Mardi 12 janvier 2010

- Présidence de M. Alain Lambert, président -

Débat thématique d'orientation sur la révision des valeurs locatives

La délégation a organisé un débat thématique d'orientation sur la révision des valeurs locatives.

M. Alain Lambert, président, a rappelé que lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2010, le Gouvernement avait annoncé, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, son intention de mettre en oeuvre rapidement la révision des valeurs locatives. Il a souligné l'ampleur des enjeux, que bon nombre de membres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation connaissaient également dans l'exercice de leurs responsabilités d'élus locaux. Il a noté que la valeur locative cadastrale servait à l'établissement d'impôts directs locaux dont le produit s'était élevé à 66 milliards d'euros en 2009. Il s'agit des deux impôts fonciers, de la taxe d'habitation, de la taxe professionnelle à laquelle succède la cotisation foncière des entreprises à partir de 2010 et de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.

Il a observé que les bases d'imposition des valeurs locatives cadastrales étaient depuis longtemps obsolètes, dans la mesure où elles étaient calculées forfaitairement, sur la base des conditions du marché locatif de 1970 pour les propriétés bâties, et de 1961 pour les propriétés non bâties. Il a constaté que les bases d'imposition étaient donc largement déconnectées des réalités économiques et pénalisaient le dynamisme des taxes locales qui, à défaut d'actualisation de leur assiette, dépendaient intégralement du rythme des constructions. Il a indiqué que les valeurs locatives actuelles étaient porteuses de distorsions dans l'évaluation fiscale des biens immobiliers, en faveur de l'immobilier ancien et au détriment des villes nouvelles et de leurs logements sociaux.

M. Alain Lambert, président, a relevé que le législateur avait toujours marqué clairement son attachement à une mise à jour régulière des valeurs locatives. Ainsi après la loi n° 74-645 du 18 juillet 1974 sur la mise à jour périodique de valeurs locatives servant de base aux impositions directes locales, la loi n° 90-669 du 30 juillet 1990 relative à la révision générale des évaluations des immeubles retenus pour la détermination des bases des impôts directs locaux prévoyait-elle une révision générale des valeurs locatives qui aurait dû être prise en compte dans les rôles d'imposition dès 1993. Il a ajouté que les difficultés pratiques tenant aux trop faibles moyens de l'administration fiscale et les contraintes politiques liées au transfert important de charges entre contribuables, d'une part, et entre collectivités territoriales, d'autre part, avaient incité les pouvoirs publics à ne pas mettre en oeuvre la révision précitée. Au fil des ans, celle-ci était ainsi passée du stade de la prescription à celui de l'urgence, puis de l'impératif catégorique.

Il a rappelé que le Gouvernement avait annoncé son intention de procéder progressivement, en commençant par réviser les bases d'imposition applicables aux locaux commerciaux, en concertation avec les parties prenantes. Il a souligné que dans cette perspective, alors que le Conseil d'Etat pourrait être saisi d'un avant-projet de loi très prochainement, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ne pouvait rester en retrait, et devait apporter sa contribution à ce débat, en étroite liaison avec la commission des finances.

M. Alain Lambert, président, a proposé à ses collègues un débat d'orientation abordant les principales questions que soulève la révision des valeurs locatives, un questionnaire leur ayant été adressé, au préalable, pour recueillir leur position et faire ressortir leurs interrogations sur certains aspects de ces sujets.

Il a suggéré d'organiser les discussions autour des trois thèmes suivants : le champ de la révision, les objectifs et les principes qui devaient la guider et la méthode incluant les questions relatives au calendrier, au cadre géographique et aux acteurs de la réforme appelés à la mettre en oeuvre.

Il a abordé le premier temps du débat d'orientation consacré au champ de la révision en proposant de définir la révision des valeurs locatives. Il a rappelé que ce concept était à géométrie variable, pouvant aller d'une simple actualisation à un véritable « aggiornamento » remettant en cause le principe même de la valeur locative comme critère d'assiette de l'impôt. Il a indiqué que le questionnaire qui avait été adressé aux membres de la délégation les interrogeait sur la meilleure assiette d'imposition à retenir : valeur locative, valeur vénale, loyer ou revenu. Il s'est demandé s'il fallait souhaiter une simple actualisation des bases locatives, le but étant alors d'inciter le pouvoir exécutif à mettre réellement en oeuvre les outils dont il disposait à cette fin. Il a toutefois souligné que la Cour des Comptes avait récemment relevé la faiblesse du nombre des « vérifications sélectives des locaux », c'est-à-dire d'inspections par la Direction générale des finances publiques (DGFIP) visant à constater d'éventuelles améliorations des locaux et à procéder en conséquence à des reclassements.

