Mardi 22 juin 2010

- Présidence de M. Claude Birraux, député, président -

Mutation des virus et gestion des pandémies - Examen du rapport d'information

M. Claude Birraux, député, président, a rappelé que l'Office a été saisi de cette demande d'étude par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, et que les deux rapporteurs, M. Jean-Pierre Door, député, et Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, ont présenté en février dernier un rapport d'étape.

M. Jean-Pierre Door, député, rapporteur, a tout d'abord souligné que le rapport dont l'objet est relativement large aborde quatre thèmes principaux : les connaissances sur les virus et leurs mutations, comment les luttes contre le H1N1 mais aussi le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), le H5N1 et le chikungunia ont été menées, la nécessaire coordination internationale, et enfin la manière dont la puissance publique a répondu et pourrait dans l'avenir répondre à une pandémie.

Après avoir indiqué que, pour son élaboration, les rapporteurs se sont appuyés sur de nombreuses auditions, notamment à Genève, au siège de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), ainsi qu'auprès des institutions européennes chargées de la veille sanitaire et de l'autorisation des médicaments, M. Jean-Pierre Door, député, rapporteur, a formulé plusieurs observations.

En premier lieu, en dépit des recherches réalisées sur les virus, leurs mutations et leurs effets potentiels, les connaissances restent lacunaires, notamment sur les moyens permettant de se prémunir d'un virus qui combinerait les éléments les plus inquiétants du H5N1 et du H1N1. Aussi les besoins de recherche dans ce domaine sont-ils considérables, en particulier pour connaître le moment de l'attaque virale, les anticorps présents dans diverses catégories de population, les rendements des vaccins, leurs délais d'utilisation et donc leurs dates de péremption. Des études sont également nécessaires sur l'efficacité des mesures barrière (hygiène des mains, quarantaines, accroissement de la distance sociale dans les écoles et les transports), le rôle et l'efficacité des antiviraux, la manière d'identifier et de protéger les personnes à risque, mais aussi les professionnels de santé et les personnes en contact avec le grand public.

M. Jean-Pierre Door, député, rapporteur, a par ailleurs déploré l'absence ou l'insuffisance de fonds destinés à faire face à des situations exceptionnelles et insisté sur la nécessité de convaincre nos concitoyens que la vaccination reste la meilleure manière de se protéger contre une épidémie, ce qui pose le problème de la communication sur la gravité de l'attaque virale et des éventuelles contradictions entre les messages. Il a, sur ce point, observé que l'OMS se montre encore hésitante sur la diminution ou non du niveau d'alerte maximale qu'elle a décrété en avril dernier, alors que les autorités françaises ont reconnu, il y a plus de six mois, la fin du pic pandémique et en ont tiré les conséquences sur la poursuite de leur action, et jugé nécessaire de réintégrer la notion de gravité dans la définition de la pandémie, ou, à défaut, d'inventer un nouveau concept mêlant diffusion géographique et sévérité de l'attaque.

Après avoir abordé la question de l'adaptation du dispositif public de communication à l'émergence de nouvelles formes d'expression sur Internet et au développement des réseaux sociaux, M. Jean-Pierre Door, député, rapporteur, a considéré qu'il convenait de lever certains tabous qui empêchent de prévenir en temps utile les personnes sensibles, notamment en autorisant le croisement des fichiers, méthode interdite jusqu'à présent par la CNIL, et souligné l'intérêt de tirer des enseignements des exemples étrangers. Ainsi, la Chine, pays où l'on observe le plus grand nombre de personnes vaccinées, s'est dotée depuis le SRAS de structures et de moyens lui permettant de lutter contre un nouveau virus de manière aussi efficace que les autres pays, tout en utilisant son propre vaccin. L'exemple de la Suède montre combien la confiance dans le système de santé publique peut influer sur le taux de vaccination qui a dépassé 60% dans ce pays. Celui du Canada montre que les mêmes choix peuvent néanmoins déboucher sur des résultats très différents, puisque, dans ce pays, un tiers de la population s'est fait vacciner, le taux de vaccination au Québec ayant même dépassé 50 %.

M. Jean-Pierre Door, député, rapporteur, a souligné l'utilité de l'implication des agences européennes qui, du reste, interviennent lors de l'autorisation de nouveaux médicaments.

Dès 2003, l'Agence européenne des médicaments s'est préparée à une pandémie en développant le concept de dossiers maquette (mock-up) qui permettent d'inclure dans un vaccin existant une souche pandémique. Dans ce cas, il a été décidé que les essais cliniques seraient réalisés après autorisation, de manière à accélérer la mise à disposition des vaccins. Lors du H1N1, l'EMEA, contrairement aux Etats-Unis, a recommandé d'utiliser des adjuvants afin d'obtenir un vaccin qui serait à la fois efficace et de haut rendement. Les programmes de vaccination restent toutefois de la responsabilité des Etats membres.

Par ailleurs, l'ECDC, le Centre européen de contrôle des maladies, joue un rôle de coordination intéressant, mais ses moyens sont très limités, par comparaison aux structures de veille nationales et surtout par rapport au CDC américain d'Atlanta. Si cette structure est chargée d'évaluer les risques, leur gestion relève de la Commission et des Etats membres.

M. Jean-Pierre Door, député, rapporteur, a ensuite observé qu'au niveau national, le plan pandémie s'est révélé utile mais qu'il n'a pas été présenté de manière à permettre aux citoyens de se l'approprier. Ses dispositions sont souvent draconiennes, notamment lorsqu'elles envisagent des limitations des libertés publiques, et la population n'a pas compris que toutes n'ont pas vocation à être mises en oeuvre. Il s'est, à ce propos, demandé si la situation constatée en France ne s'expliquait pas par les conditions d'adoption de ce plan, lequel n'a pas été examiné par le Parlement, les mesures prises n'ayant par ailleurs pas fait l'objet d'un examen contradictoire.

Après avoir suggéré de réintroduire au niveau mondial, dans la définition de la pandémie, des éléments sur la gravité de ses effets, M. Jean-Pierre Door, député, rapporteur, a formulé, en conclusion, deux observations :

- Le H1N1 a fait moins de dommages que la grippe saisonnière alors que tous les éléments d'analyse prédisaient une vraie crise. La réaction de la population démontre l'importance de prévenir la méfiance. Plusieurs questions doivent être étudiées, sur la nature de la violence sur le « Net », sur la préférence apparente de la société pour l'irrationnel, sur la manière dont réagit la population.

