COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mardi 12 décembre 2023

- Présidence de M. Éric Coquerel, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale -

La réunion est ouverte à 21 h 05.

Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2024

Par lettre en date du 12 décembre 2023, Mme la Première ministre a fait connaître à M. le Président du Sénat et à Mme la Présidente de l'Assemblée nationale que, conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution, elle avait décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2024.

L'Assemblée nationale et le Sénat ont désigné :

- Membres titulaires :

• Pour l'Assemblée nationale :

MM. Jean-René Cazeneuve, Mathieu Lefèvre, Mme Nadia Hai, MM. Jean-Philippe Tanguy, Éric Coquerel, Mmes Véronique Louwagie et Marina Ferrari.

• Pour le Sénat :

MM. Claude Raynal, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Stéphane Sautarel, Bernard Delcros, Thierry Cozic et Didier Rambaud.

- Membres suppléants :

• Pour l'Assemblée nationale :

MM. Benoit Mournet, Philippe Lottiaux, Mmes Charlotte Leduc, Christine Pires Beaune, Christine Arrighi, M. Charles de Courson.

• Pour le Sénat :

Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Laurent Somon, Michel Canévet, Mme Isabelle Briquet, MM. Pascal Salvodelli, Emmanuel Capus et Grégory Blanc.

La commission mixte paritaire s'est réunie le 12 décembre 2023, au Palais Bourbon.

Elle a désigné :

- M. Éric Coquerel en qualité de président et M. Claude Raynal en qualité de vice-président ;

- MM. Jean-René Cazeneuve et Jean-François Husson en qualité de rapporteurs, respectivement pour l'Assemblée nationale et le Sénat.

Étaient également présents M. Mathieu Lefèvre, M. Jean-Philippe Tanguy, Mmes Véronique Louwagie et Marina Ferrari, députés titulaires, et M. Benoit Mournet, Mme Christine Arrighi, M. Charles de Courson, députés suppléants, ainsi que Mme Christine Lavarde, MM. Stéphane Sautarel, Bernard Delcros, Thierry Cozic et Didier Rambaud, sénateurs titulaires, et Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Laurent Somon, Michel Canévet, Mme Isabelle Briquet, MM. Emmanuel Capus et Grégory Blanc, sénateurs suppléants.

À l'issue de l'examen en première lecture par chacune des assemblées, 241 articles du projet de loi de finances pour 2024 restaient en discussion. En application de l'article 45 de la Constitution, la commission mixte paritaire a été saisie de ces articles.

M. Éric Coquerel, député, président. L'Assemblée nationale a été saisie d'un projet de loi qui comprenait 60 articles. Le Gouvernement a engagé sa responsabilité sur un texte comprenant 235 articles, qui a été considéré comme adopté par l'Assemblée nationale le 9 novembre dernier. Le Sénat, pour sa part, a adopté conformes 109 articles, en a modifié 96, en a supprimé 30 et a également introduit 115 nouveaux articles. Notre commission mixte paritaire est donc chargée d'élaborer un texte sur 241 articles restant en discussion, même s'il semble difficile d'espérer qu'elle parvienne à un accord.

M. Claude Raynal, sénateur, vice-président. Pour notre part, nous avons eu la chance de pouvoir étudier le projet de loi de finances dans son intégralité, tant sur les recettes que sur les dépenses. Ayant consacré beaucoup de temps et d'énergie à ce travail, nous espérons que la version définitive en conservera quelques traces.

M. Jean-François Husson, rapporteur pour le Sénat. Je suis inquiet des conditions démocratiques dans lesquelles nous examinons les textes financiers, en particulier de l'usage qui est fait du 49.3. Comme l'année dernière, l'Assemblée nationale n'a pas pu voter formellement le PLF, et ne l'a que peu examiné. Cette année, aucun amendement de première partie n'a été débattu en séance publique à l'Assemblée, alors que le Sénat y a consacré plus de soixante-dix heures. Que restera-t-il de notre travail ?

Pour illustrer mon propos, je citerai l'exemple de l'article qui multiplie les exonérations fiscales en faveur des fédérations sportives olympiques, dit « paradis fiscal Fifa », article jamais examiné par l'Assemblée nationale et supprimé à l'unanimité au Sénat. Faut-il se résoudre à le retrouver dans le texte final après un nouveau recours au 49.3 ?

J'en viens au coeur de nos discussions. Le Sénat a modifié, inséré ou supprimé bon nombre de mesures en première lecture. Plusieurs modifications ont même été votées contre l'avis de la commission des finances - c'est le jeu démocratique. Je pense à de nombreuses dispositions qui augmentent les impôts, comme la hausse du taux de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), les modifications des régimes fiscaux de l'assurance vie, du plan d'épargne logement (PEL) et du compte épargne logement (CEL), ou encore la création d'une taxe sur les rachats d'actions.

Par ailleurs, à l'initiative de la commission des finances ou avec son accord, le PLF a été substantiellement amendé sur plusieurs sujets majeurs.

Le premier concerne la fiscalité du logement : nous avons ouvert des pistes qui, certes, ne prétendent pas régler la crise profonde que traverse le secteur mais qui nous semblent opportunes. Le Sénat a ainsi adopté des dispositifs d'incitation fiscale favorisant les donations en faveur de la primo-acquisition de résidences principales et de leur rénovation. Il a également maintenu le prêt à taux zéro (PTZ) dans le neuf sur tout le territoire national.

Le deuxième concerne la fiscalité énergétique. Le Sénat a souhaité réformer le bouclier tarifaire électricité, dispositif d'aide indiscriminée bénéficiant surtout aux déciles de revenus supérieurs et entraînant une baisse massive d'impôts de 4,6 milliards d'euros. Dans la situation actuelle des finances publiques, il nous a paru difficilement défendable de dépenser des centaines de millions d'euros - financés par la dette - en faveur des ménages qui n'en ont pas ou peu besoin.

Le Sénat a également supprimé la possibilité pour l'exécutif de doubler par simple arrêté le tarif de l'accise sur le gaz. Il aura fallu attendre l'amendement de coordination du Gouvernement à l'article d'équilibre, en fin de première partie, pour comprendre que son intention était bien de majorer de 1,9 milliard d'euros la fiscalité sur le gaz. Cette trop grande liberté laissée à l'exécutif ne respecte pas les prérogatives du Parlement.

