze mois d'attente dans les tiroirs de l'Assemblée nationale montrent la grande relativité que vous conférez au mot urgence. Autrement dit, le Parlement avait largement le temps de procéder à deux lectures attentives. Il en va tout de même de la bonne rédaction de la loi et de l'intérêt général, d'autant que nous parlons de fonction publique !

Lors du dernier remaniement ministériel, le secrétariat d'État à la fonction publique est passé par profits et pertes, même si des rumeurs promettent son rétablissement lors d'un ultime mini-remaniement la semaine prochaine. Il s'agit sans doute d'un acte manqué digne de la révision générale des politiques publiques qui vous tient lieu de feuille de route. D'ailleurs, vous voulez supprimer 34 000 postes de fonctionnaires en 2010, sans aucun débat préalable sur les missions des services publics ou sur la répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales.

Ce projet de loi participe du même esprit : c'est un nouvel avatar pour déstructurer la fonction publique, enfoncer un coin dans son statut et précariser l'emploi public en banalisant le recrutement par contrat comme, naguère, ce fut le cas avec l'instauration des contrats à durée indéterminée de droit public. (M. Jacky Le Menn le confirme) Ici, au prétexte de mobilité, certains articles montrent que l'objectif poursuivi est la réduction du nombre de fonctionnaires, la réorientation professionnelle, qui pourra déboucher sur un licenciement de fait, le cumul d'emplois à temps non complet, l'élargissement du recours à des contractuels et à l'intérim. M. le ministre et sa majorité affirment que c'est faire insulte aux intérimaires de contester cette dernière mesure. Non ! N'oublions pas qu'ils n'ont pas les mêmes droits et obligations que les fonctionnaires, comme l'indépendance ou le secret professionnel.

C'est aussi se moquer des fonctionnaires que de nier la spécificité de leur engagement. La flexibilité pour les uns ne doit pas entraîner la précarité et la régression sociale pour les autres. Comme pour le travail le dimanche, je défends un certain modèle de société. J'avais d'ailleurs cru entendre le Président de la République faire l'apologie de ce modèle social français lors du Congrès du 22 juin. Mais les actes ne coïncident pas toujours avec les mots...

Pour revenir à ce texte, les articles additionnels introduits à l'Assemblée nationale se sont avérés non seulement nombreux, mais parfois retors. L'un d'eux prévoyait de réformer la justice administrative par ordonnance ! Comment oser dessaisir le Parlement d'une telle réforme ? Pourquoi régler par ordonnance pour les juridictions administratives ce qui a été voté par le Parlement pour les juridictions financières ?

Fort heureusement, la commission mixte paritaire a eu la sagesse de rejeter cet article. En revanche, elle a validé trois articles. Je mentionnais tout à l'heure mes doutes sur la revalorisation du Parlement. Comment ne pas voir dans cette revalorisation une coquille vide quand trois articles importants arrivent en séance sur amendement gouvernemental ? Vous l'aviez oublié, monsieur le ministre !

M. Eric Woerth, ministre.  - Non !

M. Jacques Mahéas.  - La commission, qui élabore le texte discuté en séance, n'en a donc pas eu connaissance. Or, le premier de ces articles prévoit le transfert des personnels du Palais de la Découverte : ces derniers se sont mobilisés contre ce qu'ils considèrent comme une mort annoncée de cette institution majeure de la culture scientifique et technique.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Ils se sont certes mobilisés, mais il ne s'agit pas d'une institution majeure !

M. Jacques Mahéas.  - Pour eux, si !

Le deuxième article prévoit la réorganisation des fonctions de soutien du ministère de la défense, avec la mise à disposition de fonctionnaires et de militaires auprès d'entreprises de droit privé, ce qui aurait dû être discuté lors de l'examen du projet de loi de programmation militaire la semaine passée. L'avis de M. Dassault aurait retenu toute notre attention...

Le troisième article prévoit que les auxiliaires de vie scolaire individuels pourront être réembauchés par les associations représentatives des professionnels ou des familles, avec remboursement partiel par l'État, faute de crédits suffisants au ministère de l'éducation nationale, d'où des transferts de charges aux collectivités locales. Ces personnels méritent mieux que ce bricolage ! L'importance de leurs tâches impose un statut, une véritable formation et une rémunération décente.

A l'Assemblée et au Sénat, vous avez répété, monsieur le ministre, que vous étiez partisan du statut, et non du statu quo. Comme vous, nous sommes évidemment favorables à la mobilité, mais pas n'importe comment. C'est pourquoi nous pourrions être d'accord avec vous si modernisation ne rimait pas avec déstructuration, si vous cessiez de subordonner votre politique à une approche comptable et idéologique...

M. Eric Woerth, ministre.  - Comptable oui, idéologique, non !

M. Jacques Mahéas.  - Pourquoi considérer que la fonction publique est une charge et une variable d'ajustement, et non une chance, un levier de croissance et un investissement ?

Aucune de ces conditions n'étant réunie, le groupe socialiste votera contre ce texte qui, au-delà des malencontreuses conditions de son examen, poursuit, à travers l'objectif louable de la mobilité, la déstabilisation de la fonction publique et le désengagement de l'État au détriment des collectivités territoriales. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Nous avons voté ce texte il y a tellement longtemps que l'on en oublie l'architecture. Si le Sénat a été favorable à ce texte, c'est parce qu'il avait fait l'expérience préalable de la modernisation de la fonction publique territoriale qui avait été voulue par tout le monde, notamment par les grandes associations d'élus. Nous avions voté ce texte, monsieur Mahéas.