- Les leçons à tirer sont multiples. La prévention est très difficile à faire admettre. Il est préférable de renforcer les liens entre les médecins de famille et les citoyens, plutôt que de les distendre. Il faut comprendre les raisons pour lesquelles beaucoup d'infirmières ont refusé la vaccination. Les doutes et les changements de cap sur le nombre d'injections et les méthodes du diagnostic biologique ont créé les ingrédients d'une crise caractérisée par la méfiance, l'apparence d'arbitraire de la « surveillance » et de nombreuses inquiétudes. Il faut à l'évidence un changement des règles, afin d'obtenir l'adhésion de la population lors d'une prochaine vraie crise.

Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, rapporteur, a rappelé que les mutations d'un virus sont fréquentes, qu'elles peuvent créer des résistances à un médicament et adapter le virus à un nouvel hôte intermédiaire, ce qui fut le cas de la dernière crise de chikungunia dans l'Océan Indien. L'histoire de différents virus de la grippe dont certains peuvent circuler simultanément est éclairante. Il y ainsi un virus H1N1, un A(H1N1) pandémique, un A(H1N1) saisonnier et le A(H3N2). Certaines zones d'ombre ne sont toujours pas éclaircies sur la circulation du H1N1 entre l'Europe, l'Asie et l'Amérique. On ne sait pas quand et où est apparu le A(H1N1) pandémique, fruit d'un réassortiment porcin, aviaire, humain, et le directeur général de l'Organisation internationale de santé animale ne considère pas pertinent le terme de grippe porcine. Le virus qui a permis la mutation n'a pas été transmis par le porc à l'homme, mais probablement de l'homme au porc.

Elle a noté que la gestion de la crise avait révélé un climat de vigilance exacerbé, alors que les connaissances étaient fragiles, ce qui a conduit à des choix discutables. L'alerte de 2005 sur le H5N1 a engendré des préparations internationales et nationales sous forme de plans pandémiques, ainsi que des précommandes de vaccins. Des crises comme la canicule ont conduit les autorités de santé à l'anticipation absolue de tout scénario catastrophe. Le 9 mars 2009, le Président Sarkozy signait au Mexique un accord y prévoyant pour 100 millions d'euros, la construction d'une usine Sanofi de vaccin pandémique et saisonnier.

Les conséquences des virus sont parfois ignorées. Il en est ainsi de leurs impacts sur l'environnement et les conditions de travail. Leurs effets sont complexes à mesurer. Si on prend un modèle mathématique de surmortalité, on risque par exemple d'attribuer à la grippe des cas de décès qui seraient dus simultanément à une autre pathologie sévissant aussi en hiver. Si on prend le nombre de consultations chez les généralistes, on peut voir la courbe monter ou descendre pour d'autres facteurs que le nombre de cas, comme la mise en fonction de call-centers en Angleterre le montre.

Puis elle a souligné que l'aide à la décision devra reposer sur une meilleure connaissance de la sérologie, qui renseigne sur l'immunité acquise de la population, et sur la pathogénicité du virus émergent. Après s'être demandé si les autorités n'auraient pas dû davantage écouter les chercheurs en santé animale qui ont très vite estimé que le virus A(H1N1) serait moins dangereux que prévu, du fait de la longueur de la tige de neuraminidase de sa surface, elle a considéré qu'il faudra vérifier les informations données, et ajouter aux données des virologues des observations cliniques sérieuses, dont le retour d'expériences de l'hémisphère sud par exemple. Sans tomber dans la thèse du complot, il faut se demander pourquoi les spécialistes de la veille sanitaire se sont ainsi laissé tromper.

La pandémie a fait l'objet de définitions variables, a-t-elle par ailleurs observé, jugeant urgent pour l'OMS de modifier la définition qu'elle en donne. C'est une question de crédibilité et d'efficacité, d'autant plus que la substitution en mai 2009 sur le site de l'OMS, d'une page avec le critère de nombre de malades et de morts, par une page ne retenant que la nouveauté du virus et sa répartition géographique pose problème. A quoi sert d'utiliser une définition purement géographique, alors que les Etats, comme les citoyens ont besoin de savoir quelle est l'étendue du risque ?

L'opiniâtreté de l'OMS s'explique peut-être par le caractère mondial de cette institution, peut-être par sa structure : ses dirigeants sont responsables devant des Etats, et n'ont pas à tenir compte de l'opinion publique. L'articulation étroite, dans les pré-contrats signés par les Etats en 2005, de la déclaration du stade 6 par l'OMS avec le démarrage de la fabrication des vaccins met en perspective la justification de cette rigidité.

Les conflits d'intérêt potentiels des experts auprès de l'OMS, mais aussi auprès des décideurs nationaux, doivent être pris au sérieux La levée du secret sur le nom des 200 experts de l'OMS s'impose, de même qu'une gestion harmonisée en France.

Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, rapporteur, a ensuite évoqué les erreurs ou les dysfonctionnements constatés lors de la campagne de vaccination qui doivent être corrigés. Le double pilotage de la crise par les ministères de l'Intérieur et de la Santé a été une erreur. La vaccination a fait l'objet de recommandations massives, mais il n'y a eu aucune évaluation basée sur des données cliniques significatives, ou sur le désir des Français de se faire vacciner. La non association des médecins généralistes à la vaccination a été une erreur grave, dont l'impact a été considérable.

Personne ne peut se réjouir de la défiance qui a été créée. Un débat public doit être lancé si l'on veut rendre de nouveau acceptables les politiques publiques de prévention, si l'on veut réconcilier les citoyens avec la parole publique sur le danger d'une pandémie, mais aussi avec la vaccination. A partir du moment où la vaccination n'est pas obligatoire, c'est aux citoyens de décider s'ils se feront vacciner. Dans le cas présent, l'échec est patent. Les pouvoirs publics avaient estimé qu'il fallait prévoir de vacciner les deux tiers de la population. C'est sur cette base qu'ont été commandés les vaccins. Mais fin janvier, quand la ministre de la santé renégocie les contrats, seulement 5 millions de Français s'étaient fait vacciner, tandis que la proportion des professionnels de santé qui se sont fait vacciner n'a jamais dépassé 30%.