Le troisième sujet concerne les collectivités territoriales. Le Sénat a, de différentes manières, soutenu leur financement : augmentation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) plus importante que celle prévue par le Gouvernement, stabilisation des variables d'ajustement, financement de la péréquation verticale par l'État et non par les collectivités locales elles-mêmes. Nous avons également voté un fonds de soutien spécifique en faveur des départements en difficulté plus significatif que celui voulu par le Gouvernement, et proposé un fonds pour faire face aux situations d'urgence climatique.

En matière d'écologie, nous avons prévu d'affecter une partie de la fiscalité des énergies aux collectivités territoriales pour financer la transition écologique. Nous avons aussi proposé de puiser dans les quotas carbone pour soutenir les politiques de transport des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) en province, Île-de-France Mobilités étant traitée à part. On ne peut augmenter indéfiniment la pression fiscale sur les entreprises au moyen du versement mobilité.

Le Sénat a également adopté d'autres mesures, dont j'espère qu'elles pourront prospérer dans la suite de l'examen du texte : création d'une taxe dite « streaming » affectée au financement du Centre national de la musique (CNM) - la majorité a déposé un amendement en ce sens à l'Assemblée nationale mais nous ne savons toujours pas si le Gouvernement acceptera cette disposition ; réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR), transformées en zonage France ruralités revitalisation (FRR) ; remise à plat de la réforme des redevances pour les agences de l'eau pour laquelle la Première ministre a annoncé un revirement gouvernemental alors même que le débat avait lieu au Parlement.

Nos deux assemblées pourraient s'accorder sur une partie de ces dispositions. Toutefois, un problème rédhibitoire demeure : le texte issu de l'Assemblée n'engage aucun redressement des comptes publics, en dépit des déclarations du ministre de l'économie et des finances, qui s'apparentent à des contre-vérités, voire à des mensonges. La situation des finances publiques est malheureusement catastrophique. L'explosion de la charge de la dette se traduira pour les Français soit par des coupes brutales dans la dépense et les politiques publiques, soit par des hausses d'impôts, que l'on voit déjà poindre dans certains renoncements de l'exécutif.

De son côté, le Sénat a pris ses responsabilités. Il n'est pas facile pour des parlementaires dans l'opposition de proposer, de défendre et de voter des économies contre l'avis du Gouvernement. C'est pourtant ce que nous avons fait dans ce PLF : 2,7 milliards d'euros d'économies grâce à un meilleur ciblage des aides à l'électricité, moins 1,4 milliard d'euros pour le plan de relance, moins 700 millions d'euros de surbudgétisation pour l'enseignement scolaire, moins 600 millions d'euros pour les aides à l'apprentissage ; économie de 410 millions d'euros avec la transformation de l'aide médicale d'État (AME) en aide médicale d'urgence (AMU) ; moins 220 millions d'euros grâce à un allongement du délai de carence pour les arrêts de travail dans la fonction publique d'État ; réforme de l'audiovisuel public entraînant une économie de 200 millions d'euros ; moins 200 millions d'euros encore pour l'aide publique au développement ; économie de 150 millions d'euros avec la baisse des effectifs des opérateurs de l'État. Si elles ne sont pas l'alpha et l'oméga d'une bonne gestion des finances publiques, ces pistes ont le mérite d'exister, alors que le Gouvernement ne propose que des augmentations de dépenses, aucune économie et un déficit qui se maintient à des niveaux hors de tout contrôle - près de 150 milliards d'euros, alors qu'il s'établissait à 90 milliards d'euros avant 2020.

Certes, le Sénat a rejeté plusieurs missions budgétaires pour marquer son opposition aux politiques menées - Administration générale et territoriale de l'État ; Plan de relance ; Cohésion des territoires ; Immigration, asile et intégration ; Sports, jeunesse et vie associative - mais c'est bien la trajectoire budgétaire proposée qui rend inconciliables les positions des deux chambres. Je ne peux qu'espérer que le Sénat aura eu raison trop tôt et que 2024 sera l'année du sursaut de l'exécutif. Je disais déjà cela l'année dernière : voilà qui ne m'invite pas à l'optimisme.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur pour l'Assemblée nationale. Je veux tout d'abord vous rassurer : le débat a bien eu lieu à l'Assemblée nationale. Nous avons examiné l'intégralité du texte en commission pendant de nombreux jours, ainsi que la deuxième partie en séance pendant une petite semaine.

Il n'y a en effet pas de suspense sur l'issue de la CMP, qui ne permettra pas d'aboutir à un texte commun. Mon propos s'attachera à montrer que les éléments macrobudgétaires qui caractérisent le texte du Sénat masquent en réalité un bilan moins avantageux qu'avancé, avec des économies qui ne sont pas toujours réelles, des dépenses nouvelles qui, elles, sont tout à fait effectives, une forte augmentation d'impôt sur l'électricité consommée par les ménages et une politique coûteuse en faveur des collectivités territoriales.

Le texte du Sénat est incomplet. Si le déficit est ramené à 101 milliards d'euros, contre 143 milliards dans le texte issu de l'Assemblée nationale, c'est parce que le Sénat a rejeté les crédits de cinq missions budgétaires pour un montant proche de 30 milliards d'euros. Dans ces conditions, il est assez facile d'afficher un meilleur déficit ! Certes, ces suppressions ont une signification politique mais, d'un point de vue législatif, c'est bien à zéro que le Sénat a ramené les crédits de ces cinq missions, ainsi que les crédits de l'audiovisuel public. Nous ne pouvons pas accepter ces votes car nous devons donner aux services publics les moyens de fonctionner.

Le Sénat a par ailleurs supprimé les crédits affectés à l'amortissement de la dette covid, s'élevant à 6,5 milliards d'euros. Il ne s'agit pas d'une véritable économie puisque cela n'a pas d'impact sur le montant emprunté par l'État.

Le Sénat affiche en outre des amendements d'économies pour un montant de 2,8 milliards d'euros. Certains éléments sont intéressants, comme la rationalisation des aides versées aux entreprises au titre de l'embauche d'apprentis pour un montant de 600 millions. Le Sénat les a supprimées pour les entreprises de plus de 250 salariés embauchant des apprentis à partir du niveau bac + 3. Le Gouvernement ne sera sans doute pas convaincu mais il importe que les parlementaires se fassent entendre sur ce sujet.

