Communication audiovisuelle (Urgence - Suite)

M. le président.  - Nous reprenons l'examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle.

Discussion des articles (Suite)

Article premier B

Après l'avant-dernier alinéa de l'article 15 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Avant le 31 décembre 2009, la Haute autorité remet un rapport au Parlement qui dresse le bilan de la politique salariale et de recrutement menée par les sociétés nationales de programme visées à l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication afin de lutter contre les discriminations et de mieux refléter la diversité de la société française. Ce rapport propose, le cas échéant, des mesures pour améliorer l'action des sociétés nationales de programme en ce domaine. »

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Avec cet article, après les séduisantes déclarations d'intention du précédent, nous nous intéressons au cahier des charges de France Télévisions et plus précisément aux efforts de recrutement de personnes issues de la diversité demandés aux sociétés de programmes. Nous assistons à une véritable entreprise de stigmatisation, à une forme de discrimination positive appliquée à l'audiovisuel public et à lui seul. On peut craindre qu'elle ne conduise les sociétés à réaliser au plus tôt des économies de structure et à supprimer des centaines d'emplois. C'est au moment où les effectifs de l'audiovisuel public baissent qu'on lui demande de faire pareils efforts.

Est-ce d'ailleurs à la Halde d'agir ? La question ne relève-t-elle pas plutôt du dialogue social interne à France Télévisions ? Les organisations syndicales y sont déjà attentives. Lors de la discussion de la loi relative à l'égalité des chances, concept sujet à caution, nous avions souligné la nécessité de renforcer les missions de la Haute autorité dans le domaine de l'assistance aux victimes et ses pouvoirs auprès des institutions républicaines ; étant entendu que la Halde ne peut à elle seule réparer le mal fait par les politiques antisociales, d'exclusion et de stigmatisation. Il semble, c'est aussi l'avis du Conseil d'État, qu'elle ne puisse se substituer au pouvoir judiciaire ni aux pouvoirs publics dont le rôle est de promouvoir et de mettre en oeuvre la lutte contre les discriminations.

Ce n'est pas à la Halde de donner le ton du dialogue social à France Télévisions, un dialogue dont l'actualité récente a montré qu'il pouvait être téléguidé par le Président de la République au mépris des droits du Parlement. C'est aux pouvoirs publics de donner à l'audiovisuel public les moyens de son développement ; on en est loin avec ce texte. Et c'est au dialogue social de définir les objectifs de créations d'emplois.

Cessons donc de stigmatiser les salariés, cessons de faire croire que l'audiovisuel public fait peu en matière de recrutement, notamment au regard de ce que sont RFO et RFI... avant leur engloutissement dans AEF, ou encore de ses efforts de recrutement de journalistes et d'animateurs représentatifs de l'ensemble de la société. Devrait-on imposer les mêmes règles dans le cahier des charges de TF1 ? Rien en l'état ne permet de voter cet article.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles.

Rédiger ainsi le second alinéa de cet article :

« Avant le 31 décembre 2009, la Haute autorité remet un rapport au Parlement qui dresse le bilan de la politique de gestion des ressources humaines menée par les sociétés nationales de programme visées à l'article 44 de la loi n° 86 1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication afin de lutter contre les discriminations et de mieux refléter la diversité de la société française. »

M. Michel Thiollière, rapporteur.  - La commission propose d'introduire cette disposition transitoire dans le texte sans modifier la loi du 30 décembre 2004 ; de faire référence à « la politique de gestion des ressources humaines », notion plus générale et mieux adaptée au cadre règlementaire, plutôt qu'à « la politique salariale et de recrutement » ; de supprimer enfin une disposition redondante avec la loi de 2004 : selon l'article 11 de celle-ci, la Halde peut formuler des recommandations tendant à remédier aux pratiques qu'elle estime discriminatoires, les autorités ou personnes intéressées étant tenues de rendre compte de la suite qui leur aura été donnée.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Avis favorable car la notion de ressources humaines est plus large que celle de politique salariale.

L'amendement n°3 est adopté, ainsi que l'article premier B, modifié.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°111, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précité est ainsi rédigé :

« Art. 3-1. - Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille au strict respect du pluralisme inhérent à la définition du service public dans les différentes catégories de programmes : d'une part, pluralisme politique en matière d'information et de débats d'idées, d'autre part, pluralisme culturel, artistique, sociétal dans l'ensemble des programmes de culture et de divertissement, selon les critères avancés à l'article 44 de la présente loi. »

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Le pluralisme est l'objectif cardinal de toute législation sur l'audiovisuel et à plus forte raison sur l'audiovisuel public. Cet objectif a même une valeur constitutionnelle, ainsi que l'a reconnu le Conseil constitutionnel par sa décision du 18 septembre 1986, et la Charte des droits fondamentaux rend obligatoire cette garantie des libertés publiques. La globalisation et le contexte national accentuent le besoin de pluralisme mais pour le promouvoir, il faut le mettre au centre de la réflexion, ce qui n'est pas le cas avec ce projet ; au contraire vous retranscrivez les scandaleuses dispositions de la loi organique qui s'insèrent dans un réseau législatif de nature à fragiliser le pluralisme dans notre pays. Il importe ensuite de ne pas se contenter d'incantations mais de promouvoir des dispositions concrètes. C'est l'objet de notre amendement qui affirme les missions confiées au CSA. Nous inscrivons ainsi dans la loi le pluralisme culturel invoqué par le Président de la République et le Gouvernement : le voter tombe donc sous le sens, à moins que vos déclarations n'aient été que des incantations destinées à instrumentaliser cette valeur à d'autres fins.

M. Michel Thiollière, rapporteur.  - Pourquoi ne pas avoir déposé cet amendement à l'article premier A ? Nous préférons la notion de diversité à celle de pluralisme. Avis défavorable.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Avis défavorable. L'exigence de pluralisme pour le service public audiovisuel figure déjà dans les articles 13 et 16 de la loi de 1986 et plusieurs dispositions du texte le garantissent. Votre rédaction supprimerait en outre plusieurs missions du CSA, dont la défense de la langue française.

L'amendement n°111 n'est pas adopté.

Article premier

I. - Le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi rédigé :

« I. - La société nationale de programme France Télévisions est chargée de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local, des émissions de radio ultramarines ainsi que tout autre service de communication audiovisuelle répondant aux missions de service public définies à l'article 43-11 et dans son cahier des charges.

« L'ensemble des services de télévision qu'elle édite et diffuse assure la diversité et le pluralisme de ses programmes dans les conditions fixées par son cahier des charges.

« Elle édite et diffuse également plusieurs services de communication audiovisuelle, y compris des services de médias audiovisuels à la demande, dont les caractéristiques respectives sont précisées par son cahier des charges. Elle peut les éditer par l'intermédiaire de filiales.

« Elle tient compte du développement des technologies numériques pour assurer l'accès de tous les publics à ses programmes.

« France Télévisions veille à ce que sa nouvelle organisation garantisse l'identité des lignes éditoriales de ses services. Cette organisation assure le pluralisme et la diversité de la création, de la production et de l'acquisition des oeuvres audiovisuelles et cinématographiques d'expression originale française et européenne.

« Elle reflète dans sa programmation la diversité, notamment ethnoculturelle, de la société française et veille à engager une action adaptée pour améliorer la présence de cette diversité dans les programmes. »

II. - Au premier alinéa du V de l'article 44 de la même loi, les mots : « et les filiales mentionnées au dernier alinéa du I » sont supprimés. Au premier alinéa du II de l'article 57 de la même loi, les mots : « ou dans les sociétés mentionnées au dernier alinéa du I de l'article 44 » sont remplacés par les mots : « ou dans des filiales répondant à des missions de service public définies à l'article 43-11 ».