Une autre voie consistait en une véritable révision générale des évaluations des immeubles, par l'application du dispositif existant. Enfin, une autre piste de réforme était possible visant à une complète remise à plat du dispositif relatif à l'évaluation des bases des impôts directs locaux. M. Alain Lambert, président, a relevé que la substitution d'une nouvelle base d'imposition à la notion de valeur locative pourrait alors être envisagée, telle que la valeur vénale du bien ou le revenu de l'occupant.

Un large débat s'est ensuite instauré.

M. Pierre-Yves Collombat a estimé qu'un consensus fort existait sur l'objectif de la réforme, c'est-à-dire l'amélioration de la justice fiscale et de l'équité devant la charge de l'impôt. Il a considéré qu'il convenait de mettre en oeuvre des moyens permettant une évaluation et une actualisation commodes et faciles des bases d'imposition. Il lui a semblé que la valeur vénale pouvait être retenue dans ce contexte car elle lui paraissait correspondre à la valeur du bien et que sa détermination était simple. Il s'est en revanche prononcé contre la prise en compte du critère de loyer, estimant que les risques de fraude étaient grands et que ce critère n'était pas objectif.

Il a indiqué qu'il était favorable à une révision générale des valeurs locatives et non à une révision au cas par cas mise en oeuvre uniquement dans certaines collectivités territoriales, ce qui entraînerait d'importantes distorsions en fonction des situations.

M. Roland du Luart a précisé qu'il partageait l'objectif d'amélioration de l'équité que la réforme d'un système obsolète devait permettre d'atteindre. Il a rappelé que, dans le cadre de la préparation de la loi du 30 juillet 1990 précitée, le Parlement et les élus locaux avaient fourni un important travail qui n'avait pas trouvé d'application. Il s'est demandé comment parvenir à mettre en oeuvre une telle réforme, malgré les obstacles connus, par le biais d'outils fiscaux modernes.

Il a estimé que la valeur des bases locatives pourrait être actualisée à chaque changement de locataire, immeuble par immeuble, rappelant que les changements de locataires étaient plus fréquents que la vente des immeubles, ce qui permettrait une mise à jour plus rapide des bases d'imposition. Il s'est déclaré sceptique sur la possibilité de mettre en oeuvre en une fois une révision générale des bases locatives.

M. Claude Jeannerot s'est également prononcé en faveur du renforcement de la justice fiscale. Il a observé qu'il était difficile de choisir entre valeur vénale et valeur locative en l'absence de simulations permettant une approche comparative des différentes réformes envisageables.

Mme Dominique Voynet a suggéré de mixer la valeur vénale et la valeur d'usage d'un bien afin que soit pris en compte l'usage du bien, ce qui inciterait les communes à avoir une gestion plus dynamique de leur territoire. Elle a relevé que la prise en compte du revenu du propriétaire pourrait créer des distorsions. Elle a attiré l'attention sur le cas particulier des propriétaires d'habitations sur l'Île de Ré qui, du fait de la surestimation de leur patrimoine immobilier, étaient soumis à l'impôt sur la fortune, ce qui les contraignait dans certains cas à devoir vendre leur maison pour pouvoir payer leur impôt. Elle a souhaité que la réforme des valeurs locatives prenne en compte ces situations particulières et injustes.

Enfin, elle a estimé que le cadre géographique le plus adapté à la révision des valeurs locatives était celui de l'intercommunalité, à l'heure où le projet de loi de réforme des collectivités territoriales prévoyait l'achèvement de la carte de l'intercommunalité.

M. Jacques Mézard a souligné la nécessité de renforcer, par la révision des valeurs locatives, l'équité entre les hommes et entre les territoires. Il s'est prononcé en faveur d'une révision générale nationale des bases d'imposition, avec une assiette correspondant à la valeur vénale du bien concerné. Il a observé qu'une telle réforme n'était possible que si une forte volonté politique s'exprimait, comme cela avait été le cas pour la suppression de la taxe professionnelle.