M. Jacques Mahéas.  - Certes !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Alors qu'aujourd'hui le Gouvernement nous propose de faire de même pour la fonction publique d'État, l'opposition nous dit qu'elle n'en veut pas. Quel paradoxe ! Il faut pouvoir remplacer un agent public peu qualifié en congé maternité par un contractuel ou par un intérimaire. Le texte ne dit pas autre chose ! Il ne faut donc pas prétendre que l'on détruit le statut de la fonction publique.

Mais il est aussi indispensable de diminuer le nombre de corps pour accroître la mobilité : au cours d'une carrière, il faut qu'un fonctionnaire puisse s'intégrer dans diverses administrations. C'est aussi vrai pour les militaires.

M. Jacques Mahéas.  - Mais pas dans des entreprises privées, quand même !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - L'Assemblée nationale a procédé à quelques ajouts qui ne bouleversent pas l'équilibre du texte. Bien sûr, nous n'aimons pas vraiment les lectures uniques.

M. Jacques Mahéas.  - C'est une litote !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Ce texte devrait permettre à la fonction publique de se moderniser mais aussi la rendre beaucoup plus attractive auprès des jeunes. C'est pourquoi nous vous invitons à voter les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12 du Règlement, aucun amendement n'est recevable sauf accord du Gouvernement. Le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue par un seul vote sur l'ensemble du texte.

Le vote sur les articles premier à 30 est réservé.

Vote sur l'ensemble

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Ancien fonctionnaire, je m'étonne qu'un texte qui organise le décloisonnement et la mobilité entre les trois fonctions publiques suscite une telle hostilité !

M. Jacques Mahéas.  - Ce n'est pas ça ! Vous ne l'avez pas lu ! (Mme Éliane Assassi renchérit).

M. Jean-Pierre Fourcade.  - L'UMP partage la volonté du Gouvernement de faire sortir nos fonctions publiques de leur carcan. Les mesures en faveur de la mobilité, la réduction du nombre de corps ne sont ni un cheval de Troie, ni une brèche dans le statut mais la condition de la modernisation et du rajeunissement de la fonction publique. Les agents publics ne subiront plus passivement leur carrière.

Je rends hommage au ministre, et à André Santini. Nous partageons votre souhait d'une gestion des ressources humaines qui mette l'accent sur les personnes et non sur les statuts. Je salue également l'ardeur de notre rapporteur, M. Portelli. Je regrette toutefois que le Gouvernement ait recouru, une fois de plus, à la procédure accélérée : les lois marquantes sont celles qui ont fait l'objet de longs échanges. Le groupe UMP adoptera néanmoins ce texte sans réticences car il marque un réel progrès. (Applaudissements à droite)

M. Jacques Mahéas.  - Un exemple : le Gouvernement vient d'indiquer qu'il n'organiserait pas pour l'instant de concours de recrutement de gardiens de la paix. Va-t-on recourir à des intérimaires ou à des contractuels ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Mais non ! Les écoles sont pleines !

M. Jacques Mahéas.  - Mieux vaudrait organiser un concours. La réalité, c'est que la situation économique et budgétaire du pays conduit le Gouvernement à supprimer des emplois de fonctionnaires. Appelons un chat un chat : ce texte vous servira à réduire le nombre de titulaires et à augmenter les contractuels et les intérimaires ! Encore une fois, nous ne le voterons pas.

Les conclusions de la CMP sont adoptées.

Nouvelle-Calédonie et Mayotte (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte et du projet de loi relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie.

Discussion générale commune

M. Christian Cointat, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire  - Nous arrivons au terme du processus législatif engagé pour adapter plusieurs dispositions de l'accord de Nouméa sur le transfert de compétences et l'organisation institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et donner une première suite au referendum par lequel Mayotte a souhaité devenir un département d'outre-mer. Sur Mayotte comme sur le projet de loi ordinaire, tous les membres de la CMP se sont ralliés au texte de l'Assemblée nationale qui reprend, d'ailleurs, les grandes lignes de celui du Sénat. Mon propos se concentrera donc sur le projet de loi organique intéressant la Nouvelle-Calédonie.

Certains des transferts de compétences prévus par l'accord de Nouméa s'avérant complexes et lourds, nous avons voulu donner à la Nouvelle-Calédonie toutes les chances de réussite. Le vote final au Sénat en a été un parfait témoignage avec 308 voix favorables contre zéro.

Cette approche a été partagée par l'Assemblée nationale. Je rends hommage à son rapporteur, Didier Quentin, pour la pertinence de ses propositions, et je remercie tous les membres de la CMP pour leur participation constructive à l'élaboration du texte final, qui n'a suscité aucune opposition.

L'Assemblée nationale a, pour l'essentiel, retenu les apports du Sénat en première lecture. Les modifications apportées sont essentiellement techniques, rédactionnelles ou de précision. D'autres constituent des améliorations substantielles, notamment en matière de soutien financier, comme le remplacement de la référence de l'évolution de la dotation globale de fonctionnement par celle de l'indice du coût de la construction en matière de compensation de charges d'investissements, ou la consolidation de garanties financières pour le transfert du personnel de l'enseignement et des TOS.

Nous nous en réjouissons d'autant plus que l'Assemblée a su contourner l'article 40...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - On verra !

M. Christian Cointat, rapporteur.  - Ces avancées se retrouvent bien évidemment dans le texte de la CMP.

Nos discussions ont porté essentiellement sur certaines propositions du Sénat qui avaient été supprimées par l'Assemblée, déséquilibrant le texte.

La CMP a ainsi réintroduit la possibilité, via des conventions entre l'État et la Nouvelle-Calédonie, de procéder à des ajustements après le transfert des compétences, avec une rédaction plus précise pour éviter le risque de confusion qui avait valu son rejet par l'Assemblée nationale.