D'autres mesures me semblent politiquement discutables : réduction de 410 millions du financement de l'AME, 220 millions d'euros d'économies avec l'allongement du délai de carence dans la fonction publique - je ne suis d'ailleurs pas certain d'avoir compris si le Sénat était favorable ou non au passage à trois jours de ce délai de carence. Je n'ai pas compris non plus quels opérateurs de l'État seraient affectés par la réduction des effectifs, mesure que vous estimez à 150 millions d'euros, car aucun amendement n'en donne le détail.

Pour le reste, les économies proposées par le Sénat ne semblent pas correspondre à de réelles mesures de baisse de la dépense publique. Ainsi, l'annulation de crédits au titre de sous-consommations supposées - 700 millions pour la formation des enseignants, 165 millions pour la compensation carbone des entreprises électro-intensives, 100 millions pour les crédits non répartis - ne changera pas le déficit constaté. Ce ne sont pas de vraies économies.

Par ailleurs, le Sénat a adopté des amendements de crédits nouveaux pour un montant de 3,3 milliards. Ce sont de véritables dépenses. Je ne discuterai pas l'opportunité politique des choix du Sénat mais le fait est qu'ils sont quasiment tous gagés. En réalité, votre texte creuse le solde effectif.

S'agissant des recettes, le texte du Sénat a augmenté les recettes fiscales nettes, c'est-à-dire les impôts, de 1,7 milliard. Je trouve intéressante la démarche tendant à modérer le coût du bouclier tarifaire en 2024 mais la méthode me semble trop radicale : la hausse de l'accise sur l'électricité en contrepartie d'une aide pour les ménages modestes provoquerait une hausse du coût de l'électricité pour tous les Français : ce n'est pas ce que nous voulons. Le chèque que vous proposez en faveur des plus fragiles laisserait les classes moyennes face à une augmentation de 20 % de leur facture d'électricité.

Par ailleurs, je n'ai pas compris que le Sénat ne tire pas les conséquences de son propre vote sur l'accise sur le gaz. En refusant à l'exécutif la faculté d'augmenter les impôts et en supprimant les recettes correspondantes, il creuse le déficit de 1,9 milliard. Il y a de plus un certain paradoxe à augmenter l'accise sur l'électricité, qui est une énergie décarbonée, et à baisser l'accise sur le gaz, qui est une énergie fossile : cela ne va pas dans le bon sens. Le choix que nous avons fait me paraît plus raisonnable et plus respectueux de la transition écologique.

Le texte du Sénat ouvre en faveur des collectivités territoriales plus de 3 milliards supplémentaires : 1,6 milliard de prélèvements sur recettes supplémentaires, affectation d'une fraction du produit des enchères carbone aux AOM pour 250 millions, fusion des taxes sur les logements vacants pour 200 millions... Beaucoup de leviers sont actionnés par le Sénat, en contradiction avec ses propres votes en la matière sur le projet de loi de programmation des finances publiques.

Le texte issu du Sénat, loin de manifester une discipline budgétaire accrue par rapport à celui de l'Assemblée nationale, contribue à dégrader le solde de l'État.

Je salue néanmoins ce travail ; beaucoup de votes devront être pris en considération dans la suite de la navette. En ce qui nous concerne, nous restons attachés à la loi de programmation des finances publiques et à la politique économique et fiscale appliquée depuis 2017 en faveur du plein emploi et du dynamisme de notre économie.

M. Éric Coquerel, député, président. Je me réjouis du fait que M. le rapporteur général de l'Assemblée nationale ait salué le travail de la commission, mais c'est bien un texte élaboré par le seul Gouvernement, et qui tient très peu compte de ces travaux, qui a été transmis au Sénat. Le texte du Sénat a été, lui, voté par les sénateurs.

M. Charles de Courson, député. Le rapporteur pour le Sénat peut-il préciser la nature du fonds d'urgence créé pour les départements ?

M. Stéphane Sautarel, sénateur. S'agissant de l'article 7 et en particulier sur la transformation des ZRR en zonage FRR, je souligne que les avancées votées au Sénat ont reçu des avis de sagesse ou des avis favorables du Gouvernement. Nous espérons donc fortement qu'elles seront reprises dans le texte final.

Mme Christine Arrighi, députée. Le groupe Écologiste regrette évidemment la pratique du Gouvernement, qui se dit ouvert au dialogue tout en multipliant les 49.3. Au-delà, je voudrais souligner que nous sommes catégoriquement opposés à la réforme inscrite à l'article 49 quindecies qui autorise l'utilisation d'une partie des fonds du livret A et du livret de développement durable et solidaire (LDDS) pour financer l'industrie de défense. Cet article est sans doute un cavalier budgétaire. Il est issu d'un amendement qui a été rejeté en commission à l'Assemblée nationale, mais retenu par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité ; les amendements de suppression ont été rejetés au Sénat.

Nous vivons une situation de crise : il est essentiel que ces fonds continuent de financer le logement social et la transition écologique, et particulièrement le premier. C'est l'objectif de l'épargne réglementée. Il est incohérent de transformer de cette façon le LDDS en produit financier ; cela pourrait tromper les épargnants, qui n'en ont pas été informés.

M. Bernard Delcros, sénateur. J'insiste sur le risque qu'il y aurait à exclure du zonage FRR une seule commune dans un département entièrement concerné par le zonage, au motif qu'elle aurait 21 000 habitants. Dans un département qui perd des habitants, affaiblir la ville centre affaiblirait l'ensemble du département.

M. Jean-Philippe Tanguy, député. Vous avez très bien mené les travaux de la commission des finances de l'Assemblée nationale, monsieur le président, mais il faut souligner la dégradation de la participation de la majorité relative à ces travaux. Certains votes, notamment en seconde partie, ont jeté le discrédit sur notre commission, et donné une bien mauvaise image de la majorité elle-même.

Je m'étonne que le Sénat n'ait pas modifié la fiscalité du gazole non routier (GNR) prévue par le Gouvernement. Contrairement à ce que prétend la FNSEA - Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles -, les agriculteurs n'acceptent pas cette réforme, malgré les pseudo-mesures de compensation, et protestent vigoureusement.

S'agissant du fléchage de l'épargne réglementée vers l'industrie de la défense, je crois, contrairement à Mme Arrighi, qu'il s'agit d'une bonne idée. Mais elle a raison sur le fait qu'une telle décision sur l'épargne populaire ne peut pas se prendre dans un couloir : il faut de la transparence. La confiance des Français est essentielle.