Il a estimé que la valeur vénale devrait être retenue comme base d'imposition car elle permettrait une certaine stabilité de l'assiette d'imposition, les effets négatifs illustrés par les exemples tels que l'Île de Ré devant être encadrés. Il a ajouté qu'un système déclaratif devrait être mis en place permettant la révision des valeurs locatives, système plus souple et efficace que la réactualisation lors de ventes ou de succession des biens.

M. Alain Lambert, président, a indiqué qu'il était également attaché à l'équité fiscale. Il a noté qu'il n'existait à sa connaissance aucune simulation des options de réforme, ni recensement des biens immobiliers.

S'agissant de la substitution de la valeur vénale à la valeur locative, il a exprimé quelques réserves, rappelant que la valeur d'usage ne serait pas prise en compte, ce qui entraînerait mécaniquement une sorte de survalorisation des équipements neufs, la base d'imposition restant, comme dans le système actuel, soumise au rythme des constructions.

Il s'est déclaré très favorable à la mise en place d'un système déclaratif.

M. Pierre-Yves Collombat a estimé que le changement de base d'imposition pourrait poser des problèmes. Il a considéré que la mise en place d'un système déclaratif pourrait améliorer la situation et permettrait notamment une meilleure actualisation des bases.

M. Didier Guillaume a estimé que le moment de la révision des valeurs locatives était venu et que la suppression de la taxe professionnelle créait un climat favorable à la modification des impositions locales. Il a assuré que les associations d'élus locaux soutiendraient la modernisation des valeurs locatives.

Il s'est déclaré favorable à la mise en oeuvre d'une révision générale des bases d'imposition, tout en estimant que ses effets pourraient être lissés dans le temps sur les dix prochaines années. Il a estimé que cette précaution permettrait de rendre acceptable par le contribuable une réforme d'une telle ampleur.

Il a prôné la prise en compte de la valeur locative et de la valeur vénale dans les nouvelles bases d'imposition, s'opposant en revanche à la prise en compte des critères de revenus.

Il a estimé que la réforme serait d'autant mieux acceptée que les critères mis en oeuvre seraient clairs, lisibles et nationaux, ne tenant pas compte des écarts de richesse entre les territoires.

Mme Dominique Voynet a jugé que l'État pourrait être garant de la fiabilité des données relatives aux valeurs locatives et de l'équité du dispositif qui serait issu de la future réforme, sans être accusé de mener une politique de recentralisation en la matière.

M. Bruno Sido a rappelé que les maires disposaient déjà de la possibilité de réclamer, pour leur commune, la révision des bases cadastrales de leur territoire. Il a cependant plaidé pour une révision générale des valeurs locatives cadastrales et a qualifié d'opportun le choix du Gouvernement de la mettre en oeuvre dans les prochains mois. Il a également proposé de prendre la valeur locative comme base de la taxe d'habitation et la valeur vénale pour la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Puis, M. Alain Lambert, président, a abordé la deuxième partie du débat, consacrée aux objectifs et principes de la révision. Il a rappelé que toute réforme fiscale nécessitait la prise en considération de paramètres essentiels que sont l'équité, le rendement, l'efficacité économique et l'« acceptation citoyenne ».

Il a indiqué que l'impératif d'équité absolue conduirait à des transferts importants de charges fiscales entre contribuables et entre collectivités territoriales, se heurtant inévitablement au principe d'« acceptation citoyenne ». L'importance de ces transferts était à l'origine de l'échec des tentatives antérieures de révision générale des valeurs locatives, ce qui revenait à considérer l'« acceptation citoyenne » comme critère dominant. Il a ensuite insisté sur l'idée selon laquelle l'acceptation d'un dispositif fiscal dépendait directement du ressenti des redevables quant à son équité, son efficacité et son rendement. Ainsi, il a estimé qu'il revenait à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat de fixer la finalité assignée à une révision des bases d'imposition, en hiérarchisant ses objectifs et ses principes, sans perdre de vue le principe d'autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales, au respect duquel la délégation est attachée et a mission de veiller.