Elle a également rétabli plusieurs dispositions visant à assurer une plus grande transparence financière, notamment en matière d'attribution d'aides ou de pratiques budgétaires, dans des rédactions améliorées.

La CMP a également réintroduit le droit pour 20 % des membres du Congrès de demander une commission d'enquête.

Elle a rétabli l'information du Congrès de tout projet de nomination des directeurs des établissements publics et des représentants de la Nouvelle-Calédonie au conseil d'administration et au conseil de surveillance des sociétés d'économie mixte, sous forme non plus d'information préalable mais a posteriori.

Enfin, l'article nouveau adopté par le Sénat pour améliorer le statut du Sénat coutumier, supprimé par l'Assemblée nationale, a finalement été réintroduit, avec quelques aménagements qui ne touchent pas à l'essentiel.

La CMP a en outre limité le cumul d'indemnités pour les élus et prévu la démission d'office en cas d'incompatibilités.

Tous les amendements présentés par les deux rapporteurs l'ont été de manière conjointe, tout comme les corrections qui leur ont parfois été apportées. La CMP a également adopté plusieurs amendements de MM. Yanno et Frogier, députés de Nouvelle-Calédonie, et un amendement de René Dosière, député de l'Aisne.

Le texte qui vous est présenté se veut équilibré, consensuel et aussi complet que possible. Son ambition est de permettre aux Calédoniens d'exercer leurs nouvelles compétences avec succès. Aux Calédoniens désormais de prendre leurs responsabilités, à l'État de les soutenir. De tels transferts de compétences sont sans précédents. Notre crédibilité est en jeu. Gagnons ce pari sur l'avenir, croyons au futur comme Louis Aragon qui disait : « J'ai réinventé le passé pour voir la beauté de l'avenir ». (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État chargée de l'outre-mer.  - Nous arrivons au terme de l'examen de deux textes qui marquent une étape importante pour la Nouvelle-Calédonie et pour Mayotte. Je salue la qualité et le professionnalisme des débats qui ont permis d'aboutir à ce résultat.

Les projets initiaux étaient le fruit d'un long travail entre l'État et les partenaires, qui a permis d'aboutir à un consensus. Au cours de ces longs préparatifs, le Gouvernement a eu le souci de respecter les engagements pris devant le comité des signataires, le 8 décembre dernier.

Les textes, tels qu'ils ressortent de vos travaux, respectent les équilibres politiques et institutionnels qui marquaient ces projets. Les travaux parlementaires les ont enrichis, tant sur la départementalisation de Mayotte que sur le statut de la Nouvelle-Calédonie et les modalités des transferts de compétences. Je remercie M. Cointat et la commission des lois pour ce travail réalisé, je le mesure, dans un délai serré. (M. le président Hyest le confirme)

Pour les transferts de compétence à la Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement vous avait proposé un texte fidèle à ses engagements. Il a, comme d'ailleurs ses partenaires, toujours été guidé par l'objectif de qualité du service rendu à nos compatriotes : c'est la garantie de la réussite des transferts. C'est pourquoi il a pris des engagements fermes sur les modalités des transferts, aussi bien pour le financement des lycées que pour la mise à disposition globale et gratuite des personnels de l'enseignement.

La représentation nationale a souhaité aller plus loin sur les compensations financières. A certains égards, ces modalités placent la Nouvelle-Calédonie dans une situation très différente de celle des autres collectivités. Soucieux de l'équité entre les collectivités et de la contrainte budgétaire que nul ne saurait méconnaître, le Gouvernement a exprimé, lors des débats, son point de vue sur de telles orientations. La représentation nationale a cependant estimé que de telles dispositions se justifient par la situation singulière de la Nouvelle-Calédonie, qui est inscrite dans notre Constitution.

Désormais, nous pouvons les uns et les autres aller plus avant dans nos engagements.

Pour la Nouvelle-Calédonie, le vote des lois de pays concernant l'éducation et la circulation aérienne et maritime devra intervenir dans les délais prévus, comme chaque partie s'y est engagée le 8 décembre dernier.

Concernant Mayotte, l'article adopté permet au Gouvernement d'engager la préparation des textes qui organiseront la départementalisation progressive et adaptée, comme en ont décidé nos compatriotes mahorais. (Applaudissements à droite ; Mme Anne-Marie Payet applaudit aussi)

Mme Éliane Assassi.  - Depuis la signature de l'accord de Nouméa, le 5 mai 1998, la Nouvelle-Calédonie se situe, de façon irréversible, dans un processus de décolonisation et d'accession à la pleine souveraineté. Des conditions ont été fixées : la France doit les respecter. C'est sur cette base, à la fois forte et fragile, que la Nouvelle-Calédonie construit petit à petit son organisation institutionnelle et il est de notre devoir de l'accompagner et de la soutenir.

La loi organique du 19 mars 1999 met en oeuvre cet accord, et c'est pourquoi nous l'avions soutenue. Or, beaucoup de retard a déjà été pris. Le Congrès n'a pas usé, en 2004, de son droit à demander de nouveaux transferts et les modalités mises en oeuvre depuis 2006 par l'État pour permettre de procéder à ces transferts suite au renouvellement du Congrès en mai 2009 nous laissent craindre que le Gouvernement français cherche à trouver une solution qui serait en retrait d'un processus pourtant irréversible. Le haut-commissaire aurait dû mettre en place un groupe de travail dès janvier. Il ne l'a pas fait. Les Calédoniens ont été mis devant le fait accompli en avril, quand le projet leur a été transmis : ils ont cruellement manqué de temps pour l'examiner. De là bien des résistances et des oppositions. L'enjeu est pourtant de taille : ces transferts sont la condition essentielle de réalisation de l'accord de Nouméa.