III. - Au second alinéa du V de l'article 44 de la même loi, les mots : « d'une filiale, propre à chacune d'elles et » sont remplacés par les mots : « de filiales ».

IV. - France Télévisions diffuse dans les régions des programmes qui contribuent à la mise en valeur de la richesse de ces territoires.

Elle conçoit et diffuse à travers des décrochages spécifiques, y compris aux heures de grande écoute, des émissions et des programmes reflétant la diversité de la vie économique, sociale et culturelle régionale, les activités créatrices ainsi que l'information de proximité.

Au travers de sa grille de programmes, elle contribue fortement, s'il y a lieu, à l'expression des langues régionales.

M. Jean-François Voguet.  - Comment ne pas s'étonner du retour à l'entreprise unique alors que la droite avait démantelé l'ORTF en 1974 ? Que cache ce revirement ? Vous invoquez des économies d'échelle et nous ne sommes pas contre des gains de productivité, mais donnez-vous d'autres choix au président de France Télévisions ? Pourquoi avoir multiplié les chaînes gratuites avant d'homogénéiser le service public ? Cet article premier n'a pas lieu d'être car si on ne lui donne pas les moyens nécessaires, une telle organisation conduira au démantèlement de l'audiovisuel public. Cette nouvelle gouvernance n'est qu'une bombe à retardement. Le sujet est encore tabou mais on évoque 900 départs volontaires et le porte-parole de l'UMP évoque 2 000 licenciements. L'entreprise unique aura des conséquences majeures. Comment les salariés ne seraient-ils pas inquiets d'une remise en cause des conventions collectives ?

La fusion-absorption va compromettre l'identité des chaînes et nuira à la diversité. Contrairement à la loi de 1986, votre projet ne mentionne pas les différentes chaînes, ce qui ouvre la porte à de nouvelles privatisations. Comment d'ailleurs ferez-vous pour combler les déficits ? La représentation nationale n'aura plus droit de regard sur le périmètre de l'audiovisuel public mais le Gouvernement tiendra les cordons de la bourse et le Président de la République une épée de Damoclès au-dessus de la tête du président de France Télévisions. Certains rêvent déjà de la suppression du journal national de France 3...

Mme Catherine Dumas.  - C'est excessif !

M. Jean-François Voguet.  - On parle du regroupement comme d'un sésame pour la mondialisation, comme si France Télévisions avait attendu pour agir ! L'entreprise sera bien unique en ce sens que ce n'est pas une entreprise comme les autres, mais une entreprise culturelle et qu'elle ne s'adresse pas à des clients ou à des usagers mais à des citoyens. Même le CSA craint une rédaction unique et une information standardisée ; les créateurs redoutent que le guichet unique annonce l'uniformisation des programmes, l'appauvrissement des contenus et le formatage des oeuvres. Loin de servir la diversité culturelle, on irait à l'encontre de la convention de l'Unesco !

Le guichet unique s'imposera en raison de l'aggravation du sous-financement et l'on oubliera que le pluralisme concerne aussi l'imaginaire et ma diversité des approches artistiques. Nous refusons qu'il conduise ainsi à la chaîne unique car la meilleure économie, c'est la production, qui est le coeur de métier de France Télévisions.

Parce qu'il n'est pas viable, votre modèle économique ouvre la porte à des privatisations, à l'uniformisation des esprits et à l'aseptisation de la création.

Mme Bariza Khiari.  - La diversité est une chance pour notre pays car elle met en lumière sa capacité à intégrer l'autre autour d'un idéal commun. Notre République a toujours su tâcher de voir ce qui rassemblait sans pour autant occulter les différences. Cette chance, on ne la voit pas assez sur nos écrans. La seule vision de la diversité, ce sont les banlieues, avec leurs cortèges de problèmes et d'angoisses présentés à satiété par les journalistes. On parle fort peu de ceux qui réussissent, des talents des cités que nous accueillons chaque année dans cet hémicycle.

La diversité se décline sous deux formes. La plus évidente est la visibilité à l'écran des hommes, des femmes, des ouvriers, des cadres, des artisans, des agriculteurs, des handicapés, des blancs, des noirs, de tous ceux qui composent notre société... Il ne s'agit pas de voir plus de noirs ou de maghrébins car montrer tous ceux qui font notre société, qui font société, est une question de principe et de morale. Or, le CSA l'a montré, notre télévision reste blanche, ce qui n'est pas admissible.

La diversité est aussi qualitative. Les choses n'ont pas évolué si dans une fiction le rôle du méchant est joué par un Arabe ou un Noir alors que le rôle du bon médecin urgentiste est interprété par un Blanc, alors que dans la réalité le médecin des urgences sera souvent noir ou arabe. L'enjeu est essentiel car la visibilité est un catalyseur de l'intégration : on se sent moins exclu quand on sent en regardant la télévision que la société vous accepte. Les médias ont un grand rôle à jouer pour aider à briser les tabous. On a dit que voir dans un feuilleton un Noir à la Maison Blanche avait permis d'envisager l'élection de Barack Obama. Pour briser des frontières parfois indicibles, il faut faire voir la diversité sous toutes ses formes. J'ai chois à dessein l'exemple de l'islam.

Quand, à une heure de grande écoute sur une chaîne du service public, on invite des « analphabètes bilingues » qui ne parlent ni français ni arabe, ou des caricatures du wahabisme, et non pas des intellectuels musulmans francophones ou des gens simples qui parlent le langage du coeur, on ne rend pas service à la diversité de notre pays. Avec ces stéréotypes, on donne de la civilisation arabo-musulmane une image barbare et on méprise le spectateur ; on insulte ainsi doublement mon intelligence.

Je regrette que ce projet de loi si timoré ne mentionne pas cet aspect qualitatif.

M. Jacques Legendre, président de la commission.  - Etant donné le grand nombre d'amendements déposés sur cet article premier, la commission souhaite disjoindre l'examen de l'amendement de suppression de la discussion des autres amendements, ce qui permettra de les examiner au fur et à mesure.

M. le président.  - Je pense que tout le monde peut se rallier à cette proposition, qui nous évitera un long tunnel. (Assentiment)

Amendement n°112, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

M. Jack Ralite.  - L'article premier redessine le paysage audiovisuel public en supprimant toute référence aux entités France 2, France 3, France 4, France 5 et France Outre-mer afin de restaurer une entreprise unique. Cette transformation, qui s'accompagne de la création d'un guichet unique, entraînera l'uniformisation des chaînes. Elle témoigne de la volonté du Gouvernement et de sa majorité de casser le service public en portant atteinte à la diversité de l'information et de la création audiovisuelle, et par là au pluralisme et à la démocratie. On nous propose une télévision étriquée, soumise à un président nommé par le Président de la République et révocable à tout moment. Tout est fait pour qu'il y ait moins de chaînes, moins d'émetteurs, moins d'information.

Nous refusons le principe de cette fusion-absorption comme les conditions de sa réalisation, sans dialogue social ni politique. Elle prive l'audiovisuel public d'un financement pérenne pour assumer ses missions. Les économies d'échelles générées par la mutualisation des métiers auront pour conséquence la suppression d'un millier d'emplois. Et, en diffusant des émissions ennuyeuses à 20 h 35, on risque de décourager les spectateurs de regarder les chaînes publiques. Nous demandons la suppression pure et simple de l'article premier. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Thiollière, rapporteur.  - La commission ne partage pas vos craintes. Au contraire, France Télévisions bénéficiera de moyens nouveaux au service de son ambition et de ses projets. Le président de Carolis avait souhaité, avant même la décision du Président de la République, une entreprise unique.

Avis défavorable.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Même avis.