Il n'y a pas de raison pour que les citoyens acceptent des arguments d'autorité sur la vaccination. Les inquiétudes de la population vis-à-vis des effets secondaires des adjuvants, mais aussi et surtout du thiomersal, sont légitimes. La vaccination en centres collectifs n'est pas adaptée à la conception qu'ont aujourd'hui les patients de l'organisation des soins. Les bons de vaccination ont été reçus trop tardivement. La définition des catégories prioritaires lors de la vaccination doit être débattue. La manière de contacter rapidement les personnes sensibles doit faire l'objet d'une attention beaucoup plus grande, et donner lieu à un débat entre les associations de patients et la CNIL sur le croisement des fichiers informatiques.

Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, rapporteur a insisté sur le fait que l'obtention d'informations fiables doit être une préoccupation prioritaire. Les méthodes actuelles de collecte de l'information ne sont pas adaptées à l'exigence de connaissance suffisante pour adopter et adapter une politique publique. Les résultats des études sérologiques ont montré avec clarté le décalage profond qui existe entre la réalité et l'image qu'en donnaient tant les études épidémiologiques que les modèles mathématiques. C'est visiblement le scénario du pire qui a été choisi pour commander les vaccins, alors que, dans d'autres domaines de santé publique, au nom de l'économie, la barre d'exigences de la garantie de la réponse sanitaire est bien moins élevée.

L'exemple du chikungunia à La Réunion est intéressant, car la gestion de l'épidémie a été différente de celle du H1N1, même si parfois les autorités publiques ont fait preuve d'autorité frisant la brutalité. Les médecins y ont été associés à la définition de l'action menée. Un travail de fond a été mené avec les associations. Les méthodes de veille sanitaire ont été efficaces et des moyens importants ont été consacrés à la prévention de l'extension du virus, par une importante action de lutte antivectorielle. La communication a été très inventive. Les affiches produites à cette occasion sont remarquables. La pression sur les ressources hospitalières a montré à la fois l'inventivité dont il faut faire preuve et les limites des capacités d'accueil actuelles.

La recherche y a été dynamique et est prometteuse à condition de la financer de manière régulière, comme le montre l'exemple du CRVOI, le Centre de recherche et de veille sur les maladies émergentes de l'Océan indien, qui peut avoir d'importantes retombées sur l'ensemble de cette zone. Certaines de ses recherches sont audacieuses, et devront être suivies et contrôlées avec attention. Il en est ainsi de celles qui portent sur la stérilisation en masse des moustiques par irradiation afin de les lâcher dans la nature pour qu'ils empêchent la fécondation des femelles par des moustiques non stériles.

M. Claude Birraux, député, président, a posé plusieurs questions sur l'attitude de la direction générale de la santé, la manière dont les travaux de l'Office et ceux des commissions d'enquête pourraient améliorer l'information du Parlement, et la façon d'aboutir à une communication plus crédible. Il a demandé des précisions sur les techniques de simulation, les réactions de l'OMS qui a largement contribué à « allumer le feu », les adjuvants, la passation des marchés, le financement de la recherche et la manière de lutter contre la méfiance, en soulignant qu'il fallait distinguer les principes de précaution et de prévention.

Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, rapporteur, a récusé l'utilisation du terme « principe de précaution » en soulignant qu'il ne fallait pas se référer à la Constitution. Elle a indiqué que les deux rapporteurs avaient essayé d'éviter la disparité de leurs travaux avec ceux des commissions d'enquête. Elle a souligné les difficultés de toute politique de communication, ainsi que la fragilité des modèles mathématiques. Elle a relevé l'incompétence des Etats face aux firmes pharmaceutiques lors de la passation des marchés.

M. Jean-Pierre Door, député, rapporteur, a rappelé les variations de l'opinion publique et des media lors des diverses phases de la pandémie, de même que les incertitudes et les doutes. Il a souligné l'intérêt particulier de l'étude de l'OPECST, et les contacts qu'elle avait permis, notamment à l'OMS qui a accepté de recevoir ses deux rapporteurs. Il a rappelé que les positions et le mode de fonctionnement de l'OMS relèvent des représentants de ses Etats membres, dont la France.

L'intérêt des adjuvants est d'utiliser moins de souche vaccinale et d'augmenter le pouvoir immunogène du vaccin. S'ils sont contestés, ils sont indispensables en cas d'explosion d'une pandémie, ce que reconnaissent du reste les Etats-Unis. La France a fait ce choix, sauf pour les femmes enceintes et les enfants.

Les marchés ont été lancés lors du vaccin prépandémique H5N1. Le gouvernement a fait des appels d'offre, qui ont donné lieu à 35 retraits de dossiers, mais à seulement 4 réponses. La première firme à répondre a été Sanofi, dont le vaccin n'a pas reçu l'aval de l'EMEA. Aussi la France s'est-elle tournée vers GSK à qui elle a commandé 50 millions de doses, à un moment où l'on avait peu de certitudes sur le virus. Puis Sanofi a préparé un autre vaccin, commandé par la France qui s'est également tournée vers Novartis et Baxter. Pour l'avenir, il faut que l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) se prépare à négocier autrement. Il faut également, dans le domaine du financement de la recherche, que les chercheurs de servent du 7° PCRD.

M. Jean-Claude Etienne, sénateur, premier vice-président, a souligné que si l'on se retrouvait dans la même situation, on risquerait de retrouver le même désarroi et les mêmes erreurs. Il s'est félicité de l'accent mis par le rapport sur la coordination internationale, qui est la pierre angulaire des solutions à mettre en oeuvre. Tout est parti de l'OMS, puis des déclarations de sa directrice générale, dans un climat de décalage total avec la réalité du terrain, ce qui a été la cause de graves dysfonctionnements. Il faut revenir à une approche rigoureuse et scientifique et instruire la problématique de l'OMS afin qu'elle fonctionne mieux, car les Etats qui s'écartent aujourd'hui de sa parole se trouvent dans une position difficile.

M. Jean-Pierre Door, député, rapporteur, a souligné que le problème vient du fonctionnement de l'OMS, qui reste néanmoins une avancée fantastique en matière de santé publique et doit être défendue. Il ne faut pas oublier que sa directrice générale a vécu des évènements dramatiques lors du SRAS, ce qui lui a donné une sensibilité particulière. Nul pays n'est obligé de suivre ses recommandations, et tout pays peut peser sur ses orientations.