M. Alain Lambert, président, a rappelé que, pour correspondre à la réalité économique, les bases actuelles devraient être revalorisées de 150 %, comme l'avait souligné M. Dominique Hoorens lors de son audition devant les membres de la délégation le 17 novembre 2009. Puis, il a proposé de consacrer la suite du débat à l'examen de deux séries de questions, la première ayant trait au rôle du législateur face à une réforme des valeurs locatives. La loi devant retenir le principe d'un maintien de la pression fiscale, cela reviendrait à exiger des collectivités territoriales qu'elles adaptent leurs taux. Il a donc estimé qu'un tel choix serait problématique au regard du principe de leur autonomie fiscale et que l'adoption de ce principe nécessiterait de définir le niveau pertinent de pression fiscale, qu'il soit national, local ou individuel.

Une autre voie de réforme consisterait à laisser aux collectivités territoriales la possibilité de faire varier leurs taux d'imposition, avec le risque d'une forte augmentation de la pression fiscale dans certaines collectivités territoriales et d'accroissement des inégalités entre contribuables.

M. Alain Lambert, président, a ensuite abordé la deuxième série d'interrogations, relatives au maintien de ressources globales constantes pour les collectivités territoriales, mais qui risquerait de rendre certaines d'entre elles plus dépendantes des dotations budgétaires de l'État, notamment pour les collectivités regroupant des populations aux revenus modestes, compte tenu de l'importance des dispositifs d'exonérations et de dégrèvements des taxes locales, pris en charge par l'État. Puis, il a invité ses collègues à réagir.

M. Philippe Dallier a souligné l'importance de revaloriser les bases cadastrales, compte tenu de l'importance des inégalités fiscales entre contribuables au sein d'une même commune et de ressources entre collectivités territoriales. Il a relevé que deux méthodes étaient envisageables pour mettre en oeuvre cette réforme : soit une actualisation générale avec maintien des ressources des collectivités territoriales, impliquant une variation des taux de fiscalité suivant l'augmentation ou la diminution des bases, soit une actualisation au fil des mutations avec une variation des ressources des collectivités territoriales. Il a indiqué sa préférence pour la première méthode.

M. Bruno Sido a souscrit au principe d'une révision générale des valeurs locatives, en précisant que les collectivités territoriales devraient être responsables de l'augmentation de leurs taux d'imposition en cas de progression de leurs bases cadastrales. Il a, par ailleurs, précisé que les collectivités territoriales déterminaient en premier le produit fiscal attendu et non les taux d'imposition des impôts locaux.

Mme Dominique Voynet a souscrit à l'idée du maintien du produit des ressources des collectivités territoriales, tout en précisant que, pour chacune d'entre elles, ce principe se traduirait par des variations considérables. Elle a ainsi plaidé pour la mise en place d'une longue période de lissage des effets de la réforme, accompagnée de mécanismes de compensation adaptés à l'usage du bien. En effet, elle a rappelé à titre d'exemple que les travaux de mise aux normes des biens commerciaux entraînaient une augmentation de leur valeur locative et soulevaient des difficultés pour attirer les commerçants, dans les centres-villes notamment. Enfin, elle a estimé nécessaire d'affirmer le principe d'universalité de l'impôt, la moitié de la population étant exonérée d'impôts locaux compte tenu de la fixation hétérogène des bases cadastrales.

M. Jacques Mézard a considéré que le point de départ de la réflexion relative à la révision des valeurs locatives devait porter sur le niveau de pression fiscale des ménages. Pour cela, il a estimé indispensable de disposer de simulations présentant les effets des différents scénarios envisagés, compte tenu des distorsions importantes qui pouvaient en résulter pour les contribuables et les collectivités territoriales. Il a précisé que ces dernières disposeraient, au terme de la réforme, de ressources fiscales moindres et devraient donc bénéficier d'une compensation de la part de l'État.