Enfin, le Rassemblement national s'oppose à la réforme du bouclier tarifaire telle qu'elle a été votée par le Sénat. Nous sommes favorables à une réforme des prix. Les classes moyennes supérieures ont le sentiment d'être les seules à payer pour financer le modèle social et économique français. Ne créons pas de nouvelle injustice !

M. Emmanuel Capus, sénateur. Le Sénat a adopté à l'unanimité un amendement qui revalorise la dotation aux scènes de musiques actuelles (Smac) de 3,68 millions d'euros ; un amendement similaire a été adopté en commission par l'Assemblée nationale. J'appelle votre attention sur le fait que le Gouvernement n'a pas levé le gage. Il y a sans doute quelque chose à faire sur ce sujet.

Mme Véronique Louwagie, députée. Je salue le travail du Sénat, et regrette à mon tour que l'usage du 49.3 par le Gouvernement n'ait pas permis l'examen en séance publique par l'Assemblée nationale du moindre article de la première partie.

Je regrette aussi que M. le rapporteur général de l'Assemblée nationale ait rejeté d'emblée à peu près toutes les mesures d'économie proposées par le Sénat, alors qu'elles représentent 7 milliards d'euros.

Le Sénat a rejeté à l'unanimité l'article instaurant un nouveau régime fiscal particulièrement accommodant pour les fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique (CIO), issu d'un amendement déposé en catimini par le groupe Renaissance. Nous sommes là face à un problème démocratique : c'est une question très sensible, un sujet d'équité et de justice fiscale. Je déplore qu'elle n'ait pas pu être abordée à l'Assemblée nationale.

Mme Marina Ferrari, députée. Je me félicite de l'abandon du recentrage du prêt à taux zéro et j'approuve l'idée d'un fonds de soutien spécifique pour les départements en difficulté comme le renforcement d'un fonds dédié aux urgences climatiques. Ce sont des mesures que le groupe Démocrate a également défendues.

Toutefois, le texte venu du Sénat est problématique. Cinq missions ont été rejetées, et parmi elles deux qui doivent pourtant retenir toute notre attention : la mission Cohésion des territoires, après les événements qu'a connus notre pays cet été, et la mission Sport, jeunesse et vie associative, en cette année olympique. Je m'étonne aussi du rejet des crédits de l'audiovisuel public.

Je regrette aussi la suppression de l'article 16 relatif à la redevance pour les agences de l'eau. On ne peut pas nier qu'il existe un problème de financement du plan « eau », pourtant crucial. Si cette réforme appelait sans doute des observations, notamment en ce qui concerne les agriculteurs, il aurait mieux valu en discuter que la supprimer entièrement.

Le Sénat a enfin voté une hausse des contributions fiscales de 1,7 milliard d'euros. Cela me paraît malvenu, même si certaines mesures sont justifiées - nous avons nous aussi défendu un amendement visant à taxer les rachats d'action, mais dans des proportions bien moindres.

M. Michel Canévet, sénateur. Le groupe Union centriste a proposé des recettes supplémentaires, qui ne doivent pas être comprises comme des hausses de fiscalité, mais comme un rééquilibrage pour des contribuables qui le peuvent, ou pour des situations qui le méritent ; je pense notamment à la taxation des rachats d'actions par les grandes entreprises. Ces hausses de recettes sont nécessaires pour réduire notre déficit.

Je souligne que nous avons également proposé des économies.

La situation de nos finances publiques est si dégradée que nous risquons de rencontrer de grandes difficultés. Il faut aussi avoir le courage de dénoncer certaines niches fiscales et de mieux lutter contre la fraude et l'optimisation fiscales. Nous devons revenir à l'équilibre aussi vite que possible.

M. Jean-François Husson, rapporteur pour le Sénat. Monsieur de Courson, nous avons proposé un fonds de 100 millions d'euros pour aider les départements, dont une vingtaine est en grande difficulté du fait de la baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et de l'augmentation de leurs dépenses, notamment de certaines allocations et du coût des emprunts. Les modalités seraient les mêmes que celles du fonds de sauvegarde des départements.

La Première ministre a annoncé une enveloppe de 53 millions d'euros. Les départements sont alors revenus vers nous pour faire valoir que cette somme insuffisante pourrait créer des situations de concurrence entre collectivités, ce qui ne semble pas souhaitable.

Sur la possibilité de mobiliser l'épargne des livrets réglementés vers le financement de l'industrie de la défense, mon amendement de suppression a en effet été rejeté : le rapporteur général n'est pas toujours suivi, c'est la démocratie qui s'est exprimée en séance publique - comme cela a été le cas pour l'ensemble du texte, en commission puis en séance publique.

S'agissant enfin de l'article « paradis fiscal Fifa », j'alerte la majorité : c'est un sujet explosif. Il faut savoir renoncer, et il s'agit là d'une vraie mauvaise idée.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur pour l'Assemblée nationale. Voilà un beau moment de débat, qui s'ajoute à tous ceux que nous avons déjà eus !

Sur les départements, il faut agir, nous le voyons tous. Nous serons présents auprès d'eux. Un dispositif est en train d'être mis en place.

Sur le zonage FRR, le Sénat a fourni un travail de qualité. Faut-il exclure les préfectures entre 20 000 et 30 000 habitants ? Les avis sont partagés et les réalités diffèrent selon les territoires. Il faut à mon sens donner plus d'attrait aux toutes petites communes. Mais j'entends votre message.

En ce qui concerne les Smac, j'entends vos propos.

Monsieur Tanguy, je sais bien que la majorité est toujours coupable de tout, mais vous ne pouvez pas nous reprocher le spectacle qu'a donné la commission des finances ! Plusieurs fois, c'est vrai, les crédits d'une mission ont été épuisés : c'est le résultat du vote de la majorité des députés présents.

S'agissant du financement de l'industrie de la défense par l'épargne réglementée, madame Arrighi, c'est déjà possible. En outre, par les temps qui courent, il me paraît indispensable d'aider notre base industrielle et technologique de défense (BITD).

Madame Louwagie, comme je l'ai montré tout à l'heure, le Sénat ne propose hélas pas 7 milliards d'économies !