L'Office a alors adopté à l'unanimité des membres présents le rapport présenté par M. Jean-Pierre Door, député, et Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, sur « la mutation des virus et la gestion des pandémies ».

Mercredi 23 juin 2010

- Présidence de M. Claude Birraux, député, président -

Réunion avec les membres du conseil scientifique

M. Claude Birraux, député, président de l'OPECST a rendu hommage, en préambule, à la contribution aux travaux de l'Office des six membres démissionnaires du Conseil scientifique : Mmes Annie Cazenave et Annie Sugier, MM. Daniel Cariole, Pierre Castillon, Jean-Claude Lehmann et Jean Jouzel. Il s'est déclaré heureux de la poursuite de la collaboration avec les autres membres du Conseil scientifique. Enfin, il a félicité les six nouveaux membres du Conseil : Mmes Catherine Bréchignac, Secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, ancienne présidente du CNRS, et Dominique Meyer, professeur à la faculté de médecine, membre de l'Académie des sciences, initiatrice du partenariat entre l'Académie et l'Office, ainsi que MM. Edouard Bard, professeur au Collège de France, Philippe Hubert, directeur des risques chroniques à l'INERIS, Bruno Révellin-Falcoz, vice-président de l'Académie des technologies, ancien vice-président directeur général de Dassault Systems, et Gérard Roucairol, membre de l'Académie des technologies, ancien directeur scientifique du groupe Bull. M. Claude Birraux, a également souligné la contribution de ces nominations à la diversification des disciplines représentées au Conseil scientifique et à l'équilibre, en son sein, entre recherche académique, industrielle et expertise.

M. Claude Birraux, député, président de l'OPECST a ensuite rappelé la mission d'assistance, d'expertise et de proposition des membres du Conseil scientifique auprès des membres de l'Office. Celle-ci s'exerce lors des réunions du Conseil, au cours desquels les premiers peuvent suggérer des thèmes d'études et les seconds solliciter des avis sur des sujets particuliers, ainsi que cela fut le cas sur la loi de programme pour la recherche ou la stratégie nationale de recherche et d'innovation. Elle s'exerce aussi à l'occasion de la désignation, par les rapporteurs, du comité de pilotage scientifique, ou encore lors du choix des participants aux auditions publiques ouvertes à la presse sur des sujets d'actualité et de l'élaboration des notes de synthèse publiées par l'Office. L'audition par l'Office, à partir de l'automne 2010, des responsables des nouvelles alliances de recherche, pourrait ajouter une opportunité de participation des membres du Conseil scientifique.

M. Claude Birraux, député, président de l'OPECST a ensuite informé les participants du dépôt, à l'Assemblée nationale, par lui-même et douze membres de l'Office co-signataires, d'une proposition de loi tendant à créer, au sein de l'Office, un Conseil sociétal. Cette proposition de loi apparaît de nature à créer une nouvelle dynamique à l'heure où les faiblesses du dispositif français relatif au débat public, illustrées par l'échec du débat sur les nanotechnologies, suscitent des inquiétudes.

M. Claude Birraux, député, président de l'OPECST, a enfin demandé aux nouveaux membres du Conseil de se présenter.

M. Bruno Révellin-Falcoz, membre du Conseil scientifique, a indiqué qu'ingénieur de l'aéronautique, après une carrière de quarante cinq années dans le groupe Dassault Aviation, au sein duquel il a assumé la responsabilité technique des programmes civils et militaires, avant d'en devenir le vice-président directeur général, il a récemment rejoint l'Académie des technologies. Il a souligné la nécessité d'approfondir le partenariat entre l'Académie des technologies et l'OPECST compte tenu des nombreux sujets d'intérêt communs aux deux institutions. Il a estimé que la création du Conseil sociétal renforcera cette convergence. En effet, l'Académie des technologies regroupant des responsables techniques, technologues, chefs d'entreprise mais aussi des économistes, médecins et agronomes, intègre d'ores et déjà, dans ses études, les aspects techniques et sociétaux.

Mme Dominique Meyer, membre du Conseil scientifique, a précisé que, médecin de formation, elle a rejoint l'INSERM où elle a dirigé durant une vingtaine d'années une unité de recherche sur l'hémostase (coagulation du sang) et dont elle a présidé le conseil d'administration. Elle a également enseigné à l'Université Paris XI. A l'Académie des sciences, en tant que déléguée à l'information scientifique et à la communication, elle a initié, voici quatre ans, les jumelages entre parlementaires, membres de l'Académie des sciences et jeunes chercheurs, et a créé, sur le site Internet de l'Académie, la rubrique « Libres points de vue d'Académiciens ». Elle a annoncé, après un premier dossier sur l'environnement et le développement durable, la publication prochaine, dans cette rubrique, d'un dossier regroupant les réponses d'Académiciens, dont Michel Caboche, à une trentaine de questions relatives à la biodiversité.

M. Gérard Roucairol, membre du Conseil scientifique, a rappelé qu'après une carrière universitaire de quinze ans, durant laquelle il avait dirigé le laboratoire de recherche en informatique d'Orsay et enseigné à l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm, il a travaillé vingt cinq ans dans l'industrie, notamment à la direction scientifique du groupe Bull, où il a développé des relations fortes avec les milieux universitaires français, européens et internationaux. Actuellement, il préside la commission des technologies de l'information et des communications de l'Académie des technologies ainsi que l'association Ter@tec, initiative importante visant à développer, dans le sud de l'Essonne, une technopole entièrement dévolue au développement du calcul à très haute performance (de l'ordre de plusieurs pétaflops, soit plusieurs millions de milliards d'opérations à la seconde).

M. Philippe Hubert, membre du Conseil scientifique, a précisé qu'il avait effectué toute sa carrière dans le domaine de l'évaluation des risques, tout d'abord à l'INSERM, puis au CEA et à l'ancienne IPSN (IRSN), où il a travaillé sur l'épidémiologie des rayonnements et, à partir de la fin des années quatre-vingt, au sein d'un laboratoire consacré à la perception des risques. Depuis sept ans, il a rejoint l'INERIS où il étudie les risques liés à la qualité de l'air et de l'eau ainsi que les risques toxicologiques émergents : champs électromagnétiques, nanoparticules et perturbateurs endocriniens. Il s'est déclaré sensible à la création du Comité sociétal qui rejoint sa préoccupation d'une meilleure prise en compte des attentes du public en matière d'information sur l'évaluation des risques.