Puis, M. Alain Lambert, président, a abordé la troisième partie du débat, consacrée à la mise en oeuvre de la révision des valeurs locatives. Il a précisé que celle-ci soulevait trois séries d'interrogations :

- sur le calendrier de la révision et le rythme de celle-ci, avec la question du lissage sur plusieurs années, compte tenu du choc que ferait subir une actualisation, sans transition, de données remontant à 1961 pour les propriétés non bâties ou 1970 pour les propriétés bâties. Un arbitrage sera également nécessaire concernant les modalités du lissage, à opérer soit selon un calendrier prédéfini, soit « au fil de l'eau », à l'occasion des mutations par exemple ;

- sur le cadre géographique dans lequel devrait s'inscrire la révision : communal, intercommunal, départemental ou régional ;

- sur l'autorité responsable de la réforme : l'État à travers la Direction générale des finances publiques (DGFIP), issue de la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique, les collectivités territoriales avec le risque de refus des élus de s'engager dans une telle démarche, ou une collaboration entre les deux acteurs, solution nécessitant de définir les modalités d'action entre eux deux.

M. Edmond Hervé a rappelé que la notion de calendrier était fondamentale pour réussir une réforme fiscale. Il a souligné que celle-ci s'accompagnait inévitablement d'un transfert de charges fiscales entre contribuables ou entre collectivités territoriales. Il a recommandé, pour assurer le succès de la révision des bases cadastrales, de voter une loi de finances au moins trois ans avant le renouvellement des conseils municipaux, afin de permettre l'adaptation du dispositif et sa finalisation au plus tard en septembre de l'année précédant lesdites élections. Il a rappelé l'exemple des rendez-vous législatifs prévus dans le cadre de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale, dont il a salué la méthodologie. Il a relevé que toute précipitation en matière de réforme fiscale conduisait à l'échec.

M. Alain Lambert, président, a souscrit à l'importance du calendrier pour garantir le succès de la réforme des valeurs locatives. Il a souligné que la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation avait commencé ses travaux alors que les réformes de la taxe professionnelle et des collectivités territoriales étaient déjà engagées. Il s'est ainsi félicité de l'organisation du débat d'orientation sur les valeurs locatives qui intervenait au moment où le Gouvernement préparait un projet de réforme.

M. Philippe Dallier a salué la proposition relative à l'adoption de la révision des valeurs locatives au moins trois ans avant l'organisation des élections municipales. Il s'est dit, en revanche, défavorable à une longue période de lissage des effets de la réforme, afin de soulager les maires de cette responsabilité et de garantir l'équité fiscale entre les contribuables. Il a, en effet, rappelé que les modifications destinées à augmenter la surface habitable d'une habitation pouvaient se traduire par un accroissement de 25 % du montant de la taxe d'habitation.

M. Pierre-Yves Collombat a jugé, en termes de calendrier, que la révision des valeurs locatives, dans le contexte actuel de réforme des finances locales, apparaissait comme un risque supplémentaire. Sur le fond, il a estimé insatisfaisante la révision « au coup par coup », c'est-à-dire au fur et à mesure des mutations. Il a proposé soit l'actualisation des valeurs sur une longue période, en se référant à l'exemple de la convergence, sur douze ans, des taux de taxe professionnelle au sein d'un établissement public de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique, prévue par la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, soit de définir une période de lissage longue. Plus globalement, il s'est interrogé sur la mise en place d'un dispositif de réduction progressive des disparités les plus importantes, au niveau communal dans un premier temps avant d'aborder le niveau intercommunal puis les niveaux départemental et régional, en rappelant que la taxe d'habitation était souvent supérieure dans un logement social que dans un logement pavillonnaire.

M. Didier Guillaume a vu dans la récente suppression de la taxe professionnelle un évènement de nature à changer le contexte du débat sur les valeurs locatives. S'appuyant sur l'extrême diversité de la situation des communes au regard de l'assiette de cet impôt, il a considéré que son remplacement par une nouvelle cotisation des entreprises, quel que soit le jugement qu'il inspire sur le fond, était porteur de profondes évolutions. Il a appelé à profiter de ce moment pour, dans la foulée, lancer une autre réforme qui, elle aussi, donnerait lieu à d'importants changements.

Il a cependant considéré que la mise en oeuvre de la révision des valeurs locatives devait être lissée dans le temps. Citant l'exemple de l'instauration d'une taxe professionnelle unique au sein de sa propre communauté de communes, qui avait été étalée sur neuf années, il a estimé indispensable de se garder, en matière fiscale, d'une précipitation qui ne peut que décrédibiliser l'impôt.