Enfin, je constate que certains veulent faire de l'amendement « Fifa » un totem politique. Je souligne qu'il s'agira tout au plus d'un manque à gagner, en aucun cas de dépenses supplémentaires. Si ces fédérations internationales viennent s'installer chez nous, je m'en féliciterai. Je sais bien que certains ici n'y sont pas favorables, mais je suis pour tout ce qui nourrit l'attractivité de notre pays, comme je me félicite toujours du développement de notre activité industrielle et de la création d'emplois.

La commission mixte paritaire a alors constaté qu'elle ne pouvait parvenir à un accord sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2024 et a conclu à l'échec de ses travaux.

La réunion est close à 21 h 50.

Mercredi 13 décembre 2023

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

La réunion est ouverte à 12 heures.

Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de la Première ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie se réunit au Sénat le mercredi 13 décembre 2023.

Elle procède tout d'abord à la désignation de son Bureau, constitué de M. François-Noël Buffet, sénateur, président, de M. Sacha Houlié, député, vice-président, de Mme Catherine Di Folco, sénateur, rapporteur pour le Sénat, et de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale.

La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Les secrétaires de mairie jouent un rôle indispensable dans la très grande majorité de nos communes. Le présent texte a pour objet de revaloriser leur statut, afin de reconnaître à leur juste valeur les compétences, l'expertise et les savoir-faire que ce métier requiert ainsi que de répondre à la nécessité de recrutements importants au cours des prochaines années au regard du nombre des départs en retraite.

La proposition de loi, telle que transmise par le Sénat, comptait neuf articles. L'Assemblée nationale en a supprimé deux - les articles 2 ter et 5 - ; elle a rétabli l'article 3 et amendé les autres, ayant à l'esprit l'objectif de ce texte.

Si aucun article n'a été adopté conforme, cela tient, en grande partie, à des précisions rédactionnelles ou à des précisions enrichissant le texte, et non à des divisions de fond entre les deux chambres.

Je tiens à remercier, dès à présent, ma collègue sénateur Mme Di Folco. Nous avons eu à coeur de rechercher des compromis lorsque cela était malgré tout nécessaire, prolongeant ainsi l'approche consensuelle et constructive qui prévaut avec cette proposition de loi depuis le début de son parcours. Rappelons qu'elle a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale.

Nos positions convergent sur les articles 1er A, 1er, 2 bis A, 2 bis, 4 et 5. Nous vous proposons toutefois de clarifier la rédaction de deux d'entre eux.

À l'article 1er A, il paraît nécessaire, sans modification de fond, de couper court à toute ambiguïté : entre 2 000 et 3 500 habitants, si le choix est fait de recruter des secrétaires de mairie, ils ne peuvent l'être que dans la catégorie A. La disposition existe déjà au niveau réglementaire, mais nous avons été alertés sur le fait que la rédaction actuelle pouvait être mal interprétée.

À l'article 2 ter A, sur la demande de rapport, nous proposons de préciser les contours de la filière de formation que le Gouvernement s'engage à mettre en place.

Pour sa part, l'article 2 instaure une voie de promotion pérenne de la catégorie C vers la B au moyen d'une formation qualifiante. Le Sénat en réservait le bénéfice aux seuls secrétaires de mairie justifiant d'une durée minimale d'ancienneté. L'Assemblée nationale a souhaité en élargir la possibilité à l'ensemble des fonctionnaires de catégorie C, afin de favoriser les candidatures aux postes de secrétaire de mairie. Il nous est apparu nécessaire d'encadrer davantage le dispositif pour trouver un juste équilibre entre les versions des deux chambres et pour s'assurer que cet article apporterait bien une réponse à la pénurie actuelle des secrétaires de mairie.

Deux questions se posaient. D'une part, la formation qualifiante sera-t-elle suffisante pour que les agents promus grâce à l'article 2 soient en mesure d'exercer les fonctions de secrétaire de mairie ? D'autre part, comment nous assurer qu'ils exerceront effectivement ces fonctions une fois promus, plutôt que d'autres auxquelles ils auront désormais aussi accès ? Notre préoccupation a été d'éviter tout effet d'aubaine.

En réponse à ces considérations, nous vous proposons d'introduire une condition supplémentaire au dispositif prévu par l'article, à savoir le passage d'un examen professionnel. Par ailleurs, les agents ainsi promus ne pourront être nommés que pour exercer des fonctions de secrétaires de mairie, pour une durée minimale qui sera définie par décret.

Enfin, nous proposons de rétablir l'article 2 ter, introduit par le Sénat et supprimé par l'Assemblée nationale, et de maintenir l'article 3, supprimé par le Sénat et rétabli par l'Assemblée.

De nombreuses dispositions de ce texte auront vocation à être précisées par décret. Le ministre de la transformation et de la fonction publiques s'est engagé à mettre en place un groupe de travail avec les parlementaires volontaires sur le suivi de cette proposition de loi. Ce dernier permettra des échanges sur les sujets pour lesquels un décret est prévu.

J'espère que nos discussions nous conduiront à améliorer les perspectives et les conditions de travail des secrétaires de mairie, et à apporter des réponses à la crise que traverse cette profession.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat. - Six mois après que le Sénat a adopté, également à l'unanimité, la proposition de loi présentée par François Patriat et ses collègues du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), il nous revient d'en examiner les dispositions restant en discussion. Ce vote était intervenu deux mois après l'adoption par le Sénat de la proposition de loi déposée par Céline Brulin et ses collègues du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky (CRCE-K), et dont un certain nombre de dispositions ont été reprises, sur mon initiative, dans le texte dont nous discutons aujourd'hui.

Nous partageons tous le constat de la nécessité d'adopter rapidement des mesures concrètes pour répondre au besoin légitime de reconnaissance des agents qui exercent les fonctions de secrétaire de mairie, et de remédier au manque d'attractivité dont ce métier souffre aujourd'hui.

Lors de l'examen de cette proposition de loi, nous avons suivi, en commission des lois comme en séance publique, une ligne claire, consistant à allier la reconnaissance de la spécificité du métier de secrétaire de mairie au respect du principe d'égalité de traitement des agents publics.

L'accord trouvé avec vous, madame la rapporteure de l'Assemblée nationale, me semble déboucher sur un texte porteur d'indéniables avancées pour les secrétaires de mairie, même s'il ne réglera pas à lui seul l'épineuse question du déficit d'attractivité de ce métier.