M. Bruno Révellin-Falcoz, membre du Comité scientifique, a souhaité informer les membres de l'Office d'une rupture intervenue dans le domaine des technologies de l'information avec la diffusion d'outils dédiés à la création d'univers virtuels. En permettant la numérisation fidèle de tous types de produits, ces outils modifient profondément les relations entre concepteurs, producteurs et clients. De simples consommateurs, ces derniers deviennent ainsi acteurs de la définition de leurs besoins. Afin d'illustrer l'une des multiples applications de ces solutions, M. Bruno Révellin-Falcoz a évoqué la possibilité, pour des élus locaux, de présenter les projets architecturaux, non plus sous forme de plans ou de maquettes, mais d'univers virtuels, permettant aux habitants d'appréhender leur vie à l'intérieur de ce nouvel environnement. Il a enfin invité les membres de l'Office à assister à une démonstration des possibilités de ces nouveaux développements dans un centre de réalité virtuelle de la société Dassault-System, pionnière et leader mondial dans ce domaine.

M. Claude Birraux, député, président de l'OPECST, a remercié M. Bruno Révellin-Falcoz pour sa proposition et a rappelé la publication, en 1997, par M. Claude Huriet, ancien sénateur, d'un rapport sur ce même sujet, intitulé : « Images de synthèse et monde virtuel : techniques et enjeux de société ».

M. Gérard Roucairol, membre du Conseil scientifique, a souligné l'imminence, dans le domaine des technologies de l'information, de plusieurs autres ruptures majeures, caractérisées par un changement d'échelle, en termes d'usage ou de technologie: après le développement d'une informatique individuelle et d'entreprise, l'apparition d'une informatique sociétale, destinée à l'ensemble des patients d'un système de santé, des citoyens d'une ville ou encore des usagers d'un système de transport ; la multiplication, liée à ces nouveaux usages, à hauteur de plusieurs dizaines de milliards, des équipements connectés à Internet ; la centralisation et le regroupement des ressources informatiques (cloud computing), résultant de l'accroissement de la capacité des réseaux ; et, enfin, la démocratisation des moyens de calcul à très haute performance, la réalisation du film Avatar ayant ainsi, par exemple, mobilisé l'équivalent de 40 % des ressources informatiques investies pour la simulation de la bombe thermonucléaire.

Ces ruptures constituent un changement de paradigme. Elles vont bouleverser les usages de l'informatique par les individus, les entreprises et la société. Elles offrent une opportunité majeure de rééquilibrage de l'industrie du logiciel, aujourd'hui très largement dominée par les entreprises américaines, malgré la présence de quelques entreprises européennes en pointe dans leur domaine, tel Dassault Systems.

M. Claude Birraux, député, président de l'OPECST, s'est interrogé sur les implications éthiques de ces évolutions, notamment en matière de responsabilité individuelle et sociale, le monde numérique devenant un espace dans lequel l'expertise scientifique semble relativisée, voire remise en cause, aux yeux du grand public.

M. Gérard Roucairol, membre du Conseil scientifique, a convenu de l'importance des questions d'éthique pour la protection des individus, mais aussi le développement de ces nouvelles technologies. Il a estimé que leur prise en compte relève d'une plus grande implication de l'Etat, au travers de son pouvoir régalien, dans le domaine numérique.

M. Daniel Kofman, membre du Conseil scientifique, a proposé d'étudier les enjeux de l'Internet des objets, c'est-à-dire de la multiplication des appareils connectés à Internet.

Il a tout d'abord expliqué comment les réseaux sociaux (Facebook...), accessibles sur des dispositifs mobiles dotés de capacités de capture (vidéo, audio, localisation...), donneront naissance à de nouveaux médias, concurrents des médias traditionnels. Dès aujourd'hui, à proximité de tout événement survenant dans le monde, se trouvent des personnes aptes à capturer et à mettre en ligne l'information correspondante sur les réseaux sociaux. Prochainement, ces informations pourront être automatiquement transformées en un véritable média par des systèmes d'analyse sémantique, capables de les identifier, de les interpréter et de les agréger instantanément. L'apparition de ces nouveaux médias synchrones nécessitera une adaptation de la législation.

M. Daniel Kofman, membre du Conseil scientifique, a ensuite souligné les implications de l'Internet des objets, d'une part en termes de sécurité, dès lors que des dispositifs connectés seront utilisés pour des processus critiques, tels que la surveillance ou le contrôle des équipements médicaux, et, d'autre part, en termes de pollution électro-magnétique. Il a estimé que l'étude de l'OPECST relative à l'impact des réseaux mobiles cellulaires sur la santé devrait être actualisée, en regard du nombre extrêmement élevé - de l'ordre de plusieurs milliards - de dispositifs qui seront connectés via des interfaces non filaires, il est vrai avec de faibles puissances d'émission.

M. Daniel Kofman, membre du Conseil scientifique, a enfin évoqué les conséquences de l'accroissement exponentiel de la consommation énergétique liée à l'Internet des objets. Ce problème n'a, à ce jour, pas trouvé de solution, en dépit des études engagées sur les micro-dispositifs alimentés par batteries, toujours polluantes et d'une autonomie limitée, ou par des mécanismes d'auto-alimentation, générant une puissance de l'ordre de quelques microwatts, encore insuffisante, puisque les consommations sont de l'ordre du milliwatt. Une solution pourrait être trouvée au travers de la démarche de l'informatique verte (Green IT) dont l'objectif est non seulement de limiter l'impact de l'informatique sur l'environnement mais aussi de rendre viables des systèmes qui auront des effets considérables sur la vie des individus et des sociétés.

M. Hervé Chneiweiss, membre du Conseil scientifique, a souligné la pertinence d'un observatoire sociétal, permettant de prendre en compte les impacts éthiques des NBIC (Nanotechnologies, Biotechnologies, Informatique, sciences Cognitives), lesquels avaient été négligés, au profit des seuls enjeux économiques, lors du lancement, voici une dizaine d'années, sous l'impulsion de l'ancien président de la Chambre des représentants Newt Gingrich, de l'initiative américaine sur les technologies émergentes et convergentes.