Jugeant trop étroit le cadre communal, il a considéré que la révision des valeurs locatives devait au minimum s'inscrire au niveau intercommunal, soulignant que celui-ci pourrait même se révéler insuffisant du fait de l'existence d'intercommunalités de pure opportunité.

Il a enfin souhaité que la mise en oeuvre de la réforme relève de la DGFIP, en liaison avec les collectivités territoriales. Il a évoqué la possibilité pour le président du conseil général de contribuer à l'adoption de solutions équilibrées dans le cadre départemental.

M. Philippe Dallier a jugé que la révision des valeurs locatives était un débat en soi, qu'il convenait absolument de déconnecter du débat sur la péréquation. Il a estimé que l'objectif final ne consistait aucunement à obtenir une convergence des taux, mais des évaluations de bases garantissant une imposition équitable des redevables pour un taux donné.

Il s'est prononcé pour une réforme à produit constant pour les collectivités territoriales, sans augmentation de la pression fiscale globale.

Il s'est déclaré opposé à un « lissage », qu'il a jugé de nature à empêcher le citoyen de distinguer clairement les évolutions de la fiscalité dues aux choix des autorités locales de celles résultant de l'étalement de la réforme dans le temps.

M. Alain Lambert, président, a mis en avant l'ampleur des écarts d'évaluation des bases d'imposition, susceptibles d'aller de 1 à 10 dans un même périmètre, pour juger inconcevable une révision sans lissage.

M. Pierre-Yves Collombat a vu dans le fait que les établissements intercommunaux ne fixent pas les taux, une difficulté à surmonter, dans l'hypothèse où la révision des valeurs locatives serait appelée à s'effectuer à leur niveau.

M. Alain Lambert, président, a fait valoir que cette difficulté pourrait être surmontée, par exemple si le législateur imposait aux communes d'adapter leurs taux aux nouvelles bases.

M. Philippe Dallier a ajouté que, les bases étant appelées à être réévaluées, tout particulièrement celles n'ayant pas été actualisées depuis des décennies, l'objectif d'un produit global constant ne pourrait mathématiquement être atteint que par une baisse des taux. Il a souligné que, du fait de cette double modification d'assiette et de taux, certains contribuables verraient leur imposition augmenter tandis que d'autres la verraient diminuer, mais que le produit global pour les communes demeurerait identique.

M. Alain Lambert, président, a fait observer que, dans certains territoires, la fiscalité locale était pour l'essentiel d'origine communautaire. Il en a déduit que la réflexion ne pouvait être appréhendée au seul niveau communal.

M. Bruno Sido a vu dans le département un cadre territorial susceptible d'être bien adapté à la révision des valeurs locatives, dans la mesure où l'on ne saurait, en principe, concevoir des communes et des intercommunalités relevant de deux départements.

Soucieux d'assurer l'acceptation de la révision, il a plaidé pour un lissage de sa mise en oeuvre et pour des campagnes d'explication à l'intention des contribuables, estimant que ceux-ci seraient sensibles au fait que la situation actuelle se caractérise par des écarts d'évaluation pouvant aller du simple au décuple.

M. Jean-Jacques Mirassou a mis l'accent sur l'importance de l'environnement d'un bien pour la détermination de sa valeur. Citant l'exemple du quartier de Montmirail, dans la périphérie toulousaine, où les valeurs locatives font l'objet d'évaluations nettement supérieures à celles du centre-ville, il a jugé une réforme indispensable.

M. Edmond Hervé a appelé à éviter la confusion entre des notions différentes, en l'occurrence celles de « valeur locative », « valeur vénale » et « valeur de construction ». Soulignant à son tour l'impact de l'environnement d'un bien sur sa valeur locative, il a déclaré ne pas être choqué par le fait que deux maisons intrinsèquement identiques mais situées dans des environnements différents soient, de ce fait, soumises à des montants d'imposition différents.

M. Alain Lambert, président, a conclu le débat en proposant d'entendre de nouveau M. Dominique Hoorens, directeur des études économiques et financières de l'Union sociale pour l'habitat, afin de recueillir ses observations sur les positions exprimées au cours de la réunion. La délégation a approuvé cette suggestion.