Nous serons très attentifs au respect des engagements pris. D'autant que les propos tenus par le Président de la République dans sa lettre aux Calédoniens et ceux de l'ancien secrétaire d'État à l'outre-mer, M. Estrosi, qui laissent penser à leur fort attachement au maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France, ont été largement relayés et repris par le rassemblement UMP. Ces positions, en contradiction totale avec l'esprit et la lettre de l'accord de Nouméa, éclairent donc d'une lumière particulière ce projet de loi organique et le rallongement à deux ans du délai donné au Congrès pour décider des transferts de compétences.

Sur Mayotte, notre opinion n'a pas changé. Mais si nous respectons le vote des Mahorais, qui a marqué leur souhait de devenir département français, nous craignons que le rattachement à ce texte ne dénonce l'intention de reproduire en Nouvelle-Calédonie le scénario des Comores et que l'on ne tente de remettre en cause l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté.

L'accord de Nouméa interdit expressément, dans son point 5, qu'une partie de la Nouvelle-Calédonie accède seule à la pleine souveraineté ou conserve seule des liens différents avec la France, au motif que les résultats de la consultation électorale y auraient été différents du résultat global constaté pour l'ensemble. Nous espérons qu'il sera respecté et aurions préféré que le Gouvernement présente un projet de loi organique distinct et se passe de donner des signes équivoques.

En vertu de notre attachement indéfectible aux accords de Nouméa et parce que la question de Mayotte n'est pas résolue, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC-SPG. M. Jean-Pierre Fourcade applaudit également)

La discussion générale commune est close.

M. le président.  - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12 du Règlement, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, statue par un seul vote sur les articles et l'ensemble du texte.

Le vote sur les articles est réservé.

Vote sur le projet de loi organique

M. Bernard Frimat.  - Étant donné la position du groupe socialiste, j'ai préféré m'en tenir à quelques remarques finales.

C'est dans cette atmosphère confidentielle de fin de session, dans la torpeur d'un après-midi d'été orageux, que nous sommes appelés à voter sur les conclusions d'une troisième CMP mettant un point final à trois procédures accélérées. Seul le Grenelle I n'en aura pas été victime, mais il faut dire que c'est un texte sans aucune portée normative. La méthode est détestable.

Est déplorable, aussi, la manière dont nous avons dû travailler sur ce texte. Car le projet qui nous a été initialement présenté était un chef-d'oeuvre d'à peu près. Et je complimente le rapporteur ainsi que l'administrateur de la commission des lois qui l'a épaulé pour le travail remarquable qui a été accompli. Une bonne partie aurait dû être réalisée en amont ! J'ajoute que les étapes de consultation promises n'ont pas été tenues. Dont acte. Nous savons que les choses ne changeront pas, et que nous vivons désormais sous le régime ordinaire de la procédure accélérée. La seule chose qui nous a permis d'échapper au vote conforme, c'est que notre assemblée avait été saisie en premier ! (On s'amuse sur plusieurs bancs) Bientôt, il ne restera plus aux groupes qu'à détacher l'un de ses membres dans chaque hémicycle, pour enregistrement.

Cet abaissement du Parlement est intolérable. A quoi sert le Sénat, s'interrogeait le président Larcher ? A rien, sinon qu'il forme une amicale sympathique de gens qui parlent tous à peu près correctement le français.

Sur ce texte, le danger essentiel a été évité, grâce au rapporteur et au soutien des membres de la commission. Dans une société où l'on affectionne les masques, certains se retranchent derrière le masque des deux tiers pour tenter de revenir sur les accords de Nouméa.

Mon groupe est très attaché à l'accord de Nouméa qui, par deux fois, a aidé la Nouvelle-Calédonie à retrouver la paix.

Seules les compétences régaliennes ne doivent pas être transférées en 2014 : cela ne fait plus débat. Le transfert a été décidé, il doit être mis en oeuvre. Pour éviter la censure du Conseil, nous avons trouvé un compromis : dans quatre domaines, le transfert ne se fera que dans deux ans. Je félicite le rapporteur d'être parvenu à ce résultat.

L'examen à l'Assemblée nationale a été satisfaisant pour les conditions financières accordées à la Nouvelle-Calédonie. Il faut croire qu'il règne au palais Bourbon un microclimat pour l'application de l'article 40 ! (Sourires) Comment expliquer, sinon, que ce qui a été refusé ici soit soudain accepté là-bas ? Certains esprits pervers, dont je ne suis pas, penseront que c'est la personnalité de leurs auteurs qui rend certains amendements recevables. Ainsi, nos collègues députés Gaël Yanno et Pierre Frogier pourront revendiquer localement les succès ainsi acquis... Plus sérieusement, soit ces propositions, venues du Congrès de Nouvelle-Calédonie, n'étaient pas acceptables et il fallait les rejeter dans les deux assemblées, soient elles l'étaient, et la courtoisie la plus élémentaire aurait justifié qu'elles soient validées au Sénat.

Le Gouvernement s'est engagé à fournir des protocoles dans six mois. Nous y serons très attentifs. Si les dispositions prévues par l'accord de Nouméa ne sont pas respectées, au prétexte de diverses arguties, cela signifiera peut-être que certains y sont opposés au fond.

Christian Cointat a dû livrer une bataille contre les deux députés UMP de Nouvelle-Calédonie au sujet du Sénat coutumier. Il a réussi, avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, à faire admettre à leurs collègues que cette position n'était pas tenable.