M. Hervé Chneiweiss, membre du Conseil scientifique, a suggéré que l'Office réfléchisse à l'évolution des notions de vie privée, d'autonomie de la personne et de libre arbitre, lorsqu'elles se trouvent remises en cause par ces nouvelles technologies. Dès aujourd'hui, les individus sont géolocalisés et leurs données personnelles accessibles sur divers réseaux, à leur su ou à leur insu. Certains usages de ces données personnelles, comme la géolocalisation pour l'aide à la conduite, apparaissent légitimes, d'autres, à des fins commerciales, problématiques. Pour illustrer son propos, il est revenu sur l'utilisation des mondes virtuels dans le domaine de l'urbanisme, susceptible d'aider les élus et les citoyens dans leurs choix ou, au contraire, de les induire en erreur sur la réalité des projets présentés.

M. Hervé Chneiweiss, membre du Conseil scientifique, a, par ailleurs, exprimé son inquiétude face au risque d'une réduction, de l'ordre de 15%, du nombre de contrats doctoraux attribués, conformément à la loi relative à l'autonomie des universités, non plus par le ministère mais par les établissements sur leur budget propre. Il s'est interrogé sur la possibilité, pour le Parlement, d'assurer un suivi des conditions d'exécution du budget des universités sur ce point, ceci afin que les jeunes scientifiques ne soient pas victimes de plans d'économie.

M. Claude Birraux, député, président de l'OPECST, a répondu qu'il interrogerait à ce sujet la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche à l'occasion d'une prochaine réunion du Haut conseil de la science et de la technologie.

M. Laurent Gouzènes, membre du Conseil scientifique, a confirmé l'impact sur la vie privée et l'économie d'une généralisation, d'ici 2030, de l'utilisation d'objets connectés dotés de capteurs permettant de tracer les individus dans toutes leurs activités. Sur le plan de la vie privée, cette évolution doit conduire à s'interroger, dès à présent, sur des problèmes tels que la confidentialité des données personnelles, leur propriété, leur localisation, en France ou à l'étranger, voire dans des «paradis numériques», et les modalités de protection à mettre en place.

Il a également souligné la nécessité d'évaluer les impacts concurrentiels et juridiques des modèles économiques basés sur l'exploitation des données personnelles à des fins commerciales. En permettant d'agréger, d'analyser et de prédire les comportements des consommateurs, ces modèles offrent un avantage concurrentiel majeur aux entreprises détentrices de données personnelles. Les entreprises françaises et européennes pourraient ainsi se trouver dépassées par des concurrents capables de mieux anticiper les attentes des consommateurs européens.

M. Claude Birraux, député, président de l'OPECST, a convenu de l'actualité de cette préoccupation qui constitue également un problème d'ordre sociétal.

M. Jean-Claude Etienne, sénateur, premier vice-président de l'OPECST, a appuyé ce point de vue, signalant qu'à l'occasion du débat sur les nanotechnologies organisé au Sénat, M. Alex Türk, président de la CNIL, avait alerté sur les risques, pour les libertés individuelles, d'une utilisation inappropriée des avancées technologiques dans ce domaine.

M. Etienne Klein, membre du Conseil scientifique, s'est réjoui de l'implication de l'Office dans la réflexion sur l'organisation du débat public. Il s'est interrogé sur les raisons de l'indifférence du public et des partis politiques vis-à-vis du débat sur les nanotechnologies, en dépit de l'importance des enjeux. Il convient non seulement de tirer les leçons de ce débat, mais aussi de la controverse sur le changement climatique. A l'occasion de celle-ci, les médias ont distillé, au sein de la société française, un relativisme diffus fondé sur l'idée que toute thèse ayant son antithèse, les deux s'équivaudraient. Certains débats publics peuvent ainsi constituer un frein à la transmission du message scientifique dans la société. Il a donc suggéré d'examiner également comment s'organise le triangle science-démocratie-médias dans le déroulement des débats publics.

M. Claude Birraux, député, président de l'OPECST, a confirmé la difficulté d'impliquer les médias dans l'organisation des débats publics. Il est revenu, à ce sujet, sur les problèmes rencontrés dans le passé pour obtenir leur participation à l'audition organisée par l'Office sur le principe de précaution.

M. Jean Therme, membre du Conseil scientifique, s'est étonné de la capacité d'un petit groupe d'individus dogmatiques, soutenus par un réseau structuré et disposant de relais dans la presse, à empêcher le débat public sur les nanotechnologies, tout en bénéficiant, en l'absence de participation du public, d'un très large écho dans les médias aux dépens des scientifiques spécialistes du domaine. A l'occasion d'une réunion internationale sur le campus d'innovation en micro et nanotechnologies Minatec à Grenoble, il a constaté que ces obstacles à la recherche constituent une exception française, les scientifiques asiatiques s'interrogeant, seulement, pour leur part, sur leur capacité à former un nombre suffisant de jeunes à ces nouvelles technologies.

M. Jean Therme, membre du Conseil scientifique, a ensuite évoqué les trois limites physiques au développement des technologies de l'information dans les dix à quinze prochaines années : le ralentissement, à l'approche de la barrière du nanomètre, de la miniaturisation des transistors, jusqu'à présent conforme aux lois de Moore  ; l'incapacité à réduire leur consommation énergétique, nonobstant leur miniaturisation ; et, enfin, la saturation des moyens de communication, qu'ils soient filaires, les limites physiques au débit des fibres optiques étant bientôt atteintes, ou aériens, en raison de la saturation des bandes de fréquence.

Il a souligné que la consommation des équipements informatiques, équivalente aujourd'hui à celle du transport aérien, risque de devenir inacceptable à l'avenir, malgré l'initiative de l'informatique verte (Green IT) visant à pallier ce problème, laquelle se heurtera aussi à la limitation à la baisse de la consommation des composants.

Il a estimé qu'il conviendrait d'analyser les causes du développement, dans les pays occidentaux, de courants sociaux contestant l'apport de la science au progrès humain et entravant, au nom du principe de précaution, la recherche scientifique dans tous les domaines : biologie, nanotechnologies, nucléaire, OGM...