La mesure phare de la proposition de loi réside en la consécration, dans le code général des collectivités territoriales (CGCT), de l'emploi de secrétaire de mairie comme un emploi de catégorie B au moins. Cette disposition, intégrée en séance à l'Assemblée nationale à l'article 1er A par le Gouvernement, qui s'y était engagé devant le Sénat, était très attendue.

Lors de son examen en commission, j'avais déploré que la proposition de loi reste au milieu du gué en ne prévoyant rien pour mettre en adéquation les compétences attendues des secrétaires de mairie et les responsabilités confiées avec le niveau de catégorie hiérarchique reconnu.

En tant que parlementaires, il ne nous était toutefois pas possible, en raison de l'article 40 de la Constitution, de prévoir l'obligation de nommer à un emploi de secrétaire de mairie un agent de catégorie B au moins. Après avoir refusé d'agir en ce sens au Sénat, le Gouvernement a manifestement changé d'avis et introduit à l'Assemblée nationale la disposition tant attendue.

Nous proposons une nouvelle rédaction qui préserve l'esprit des dispositions votées à l'article 1er A, tout en les précisant et en facilitant leur articulation avec les autres articles de la proposition de loi.

D'une part, seraient inscrites dans la loi les règles aujourd'hui prévues au seul niveau réglementaire, à savoir l'obligation de nommer aux fonctions de secrétaire de mairie, dans les communes de 2 000 habitants et plus, des agents de catégorie A.

Bien sûr, si le maire a déjà nommé un directeur général des services - qui ne peut que relever de la catégorie A - dans les communes de cette catégorie, il ne sera pas soumis à l'obligation de nommer en plus un secrétaire de mairie.

Dans les communes de moins de 2 000 habitants, le maire aura l'obligation de nommer au poste de secrétaire de mairie un agent de catégorie B au moins, étant entendu que rien ne lui interdit de nommer un agent de catégorie A s'il le souhaite.

D'autre part, nous proposons de distinguer deux temporalités différentes.

Dès la promulgation de la loi, les fonctions liées au secrétariat de mairie seraient inscrites dans le CGCT et l'emploi de secrétaire général de mairie serait consacré.

Nous avions discuté, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi déposée par Céline Brulin ainsi que de la présente proposition de loi, du choix d'une nouvelle appellation pour le métier de secrétaire de mairie. L'intitulé de « secrétaire général de mairie » paraît bien correspondre au niveau de responsabilités qui incombe à ces agents, et me semble participer d'une revalorisation symbolique, mais non moins importante, de ce métier. En tout cas, rien ne me semble s'opposer à l'entrée en vigueur dès la promulgation de la loi de ce nouvel intitulé.

En outre, le 1er janvier 2028 marquera le début d'une nouvelle dynamique de recrutement : à compter de cette date, les maires auront l'obligation de recruter leurs secrétaires de mairie sur des postes relevant au moins de la catégorie B. Naturellement, c'est un effort financier que nous demandons aux communes. Mais il ne me paraît pas scandaleux que l'exigence d'un niveau élevé de compétences ait un coût. Aussi suis-je convaincue que les maires joueront le jeu. Il y va de la bonne gestion des services communaux, voire de leur pérennité.

L'article 1er prévoit un plan de requalification des secrétaires de mairie de catégorie C en catégorie B, selon une voie de promotion interne dérogatoire à la règle des quotas. L'Assemblée nationale a conservé les garanties ajoutées au Sénat quant au grade exigé des fonctionnaires concernés et aux conditions d'ancienneté requise ; elle a simplement avancé au 31 décembre 2027, contre le 31 décembre 2028, la date de fin de ce dispositif exceptionnel.

Je ne reviendrai pas en détail sur les dispositions qui avaient été votées pour la première fois au Sénat à l'occasion de la proposition de loi de Céline Brulin. L'article 2 bis introduit une formation initiale obligatoire pour les agents prenant un poste de secrétaire de mairie ; l'article 2 ter vise à favoriser de façon pérenne la promotion interne de l'ensemble des secrétaires de mairie, quelle que soit leur catégorie  - mais nous visions plutôt le passage des agents de la catégorie B à la catégorie A - ; enfin, l'article 4 permet aux communes comptant entre 1 000 et 2 000 habitants de recruter des agents contractuels à temps complet aux emplois de secrétaire de mairie, sachant que, aujourd'hui, elles peuvent déjà le faire pour les emplois à temps non complet.

Aux termes de l'accord conclu avec la rapporteure de l'Assemblée nationale, nous vous proposons d'adopter ces trois articles, dans la rédaction de l'Assemblée pour les articles 2 bis et 4, et dans celle du Sénat pour l'article 2 ter.

J'en viens aux dispositions dont le Sénat ne partageait pas la philosophie initiale et pour lesquelles j'ai accepté de faire un pas vers l'Assemblée nationale. Tel est le cas de l'article 2.

En commission, nous avions jugé nécessaire de lever l'ambiguïté qui affectait la rédaction de cet article dans la version de la proposition de loi. C'est pourquoi nous avions réservé aux secrétaires de mairie déjà en poste la voie de la promotion interne par la formation qualifiante. Notre objectif était de ne pas accroître, pour l'avenir, le nombre de secrétaires de mairie issus de la catégorie C : la disposition initiale prévue à l'article 2 nous semblait en contradiction avec la conviction selon laquelle l'emploi de secrétaire de mairie doit être réservé aux catégories B et A.

De votre côté, madame la rapporteure, vous avez mis en avant la nécessité de prévoir une disposition attractive pour les agents de catégorie C qui n'exercent pas le métier de secrétaire de mairie, mais qui pourraient être intéressés. Vous avez rappelé la nécessité d'anticiper la pénurie annoncée de secrétaires de mairie en élargissant le vivier de candidats.

Je n'ignore évidemment pas les difficultés majeures qui se présenteront dans quelques années, lorsque près d'un tiers des effectifs partiront en retraite. Pour autant, il ne me semble pas pertinent d'ouvrir l'accès à la catégorie B aussi largement que le prévoyait l'article 2 adopté par l'Assemblée nationale.

Si je suis prête à accepter la philosophie générale de l'article 2, je juge indispensable de prévoir des conditions suffisantes pour garantir à la fois la compétence des agents qui bénéficieraient de la voie de promotion interne dérogatoire ainsi créée, et leur engagement de servir en tant que secrétaire de mairie.