M. Christian Cointat, rapporteur.  - Ces deux députés ont finalement voté pour.

M. Bernard Frimat.  - Et avec quel enthousiasme ! (Sourires)

Le respect des identités de la Nouvelle-Calédonie est très important, et il explique le succès de l'accord de Nouméa, dont l'État a assuré la continuité. J'espère que, dans deux ans, nous pourrons constater que tout a été transféré et que l'on ne nous opposera pas d'arguties pour justifier un nouveau délai.

M. Laurent Béteille.  - Ces deux textes marquent une étape importante pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte. Le changement de statut décidé par nos compatriotes mahorais est consacré et le statut de la Nouvelle-Calédonie est modernisé en profondeur en prévision des transferts de compétences prévus par l'accord de Nouméa. Ces deux textes sont marqués par un souci de consensus et nous les avons examinés dans cet état d'esprit.

Je souhaite rendre hommage à Mme la ministre pour sa capacité d'écoute et d'ouverture à certaines propositions des sénateurs et des députés concernant les transferts de compétences. Tout comme vous, nous voulons que ces derniers réussissent car ils garantissent la stabilité politique dont les Néo-calédoniens ont besoin. Notre commission des lois a fait un travail tout à fait remarquable et je félicite notre collègue rapporteur, Christian Cointat. La commission s'est efforcée de retenir le plus possible de suggestions présentées par le congrès de Nouvelle-Calédonie et a adopté un grand nombre d'amendements proposés par le rapporteur et par notre collègue Simon Loueckhote.

Profondément attachée à l'outre-mer, notre assemblée a amélioré la clarté et la solidité juridique de ces deux projets de loi sans en remettre en cause les grands équilibres. Le groupe UMP apportera donc son plus ferme soutien aux conclusions de la CMP. (Applaudissements à droite et au centre)

M. le président.  - Je mets aux voix le texte élaboré par la CMP sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte. En application de l'article 59 du Règlement, le scrutin public est de droit.

Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 315
Majorité absolue des suffrages exprimés 158
Pour l'adoption 315

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les bancs UMP, au centre et sur les bancs socialistes)

Vote sur le projet de loi ordinaire

M. le président.  - Je mets aux voix le texte élaboré par la CMP sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et portant ratification d'ordonnances.

Les conclusions de la CMP sont adoptées.

La séance, suspendue à 17 h 15, reprend à 17 h 20.

Grenelle de l'environnement (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions de la CMP chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

Discussion générale

M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat de la CMP.  - Le processus du Grenelle a été remarquablement efficace pour produire un consensus dans un domaine où les opinions sont souvent tranchées. Restait à obtenir la validation démocratique. Les parlementaires ne se sont pas privés d'enrichir le texte et pourtant, à l'issue de deux lectures dans chaque assemblée, ne restaient plus en discussion que quinze articles. Et la CMP a pu aboutir à un accord.

A l'article 5, elle est revenue sur la possibilité, pour les collectivités locales qui rénovent leurs bâtiments en vue de réaliser des économies d'énergie, de bénéficier de prêts à taux privilégiés, car le coût, non évalué précisément, risquait d'être insupportable dans la conjoncture budgétaire actuelle.

A l'article 8 bis A, relatif à l'avis donné par les architectes des bâtiments de France dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, la commission a rétabli la rédaction de l'Assemblée nationale. Elle a estimé que l'avis conforme de l'ABF n'était pas indispensable...

M. Daniel Raoul.  - Quelle erreur !

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Mais à la commission de l'économie, nous ne considérons pas le débat comme clos.

M. Daniel Raoul.  - Nous non plus !

M. Bruno Sido.  - Nous y reviendrons à l'occasion du Grenelle II... A l'article 10, relatif au transport de marchandises, la CMP a rétabli la rédaction de l'Assemblée nationale sur les sillons performants et stables pour le fret ferroviaire. Elle a confirmé la rédaction du Sénat sur les projets de liaison fluviale et l'étude sur la circulation des 44 tonnes. J'y insiste, il ne s'agit que d'une étude, sur un sujet où nous manquons de données fiables et incontestées. La commission a également adopté dans la rédaction du Sénat l'article 17, relatif au développement des énergies renouvelables, ainsi que l'article 18, relatif à l'essor des biocarburants. A l'article 26, relatif à l'élaboration de la trame bleue, la commission a retenu le texte du Sénat, qui supprime toute mention de l'effacement des obstacles à la migration des poissons.

Elle a également adopté dans la rédaction du Sénat l'article 34, relatif à l'exposition aux substances préoccupantes en milieu professionnel. Le « carnet de santé » sera donc généralisé avant 2013. La commission mixte paritaire a précisé l'article 37, pour faire référence aux nouvelles procédures de concertation locales en matière d'implantation des antennes relais. A l'article 41, relatif à la politique de réduction des déchets, la commission a précisé les obligations de recyclage. Elle a avancé au 10 octobre 2009 la date de remise du rapport du Gouvernement sur les possibilités d'allégement de la taxe générale sur les activités polluantes pesant sur les collectivités gérant des installations de stockage, lorsqu'elle réalisent des installations d'incinération. Enfin, elle a étendu ce rapport aux autres modes de traitement des déchets, notamment la valorisation du biogaz.

A l'article 41 bis, la CMP a rétabli dans la rédaction de l'Assemblée nationale une disposition qui ne relève pas à proprement parler d'une loi de programmation, mais qui lui a paru présenter un intérêt suffisant. Il s'agit d'autoriser les communes et les EPCI à exonérer de taxe foncière pendant cinq ans les immeubles raccordés à une unité de traitement de déchets pour couvrir leurs besoins de chaleur. Elle a supprimé, dans l'article 42 relatif à la contribution de l'État au développement durable, la référence aux emballages consignés, dont le bilan environnemental, réel, reste incertain. Enfin, la commission a rétabli dans la rédaction de l'Assemblée nationale deux autres dispositions ne relevant pas d'une loi de programmation, mais également dignes d'intérêt. Il s'agit, à l'article 44, du transfert de compétences d'un EPCI à un syndicat de communes ou un syndicat mixte, et à l'article 45, de la possibilité de révision simplifiée d'un POS remis en vigueur suite à l'annulation du PLU par le juge. Mais je pourrais parler, plus simplement, des amendements Versailles et Angers...