M. Claude Birraux, député, président de l'OPECST, a indiqué que le Comité d'évaluation et de contrôle, créé par une récente réforme de l'Assemblée nationale, a confié une étude sur le principe de précaution à deux députés, l'un de la majorité, l'autre de l'opposition, à l'identique de la pratique instituée par l'Office. Il a rappelé qu'une audition publique sur ce même thème, organisée, en 2009, par l'Office, au Sénat, a fait le tour de la question, en particulier en ce qui concerne l'usage impropre souvent fait de ce principe, en le confondant avec le principe de prévention.

Mme Geneviève Fioraso, députée, membre de l'OPECST, a regretté, à l'occasion de la présentation du rapport d'Alain Gest et de Philippe Tourtellier sur le principe de précaution, fait au nom du Comité d'évaluation et de contrôle, que le travail remarquable réalisé par l'Office sur ce même sujet n'ait pas été mieux mis à profit pour le débat parlementaire. Elle a souhaité que la création du comité sociétal puisse aider à créer une véritable culture du débat public, absente aujourd'hui de la société.

M. Jean-Pierre Door, député, membre de l'Office, a remercié les participants pour la richesse de ce débat scientifique. Il a ensuite expliqué qu'à l'occasion de la préparation du rapport sur la mutation des virus et la gestion des pandémies, il avait découvert la violence des débats sur Internet, mêlant rumeurs et fantasmes, sous l'influence des lobbies (anti-vaccin, anti-OMS, anti-scientifiques...) et parfois des sectes. Cette violence a entravé le débat public, en l'absence de réaction de l'Organisation mondiale de la santé, celle-ci se reposant sur les centres de crise des Etats. Il a souligné la faiblesse des effectifs mobilisés pour la surveillance d'Internet et des médias au sein des cellules de crise en France (moins de huit personnes) et en Europe (moins de cinq personnes à Stockholm), en regard de ceux, à hauteur de cent vingt personnes, dont dispose la cellule de veille du CDC (Centre for disease control and prevention) d'Atlanta. En conclusion, il s'est interrogé sur la réponse à apporter à ces débats sur Internet où l'irrationalité semble l'emporter sur la raison.

M. Claude Birraux, député, président de l'OPECST, a évoqué, sur le même sujet, la campagne extrêmement violente de dénigrement dont a été victime l'ancien maire d'Auxon, commune candidate à une étude géologique sur l'implantation d'un centre de stockage de déchets de faible activité.

M. Michel Caboche, membre du Conseil scientifique, a expliqué que sur les cent trente millions d'hectares cultivés en OGM dans le monde, la part de l'Europe est inférieure à un pour cent, alors même que des pays tels que l'Inde et la Chine sont parvenus à doubler, en quelques années, leur production de coton à l'aide de cette technique. Il a estimé que ces succès ne devaient pas être négligés sous le seul prétexte des risques d'apparition d'agents pathogènes liés à la culture d'une même plante transgénique sur une très grande surface. Il a enfin regretté que l'association française de biotechnologie végétale, fondée par des universitaires pour apporter au public une information scientifique sur les OGM, soit l'objet d'attaques.

M. Michel Caboche, membre du Conseil scientifique, est ensuite revenu sur la question des formations doctorales. A l'occasion d'une récente visite à l'Institut de génétique et de biologie de Pékin, il a en effet été frappé par la disparité existant, dans ce domaine, entre les établissements français, où chaque thésard est encadré par plusieurs scientifiques, et leurs équivalents chinois, où chaque scientifique encadre plusieurs thésards. Il a regretté que, malgré la reconnaissance internationale de la qualité des formations doctorales françaises, le nombre de thésards soit insuffisant. De ce fait, la France se trouve confrontée à un déficit de diplômés qui conduit, par exemple en médecine, à les recruter dans les pays en voie de développement.

M. Michel Caboche, membre du Conseil scientifique, a enfin regretté les conséquences d'une certaine précipitation dans la mise en oeuvre du grand emprunt : délais serrés de réponse aux appels d'offres, obligeant les chercheurs à bâcler les dossiers de candidature ; dissociation entre programmes de recherche et plates-formes technologiques de recherche, hasardeuse en termes de financement ; désorientation des chercheurs face à la complexité du processus.

M. Claude Birraux, député, président de l'OPECST, a confirmé la complexité de l'organisation du grand emprunt.

Mme Dominique Meyer, membre du Conseil scientifique, s'est interrogée sur la possibilité d'engager, au sein de l'Office, deux études sous un angle pratique et local, d'une part sur les vagues de chaleur en France et, d'autre part, sur les véhicules électriques individuels.

M. Claude Birraux, député, président de l'OPECST, a observé que la première étude mentionnée pourrait, compte tenu de sa complexité, faire l'objet d'une collaboration avec une institution scientifique, comme cela a été le cas dans le domaine de l'épidémiologie avec l'Académie de médecine. Sur le second sujet proposé, il a rappelé l'existence du rapport, datant de 2005, de MM. Christian Cabal et Claude Gatignol, députés, sur la voiture propre, et de celui, publié en 1993 par M. Pierre Laffitte, sénateur, sur l'intérêt du véhicule électrique au regard de la protection de l'environnement

M. Philippe Hubert, membre du Conseil scientifique, a constaté, à la lumière des échanges précédents, que le risque réel d'une transformation de la société de l'information en société de la désinformation constituait un frein supplémentaire au développement des technologies de l'information. Il s'est ensuite félicité de la décision de création du conseil sociétal, nécessaire à l'amélioration des conditions du débat public. Il a estimé que les progrès réalisés dans l'organisation des débats locaux, en associant les populations en amont, au stade de la définition des questions, permettent d'envisager une amélioration de l'organisation des débats nationaux. Il a enfin proposé de réaliser un bilan des débats publics organisés ces dernières années afin d'identifier les causes de réussite ou d'échec et, si possible, définir un ensemble de règles de bonne pratique.