L'évolution prévue est excellente : Patrick de Carolis l'a demandée dès l'été 2007, et des personnalités de tous bords l'approuvent. Les synergies et la mutualisation qui en découleront ne nuiront pas à l'identité de chaque antenne : ainsi, Radio France est une société unique qui regroupe plusieurs radios bien identifiée. En outre, tout le monde connaît le nom du président de France Télévisions, mais qui peut citer celui de France 2 ou de France 3 ?

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Cet article a été conçu dans I'oubli des territoires d'outre-mer. Ces derniers seront intégrés après coup, sans cohérence ni adaptation suffisante aux réalités locales. En fusionnant les différentes chaînes dans une société unique, cet article ignore l'importance des télévisions de proximité, et plus particulièrement les contraintes propres aux départements et territoires d'outre-mer, qui justifient l'existence d'un réseau spécifique.

Ainsi, la situation de la Guyane, où la fracture numérique est importante et dont le territoire n'est pas entièrement couvert par les ondes hertziennes, se trouve en complet décalage avec cette réforme. RFO, qui comprend à la fois la radio et la télévision, y est non seulement un média de proximité mais un véritable service public. C'est, pour certaines populations et dans certaines parties du territoire, le seul support éditorial de l'information, de l'éducation ou de la prévention sanitaire et sociale, parfois nécessairement diffusée dans des langues très localisées.

Avec des moyens appropriés, RFO pourrait contribuer au rayonnement de la langue et de la culture française à l'étranger et, inversement, faire connaître des pays historiquement ou culturellement proches des collectivités de l'outre-mer français. C'est déjà le cas pour l'Afrique avec AITV, ce pourrait l'être tout autant dans l'Océan indien, la Caraïbe ou l'Amérique latine. L'audiovisuel extérieur de la France tel qu'il est conçu dans cette réforme ne saurait remplir cette mission de la même manière.

La fusion voulue par le Gouvernement suscite des questions sur l'avenir même de RFO, notamment quant à son autonomie financière compte tenu de ses spécificités et de ses contraintes. Le secrétaire d'État Yves Jégo prévoit déjà de compenser les pertes de recettes publicitaires par le non-remplacement des départs à la retraite.

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Faut-il croire que 65 suppressions de postes permettront le développement de la chaîne ?

Une autre interrogation concerne le maintien de la ligne éditoriale de RFO, caractérisée par sa souplesse et sa capacité d'adaptation, ainsi que son positionnement dans le contexte de diversification de l'offre dans un marché extrêmement étroit, où la seule chaîne privée locale peine à se développer. Et si l'on considère le bassin humain et culturel de l'Amazonie atlantique, ses 50 millions d'âmes et son potentiel de développement audiovisuel et numérique, l'enjeu est stratégique.

La prétendue égalité de traitement avec la métropole, soutenue par le ministre Yves Jégo, est donc en fait un creusement des écarts et elle comporte un risque de démantèlement d'un outil précieux pour l'outre-mer.

Nous voulons une télévision moderne, plurielle, multimédia, mais aussi respectueuse de nos identités locales. Nous voulons un service public de l'audiovisuel adapté aux situations ultramarines et ayant les moyens de l'être. Nous voulons un média public, gratuit et démocratique, capable de produire des programmes répondant aux besoins réels de toutes les populations ultramarines en matière d'éducation, d'accès à la culture, aux savoirs et aux nouvelles technologies. Nous voulons enfin une société audiovisuelle ambitieuse, capable de rayonner et de donner au monde une image de l'outre-mer positive, et valorisante pour la France.

Le Gouvernement doit donc mesurer les enjeux de sa réforme en outre-mer et répondre à nos légitimes questions. Quels moyens seront donnés à RFO pour poursuivre sa mission dans le respect de son identité, et en tenant compte des caractéristiques de son audience et de son marché potentiel ?

M. Jack Ralite.  - A priori, je ne suis pas contre une structure unique. Tout dépend de ce qu'on fait de cette structure unique et des moyens dont elle dispose. Or, aujourd'hui, il y a sous-financement. Aujourd'hui, les chaînes, comme tout le reste, sont soumises à RGPP. Je ne suis pas contre la révision, mais je suis contre la réduction et la régression que ce sigle pourrait tout aussi bien signifier. Et puis il y a l'environnement : les menaces sur l'AFP, sur la presse, sur un ministère de la culture lui aussi soumis à RGPP... Et il y a encore les enseignements du passé : M. Fillon était ministre des PTT en 1996 et, curieusement, à l'époque, déjà il avait fait deux lois pour faire bouger les télécoms.

Je ne suis pas sûr qu'une entreprise unique ne soit pas l'occasion d'un nettoyage interne. Il faut voir plus loin que le bout d'une lubie présidentielle. On peut avoir de sérieuses craintes pour l'avenir du service public France Télévisions.

M. David Assouline.  - A droite, ceux qui veulent réformer veulent en même temps brader les acquis ; ceux qui refusent ce bradage passent pour des conservateurs... Je suis d'accord pour l'essentiel avec M. Ralite et, notamment pour que le périmètre de France Télévisions soit absolument préservé. Dans la commission Copé, nous avons travaillé sur l'identité des chaînes pendant des mois.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Pas longtemps !

M. David Assouline.  - Nous en sommes partis seulement trois semaines avant la fin et nous étions là quand nous discutions du périmètre que tous étaient d'accord pour préserver tel quel ; j'ai encore des tonnes de documents écrits là-dessus. S'il faut le préserver, pourquoi s'obstiner à ne pas inscrire, noir sur blanc, les chaînes actuelles dans la loi ? Sinon, cela laisse supposer qu'on projette de se séparer d'une de ces chaînes. Si vous nous disiez, par exemple, que France 4 pourrait être vendue à TF1, nous pourrions en discuter ; mais là, rien...

Nous n'avons pas déposé d'amendement de suppression parce que nous sommes partisans d'une entreprise unique pour rationaliser, pour favoriser les synergies, pour gagner en compétitivité, mais pas pour raboter, pour casser la diversité ou pour réduire le périmètre ! C'est pourquoi nous avons préféré déposer, au lieu d'un amendement de suppression, des amendements qui définissent le périmètre. Si aucun de ces amendements n'était adopté, nous ne voterions pas cet article premier.

L'amendement n°112 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°113, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.

Remplacer le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 par sept alinéas ainsi rédigés :

« La société nationale de programme dénommée France Télévisions est chargée de définir les orientations stratégiques, de coordonner et de promouvoir les politiques de programmes et l'offre de services, de conduire les actions de développement en veillant à intégrer les nouvelles techniques de diffusion et de production et de gérer les affaires communes des filiales dont elle détient la totalité du capital :

« 1° La chaîne France 2 est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère généraliste destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. Elle propose une programmation de référence et diversifiée à l'intention du public le plus large, favorise la création de productions télévisuelles originales et assure une information nationale et internationale ;

« 2° La chaîne France 3 est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local, destinées à être diffusées sur tout ou partie du territoire métropolitain. Elle propose une programmation généraliste et diversifiée. Elle assure en particulier une information de proximité et rend compte des événements régionaux et locaux ;

« 3° La chaîne France 4 est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. Elle propose des programmes destinés à attirer et fidéliser les jeunes et les jeunes adultes en exposant les nouveaux talents des scènes actuelles (musique et spectacle). Elle agit en faveur de l'innovation et de la création par la mise à l'antenne de nouveaux formats ;

« 4° La chaîne France 5 est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère éducatif et favorisant l'accès au savoir, à la connaissance, à la formation et à l'emploi, destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. Cette programmation doit contribuer à l'éducation à l'image et aux médias. Ses programmes contribuent à la découverte et la compréhension du monde, s'attachant tout particulièrement aux registres des sciences et techniques, des sciences humaines, du développement durable. Elle favorise l'accessibilité individualisée et instantanée de ses contenus pédagogiques et de connaissances, à la demande sur les nouveaux supports, et développe la coopération avec les milieux éducatifs ;

« 5° La chaîne Réseau France Outre-mer est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision destinées à être diffusées dans les collectivités françaises d'outre-mer. Réseau France Outre-mer assure la promotion de la langue française ainsi que celle des langues et cultures régionales. Les émissions des autres sociétés nationales de programme sont mises à sa disposition à titre gratuit. Les programmes qu'elle produit sont mis gratuitement à la disposition de la société France Télévisions ainsi que de la société Radio France qui assurent la promotion et le rayonnement des cultures de la France d'outre-mer en métropole. Elle assure la continuité territoriale des autres sociétés nationales de programme, suivant des dispositifs qui peuvent être différenciés, en prenant en compte les particularités propres des départements d'outre-mer ou de la collectivité départementale de Mayotte selon des modalités déterminées par son cahier des missions et des charges après consultation de chaque conseil régional. Elle conclut des accords pluriannuels de coopération avec la société Radio France, notamment en matière de développement, de production, de programmes et d'information.