M. Daniel Raoul.  - C'est trop d'honneur !

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Je vous demande d'adopter ce projet de loi dit Grenelle I, qui fixe les orientations nécessaires à une véritable conversion de la société française à un développement plus durable et protecteur de l'environnement. Reste à les mettre en application et je vous donne rendez-vous au mois de septembre, pour l'examen législatif du Grenelle II, la boîte à outils du Grenelle I ! (Applaudissements à droite)

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.  - Nous arrivons à la fin de cette belle aventure que fut la discussion du Grenelle I. M. Jean-Louis Borloo aurait tant souhaité être présent pour ce vote ! Hélas il est retenu en Suède pour un conseil européen informel sur la question du climat.

J'ai eu beaucoup de plaisir à débattre et négocier avec vous. Le Sénat est très exigeant car il s'intéresse de près à la question écologique.

Finalement, les points de clivage entre les deux assemblées sont très limités. Chacun a cherché le compromis et je remercie MM. Emorine et Sido pour leur pragmatisme et leur degré d'exigence, qui a été pour nous un défi !

Et j'avoue que les sénateurs ne furent pas moins exigeants dans l'hémicycle. Vous avez relevé les ambitions du texte initial sur de nombreux sujets. Vous l'avez relevé s'agissant du lien entre qualité de l'air et climat, pour la restauration des prairies, pour le développement des conseillers environnement-santé, ou encore la politique des déchets. A cinq mois de Copenhague, nous sommes à un tournant de l'humanité. L'avenir se joue aujourd'hui.

Les principes posés dans cette loi représentent un immense progrès. N'oublions pas le chemin parcouru. La France a maintenant une crédibilité internationale sur ce sujet. Cette loi n'est pas un aboutissement mais un point de départ, avant le Grenelle II ; et il vous appartient d'être les ambassadeurs du Grenelle dans les territoires.

En attendant d'avoir le plaisir de vous retrouver, je vous souhaite d'excellentes vacances. (Applaudissements)

M. Daniel Raoul.  - Ce projet de loi est improprement nommé « mise en oeuvre... » alors qu'il s'agit plutôt d'une loi d'orientation. On m'en a assez rebattu les oreilles chaque fois que je proposais d'en renforcer le caractère normatif, et l'on me renvoyait au Grenelle II. Cela m'a rappelé ce mercato cher à un quotidien sportif : nos amendements fluctuaient ainsi d'un texte l'autre. Entre les deux, d'ailleurs, on aurait pu inverser les titres ; c'eût été plus logique. (Marques d'approbation) Il n'est pas trop tard pour faire un amendement en ce sens, madame la ministre !

Nous avons eu grand plaisir à travailler au sein de la commission. Quelle différence avec cette demande de vote conforme sur un autre sujet, hier soir, ce déni de démocratie qui ne sert pas le Parlement et que la réforme de la Constitution devait supprimer.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Tout à fait.

M. Daniel Raoul.  - Si l'on continue ainsi, on pourra se poser la question de l'utilité non seulement du bicamérisme mais même de l'utilité du Parlement.

Pour en venir à ce projet de loi, permettez-moi, monsieur le rapporteur, d'évoquer la question des ZPPAUP et du rôle des architectes des bâtiments de France. J'ai entendu ce que vous avez dit, et je vous fais confiance, mais on en reparlera lors du Grenelle II. Il s'agit ici de conservation du patrimoine et d'environnement. Minimiser le rôle des architectes des bâtiments de France me fait douter de la volonté des députés en la matière.

Le 25 octobre 2007, le Président de la République déclarait que tous les grands projets publics seraient dorénavant arbitrés en tenant compte de leur coût pour le climat. Depuis lors, le Gouvernement n'a rien fait en ce sens. Pis : dans le cadre de la revue générale des politiques publiques, il supprime des gendarmeries et des tribunaux d'instances, ce qui a pour conséquence évidente de contraindre les gens à prendre leur voiture, ce qui est dommageable en termes de bilan carbone.

Nous approuvons les grands objectifs de ce projet de loi mais il faudra passer aux actes. Ce n'est pas la fin d'une aventure, madame la ministre, mais une première étape, une étape de plat avant les étapes de montagne... Je crains que le Grenelle II ne soit à l'inverse la montée d'un col de première catégorie ! Il faudra changer, sinon de plateau, du moins de développement.

Je crois à la possibilité d'une croissance verte. Pragmatiques, les socialistes et apparentés -je ne parle pas des rattachés- voteront ce texte. (Applaudissements)

M. François Fortassin.  - Nous voilà enfin parvenus au terme d'un texte qui a demandé beaucoup de travail, un texte innovant qui traduit une grande volonté de concertation. A bien des égards, ce texte peut apparaître comme un texte fondateur. Mais il n'est pas que cela. C'est aussi un texte de communication sur les richesses naturelles et paysagères de notre pays. C'est aussi l'occasion de louer le travail de nos ancêtres qui ont créé par leur travail de si beaux paysages ; ils étaient avant le mot des protecteurs de l'environnement. Je souligne aussi la part prise par nos agriculteurs dans la protection des paysages et dans une production agroalimentaire de qualité et en quantité suffisante. Si l'on devait avoir une production agricole exemplaire sur le plan biologique mais qui laisse une grande partie de la planète souffrir de la faim, on ne me trouverait pas en première ligne pour la défendre.