M. Laurent Gouzènes, membre du Conseil scientifique, a proposé d'étudier l'informatique de spéculation financière. Il a expliqué que des super-calculateurs, conçus pour réaliser des milliers de transactions boursières en quelques micro-secondes, sont à l'origine d'un récent incident, survenu à la bourse de New York, durant lequel les cours des actions se sont effondrés. La cause précise de cet incident n'a pas été, à ce jour, élucidée. Ces super-calculateurs, programmés sur la base de modèles économiques, tels que celui de Black-Scholes, peuvent être, une fois interconnectés, sujets au dilemme du prisonnier, lequel peut expliquer un effondrement boursier en cascade. Cette évolution de l'informatique, contribue ainsi à l'aléa qui pèse sur la sphère réelle, alors que celle-ci a besoin d'une visibilité de cinq à dix ans pour se développer.

M. Laurent Gouzènes, membre du Conseil scientifique, a souligné que les systèmes de régulation, mis en place par les acteurs de la finance eux-mêmes, au travers des normes dites BÂLE I, BÂLE II, BÂLE III, n'apportent pas de réponse satisfaisante à ce problème dans la mesure où elles se limitent à examiner des bilans périodiques, ignorant, de ce fait, les modalités de fonctionnement des institutions financières entre ces bilans. Il a, de plus, regretté que l'analyse des dysfonctionnements du système financier soit systématiquement confiée à des acteurs du monde de la finance, en dépit du caractère technique de certains des problèmes rencontrés. Il a donc proposé que l'Office étudie ce champ scientifique nouveau, afin d'apporter un éclairage scientifique et législatif indépendant, compte tenu de l'impact potentiel de ces dysfonctionnements financiers sur les entreprises, l'emploi et l'économie réelle.

M. Hervé Chneiweiss, membre du conseil scientifique, a suggéré d'ajouter à cette étude l'aspect bio-médical, compte tenu de l'usage croissant, dans les salles de marchés, de substances destinées à prolonger l'éveil, susceptibles d'altérer les systèmes neuro-biologiques de récompense et de confiance.

M. Jean Therme, membre du Conseil scientifique, a expliqué que la mise en oeuvre de ces ordinateurs effectuant des micro-transactions correspond au passage du stade artisanal au stade industriel de la finance, les algorithmes mathématiques exécutés sur ces machines, basés sur des gains marginaux, permettant jusqu'à plusieurs millions d'euros de gains quotidiens.

M. Claude Birraux, député, président de l'OPECST, a proposé d'organiser une audition publique ouverte à la presse concernant ce problème.

M. Jean Therme, membre du Conseil scientifique, a estimé que certaines décisions politiques en matière énergétique étaient prises sur la base d'indicateurs erronés, notamment pour les émissions de CO2. Ainsi, le programme en faveur de l'énergie photovoltaïque conduit à financer, à hauteur de 2 à 4 milliards d'euros par an, l'importation de panneaux solaires fabriqués en Chine, à accroître la pollution dans ce pays ainsi que les émissions de CO2 dans le monde. De même, la généralisation des ampoules basse consommation revenant à substituer, en hiver, à la chaleur dissipée par les ampoules à incandescence, alimentées en électricité nucléaire, celle produite par des chaudières au fioul ou au gaz, augmente les émissions de CO2.

M. Jean Therme, membre du Conseil scientifique, s'est inquiété des conséquences de ces décisions sur l'opinion publique, son scepticisme vis-à-vis de la lutte contre le réchauffement climatique risquant de s'étendre à la politique en faveur des énergies renouvelables. Aussi, a-t-il proposé de replacer les décisions prises dans ce domaine dans le contexte énergétique français.

M. Claude Birraux, député, président de l'OPECST, a convenu du caractère parfois émotionnel de certaines décisions politiques prises, sous la pression des médias, dans l'urgence. Il a estimé que les décideurs se devaient d'adopter une démarche rigoureuse, fondée sur l'analyse scientifique, tel que pratiqué par les membres de l'Office avec l'appui du Conseil scientifique, afin de s'abstraire de la présentation, souvent superficielle, des problèmes par les médias. Il a illustré son propos en rappelant un récent échange avec des représentants du Bundestag concernant les émissions de CO2 en Europe, pour lesquelles la France (85-90 g/kWh, selon l'Agence internationale de l'énergie) se compare favorablement à d'autres pays pourtant réputés «environmentally oriented» (314g/kWh au Danemark et 412 g/kWh en Allemagne).

M. Jean Therme, membre du Conseil scientifique, a demandé si l'Office pourrait procéder à une évaluation, basée sur des indicateurs de performance écologique, des mesures engagées en matière énergétique. Il a estimé que celle-ci pourrait contribuer à l'élaboration de critères d'analyse permettant d'évaluer les conséquences écologiques à long terme des décisions.

M. Claude Birraux, député, président de l'OPECST, a signalé que l'Office avait déjà pris en compte cette préoccupation, ainsi que l'illustrent les préconisations du rapport de l'Office sur les énergies renouvelables, publié en 2001, concernant la création de filières intégrées pour leur développement, et l'amendement relatif à la création d'un plafond de CO2 pour les constructions neuves, déposé en mai dernier par M. Christian Bataille, député, membre de l'Office, et lui-même, destiné à promouvoir l'innovation dans le bâtiment.

M. Hervé Chneiweiss, membre du conseil scientifique, a suggéré la mise à disposition, sur le site ou dans les publications de l'Office, sous une forme intégrée, d'indicateurs de référence en matière de bilan carbone.

M. Claude Birraux, député, président de l'OPECST, a répondu qu'il serait plutôt envisageable de rédiger sur ces sujets des notes de l'Office ou un rapport.

M. Jean Therme, membre du Conseil scientifique, a de nouveau regretté l'absence de standardisation des modes de calcul des émissions de CO2, critère souvent discriminant en matière énergétique, ce qui conduit à des approximations, voire des choix erronés.

M. Bruno Révellin-Falcoz, membre du Conseil scientifique, a suggéré de s'inspirer de l'une des quatre modalités de publications de l'Académie des technologies : les rapports, élaborés par un groupe et validés en assemblée plénière ; les communications à l'Académie, soumises au comité de la qualité ; les «10 questions à...», notes de vulgarisation rédigées par des experts extérieurs ; et enfin, les avis, courtes notes sur un sujet précis. Le choix du mode de publication est fonction de l'importance et de l'urgence du sujet.

M. Claude Birraux, député, président de l'OPECST, s'est déclaré ouvert à des travaux communs de l'Académie des technologies et de l'Office parlementaire. Il a conclu la réunion du Conseil scientifique en remerciant les participants et en les félicitant pour la richesse de leurs interventions.