La rédaction de l'article 2 que nous vous proposons prévoit donc les trois dispositions suivantes.

Tout d'abord, seuls les fonctionnaires de catégorie C relevant des grades d'avancement seraient éligibles, autrement dit seuls les adjoints administratifs principaux, et non les adjoints administratifs du premier grade qui sont recrutés sans concours.

Ensuite, il ne suffirait pas d'avoir suivi une formation qualifiante aux fins d'exercer les fonctions de secrétaire de mairie ; encore faudrait-il l'avoir validée par le biais d'un examen professionnel pour vérifier ainsi l'acquisition effective de savoirs et de compétences.

Enfin, l'inscription sur la liste d'aptitude du cadre d'emplois de catégorie B ne vaudrait que pour la nomination à un poste de secrétaire de mairie ; de plus, l'agent aurait l'obligation d'exercer ces fonctions pendant une certaine durée minimale, définie par décret.

L'objectif que je poursuis au travers de cette rédaction est simple : éviter le prodigieux effet d'aubaine en vertu duquel tout agent de la catégorie C, quels que soient sa filière et son métier, serait éligible à la catégorie B, en l'occurrence au cadre d'emplois de rédacteur territorial, pour la simple raison qu'il aurait été assidu à une formation de quelques semaines ou de quelques mois portant sur le métier de secrétaire de mairie - sans compter le risque que l'agent, sitôt promu rédacteur territorial, choisisse un tout autre emploi que celui de secrétaire de mairie !

C'est pourquoi je considère comme essentiels les garde-fous proposés à l'article 2, sur lesquels, avec Mme la rapporteure de l'Assemblée, nous sommes tombées d'accord.

Enfin, je vous ferai part d'un regret, celui de ne voir aucune disposition viser en particulier les secrétaires de mairie qui relèvent aujourd'hui de la catégorie B.

L'objectif prioritaire de cette proposition de loi est clair : il s'agit de consacrer les fonctions de secrétaire de mairie comme un emploi de catégorie B au moins. Mais au-delà, il importe de revaloriser cet emploi, comme l'indique l'intitulé de ce texte. Dès lors, il me semble essentiel de ne pas oublier les agents qui exercent déjà aujourd'hui les fonctions de secrétaire de mairie en catégorie B - qui représentent près d'un quart de l'ensemble des secrétaires de mairie. Une grande partie d'entre eux exercent ce métier depuis de nombreuses années, souvent dans la même commune. En raison de leur âge ou de leur situation familiale, il leur est extrêmement compliqué de passer le concours pour accéder à la catégorie A, tandis que les règles actuelles de la promotion interne de droit commun, très rigides, ne leur permettent pas non plus aisément un tel accès.

Je vous pose la question : ces agents ne méritent-ils pas également de bénéficier d'une disposition exceptionnelle favorisant leur promotion dans la catégorie supérieure, à savoir la catégorie A ? Pourquoi leur refuser ce que la loi s'apprête à accorder à leurs collègues qui relèvent aujourd'hui de la catégorie C et qui appartiendront demain à la catégorie B de manière systématique, ou presque ?

Mettons-nous un instant à leur place : comment ne pas ressentir une forme de frustration devant la requalification en catégorie B de la majorité de leurs collègues secrétaires de mairie ?

Je ne pense pas que l'intention des auteurs de cette proposition de loi ni du Gouvernement ait été de favoriser des clivages au sein de cette profession ; je crains toutefois que cela ne soit un effet secondaire de la loi.

Je m'en suis ouverte hier après-midi au ministre de la transformation et de la fonction publiques, Stanislas Guerini, qui a fait mine de ne pas voir le problème. Une disposition visant à faciliter la promotion interne des secrétaires de mairie de la catégorie B vers la catégorie A, même à titre exceptionnel et pour une durée limitée dans le temps, aurait, pour des raisons de recevabilité financière, nécessité l'accord du Gouvernement. Nous sommes donc contraints d'en rester là pour le moment ! La réintroduction de l'article 2 ter facilitera néanmoins partiellement l'accès à la catégorie A.

Mes chers collègues, nous reconnaissons tous que cette proposition de loi ne pourra pas remédier à elle seule au manque d'attractivité dont souffre le métier de secrétaire de mairie ni répondre au besoin criant de reconnaissance de milliers d'agents. Elle marque toutefois une première étape, en offrant un certain nombre d'outils, dont il reviendra aux maires de se saisir.

Surtout, il incombera au Gouvernement de travailler aux évolutions relevant du domaine réglementaire, qu'elles soient propres aux secrétaires de mairie ou communes à l'ensemble des agents publics territoriaux. À ce propos, il serait nécessaire de revoir l'ensemble des grilles indiciaires de la fonction publique territoriale.

Mme Mathilde Desjonquères, députée. - Vous mentionnez un examen professionnel après la formation qualifiante. Les examens professionnels font l'objet d'une définition juridique précise, qui prévoit l'organisation des épreuves par les centres de gestion de la fonction publique territoriale. Or les formations qualifiantes seraient ici organisées par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) ou par d'autres organismes tels que les universités, lesquels déterminent, déjà de leur côté, les modalités de validation des formations.

Le risque existe donc d'ajouter une épreuve supplémentaire. Ne serait-il pas plus avisé de faire simplement état d'une évaluation ou d'un examen, en laissant au décret d'application le soin d'en préciser les modalités en fonction des cas de figure ?

Mme Françoise Gatel, sénateur. - Merci pour ce travail positif, constructif et convergent en dépit des nuances qui persistent.

Ce texte est important d'abord pour les agents concernés, mais également pour les élus locaux et les communes. Nous ne saurions imaginer un maire accomplir son mandat sans avoir à côté de lui un ou une - il s'agit souvent d'une femme - secrétaire de mairie. Le secrétaire de mairie accomplit une mission unique. Il sécurise les décisions du maire, doit faire preuve d'anticipation et montre de multiples compétences. Il traite aussi bien des ressources humaines que des marchés publics ou des dossiers d'urbanisme, dont on sait le niveau d'exigence et le risque procédural qu'ils représentent. C'est un métier à part entière, qui suppose un sens élevé des responsabilités.

Il souffre cependant d'un déficit d'attractivité : un peu plus de 1 600 postes de secrétaire de mairie sont vacants. Nous savons que cette difficulté tient à une forme de précarité du métier ainsi qu'à des conditions d'exercice solitaire. Nombre de secrétaires de mairie sont employés à temps très partiel et se retrouvent seuls devant la complexité des dossiers.

Il nous faut prendre en considération la manière dont le métier évolue. Il arrive ainsi que des intercommunalités portent des contrats de travail, afin de constituer un pool de secrétaires de mairie, ce qui évite à ces derniers de se retrouver seuls et garantit la continuité du service dans les communes.

En ce sens, la proposition qui consiste à demander aux centres de gestion de constituer un réseau de secrétaires de mairie me semble des plus utiles. Elle est à même d'inciter ces agents à échanger sur leurs bonnes pratiques et à atténuer le risque de leur isolement au travail.

Je souscris aux propos de Catherine Di Folco sur la temporalité de la mise en place du dispositif.

Il importe aussi, tout en apportant de la reconnaissance aux agents, de sécuriser les communes prêtes à accomplir des efforts en matière de formation. La vie est ainsi faite qu'une occasion professionnelle peut à tout moment s'offrir ailleurs à une personne embauchée par une commune et qui a suivi une formation.

Enfin, les communes demeurent les employeurs et ont l'obligation d'établir des budgets de fonctionnement équilibrés. Nous pouvons nous en remettre à la responsabilité des maires qui, entendant saluer la qualité du travail de leur secrétaire de mairie et prévenir le risque d'un possible départ, leur proposeraient de passer de la catégorie B à la catégorie A. Ce n'est pas une obligation pour les maires, mais une possibilité qui leur est laissée. Faisons-leur confiance ! D'autant que le coût de la promotion restera souvent modéré, s'agissant d'emplois à mi-temps.

M. Hussein Bourgi, sénateur. - Je remercie à mon tour nos deux rapporteurs du travail de convergence effectué de concert. Nous y voyons un prolongement de l'unanimité qui s'est manifestée sur le texte tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale. Cette loi est attendue par ceux qu'elle concerne et je me réjouis de son adoption prochainement.

Lorsque nous avions adopté la proposition de loi au Sénat en juillet dernier, le ministre nous avait annoncé son inscription prioritaire à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale. La procédure a finalement pris six mois pour arriver à son terme... Mais nous y sommes habitués !

Je regrette à mon tour que les agents de catégorie B en poste n'aient pas de perspective d'évolution vers la catégorie A. Nous serons amenés à voter un texte qui concernera surtout les secrétaires de mairie de catégorie C. Il importe que nous ne laissions pas ceux de la catégorie B dans un angle mort et sous un plafond de verre qui les maintient bloqués dans cette catégorie. Ce constat nous donne dès à présent l'occasion de prendre date pour une clause de revoyure !

Les maires expriment de fortes attentes que nous avons, les uns et les autres, relayées auprès du ministre Stanislas Guerini. Celui-ci annonce depuis plusieurs mois l'arrivée prochaine d'un projet de loi sur l'attractivité de la fonction publique - l'année 2024 est évoquée. Je ne le vois toujours pas poindre à l'horizon. Je ne voudrais pas que ce projet n'aboutisse pas alors que nous nous alarmons tous des difficultés de recrutement dans les collectivités territoriales ainsi que dans la fonction publique d'État et que nous nous accordons sur le diagnostic. Nous verrons quel sera le contenu de ce projet de loi, qui soulève beaucoup d'espoir.

Le groupe de travail annoncé sur le suivi de la mise en oeuvre de la future loi relative aux secrétaires de mairie a certainement vocation à alimenter et à enrichir la réflexion du ministre et de ses équipes. Lors des auditions que nous avons organisées au Sénat, j'ai mesuré combien était parfois parcellaire la connaissance qu'ils avaient de la complexité du métier de secrétaire de mairie, qui est aux prises avec la réalité du terrain.

Enfin, les efforts que les maires et les équipes municipales consentent sur le plan financier méritent d'être également accompagnés par l'État.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat. - Madame Desjonquères, votre interrogation est légitime. L'organisation des examens professionnels ne représentera pas une charge supplémentaire pour les centres de gestion, qui s'y consacrent déjà régulièrement.

Par ailleurs, le décret à venir pourrait prévoir que si la formation est déjà sanctionnée par un examen, ce dernier sera suffisant. Cependant, à titre d'exemple, aucun certificat d'aptitude n'est délivré à l'issue d'une formation suivie au CNFPT. L'examen professionnel pourra au contraire sanctionner le suivi d'une telle formation. Le décret précisera ces points.

Mme Agnès Poussier-Winsback, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je partage l'analyse de Mme Di Folco : il appartiendra au décret de préciser dans quelles conditions le suivi d'une formation devra être sanctionné. Il sera donc nécessaire de constituer un groupe de travail réunissant les parlementaires intéressés, qui se pencheront sur le sujet.

EXAMEN DES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION

Article 1er A

L'article 1er A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 1er

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 2

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 2 bis A

L'article 2 bis A est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 2 bis

L'article 2 bis est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 2 ter A

L'article 2 ter A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 2 ter

L'article 2 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 3

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 4

M. Christophe Bex, député. - Le recours aux emplois contractuels pour les communes de moins de 2 000 habitants ne constitue pas une solution. Cette disposition rendra plus précaires ces emplois et entraînera des rémunérations moindres puisque, lorsqu'on signe ce type de contrat, on choisit l'indice qui s'applique. Or la proposition de loi vise à faire sortir ces emplois de la précarité et à les stabiliser, ainsi qu'à leur redonner de l'attractivité. L'État doit accompagner ce texte pour que nous puissions aller au bout de nos préconisations. De plus, ces personnes recrutées directement par le maire lui seront redevables, ce qui entachera l'indépendance de l'administration.

Par ailleurs, il faudrait porter une attention aux élus et aux maires, qui ont aussi besoin d'être formés, notamment pour mieux accompagner les secrétaires de mairie. De telles formations stabiliseraient le binôme constitué par le maire et le secrétaire de mairie.

Néanmoins, le texte va globalement dans le bon sens.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat. - Les personnes recrutées sur des emplois contractuels seront de catégorie B, puisque ce sera obligatoire. De plus, elles pourront ensuite être titularisées.

L'article 4 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 5 (supprimé)

L'article 5 est supprimé.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat. - Je veux remercier Mme la rapporteure de l'Assemblée nationale de son écoute pour parvenir à un consensus.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie.

La réunion est close à 12 h 35.