Par deux fois, j'avais présenté des amendements qui tendaient à mieux faire comprendre qu'il était important de protéger à la fois les nappes phréatiques, les paysages et la qualité des produits, qu'il s'agisse du lait ou de la viande. C'était aussi une façon de dire que l'herbe et le foin étaient pour les animaux les meilleurs aliments. C'était une porte ouverte que j'enfonçais ainsi mais je suis prêt à récidiver car il faut aussi protéger un élevage de qualité.

Si, au soir de ma carrière sénatoriale, je devais ne retenir qu'un seul texte, ce serait celui-ci.

Nous avons travaillé dans un esprit très constructif et abordé de très nombreuses questions, de la lutte contre les pollutions à la protection de la biodiversité. Je regrette cependant que nous n'ayons pas suffisamment traité de l'agriculture, et surtout de l'eau ; la prudence voudrait que nous en stockions davantage pour être en mesure de la restituer en fonction des besoins. Évidemment, nous n'y parviendrons pas par l'effacement des barrages... (Sourires) Je suis de ceux qui considèrent que la France doit encore augmenter ses réserves.

Je regrette aussi que nous ne nous soyons pas suffisamment démarqués de la logique libérale et productiviste ; et qu'il y a sans doute une contradiction à gérer entre l'urgence écologique, le calendrier et les moyens budgétaires. Le Grenelle I ressemble à une lettre au père Noël...

C'est à l'honneur du Sénat d'avoir montré qu'il pouvait débattre au-delà des clivages politiques pour parvenir à des positions consensuelles.

Même si elle doit encore faire des efforts, la France est par bien des côtés exemplaire ; notre économie émet environ 15 % de gaz à effet de serre, tandis que nos voisins en sont à 20 % ou 25 %. Les leçons de leurs écologistes ne sont pas toujours bienvenues...

Le Grenelle II sera plus délicat. Le groupe du RDSE unanime votera avec enthousiasme les conclusions de la CMP ; la qualité d'écoute de Mme la ministre n'y est sans doute pas étrangère. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Odette Terrade.  - Les conclusions de la CMP mettent un terme, au moins provisoire, au débat entamé à l'automne 2007 sur les enjeux environnementaux du développement économique et social du pays. Provisoire, parce que nous devrions consacrer le début de la session 2009-2010 au Grenelle II. Nous pourrions une nouvelle fois nous abstenir en notant que le constat est partagé de la nécessité de lutter contre le réchauffement climatique, de maîtriser la consommation d'énergies fossiles ou de changer nos modes de production de logements et d'organisation des transports ; en espérant aussi que la dimension environnementale soit davantage prise en compte dans les politiques économiques et d'aménagement du territoire. Pourquoi, par exemple, ne pas concentrer les allégements de taxe professionnelle sur les investissements éco-responsables ?

Si le Grenelle II permettra d'approfondir ces débats, il semble qu'on ait pris ici ou là un peu d'avance. Je pense au décret de Mme Boutin qui permet d'imputer la mise aux normes environnementales des logements sur la quittance de loyer -ce qui risque, en augmentant les charges locatives, de pénaliser d'autant plus les familles que le logement locatif est de plus en plus réservé aux plus modestes. Et voici que le groupe de travail Rocard-Juppé rend ses conclusions sur la contribution climat-énergie, élément important du pacte écologique de la Fondation Nicolas Hulot, contribution autrement appelée taxe carbone : un impôt qui ne dit pas son nom. Il ne faut pas attendre, disent MM. Rocard et Juppé : la taxe doit voir le jour en 2010. Pour commencer, on en exonérera les entreprises au motif qu'elles sont assujetties au système des quotas d'émission -en oubliant de dire que ce système est gratuit jusqu'en 2012 ou 2013. La taxe carbone, elle, conduira dès 2010 à une augmentation du prix de l'essence et de celui des combustibles de chauffage. On complétera ainsi la pastille verte pour 3 ou 4 euros par plein, tandis que disparaîtra le bonus écologique. Les usagers de l'automobile à titre privé paieront, notamment ceux, salariés mal rémunérés, contraints pour certains de travailler en horaires décalés ou le dimanche, qui sont obligés d'habiter à des kilomètres de leur lieu de travail et utilisent leur véhicule faute de transports en commun. C'est bien pourquoi UFC-Que Choisir a marqué dès hier son inquiétude et son opposition.

Il faut éviter que les préoccupations environnementales ne viennent aggraver, en les masquant, les injustices de notre fiscalité ; ou qu'elles finissent par n'être qu'une forme de supplément d'âme pour les familles les plus aisées, celles qui peuvent se passer d'un véhicule pour aller travailler ou qui ont les moyens de s'affranchir d'une spéculation immobilière qui exclut toujours davantage les plus modestes des centres-villes et des logements de qualité. Le jour où les familles populaires reviendront habiter les centres-villes dans des logements à énergie positive et à loyer social, le combat écologique aura été mené à son terme.