« Les sociétés visées à l'article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle passent avec l'autorité administrative compétente des conventions prévoyant les conditions dans lesquelles les établissements d'enseignement et de formation sont autorisés à réaliser et à utiliser à des fins pédagogiques des copies de programmes diffusés par cette société. 

M. Jack Ralite.  - Le Président de la République s'est engagé à pérenniser le périmètre de France Télévisions. La meilleure façon de le faire est de l'inscrire dans la loi, comme cela fut fait dans la précédente loi sur l'audiovisuel de septembre 1986. Vous ne voulez pas le faire parce que cela aurait des conséquences financières que vous savez ne pas pouvoir assumer du fait de la disparition de la publicité. Nous, nous ne voulons pas que le manque de moyens amène à supprimer une ou plusieurs chaînes. Les cinq chaînes actuelles composent le bouquet télévisuel public le plus performant d'Europe, qui regroupe le plus grand nombre de téléspectateurs alors qu'il n'est pas le plus coûteux et ne comporte pas le plus grand nombre de chaînes. Il serait inconcevable de le rétrécir ; ce serait une inacceptable atteinte à la diversité et au pluralisme. L'inscription de ces chaînes dans un cahier des charges modifiable à tout instant n'aura aucune valeur. Il faut énumérer nommément les différentes entités de France Télévisions dans la loi elle-même, y préciser leurs missions spécifiques et leur capacité à concevoir chacune une production propre. Elles ont une histoire distincte et font partie de notre patrimoine. Nous ne voulons pas que cette richesse soit amputée. La constitution d'une entreprise unique ne doit pas aboutir à la fusion-absorption des différentes chaînes. Le CSA lui-même préconise le respect de l'identité de chacune d'elles, notamment de FR 3, la plus menacée, dont il faut affirmer dans la loi le caractère national, régional et local.

Cet amendement n'interdit nullement la création de nouvelles chaînes mais fait rempart contre les pressions du lobby privé sur le politique. Nous préférons une consécration législative à de vagues engagements vite oubliés.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Absolument.

M. le président.  - Amendement n°296, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :

La société nationale de programmes France Télévisions est chargée de coordonner l'action des services France 2, chargé de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère national et généraliste, France 3, chargé de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère généraliste, national, régional et local, France 4, chargé de concevoir et programmer des émissions de télévision culturelles et de divertissement reflétant la création actuelle, France 5, chargé de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère éducatif et favorisant l'accès au savoir, à la connaissance et à la formation, Réseau France outre-mer, chargé de concevoir et programmer des émissions de télévision et de radio, destinées à être diffusées dans les collectivités d'outre-mer ainsi que de tout autre service de communication audiovisuelle répondant aux missions de service public définies à l'article 43-11 et dans son cahier des charges.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Rien dans le texte ne garantit le maintien du périmètre actuel de l'audiovisuel public, puisque les cinq chaînes publiques ne sont pas citées. Cette fusion-absorption entraînera dans le meilleur des cas sa dilution, dans le pire, la disparition d'une ou plusieurs chaînes... France 3 sacrifie désormais à la publicité une grande part de la tranche du 19-20, si chère aux Français. Faut-il y voir une volonté politique de mettre à mal l'audiovisuel public ? Avec un financement plus qu'aléatoire, l'autonomie éditoriale des chaînes est menacée, à commencer par celle de France 3, qui traduit pourtant l'expression, à l'échelle locale, du fait politique.

Nous reprécisons les missions spécifiques de chaque chaîne.

M. le président.  - Amendement n°115, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :

« La société nationale de programme dénommée France Télévisions est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local ainsi que des émissions de télévision et de radio ultramarines. Elle édite, produit et fabrique des oeuvres audiovisuelles, des programmes et des émissions d'information dans le respect de ses entités et de leurs identités éditoriales spécifiques. Elle participe à des accords de coproduction et passe des accords de commercialisation en France et à l'étranger.

M. Jean-François Voguet.  - La compensation de la suppression de la publicité n'étant pas à la hauteur des besoins, il faut trouver de nouvelles recettes. La BBC produit 60 % de ses programmes en interne, et les commandes passées aux producteurs indépendants sont pourtant plus importantes qu'en France ! La détention des droits lui apporte en outre des recettes considérables tandis que le statut de France Télévisions cantonne la société dans un simple rôle de diffuseur : même si elle finance de 70 à 90 % de la production des programmes, elle n'a le droit de les diffuser que deux ou trois fois ! C'est une hérésie économique !

La capacité de produire en interne confortera la création. En étant propriétaire des oeuvres qu'elle finance, France Télévisions pourra exploiter son patrimoine et ses archives pour réussir le passage au média global. Elle pourra s'appuyer sur la filière de production de France 3, dont l'ancrage local doit être réaffirmé, sans pour autant déstabiliser la production indépendante, qui participe à la vitalité de la création française.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles.

I. - Rédiger comme suit le deuxième alinéa du I de cet article :

« I. - La société nationale de programme France Télévisions est chargée de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local ainsi que des émissions de radio ultramarines. Elle édite et diffuse également plusieurs services de communication audiovisuelle, y compris des services de médias audiovisuels à la demande, répondant aux missions de service public définies à l'article 43-11 et dans son cahier des charges.

II. - Rédiger comme suit le quatrième alinéa du même I :

« Les caractéristiques respectives de ces services sont précisées par son cahier des charges. Elle peut les éditer par l'intermédiaire de filiales dont la totalité du capital est détenue, directement ou indirectement, par des personnes publiques.

M. Michel Thiollière, rapporteur.  - L'Assemblée nationale a omis de préciser que les services de communication audiovisuelle édités par France Télévisions rentraient dans le champ des missions de service public définies dans la loi du 30 septembre 1986.

L'amendement prévoit également que les filiales de service public du groupe France Télévisions sont détenues, directement ou indirectement, par des personnes publiques. Cela n'interdit pas que des chaînes publiques mettent en commun leurs forces pour proposer, par exemple, un service de télévision de rattrapage commun.

Enfin, le service public pourra nouer des partenariats avec des opérateurs privés, le cas échéant pour mettre en oeuvre une mission de service public. Seule la constitution de filiales ayant pour objet principal l'exercice d'une mission de service public est interdite.

M. le président.  - Amendement n°288, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, après les mots :

est chargée de concevoir

insérer les mots :

produire, fabriquer

Mme Marie-Christine Blandin.  - Il est réducteur de limiter le rôle de France Télévisions à la conception et la programmation. On oublie la création ! Le service public est au service des téléspectateurs, pas des producteurs extérieurs ! Malgré une contribution importante, la télévision publique ne perçoit pas une juste part des droits d'exploitation.

Les sociétés nationales de programmes disposent de talents en interne. Il faut soutenir tout le champ des missions de l'audiovisuel, y compris les plus nobles et motivantes. Nous avons retenu à dessein le terme de « fabriquer », comme on parle de « Fabrique de théâtre ». C'est là que se croisent le savoir conceptuel, l'art, la médiation, les savoir-faire... Il faut préciser cette mission de France Télévisions, en la chargeant d'en définir la proportion dans ses activités.

M. le président.  - Amendement n°310, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le premier alinéa du texte prévu par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, après les mots :

chargée de concevoir

insérer les mots :

, de produire

M. David Assouline.  - Il s'agit de garantir que les entités de production de France 3 et de RFO pourront poursuivre leur mission. Le statut de France Télévisions réduit le service public à un simple rôle de diffuseur et de centrale d'achats de programmes. Alors qu'elle finance 70 à 90 % du coût de la production, elle ne peut diffuser que deux ou trois fois des programmes dont les producteurs privés restent seuls propriétaires. C'est une situation unique en Europe !

A l'image de la BBC, dont le département commercial apporte un financement complémentaire important, France Télévisions doit développer et maintenir un outil de production interne, comme le demande d'ailleurs le personnel. Cet amendement devrait trouver une majorité si vous souhaitez réellement consolider le service public audiovisuel.

M. Michel Thiollière, rapporteur.  - Les missions de service public assignées à l'entreprise unique sont déterminées par la loi, un cahier des charges fixant les lignes éditoriales. Il n'y a donc pas de raison de craindre pour l'avenir des chaînes. De même que France 4 a évolué, la noblesse de l'entreprise unique tient à son pouvoir de changement, en fonction de l'évolution de la demande et de l'inventivité du personnel. L'amendement n°113 est antinomique avec la création de l'entreprise unique.

De même, l'amendement n°296 tend à figer dans la loi les missions de France Télévisions, alors que nous devons laisser le personnel imaginer les réalités à venir, sans décider à sa place.

J'observe d'autre part que rien, ni dans le droit actuel, ni dans le projet de loi, n'empêchera France Télévisions de maintenir ses capacités de production. Je propose le retrait ou le rejet de l'amendement n°115, satisfait par l'article premier et par l'amendement n°7 de la commission.

L'amendement n°288 appelle des observations analogues. Il serait sage de le retirer.

L'amendement n°310 correspond aux mêmes objectifs, que la commission partage au demeurant, car le service public audiovisuel doit avoir des moyens propres de production. L'amendement est superfétatoire.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Même avis.

Le projet de loi crée une société unique. Énumérer dans la loi les entités juridiques composant France Télévisions serait incompatible avec la création de la société unique. Elles figurent dans l'exposé des motifs de la loi et dans le cahier des charges fixé par décret. Pensez à l'exemple de Radio France. Je suis donc défavorable aux amendements n°s113 et 296.

Les amendements n°s115, 288 et 310 portent sur les capacités de production. Celles-ci figurent dans la loi du 30 septembre 1986. Aujourd'hui, plus de la moitié des programmes sont produits en interne, mais, conformément à l'esprit de la loi Tasca, les programmes peuvent aussi être coproduits avec des partenaires.

Enfin, l'amendement n°4 précise à juste titre que les grandes filiales de France Télévisions sont détenues par des personnes publiques.

M. le président.  - Je mets aux voix l'amendement n°113.

M. Jean-Pierre Sueur.  - De quoi s'agit-il ? D'une disposition très importante, car les chaînes de télévision ne sont pas exclusivement des entités juridiques. C'est pourquoi créer une société unique n'est pas antinomique avec la reconnaissance légale des chaînes existantes. Il s'agit d'abord d'entités humaines !

Travailler dans un organe de la presse écrite suscite un fort sentiment d'appartenance. Il en va de même pour les lecteurs. Imaginons que l'on veuille créer une société nationale de presse mettant en commun les moyens des journaux, tout en conservant les titres existants. Il y aurait une révolte des salariés !

Ceux de France 2 ou France 3, par exemple, sont fortement attachés à leurs chaînes. Mépriser cette réalité vivante serait une grande erreur. Et rien n'interdit de les inscrire dans la loi afin de reconnaître leur spécificité.

Certes, le texte dont nous discutons n'empêche pas les chaînes de fonctionner, mais n'avancer que cet argument, c'est un peu court !

Mme Christine Albanel, ministre.  - Il y a des identités fortes. France Inter aussi est une réalité humaine, inscrite dans le cahier des charges fixé par décret, pas dans la loi. C'est le modèle de la réforme que nous proposons. (« Très bien ! » à droite)

L'amendement n°113 n'est pas adopté.

M. David Assouline.  - Lorsque nous essayons de convaincre, on nous répond systématiquement que ce que nous proposons est inutile. Pourtant, le seul fait que nous l'ayons formulé démontre l'existence d'un problème. Bien sûr, on peut nous accuser de mauvaise foi, mais nous ne sommes pas les seuls : les salariés de France 3 s'inquiètent. Pourquoi refusez-vous de les rassurer ? Je ne vois qu'une explication : vous cachez quelque chose. Je n'ai pas voulu commencer par un procès d'intention, mais nous nous connaissons assez pour savoir que vous argumentez lorsque vous le voulez.

En commission, on m'a dit qu'il ne fallait pas empêcher un élargissement ultérieur du périmètre. Nous voulons empêcher son rétrécissement ! Notre amendement n°296 laisse tout loisir à l'entreprise unique de créer, par exemple, une chaîne d'information.

Pour qui lira nos débats, il apparaîtra que la modernisation de l'audiovisuel signifie la réduction de son périmètre. On sait bien que TF1 veut France 4. Et comme TF1 est souvent bien servi par le pouvoir, il est possible d'établir un rapport avec la rédaction du texte. De même, certains appétits de la presse quotidienne régionale visent France 3. Vous pouvez mettre fin à ces spéculations.

Madame le ministre, vous pourriez, à tout le moins, vous engager à préserver le périmètre de France 3, à ne pas vendre France 4 tant que vous serez à la tête du ministère de la culture. En vous refusant à préciser les périmètres des chaînes publiques dans la loi, ce qui aurait rassuré l'opposition, vous laissez ouverte la possibilité qu'ils soient modifiés. Nous devrons donc continuer ce combat aux côtés des personnels de l'audiovisuel public !

M. Hugues Portelli.  - Ce n'est pas au législateur de fixer le nombre de chaînes publiques dans la loi ! (Marques d'approbation au banc de la commission) C'est à l'entreprise publique de le déterminer selon l'offre et la demande, les choix du public et les moyens dont elle dispose. Notre tâche est de poser dans la loi des principes tels que l'existence ou non d'un service public et les conditions de sa gestion. Point à la ligne ! Le reste ne nous regarde pas.

Mme Catherine Tasca.  - Ça alors !

M. Hugues Portelli.  - Ces problèmes internes ne concernent que le conseil d'administration de l'entreprise. Je me battrai contre toutes les tentatives qui viseront à s'immiscer dans la politique de l'entreprise !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Dans ce cas, pourquoi le président de France Télévisions est-il nommé par le Président de la République ?

M. Hugues Portelli.  - Cette question n'est pas du domaine de la loi, pas plus que celui du règlement.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est le domaine du Président de la République !

M. David Assouline.  - Monsieur Portelli, vous feriez mieux de défendre avec la même conviction le Parlement quand on lui impose un débat tronqué !

M. Jack Ralite.  - M. Portelli se pare de vertus que la réalité dément. Ce texte de lois entend définir les programmes, les sujets abordés comme l'Europe. Le Président de la République entend que la chaîne publique soit une chaîne éducatrice. Il se mêle directement de la ligne éditoriale. Cela, nous n'en voulons pas. Mais, vous, vous l'approuvez !

M. Jacques Gautier.  - Eh oui !

M. Jack Ralite.  - Et, comme l'a finement relevé M. Sueur, décrire les chaînes existantes dans la loi, ce serait se mêler de la politique de l'entreprise ! Soyons sérieux. L'opposition dans sa diversité pose une seule question à laquelle le conglomérat de la majorité se contente de répondre : non, non, non ! Mais où est le débat parlementaire ? Où est la démocratie ? Ah, si vous aviez la même énergie pour dénoncer l'application d'une loi que nous n'avons pas votée ! Au lieu de cela, vous cédez devant le chef. Vous n'écoutez pas le monde du travail, le monde de la création et, j'ajoute, le monde de l'entreprise ! (Vifs applaudissements à gauche)

L'amendement n°296 n'est pas adopté.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Mon intervention portera sur l'atmosphère générale de ce débat, l'amendement n°115 ainsi que les amendements nos288 et 310 qui ont pour objet de mentionner dans la loi « produire » ou « produire, fabriquer ». Loin de partager la conception que se fait M. Portelli du législateur, dont l'intervention a suscité la colère de M. Ralite, je note toutefois que ces amendements touchent aux grands principes puisqu'ils visent les missions de l'audiovisuel public...

Malgré l'attitude constructive de M. Assouline, dont la majorité s'est félicitée tout à l'heure, la robotisation des réponses se poursuit : au « ce n'est pas la peine » de la commission, succède le « cela reste possible » du Gouvernement. Madame le ministre, puisque tout reste possible, puisque vous avez donné des millions aux banques pour restaurer le moral de la Nation, (soupirs à droite) pourquoi ne pas accepter d'inscrire quelques mots dans la loi pour relever le moral en berne des salariés de l'audiovisuel public ? (Applaudissements à gauche)

L'amendement n°115 n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le rejet des amendements est, lui aussi, mécanique !

L'amendement n°4 est adopté.

Les amendements nos288 et 310 deviennent sans objet.

M. le président.  - Amendement n°306 rectifié, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'ils diffusent des journaux télévisés, les services de la société France Télévisions disposent d'une rédaction propre, dirigée par un journaliste.

M. David Assouline.  - Signe de notre esprit constructif, nous avons accepté de ne pas mentionner dans cet amendement les différentes entités constituant l'opérateur unique à la demande de la commission. Nous souhaitons, pour éviter toute éventuelle fusion des rédactions, préciser que chaque chaîne publique diffusant un journal télévisé disposera de sa propre rédaction dirigée par un journaliste -contrairement à ce que l'on pourrait croire, cela ne va pas de soi. En un mot, loin de pratiquer l'obstruction malgré notre opposition totale à ce texte, nous tentons de préserver ce qui peut l'être.

M. Michel Thiollière, rapporteur.  - La commission a donné un avis favorable à cet amendement, une fois rectifié, dont le principe -une rédaction par chaîne- est partagé par tous.

Mme Christine Albanel, ministre.  - La question, me semble-t-il, n'est pas du domaine de la loi...

M. Jean-Jacques Mirassou.  - On se demande bien ce qui en relève !

Mme Christine Albanel, ministre.  - De surcroît, l'emploi du singulier pour le terme de « rédaction » laisse supposer une fusion, ce qui est contraire au but recherché.

Mme Catherine Tasca.  - Madame le ministre, nous touchons là à un point de désaccord fondamental sur l'organisation du service public et la place que vous assignez au législateur, ce qui nourrit le malaise de plus en plus lourd qui gagne nos rangs. M. Portelli, avec son intervention, a lancé une petite bombe dans le débat. Si légiférer se limite à définir des grands principes, à quoi sert le débat parlementaire ? A quoi sert la loi ? Nous ne sommes pas des notaires dont le rôle serait de consigner la création de structures juridiques et de définir de grandes orientations générales qui n'engagent personne. Nous sommes comptables devant la Nation de l'avenir de l'audiovisuel public. Si nous tenons à mentionner les antennes constituant France Télévisions ou encore à poser le principe d'une rédaction par chaîne, ce n'est pas par volonté de maintenir le statu quo, mais de travailler au développement du capital acquis par la Nation !

Il ne s'agit pas de transport de fret ou de vente de petits pois ! Dans le monde de la communication, la responsabilité de la rédaction revient aux professionnels, nous voulons le rappeler là. Il y a urgence à remettre les pendules à l'heure quant au rôle du législateur. Les procédures choisies par le Gouvernement à l'occasion de ce débat provoquaient chez nous quelques inquiétudes. Les propos de Mme la ministre confirment hélas lourdement nos craintes.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Loin de moi la volonté d'amoindrir le rôle du législateur. Mais les lois de 1986 ou 1990 ne comportent aucune disposition sur les rédactions, et pourtant, celles-ci existaient bel et bien !

Mme Catherine Tasca.  - Faisons du neuf !

M. Jacques Legendre, président de la commission.  - Il n'y a pas d'ambiguïté sur le sens de cette proposition. L'amendement démontre notre souci de rapprocher les points de vue, tant en commission qu'en séance publique, et je souhaite qu'il soit adopté.

M. David Assouline.  - Mme la ministre nous dit : le singulier peut laisser penser qu'il existe une seule rédaction pour l'ensemble des chaînes. Mieux vaut rectifier l'amendement pour interdire une telle interprétation. Écrivons que les services disposent « chacun » d'une rédaction propre.

M. Michel Thiollière, rapporteur.  - Soit ! Avis favorable à l'amendement n°306 rectifié bis.

M. Hugues Portelli.  - A l'occasion de la révision constitutionnelle de juillet dernier, le législateur a décidé d'être plus intransigeant sur la rédaction des textes et de suivre le conseil de Portalis en refusant les lois bavardes. Il va de soi que chaque service a sa rédaction, sinon il n'existerait pas ! Nul besoin de l'écrire.

Mme Catherine Tasca.  - C'est une question de conscience.

L'amendement n°306 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°114, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :

« Elle assure la diversité et le pluralisme de ses programmes. Ce pluralisme s'entend dans le domaine politique et assure notamment une juste répartition du temps de parole politique sur le fondement de la représentativité parlementaire des partis et de leur représentativité dans les assemblées des collectivités territoriales (régions, départements, communes de plus de 10 000 habitants), ce conformément aux exigences de l'article 1er de la Constitution qui proclame que l'organisation de la République est décentralisée. Les modalités de cette représentativité sont précisées par décret en Conseil d'État. Le pluralisme s'entend également dans l'ensemble des programmes de culture et de divertissement en termes culturels, artistiques et sociétaux afin d'élargir l'accès à l'antenne d'artistes, auteurs, interprètes, courants esthétiques et générationnels selon des modalités émancipées de la logique de l'audimat. En matière de fictions nationales et européennes, ce pluralisme s'apprécie notamment dans le choix des thématiques, des auteurs, des interprètes, indépendamment des logiques de formatage, de marketing et du star-system.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Le pluralisme ne s'arrête pas à la seule politique, il concerne l'ensemble des programmes, information, divertissement, culture. Il y a dix ans déjà, Jack Ralite avait déposé une proposition de loi tendant à instaurer le pluralisme dans toutes les catégories de programmes.

Puisque la suppression de la publicité vise à libérer le service public de la dictature de l'audimat et du mercantilisme, il est légitime de donner plus d'audace à la création et de faire plus de place aux divers talents, y compris ceux qui sont moins exposés aujourd'hui à la télévision.

Saisissons la seule opportunité qu'offre ce projet de loi : émancipons le service public par rapport à une forme de censure qui conduit à un formatage des émissions -il faut avant tout plaire à la ménagère de moins de 50 ans. Ce conformisme, cette aseptisation contribuent à une uniformisation des esprits. Il est temps de substituer à la politique de la demande une politique de l'offre et du désir.

La programmation est l'affaire des professionnels, mais donnons-leur toute latitude pour oser renouveler les formes et les contenus. Le partage des idées et des réflexions appartient à toutes les catégories. Certains films questionnent plus qu'un journal télévisé. Confortons le pluralisme éditorial de l'ensemble des programmes.

L'enjeu est que la télévision publique demeure un grand média populaire. Les émissions cultes sont souvent celles qui ont surpris le spectateur par leur liberté de ton et leur nouveauté formelle. Nous avons besoin de regards pluriels pour décrypter un monde de plus en plus complexe. Ne nous privons pas d'oeuvres nationales, européennes ou issues de continents qui n'ont pas la force de frappe nécessaire à une diffusion à l'étranger...

M. Michel Thiollière, rapporteur.  - Cette revue de détail constitue un véritable cahier des charges. Même si la commission est sensible à ces questions, elle ne peut accepter d'inscrire dans la loi un tel catalogue.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Avis défavorable également : les décrets retraçant le cahier des charges doivent être soumis au CSA, faire l'objet d'une consultation des assemblées territoriales outre-mer, des conseils d'administration, etc. En outre, je m'étonne de l'apparition de certaines notions telles que « star system ». M. Ralite souscrit-il à l'idée de les inscrire dans la loi ?

L'amendement n°114 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°297, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle édite et diffuse un service dénommé France 2 chargé de concevoir et de programmer des émissions de télévision destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. Ce service propose une programmation généraliste, de référence et diversifiée à l'intention du public le plus large, favorise la création de productions télévisuelles originales et assure une information nationale et internationale.

M. David Assouline.  - France 2 est le vaisseau amiral de France Télévisions. La « deuxième chaîne » a commencé à émettre en 1963. Or, 45 ans plus tard, il se trouve encore des gens pour désigner France 2 comme « la deuxième chaîne », ce qui prouve l'attachement de nos concitoyens à un service qui a produit des moments inoubliables : je songe aux émissions telles que Les dossiers de l'écran, Les Shadocks, Des chiffres et des lettres, Le Grand échiquier ! Et aux grandes séries, Arsène Lupin, Les Brigades du Tigre ou Les Rois maudits. Soit dit en passant, en dépit de tous les moyens dont elle a disposé, la version récente ne peut faire oublier celle des années soixante-dix, qui nous subjugue encore !

Antenne 2 est née le 1er janvier 1975. Elle a diffusé Apostrophes, Champs-Elysées, elle a créé le premier journal télévisé du matin en 1985 : une audace, à l'époque. La publicité a fait quant à elle son apparition en 1971.

Ces rappels suffisent à démontrer l'importance d'une télévision généraliste, diversifiée, ambitieuse, remplissant parfaitement sa mission de service public.

J'ajoute, pour ceux qui trouvent le paysage trop figé, que l'histoire de la deuxième chaîne est bien une histoire d'innovation et d'audace. Nous entendons pérenniser son existence dans la loi.

M. Michel Thiollière, rapporteur.  - Je comprends et partage la nostalgie de M. Assouline, mais c'est l'avenir de l'audiovisuel public que nous devons préparer. Défavorable.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Même avis, même si j'ai moi aussi de bons souvenirs...

M. Hugues Portelli.  - Ne regardons pas dans le rétroviseur, nous devons nous préoccuper de ce que sera l'audiovisuel public de demain et d'après-demain. Nous ne pouvons pas légiférer en rendant un culte à la télévision de papa ou de grand-papa ! Voulons-nous un audiovisuel public ? Voulons-nous lui donner les moyens d'exister ? Voilà les vraies questions qu'il nous revient de traiter ! Ensuite, il vivra sa vie de lui-même.

M. David Assouline.  - La deuxième chaîne a toujours été en avance sur son temps ! Elle va encore évoluer, c'est évident, mais nous ne voulons pas qu'elle soit sacrifiée. Il n'y a aucun conservatisme dans notre position. Chacun a bien compris qu'il n'était pas question de nom ou de logo mais de périmètre.

Je n'ai jamais pensé que la modernité était le reniement du passé, je crois l'avoir prouvé dans mes travaux récents. Pour avoir scandé dans ma jeunesse « Du passé faisons table rase ! », je sais aujourd'hui qu'ainsi on fait table rase de tant de choses ! Et on ne prépare pas l'avenir. Il faut savoir d'où l'on vient, accepter les mutations et être porté par une histoire : c'est comme cela qu'on réforme. Je suis persuadé que les réformes passeraient mieux si on ne les annonçait pas en proposant d'abord de tout casser.

M. Portelli estime peut-être que nos débats se prolongent à l'excès ; que n'a-t-il montré autant d'énergie pour dénoncer le fait que l'essentiel de la loi soit appliqué avant que nous en débattions ! Le Parlement a été bafoué, mais la colère des parlementaires de droite a été bien discrète !

L'amendement n°297 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°298, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle édite et diffuse un service dénommé France 3 chargé de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local, destinées à être diffusées sur tout ou partie du territoire métropolitain. Ce service propose une programmation généraliste et diversifiée. Elle assure en particulier une information de proximité et rend compte des événements régionaux et locaux. Elle contribue à la mise en valeur de la richesse de ces territoires et contribue à favoriser l'expression des langues régionales.

Mme Bariza Khiari.  - France Régions 3 a été créée en 1974 lors de l'éclatement de l'ORTF. Le démantèlement de France Télévisions, au regard du sous-financement structurel de l'audiovisuel public organisé par ce texte, met l'existence même de cette chaîne en danger. France 3 est la chaîne la plus exposée alors que ses rédactions nationale et européenne, ses 24 rédactions régionales, ses 35 rédactions locales, ses 55 bureaux décentralisés en font un réseau sans équivalent en Europe. France 3 est présente sur tous les supports, elle met ses programmes à la disposition de toute la population française, elle diffuse en sept langues régionales et produit 400 reportages chaque jour ; elle démontre ce que l'innovation peut apporter à la proximité. Or vous réduisez ce que M. Sueur a appelé son identité humaine à une identité juridique. Et elle pourrait devenir une variable d'ajustement dans les années qui viennent.

La conséquence de la réforme aura été que les décrochages de 19 h 55 ont été supprimés pour diffuser les dernières minutes de publicité avant 20 heures ! Seul le journal de 18 h 38 subsiste, mais pour combien de temps ? La vente à la découpe de France 3, leur chaîne préférée, à la presse quotidienne régionale affecterait profondément les Français. Je ne parle ici ni du passé ni de l'avenir mais du présent. Le corollaire d'une mondialisation désincarnée, c'est l'ancrage dans un territoire, dont la spécificité est précisément valorisée par FR3. Les élus locaux, en relayant les inquiétudes des personnels, marquent leur attachement à la continuité du service public de l'audiovisuel sur l'ensemble du territoire, que ne pourront assurer des opérateurs privés.

Il est donc essentiel que la loi garantisse la présence d'un service audiovisuel public de proximité, offrant à tous les Français un accès à des programmes diversifiés et de qualité et à une information pluraliste couvrant tant le local que l'international.

M. Michel Thiollière, rapporteur.  - Même avis qu'à l'amendement précédent. L'existence d'une société de programmes de proximité, irriguant tout le territoire, est garantie par la loi comme par le cahier des charges de France Télévisions, ce qui nous satisfait mais ne nous empêchera pas d'être vigilants.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Avis défavorable. Je voudrais qu'on cessât de parler de sous-financement : le budget de France Télévisions atteint 3 milliards d'euros, dont 2,5 de ressources publiques ; en ces temps de crise du marché publicitaire, c'est considérable.

La dimension régionale et locale est bien présente dans le texte, dans le cahier des charges aussi. Dire qu'on va la sacrifier relève du fantasme, comme cette affaire de vente supposée à la presse quotidienne régionale. Quand on connaît la situation de cette dernière... Le temps d'information va même être augmenté dans les journaux régionaux et locaux et aussi dans Soir 3.

Mme Catherine Tasca.  - Sans moyens !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Vous ne m'avez pas convaincu. Qui ouvre ses yeux et ses oreilles sait que vous n'avez pas plus convaincu les personnels qui s'inquiètent pour leur avenir et celui de leur entreprise. Comment affirmer que FR3 continue comme avant alors que la rediffusion du journal local à 19 h 50 a déjà été supprimée, que l'information, à laquelle les Français sont très attachés, a déjà été amputée ?

L'amendement n°298 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°301, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle édite et diffuse un service dénommé France 5 chargé de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère éducatif et favorisant l'accès au savoir, à la connaissance et à la formation, destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. Cette programmation doit contribuer à l'éducation à l'image et aux médias. Ce service favorise la diffusion de programmes éducatifs et de formation sur des supports diversifiés ainsi que leur utilisation par d'autres services de communication audiovisuelle et par les organismes d'enseignement et de formation.

Mme Catherine Tasca.  - Au risque d'aggraver l'impatience, je rappellerai que cet amendement a pour objet le maintien de France 5 dans son périmètre actuel. Nous ne plaidons pas pour le statu quo, nous considérons plutôt qu'avec l'effort consenti par la Nation pour une chaîne de la connaissance et du savoir, il est de notre devoir d'affermir le socle de cette société. France 5 est encore toute jeune et quand elle a été lancée, en décembre 1994, peu d'observateurs auraient parié sur le succès qu'elle connaît quinze ans plus tard. L'ambition était de rattraper notre retard sur les États-Unis, le Canada, le Japon et le Royaume-Uni où une chaîne comme Channel Four prouve qu'il y a une audience pour les programmes éducatifs. En 2008, France 5 rassemble 5,5 % des téléspectateurs, ce qui la classe au cinquième rang des chaînes nationales alors qu'elle partage son temps d'antenne avec Arte. Elle obtient dans le PAF un remarquable niveau d'audience parce que, devenue la chaîne du décryptage avec des émissions comme « C dans l'air » et des documentaires attractifs, elle a affirmé une identité esthétique.

Diffusée 24 heures sur 24 sur la TNT, et dans une vingtaine de pays africains sur le satellite, elle a développé une offre globale. Avec 20 millions de pages consultées, son site internet accueille 3,5 millions de visiteurs par mois. Ce succès public tient à ce que l'on peut accéder gratuitement à ses programmes une semaine après leur diffusion. France 5 a vu ses efforts couronnés en juin 2007 par le prix de la meilleure chaîne télévisée lors du grand concours médias de CB News.

France 5 joue pleinement son rôle au sein de France Télévisions, en permettant aux Français de se cultiver et même de se former, car elle offre entre télévision et monde éducatif un pont dont on avait grand besoin. Il est très important de pérenniser ce succès et que, comme dans la signalétique de France Télévisions ou chaque chaîne est associée à une couleur, elle garde son identité.

M. Michel Thiollière, rapporteur.  - Je rejoins Mme Tasca sur la qualité de cette chaîne que nous sommes nombreux à apprécier mais la commission est défavorable pour les raisons déjà exposées.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons, quoique je m'associe à ce qui a été dit sur France 5, chaîne du décryptage et de la connaissance.

L'amendement n°301 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°302, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle édite et diffuse un service dénommé Réseau France Outre-mer, chargé de concevoir et de programmer des émissions de télévision et de radio destinées à être diffusées dans les collectivités françaises d'outre-mer. Ce service assure la promotion de la langue française ainsi que celle des langues et cultures régionales. Les émissions des autres services de France Télévisions sont mises à sa disposition à titre gratuit. Les programmes qu'il produit sont mis gratuitement à la disposition de la société France Télévisions ainsi que de la société Radio France qui assurent la promotion et le rayonnement des cultures de la France d'outre-mer en métropole. Il assure la continuité territoriale des autres services de France Télévisions, suivant des dispositifs qui peuvent être différenciés, en prenant en compte les particularités propres des départements d'outre-mer ou de la collectivité départementale de Mayotte, selon des modalités déterminées par son cahier des missions et des charges, après consultation de chaque conseil régional. Il conclut des accords pluriannuels de coopération avec la société Radio France, notamment en matière de développement, de production, de programmes et d'information.

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Regardée par 80 % des foyers ultramarins, RFO propose 57 000 heures de programmes de proximité dont 6 000 heures de production propre. La TNT en propose une sélection en Ile-de-France. Miroir de la France ultramarine, elle est aussi la vitrine d'une France multiple. RFO s'équipe pour faire face à de nombreux besoins comme cela a été le cas à la Réunion en 2007. Elle s'est installée dans les locaux de France Télévisons Interactive et, en raison de l'éclatement des sites, elle emploie 1 500 salariés permanents et 400 qui ne le sont pas. Elle joue fréquemment un rôle essentiel au service de nos concitoyens, leur prodiguant assistance et conseil, ainsi lors du cyclone Gamède à la Réunion ou de la tempête Dean à la Martinique et en Guadeloupe. Il est donc primordial de la maintenir et de la sécuriser.

M. Michel Thiollière, rapporteur.  - Avis également défavorable, même si nous savons la qualité de cette chaîne pour l'outre-mer.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°302 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°303, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle édite et diffuse un service dénommé France 4 chargé de concevoir et de programmer des émissions de télévision en direction des nouvelles générations avec notamment une offre de rendez-vous en direct sur des manifestations culturelles, sportives, musicales, théâtrales, évènementielles, et des programmes visant à promouvoir les nouveaux talents et reflétant la création actuelle.

M. Serge Lagauche.  - Le basculement au tout numérique se profile : il est essentiel de développer l'offre de chaînes numériques sur France Télévisions. La loi doit prévoir que des chaînes thématiques complètent les chaînes historiques diffusées en analogique. Il s'agit de donner à la télévision publique la mission légale de diffuser des services répondant aux besoins d'un public aux nouvelles formes de consommation culturelle et aux équipements très performants. C'était d'ailleurs l'objet du projet élaboré par Marc Tessier lors de la loi Trautmann-Tasca. Il faut garantir la présence du service public dans un panier pluraliste des chaînes thématiques. Notre amendement a donc pour objet d'inscrire dans la loi l'existence de France 4, diffusée gratuitement en numérique, chaîne des 15-34 ans. S'adressant à une génération qui revendique une liberté de ton et de pensée, ses programmes privilégient l'éclectisme et participent à la diversité de l'offre pour un public actif et exigeant.

M. Michel Thiollière, rapporteur.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons.

Mme Christine Albanel, ministre.  - De même.

L'amendement n°303 n'est pas adopté.

Prochaine séance, lundi 12 janvier 2009, à 15 heures.

La séance est levée à minuit quinze.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du lundi 12 janvier 2009

Séance publique

A 15 HEURES ET LE SOIR

- Suite de la discussion du projet de loi organique (n° 144, 2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France et du projet de loi (n° 145, 2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Rapport (n° 150, 2008-2009) de Mme Catherine Morin-Desailly et M. Michel Thiollière, fait au nom de la commission des affaires culturelles.

Avis (n° 152, 2008-2009) de M. Bruno Retailleau, fait au nom de la commission des affaires économiques.

Avis (n° 151, 2008-2009) de M. Joseph Kerguéris, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.