Reste le cas des entreprises. M. Rocard admet qu'il ne lui serait pas agréable de voir la taxe carbone compenser l'allégement de la taxe professionnelle. Il récuse d'ailleurs, comme les associations d'élus, tout lien entre les deux. Ce qui sera difficile si l'on se souvient des propos répétés du Président de la République sur le sujet, lui qui ne cesse d'opposer une taxe professionnelle qui pèserait sur le travail et une taxe carbone qui sanctionnerait la pollution du cadre de vie de tous. Le 22 juin dernier à Versailles, il déclarait : « allons-nous continuer à taxer la production et à taxer le travail alors que nous savons bien qu'en faisant peser des charges fixes trop lourdes sur le travail et la production nous détruisons nos emplois et nos industries ? Les délocalisations systématiques sont devenues insupportables aux Français. Notre fiscalité entièrement ciblée sur la production et sur le travail en est responsable. » Ou encore : « C'est au nom de ce choix stratégique en faveur du travail et de la production que la taxe professionnelle doit être supprimée. Cette réforme sera l'occasion de repenser notre système de fiscalité locale qui en a bien besoin. C'est avec la même détermination que je souhaite que nous allions le plus loin possible sur la taxe carbone. Plus nous taxerons la pollution et plus nous pourrons alléger les charges qui pèsent sur le travail. C'est un enjeu immense. C'est un enjeu écologique. C'est un enjeu pour l'emploi. »

A la vérité, la fiscalité environnementale existe déjà et rapporte à l'État et aux collectivités locales environ 50 milliards d'euros. Le problème, c'est que si les taxes et redevances d'assainissement ou d'ordures ménagères sont utilisées conformément à leur objet, la Tipp sert à tout autre chose que financer la politique environnementale. Sur les 15 milliards d'euros qui restent au budget général, 333 millions seulement abondent le programme « Urbanisme, paysages, eau et diversité » et moins de 4 milliards le programme « Conduite et pilotage des politiques de transport, d'environnement et de développement durable ». Il faut trouver une autre ressource fiscale, plus dynamique, pour compenser pour les collectivités locales les charges qui le sont aujourd'hui par la Tipp, et utiliser les sommes ainsi dégagées pour créer un véritable fonds environnemental, un fonds qui pourrait accorder des prêts à faible taux pour favoriser les investissements éco-responsables ou financer la mise aux normes énergétiques du parc locatif, notamment social.

Ces débats viendront naturellement lors de la discussion du Grenelle II ; et le débat fiscal accompagnera celui, fondamental sur le développement des infrastructures de transport.

Que le président de la direction du fret de la SNCF, l'auteur du plan social le plus meurtrier de ces dernières années, annonce son intention d'abandonner l'activité de « wagons isolés » n'est guère rassurant. En attendant de véritables débats sur des alternatives à la route et le développement des transports ferroviaires, nous confirmons notre position sur ce texte d'abstention vigilante. (M. Jean-Pierre Fourcade ironise)

La discussion générale est close.

Vote sur l'ensemble

M. le président.  - En vertu de l'article 42 alinéa 12 du Règlement, le Sénat étant appelé à se prononcer en second sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il procède à un vote unique sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements ayant reçu l'accord du Gouvernement.

M. Ladislas Poniatowski.  - Au terme de longs et riches débats, je félicite, au nom de l'UMP, M. Borloo, tout d'abord, et Mme Jouanno d'avoir remporté un pari qui n'était pas gagné d'avance. Un triple pari, devrais-je dire. Celui de cette formidable consultation durant laquelle chacun a pu s'exprimer et dont tous les échos étaient positifs ; celui, non moins ambitieux, de transformer cette concertation en quelque 200 engagements, dont nous continuerons à débattre, mais qui, tous, contribuent à la réflexion sur la politique de développement durable de notre pays ; celui, enfin, de l'adoption de ce Grenelle I. Madame la ministre, vous avez, au pied levé, pris le train en marche il y a six mois, et avec quel succès ! Nous sommes très sensibles à votre compétence et à votre charme. Je remercie chaleureusement M. Sido de son remarquable travail ; il a été un jongleur hors pair, rapportant le Grenelle I tout en préparant le Grenelle II, avec le soutien vigilant de notre président de commission, M. Emorine.

Ce texte représente une opportunité historique d'engager une mutation de notre pays vers une économie durable, sobre en carbone. Sans être une révolution, car il conserve les fondamentaux de notre société -l'économie de marché-, de profonds et nombreux changements seront nécessaires pour atteindre nos objectifs. Le Grenelle est un premier pas, mais un pas essentiel à la réussite de cette démarche historique. Le succès final dépendra de notre volonté et de notre capacité à concrétiser les grandes orientations du Grenelle I dans le Grenelle II, dont nous avons largement commencé l'examen. L'enjeu est de taille, le Grenelle de l'environnement est une vraie réponse à la crise économique et financière. Aussi, le groupe UMP, unanime, votera pour ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Daniel Raoul.  - Sans renchérir sur les propos aimables que M. Poniatowski a tenus à la ministre, je voulais lui préciser que notre vote représente uniquement celui des sénateurs socialistes et apparentés... Je vous laisse traduire ! (Sourires)

M. François Fortassin.  - Attention aux décrets d'application. Ils doivent être publiés dans des délais raisonnables, sinon l'adoption de ce texte n'aura pas servi à grand-chose...

Les conclusions de la CMP sont adoptées.

Ajournement du Sénat

M. le président.  - Je constate que le Sénat a achevé l'examen des textes inscrits à son ordre du jour pour la session extraordinaire. L'Assemblée nationale n'ayant pas terminé ses travaux, le Sénat voudra sans doute s'ajourner. M. le président prendra acte de la clôture de la session extraordinaire par voie d'une communication publiée au Journal officiel.

La prochaine session ordinaire 2009-2010 commencera le jeudi 1er octobre, mais nous avons tous en tête la possibilité d'une session extraordinaire en septembre.

Pour l'heure, au nom de M. Gérard Larcher et de tous les vice-présidents, je vous souhaite, avec une satisfaction non dissimulée, un repos bien mérité qui nous laissera le loisir d'admirer les superbes paysages décrits par M. Fortassin ! (Applaudissements)

La séance est levée à 18 h 10.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre