Table des matières




Mardi 19 février 2002

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Rénovation des rapports conventionnels entre les professions de santé libérales et les organismes d'assurance maladie - Examen du rapport en nouvelle lecture

La commission a procédé à l'examen du rapport en nouvelle lecture de M. Alain Vasselle sur la proposition de loi n° 226 (2001-2002) portant rénovation des rapports conventionnels entre les professions de santé libérales et les organismes d'assurance maladie.

M. Alain Vasselle, rapporteur,
a rappelé que la commission mixte paritaire, réunie au Sénat le 12 février 2002, n'était pas parvenue à un accord sur la proposition de loi portant rénovation des rapports conventionnels entre les professions de santé libérales et les organismes d'assurance maladie. Il a estimé que ce résultat était attendu, le rejet de cette proposition par le Sénat en première lecture le 7 février laissant difficilement augurer d'une position commune sur ce texte.

Il a indiqué que l'Assemblée nationale, examinant cette proposition de loi en nouvelle lecture, le 12 février 2002, avait rétabli son texte de première lecture, modifié à la marge par deux amendements présentés par le Gouvernement. Il a considéré que les modifications apportées en nouvelle lecture ne changeaient en rien l'économie de ce texte et que les critiques formulées par la commission en première lecture conservaient dès lors toute leur pertinence.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a estimé que notre système de santé traversait aujourd'hui une crise profonde et paradoxale. Paradoxale, parce que notre système est bon, l'organisation mondiale de la santé (OMS) l'ayant récemment classé au premier rang mondial. Profonde, parce que de fortes inquiétudes se font jour qui s'étendent, au-delà des professions de santé, à l'ensemble des Français.

Il a considéré qu'en prenant ses fonctions en 1997, le Gouvernement disposait d'un instrument, les lois de financement de la sécurité sociale, résultant de la réforme constitutionnelle et organique de 1996, et d'un principe posé par la loi de 1994, celui de la séparation des branches de sécurité sociale et de la compensation intégrale à la sécurité sociale des exonérations de cotisations décidées par l'Etat.

Il a considéré que le Gouvernement avait progressivement dévoyé cet instrument et constamment violé ce principe. Depuis 1997, le Parlement vote un objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM). Or, cet objectif, chaque année dérive, avant d'être rebasé pour mieux dériver à nouveau. En 2001, les dépenses du régime général ont ainsi progressé de 6 % alors que l'objectif voté par le Parlement n'était que de 3,5 %.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a considéré qu'une telle dérive n'avait rien d'étonnant, le Gouvernement n'ayant pas su, ou pas voulu, donner à cet objectif un contenu en santé publique. L'ONDAM ne traduisait aucune priorité de santé publique et ne reposait sur aucune évaluation des besoins en santé de la population. Tout au plus constituait-il une indexation nécessairement contestée des moyens permettant de faire « tourner le système » cahin-caha.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a constaté en outre qu'il était traditionnel, désormais, qu'au mois de mars au plus tard, cette année dès le mois de janvier, le Gouvernement, qui avait demandé au Parlement de voter solennellement ce fameux ONDAM au mois de décembre, entame dans l'urgence des négociations, conclue des protocoles ou des avenants et ouvre des dépenses nouvelles ici ou là. En réalité, dès lors que l'instrument ne fonctionnait plus, dès lors que les principes n'étaient pas respectés, quelles pouvaient être les bases d'une négociation entre les pouvoirs publics et les professionnels ? Sur quels fondements s'opposer aux demandes légitimes des généralistes ? Naturellement pas sur les déficits persistants de l'assurance maladie puisque le Gouvernement, lors de la loi de financement pour 2002, les avait lui-même creusés.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a ainsi souligné que l'assurance maladie, qui constitue la branche déficitaire par excellence, s'était vue ponctionnée à un double titre pour assurer le financement des « trente-cinq heures » : d'une part, pour contribuer au financement du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), d'autre part, pour assumer la charge des emplois créés au titre de la réduction du temps de travail dans les hôpitaux. Il a jugé que cette politique creusant les déficits de la branche maladie et alourdissant son endettement demeurait incompréhensible et rendait illusoire toute action tendant à demander un quelconque effort de maîtrise des équilibres aux différents acteurs de notre système de santé.

M. Alain Vasselle, rapporteur, s'est demandé pourquoi les professionnels de santé signeraient des conventions si les efforts consentis, le redressement des comptes attendu, n'avaient pour seul effet que de permettre d'opérer des prélèvements supplémentaires. Il a estimé que la théorie pernicieuse des prétendus retours pour les finances sociales de la politique des trente-cinq heures et la multiplication des tuyauteries financières entre les branches de la sécurité sociale déresponsabilisaient l'ensemble des acteurs et conduisaient le système à la faillite.

Il a fait valoir que, dans ce contexte, le dispositif prévu par la proposition de loi présentait des faiblesses flagrantes. S'il retenait bien l'idée d'une architecture conventionnelle à trois niveaux, il ne tranchait cependant ni la question du mode de régulation des dépenses ni celle des responsabilités respectives de l'Etat et de l'assurance maladie dans cette régulation. Ainsi, et c'était le principal reproche que l'on pouvait formuler à son égard, il laissait subsister, pour les professions non signataires d'une convention, le mécanisme pervers des lettres-clés flottantes, institué par le Gouvernement dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 et auquel le Sénat s'était déjà opposé à de nombreuses reprises.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a ajouté que la réforme proposée ne résolvait pas le problème récurrent des relations entre l'Etat et l'assurance maladie. L'Etat conservait en effet la haute main sur le dispositif : c'est le Gouvernement qui devra approuver les conventions ; c'est encore lui qui pourra, dans certains cas, refuser les éventuelles revalorisations de tarifs proposées par les caisses, c'est-à-dire les partenaires sociaux ; c'est toujours lui qui, en l'absence de convention, définira la règle du jeu et les sanctions collectives. Dans un avis adopté à l'unanimité le 20 novembre 2001, le conseil d'administration de la CNAMTS a d'ailleurs fait part des fortes réserves que lui inspirait ce texte. Ces réserves constituent autant de critiques sévères de la politique menée depuis cinq ans par le Gouvernement.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a souligné que le dispositif proposé ne modifiait en rien le fait que la fixation annuelle de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) ne repose sur aucune priorité sanitaire clairement affichée et ne se fonde sur aucune véritable évaluation des besoins en matière de soins.

Il s'est dès lors interrogé sur la signification que pouvait revêtir un texte qui, s'il était adopté, serait vraisemblablement le dernier de la législature et qui semblait ne pas recueillir l'adhésion des acteurs concernés. Il a jugé que cette réforme n'avait, à l'évidence, pas vocation à être effectivement mise en oeuvre.

Il a souligné que, dans le contexte de crise que connaît aujourd'hui notre système de santé, la proposition de loi apparaissait en complet décalage avec les attentes des professionnels de santé et avec les défis auxquels ce système est confronté. Elle ne pouvait contribuer en rien à dissiper les inquiétudes légitimes qui se font jour chez les professionnels et chez les patients eux-mêmes. Elle n'avait au fond pour objet que de répondre au souhait du Gouvernement de pouvoir « afficher » une réforme des relations conventionnelles dont il savait pertinemment qu'elle ne serait pas appliquée avant les prochaines échéances électorales.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a estimé que la proposition de loi relevait de la gesticulation politique et visait avant tout à masquer les échecs et l'impuissance du Gouvernement en matière d'assurance maladie et de santé. Il a proposé à la commission de rejeter solennellement ce texte par l'adoption d'une motion opposant la question préalable.

M. Claude Domeizel a estimé que, sur un sujet aussi difficile, la majorité sénatoriale serait peut-être amenée, à l'image du Président de la République, à faire prochainement son mea culpa.

M. Guy Fischer a considéré que le rapporteur était dans son rôle lorsqu'il critiquait l'action menée par le Gouvernement depuis 1997. Il a jugé que les modalités de financement de la protection sociale restaient insatisfaisantes dans la mesure où ce financement reposait essentiellement sur les salaires. Il a estimé que la situation actuelle résultait d'une dramatisation des positions respectives, liée pour une large part au contexte électoral. Il a indiqué que le groupe communiste républicain et citoyen s'opposerait à la motion proposée par le rapporteur.

Estimant que la proposition du rapporteur était courageuse, M. Paul Blanc a souligné que le dérapage des dépenses de santé résultait aussi du comportement des malades qui multipliaient par exemple les demandes d'arrêts de travail. Il a regretté que l'on n'ait jamais eu le courage de mettre les usagers du système de santé, comme le projet de loi relatif aux droits des malades les dénommait désormais, en face de leurs responsabilités. Il a mis l'accent sur les coûts engendrés par les progrès de la médecine, tels que les nouvelles molécules destinées à combattre la maladie d'Alzheimer.

Evoquant les dépenses hospitalières, il a rappelé que celles-ci étaient composées à 70 % de dépenses de personnels. Il a regretté que, dans un contexte de pénurie de personnels hospitaliers, le Gouvernement ait choisi d'imposer aux établissements de santé le passage aux « 35 heures » sans réflexion préalable sur les conséquences lourdes de cette décision.

Jugeant que le seul moyen de sortir de la crise actuelle était de réunir autour d'une table ronde médecins, usagers et caisses de sécurité sociale, il a considéré, pour sa part, que la proposition de loi n'était qu'un texte purement électoraliste.

Après avoir rappelé que notre système de santé était tout de même le meilleur du monde, M. André Vantomme a mis l'accent sur les risques d'une approche uniquement comptable des problèmes de santé.

Estimant que ces questions de société méritaient un véritable débat, il a regretté que l'adoption d'une question préalable ne permette pas de discuter des problèmes au fond. Il a indiqué que le groupe socialiste voterait contre la motion présentée par le rapporteur.

M. Jean Chérioux a estimé qu'il s'agissait pour le Gouvernement, avec ce texte, comme l'avait pertinemment démontré le rapporteur, de sauver les apparences. Il a jugé que l'on s'intéressait surtout aux professionnels de santé libéraux mais que l'on oubliait souvent les dépenses hospitalières. Il a considéré que cela avait été une erreur que d'étendre les « 35 heures » au secteur hospitalier et au secteur associatif privé, pour lesquels cela représentait une charge énorme. Il a estimé que les problèmes devaient être abordés avec réalisme, sans oublier leur dimension financière.

M. Jean-Louis Lorrain a souligné que le conventionnement ne pouvait être que le résultat d'un long processus. Il a craint que l'on aboutisse au même résultat que celui observé aujourd'hui si l'on repartait des mêmes bases.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a observé que les critiques formulées par certains intervenants sur son rapport portaient davantage sur la forme que sur le fond. Il a considéré qu'il faudrait, le moment venu, trouver ensemble une solution qui permette de concilier le souci d'offrir le meilleur système de soins et le respect des équilibres financiers. Il a estimé que, si le Président de la République faisait aujourd'hui son mea culpa, il serait souhaitable que Mme Martine Aubry et Mme Elisabeth Guigou fassent de même.

La commission a ensuite adopté la motion tendant à opposer la question préalable.

Mercredi 20 février 2002

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Affaires sociales - Prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et allocation personnalisée d'autonomie - Communication

La commission a tout d'abord entendu une communication de M. André Lardeux sur les décrets d'application de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.

M. André Lardeux a souhaité tout d'abord rappeler que la discussion de cette loi du 20 juillet 2001 avait été marquée par six confusions.

La première confusion est relative à la prestation spécifique dépendance (PSD), accablée de tous les maux, alors qu'elle concernait tout de même 140.000 bénéficiaires sur un total de 536.000 personnes âgées dépendantes classées groupes isoressources GIR 1, GIR 2 et GIR 3.

La deuxième confusion s'explique en raison de la volonté du Gouvernement de réécrire un texte complet, alors que l'APA s'inscrit -sur le plan des principes (prestation en nature, servie et gérée par les départements) dans la droite ligne de la PSD.

La troisième confusion tient à la conduite d'autres réformes (réforme de la tarification, médicalisation des maisons de retraite), ayant de fortes conséquences sur l'APA en établissement.

La quatrième confusion est celle de l'utilisation de 0,10 point de contribution sociale généralisée, préalablement affecté au Fonds de solidarité vieillesse, pour tenter de compenser aux départements le surcoût représenté par l'APA, alors que les recettes de la sécurité sociale étaient utilisées par ailleurs pour financer les trente-cinq heures.

La cinquième confusion s'explique en raison de l'ambiguïté des concepts, l'APA n'étant plus considérée comme une prestation d'aide sociale, sans être pour autant une prestation de sécurité sociale.

La sixième source de confusion -qui touchait également la PSD- est qu'il existe deux allocations tout à fait différentes, qui n'ont en commun que le nom : l'APA à domicile et l'APA en établissement.

M. André Lardeux a ensuite indiqué que les décrets essentiels au « fonctionnement » de l'APA n'avaient été publiés au journal officiel que le 21 novembre 2001 pour un dispositif entrant en vigueur le 1er janvier 2002. Il a déploré qu'il ait fallu quatre mois entre la publication de la loi au journal officiel et la publication des décrets, ce retard étant particulièrement préjudiciable pour les départements. Il a ajouté que le conseil d'administration et le conseil de surveillance du « Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie » n'étaient toujours pas constitués : en conséquence, le contrôle peut être qualifié de défaillant, ce fonds gérant une fraction d'un prélèvement obligatoire -la contribution sociale généralisée- n'apparaissant ni en loi de finances, ni en loi de financement de la sécurité sociale. Il a rappelé que la loi avait prévu également la création d'un « Fonds de modernisation de l'aide à domicile », sous la forme d'une section du fonds de financement de l'APA, censé financer des projets de modernisation de l'aide à domicile, et que ce fonds n'était aujourd'hui toujours pas mis en place.

M. André Lardeux a ensuite abordé les innovations introduites par l'APA.

La première de ces innovations est que l'APA repose sur le principe d'un barème et de tarifs nationaux. Toutefois, l'APA en établissement -contrairement aux affirmations du Gouvernement- ne peut pas être considérée comme un « droit universel et égal pour l'ensemble du territoire ».

La deuxième de ces innovations est que l'APA n'est pas soumise à condition de ressources : mais, en fonction des revenus de la personne, celle-ci s'acquittera d'une « participation » qui pourra représenter jusqu'à 80 % du montant de l'allocation pour les personnes ayant des ressources supérieures à 3.049 euros par mois. En prenant l'exemple du département du Maine-et-Loire, les montants de l'APA -par rapport à la PSD- seront un peu plus élevés pour les GIR 1 et 2, mais le seront un peu moins dans le cas du GIR 3.

La troisième de ces innovations, introduite par décret, est que l'APA est ouverte aux 264.000 personnes âgées appartenant au GIR 4. S'il s'agit de l'innovation la plus consensuelle du dispositif, il convient de ne pas oublier que ces personnes disposaient souvent d'heures d'aide ménagère, par l'intermédiaire de leurs caisses de retraite, et qu'il y aura des cas où le « bénéfice » de l'APA représentera, en réalité, un recul.

La quatrième innovation tient à la suppression de la récupération sur succession. Cette disposition, qui a fait l'objet de longs débats à l'Assemblée nationale comme au Sénat, fragilise l'ensemble des mécanismes de récupération. Pour les personnes les plus pauvres, hébergées en établissement, la récupération demeure possible sur le tarif hébergement. Il est difficile de justifier une différence entre le tarif hébergement et le tarif dépendance.

M. André Lardeux a estimé que la montée en charge de l'APA, pour sa composante « domicile », s'était correctement déroulée. Il a observé que l'application des dispositions montrait cependant la « lourdeur » et l'inutilité de la commission d'instruction, puisque, compte tenu de la précision des règles législatives et réglementaires, la décision du président du conseil général pour attribuer l'allocation est quasiment contrainte. S'agissant des besoins en personnel dans les départements pour instruire les dossiers, il a confirmé l'évaluation de l'étude d'impact dont était assorti le projet de loi : entre 2.000 et 3.000 emplois seraient nécessaires. Il a considéré qu'il ne convenait pas de s'offusquer du choix d'un certain nombre de départements de « rebaptiser » l'APA en ADAPA (allocation départementale d'autonomie des personnes âgées) ou ADA (allocation départementale d'autonomie), puisque ces collectivités territoriales finançaient la presque totalité du dispositif. Citant, à titre d'anecdote, l'exemple du moteur de recherche du site Internet du ministère de l'emploi et de la solidarité consacré à l'APA, il a regretté que cette question du financement soit occultée par le Gouvernement.

M. André Lardeux a indiqué que la mise en oeuvre de la réforme de l'APA en établissement était beaucoup plus complexe. Il a estimé qu'il était impossible de placer sur le même plan les titulaires de l'APA à domicile, bénéficiant d'un plan d'aide, et ceux de l'APA en établissement, qui bénéficient en tout ou partie du financement du tarif dépendance de l'établissement qui l'héberge. Il a évalué à près de 280.000 personnes -sur un total de 480.000- le nombre de personnes âgées dépendantes hébergées en institution. Il a précisé qu'à la suite de la réforme de la tarification, elle-même revue par le décret du 4 mai 2001, trois niveaux de tarifs sont fixés par établissement, pour les GIR 1 et 2 (résidents très dépendants), les GIR 3 et 4 (résidents dépendants) et les GIR 5 et 6 (résidents peu ou pas dépendants), qui ne peuvent prétendre au bénéfice de l'APA. Il a rappelé que les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (EPHAD) avaient une obligation de conclure une convention tripartite, d'une durée de cinq ans, et que la loi avait repoussé au 31 décembre 2003 le délai ouvert pour conclure de telles conventions. Il a douté du respect de ce délai, compte tenu des moyens nécessaires, engagés sur le budget de l'assurance maladie, afin de médicaliser les maisons de retraite. Il a estimé que l'exception au conventionnement apportée par l'article 4 de la loi, pour les établissements accueillant une proportion très faible de résidents dépendants, ne jouerait que très marginalement, compte tenu de l'état de dépendance qui caractérisera de plus en plus les personnes rejoignant une maison de retraite.

Il a insisté sur le fait que les tarifs dépendance ne seraient pas seulement variables selon les départements, mais également à l'intérieur d'un même département, puisqu'ils seraient fixés pour chaque établissement. Pour des revenus inférieurs à 2,21 fois la majoration pour tierce personne (revenus inférieurs à 2.025,06 euros mensuels), la participation est appelée « forfaitaire minimale » : elle correspond aux tarifs fixés pour les GIR 5 et 6. Pour des revenus compris entre 2,21 et 3,40 fois la majoration pour tierce personne (revenus compris entre 2.025,06 et 3.115,47 euros), la participation est progressive : elle est égale au montant du tarif fixé pour les GIR 5 et 6, auquel s'ajoutent -selon le niveau des ressources du bénéficiaire- entre 20 % et 80 % du montant du GIR de la personne dépendante. Pour des revenus supérieurs à 3,40 fois la majoration pour tierce personne (revenus supérieurs à 3.115,47 euros), la participation correspond au tarif fixé pour les GIR 5 et 6, auquel s'ajoutent 80 % du montant du tarif de son GIR.

M. André Lardeux a alors cité des exemples montrant que les montants de l'APA en établissement seraient, par définition, beaucoup plus faibles que les montants de l'APA à domicile. Il a observé que, dans de nombreux départements, l'APA serait inférieure à la PSD : dans ce cas, une allocation différentielle devrait être versée par le conseil général, mais pour les seules personnes bénéficiant déjà de la PSD.

Il a expliqué que la loi autorisait le président du conseil général, à titre expérimental, et sous réserve de l'accord de l'établissement, à verser l'APA sous la forme d'une dotation budgétaire globale prenant en compte le niveau de perte d'autonomie moyen des résidents de l'établissement, et non pas celui de chaque résident. Il a précisé que, selon une enquête de l'Observatoire national de l'action décentralisée, 36 des 96 départements métropolitains auraient d'ores et déjà choisi cette expérimentation, ce choix étant motivé par un souci de simplification de la gestion des établissements. Il s'est étonné -au regard des principes de l'aide sociale, qui tendent à aider davantage ceux qui en ont besoin- que 19 de ces départements aient annoncé que le ticket modérateur restant à la charge des bénéficiaires de l'APA se limiterait au montant du tarif dépendance applicable dans les établissements concernés aux GIR 5 et 6, quelles que soient leurs ressources.

M. André Lardeux a indiqué que l'article 15 de la loi avait prévu un « rapport d'évaluation quantitative et qualitative de l'application de la loi », devant être présenté au Parlement avant le 30 juin 2003, ce rapport étant aujourd'hui « la » réponse du Gouvernement aux critiques des départements portant sur leur lourde charge financière. Il a estimé qu'une telle évaluation serait à la fois prématurée et sans lendemain. Il a considéré qu'il était essentiel de poursuivre cet effort d'évaluation : évaluation de la participation des départements, évaluation de la mise en oeuvre de la réforme de la tarification et évaluation de la médicalisation des maisons de retraite. Il a observé que les réponses aux questionnaires envoyés par l'Assemblée des départements de France (ADF) constitueraient certainement un outil précieux.

Il a rappelé également que l'article 17 de la loi avait créé un « comité scientifique » chargé d'adapter les outils d'évaluation de la perte d'autonomie et que le décret n° 2001-1087 du 20 novembre 2001, portant application de cet article, en avait précisé les missions. Il a observé que les membres de ce comité -qui doit remettre ses conclusions avant le 31 janvier 2003- n'avaient toujours pas été nommés.

En conclusion, M. André Lardeux a estimé que sa communication était davantage une « ouverture » au débat qu'un point final et qu'il était du devoir de la commission des affaires sociales du Sénat de continuer à suivre avec vigilance l'application de la loi APA.

M. Nicolas About, président, a remercié M. André Lardeux pour la qualité de son premier rapport.

M. Jean Chérioux, rappelant que le dossier était « difficile », a souligné l'objectivité du rapporteur. Considérant que l'APA avait corrigé certains défauts de la PSD, il a souhaité toutefois connaître le nombre de personnes qui connaissent une diminution de la prise en charge.

M. Claude Domeizel a estimé qu'il s'agissait d'un premier bilan, après moins de deux mois d'application de la loi. Il a considéré que l'objectif n'était pas d'opposer l'APA à la PSD, mais que la nouvelle allocation disposait d'un champ élargi, puisqu'elle concernerait 800.000 personnes à terme. Il a rappelé que le mécanisme de la PSD était très inégalitaire, les départements consacrant un effort variable à la situation des personnes âgées. Il a observé que la création d'emplois dans les départements n'avait rien d'étonnant. Il a mis l'accent sur l'objectif de création d'emplois dans le secteur de l'aide à domicile, en observant qu'il serait nécessaire de chiffrer également les pertes d'emplois, notamment dans les centres communaux d'action sociale qui intervenaient pour l'aide ménagère des personnes classées en GIR 4. Il a estimé nécessaire de mentionner les masses financières en jeu et considéré que la conclusion du rapporteur était élogieuse pour la réforme elle-même.

M. Guy Fischer a relevé des éléments « très intéressants » dans la communication de M. André Lardeux. Il a estimé que la loi APA était un texte « au milieu du gué » entre la PSD et le cinquième risque. Il a considéré que l'application de la loi représentait « un énorme appel d'air », comme en témoigne le nombre de dossiers déposés. Il a souligné que le problème de la formation se posait dans le secteur d'aide à domicile, afin de répondre à la demande. Il a estimé que l'APA en établissement faisait l'objet d'un « jeu d'intoxication » entre l'Etat et les départements. Prenant l'exemple du département du Rhône, il s'est interrogé sur les effets de l'APA par rapport à la prestation antérieure. Il a ajouté qu'il était nécessaire de garantir à tous un accès à des établissements de grande qualité.

M. Paul Blanc a également considéré qu'il serait nécessaire de tenir compte des emplois détruits dans le domaine de l'aide ménagère. Citant l'exemple d'allocataires du RMI formés en vue d'être employés dans le secteur de l'aide à domicile, il a estimé que le bilan qualitatif serait aussi nécessaire que le bilan quantitatif et qu'il convenait de faire preuve de prudence, s'agissant de personnels placés auprès de personnes âgées.

M. Jean-René Lecerf, prenant l'exemple du département du Nord, a indiqué que le budget 2002 de cette collectivité territoriale augmenterait de 200 millions de francs en raison de l'APA, et que la charge totale était évaluée, au bout de cinq ans, à 1 milliard de francs. Il s'est étonné que les départements dont les populations sont dans les plus grandes difficultés soient confrontés dans le même temps aux charges les plus importantes. Il a estimé que la date butoir du 31 décembre 2003, pour le conventionnement, était illusoire. Il a observé que les exceptions posées à la règle du conventionnement revenaient à « réserver aux adultes le bénéfice des jardins d'enfants ».

M. Alain Gournac a déclaré que « l'intoxication » du Gouvernement avait été de faire croire qu'il avait « mis la main à la poche », alors que ce sont les départements qui assurent le financement de l'APA. Il a regretté les délais extrêmement courts pour informer les bénéficiaires du nouveau dispositif, les centres communaux d'action sociale ( CCAS) ne disposant d'aucune information un mois avant la date du 1er janvier 2002. Il a estimé qu'il convenait de faire attention à la qualité des futurs recrutements, les personnes âgées étant par nature très vulnérables. Revenant sur la réévaluation de la grille autonomie gérontologie groupes isoressources (AGGIR), il a considéré que le système mis en place avait été tout à fait nécessaire, mais qu'il était désormais perfectible.

M. Alain Vasselle s'est interrogé sur la question des récupérations sur succession. Il a estimé qu'elle devrait être approfondie par la commission, en lien avec l'ADF et la commission des finances, afin que les décisions prises soient neutres pour les finances départementales. Revenant sur les cas où l'APA en établissement serait moins élevée que la PSD, il a rappelé que, lors du passage de la prestation expérimentale dépendance (PED) à la PSD, de tels reculs avaient déjà été constatés. Il s'est interrogé sur les conséquences de la tarification ternaire sur les finances de l'assurance maladie.

Mme Gisèle Printz, se référant aux propos de M. Paul Blanc, a regretté que l'on parle de manière péjorative des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI) et a souhaité que les membres de la commission fassent preuve de davantage de nuances, certains allocataires ayant d'ailleurs reçu une formation initiale non négligeable.

M. André Vantomme a estimé que la communication présentée par M. André Lardeux avait su éviter les polémiques. Il a considéré que la création d'emplois publics était positive, car elle contribuait à réduire le chômage.

En réponse aux différents intervenants, M. André Lardeux a souhaité rappeler que les emplois publics créés étaient financés par des transferts, et n'étaient pas créateurs de richesses par eux-mêmes. Il a indiqué, en outre, que les départements éprouvaient des difficultés à recruter des médecins, mais également des rédacteurs.

S'agissant de l'aide à domicile, il a insisté sur le temps nécessaire pour former le personnel. Il a évoqué le caractère souvent peu attractif de ce secteur.

Concernant les établissements hébergeant des personnes âgées, il a observé que ces derniers seraient de plus en plus spécialisés dans la prise en charge de la fin de vie, les résidents arrivant de plus en plus âgés et de plus en plus dépendants, pour une durée moyenne de séjour d'environ un an. Il a considéré que ce serait de plus en plus difficile à vivre pour le personnel. Il a indiqué que les logements-foyers n'étaient pas habilités à recevoir des personnes très dépendantes. Il a confirmé que le respect de la date du 31 décembre 2003 lui apparaissait illusoire.

S'agissant des effets de la réforme de la tarification sur le budget de l'assurance maladie, il a considéré qu'ils étaient difficilement mesurables. Il a fait part de « négociations très rudes », les régimes d'assurance maladie souvent ne souhaitant pas intégrer les charges de structure dans le tarif soins.

M. Alain Vasselle, a souligné l'intérêt de l'ordre du jour de la commission consacré à la fois au suivi de l'application des lois et à un compte rendu de l'activité d'un membre de la commission chargé de siéger dans un organisme extraparlementaire. A ces deux titres, il a souhaité commenter brièvement le rapport relatif à l'évaluation de l'application de la couverture maladie universelle remis par le Gouvernement au Parlement et informer la commission des observations qu'il comptait formuler lors de la réunion du conseil de surveillance du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie.

Ce rapport est en fait un document rédigé par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), et rendu au ministre dès décembre dernier. Même si ce document souligne que la couverture maladie universelle (CMU) constitue « une grande avancée » et s'il fait preuve d'une grande prudence, il s'apparente, par certains côtés, à un véritable « livre noir de la CMU », tant les critiques explicites portées sur l'application du dispositif, et les critiques implicites sur sa conception même, sont nombreuses.

Premièrement, l'objectif quantitatif de la CMU complémentaire, qui était censé toucher 6 millions de personnes, est loin d'être atteint : il y aurait 4,6 millions de « CMUistes », alors que l'aide médicale départementale bénéficiait à 3,4 millions de personnes.

Deuxièmement, les trois reports successifs de l'examen de la situation des bénéficiaires de l'aide médicale départementale, qui avaient été basculés automatiquement vers le nouveau régime de la CMU complémentaire, sont sévèrement critiqués ; ces reports auraient représenté un coût de 1,5 milliard de francs.

Troisièmement, le rapport décrit sans complaisance la question insoluble de l'effet de seuil créé par la CMU complémentaire, générateur d'injustices et d'un contentieux important ; les différents mécanismes proposés par le Gouvernement pour pouvoir y remédier apparaissent bien complexes, et risquent de recréer des inégalités que la CMU avait pour ambition de faire disparaître.

Quatrièmement, le rapport décrit avec précision la complexité inutile des règles de droit différentes entre la CMU de base et la CMU complémentaire.

Cinquièmement, le dévoiement du « scénario partenarial » est patent : 88 % des ressortissants de la CMU complémentaire sont gérés par les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), la part des organismes complémentaires étant cependant en progression.

Sixièmement, si le rapport passe un peu trop rapidement sur les nombreux griefs des professionnels de santé (contenu du panier de soins, longueur des délais de remboursement, nombreuses erreurs de remboursement...), il conclut cependant par un « aveu » terrible : « La réforme a instauré un système rigide, moins souple que l'aide médicale départementale ».

Enfin, le rapport est particulièrement bref sur les conséquences de l'instauration de la CMU pour les finances de l'Etat, les finances sociales et les finances locales. Le surcoût engendré par la CMU pour la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) représente pourtant environ 1,4 milliard d'euros (9,1 milliards de francs), puisque les recettes qui lui avaient été affectées ont été détournées pour financer le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC). En revanche, l'Etat -compte tenu des moindres dépenses de la CMU complémentaire- n'a pas constaté le surcoût attendu : reportant une fois de plus sur la sécurité sociale le soin de financer les générosités de sa politique, l'Etat est en quelque sorte « le gagnant » de la CMU.

M. Nicolas About, président, a donné acte à M. Alain Vasselle de cette communication. Il l'a remercié d'avoir bien voulu informer la commission des observations pertinentes qu'il comptait formuler lors de la réunion du conseil de surveillance du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie, prévue le 21 février, où il représente le Sénat de concert avec M. Jean-Louis Lorrain.

Centre national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts - Communication de M. Jean-Pierre Cantegrit, accompagné de M. Pierre Bordry, président du conseil d'administration, de Mme Françoise Sabotier, directeur et de M. le Professeur José Sahel, chef de service d'ophtalmologie

Puis la commission a entendu une communication de M. Jean-Pierre Cantegrit sur son activité au sein du conseil d'administration du centre national d'ophtalmologie des Quinze-vingts, accompagné de M. Pierre Bordry, président du conseil d'administration, de Mme Françoise Sabotier, directeur, et de M. le professeur José Sahel, chef de service d'ophtalmologie.

M. Nicolas About, président, a rappelé que M. Jean-Pierre Cantegrit avait été désigné par la commission pour siéger au conseil d'administration du centre national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts en novembre 1997 et renouvelé deux fois, en octobre 1998 et en octobre 2001. Il a fait observer qu'en l'entendant aujourd'hui, la commission faisait application de l'article 109 du Règlement du Sénat, qui dispose : « les sénateurs désignés pour siéger dans les organismes extraparlementaires présenteront au moins une fois par an à la commission qui a été chargée de les désigner ou de proposer les candidatures, un rapport sur leur activité au sein de ces organismes ».

Constatant que cette disposition était largement tombée en désuétude, ce qui était dommage, il a exprimé sa satisfaction de lui redonner sa portée, car M. Jean-Pierre Cantegrit était probablement un exemple de présence et d'implication dans l'organisme où il siège au nom du Sénat. Il a rappelé qu'à l'initiative de ce dernier, la commission avait pu visiter le centre des Quinze-Vingts en mars 1999.

M. Jean-Pierre Cantegrit a indiqué que le centre hospitalier national d'ophtalmologie (CHNO) des Quinze-Vingts, établissement national mono-disciplinaire, dont il n'existe pas d'équivalent en France, était le « premier centre d'ophtalmologie francilien ». Il traite 13 % de l'activité d'ophtalmologie de l'Ile-de-France, activité qui est assurée à plus de 40 % par le secteur privé à but lucratif. Il réalise deux fois l'activité de l'Hôtel-Dieu (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) et trois fois celle du centre privé le plus important. Une analyse, par groupe homogène de malades, indique qu'il arrive en première position sur toutes les pathologies devant être traitées par un établissement de référence (pathologies rétiniennes, infectiologiques aiguës, greffes de cornées, glaucomes complexes, ...). Par ailleurs, il accueille près de 25 % des patients de moins de 18 ans hospitalisés en Ile-de-France pour des motifs ophtalmologiques.

M. Jean-Pierre Cantegrit a expliqué que depuis la convention signée le 21 mai 1997 entre l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, le CHNO des Quinze-Vingts, l'université Pierre et Marie Curie Paris VI et l'Unité de formation et de recherche (UFR) Saint-Antoine, l'établissement assumait avec clarté sa quadruple vocation de soin, d'enseignement, de recherche et de prévention. Il a souligné que l'établissement avait su envisager pour la première fois un partenariat, sur des bases tout à fait novatrices, qui se traduisait, notamment, par l'organisation structurée de la prise en charge des patients pour l'activité chirurgicale au CHNO des Quinze-Vingts et dans les trois antennes de consultation d'ophtalmologie de la zone Est de Paris (Hôpital Saint-Antoine, Tenon et Trousseau), où sont développées une activité de proximité et une ophtalmologie de liaison, pour les patients hospitalisés relevant d'autres disciplines.

M. Jean-Pierre Cantegrit a relevé que cette recherche de complémentarité, qui avait conduit à une rationalisation certaine des moyens, s'était poursuivie, plus récemment, avec l'hôpital Ambroise Paré de Boulogne qui, compte tenu de la très faible offre de soins publics dans ce secteur sanitaire, maintenait une activité soutenue de consultation et de chirurgie ambulatoire.

Il a souligné que dans un contexte d'augmentation de la demande de soins, liée à une population vieillissante, contrarié par une diminution prévisible de l'offre, du fait d'une démographie médicale défavorable pour plusieurs années (qu'il s'agisse des ophtalmologistes, des anesthésistes et des radiologues), et des difficultés conjoncturelles de recrutement de personnel médical, le CHNO des Quinze-Vingts affirmait sa vocation de centre d'excellence. Le projet d'établissement du CHNO des Quinze-Vingts, voté à l'unanimité par le conseil d'administration en décembre 2001, donnait ainsi une place majeure à la recherche.

M. Jean-Pierre Cantegrit a expliqué en effet que si la recherche clinique en ophtalmologie était bien développée en France et, notamment au CHNO des Quinze-Vingts, il subsistait un manque de structures de recherche fondamentale et appliquée, auquel l'établissement souhaitait remédier. C'est dans ce sens que les quatre chefs des services d'ophtalmologie avaient été recrutés. C'était notamment sur cette base que le professeur José Sahel avait rejoint le CHNO des Quinze-Vingts, afin de structurer un centre de recherche à vocations nationale et internationale.

M. Pierre Bordry, président du conseil d'administration, a souligné combien la présence, au nom du Sénat, de M. Jean-Pierre Cantegrit dans le conseil d'administration de l'établissement était précieuse, parce que celui-ci apportait aux délibérations son expérience et ses grandes qualités personnelles.

Il a rappelé que le CHNO des Quinze-Vingts était un établissement public national qui, selon les termes de l'article R. 716-3-57 du code de la santé publique, contribuait à assurer en matière d'ophtalmologie les missions du service public hospitalier ainsi que la réadaptation fonctionnelle des aveugles. L'établissement gérait, en outre, un service d'hébergement pour les aveugles.

M. Pierre Bordry a indiqué qu'un seul autre établissement hospitalier avait le même statut juridique : il s'agit de l'hôpital de Saint-Maurice qui assure des missions en matière de rééducation et de réadaptation fonctionnelle. Le CHNO est donc un établissement autonome et spécialisé. Outre l'ophtalmologie, il dispose d'un remarquable service de neuro-imagerie et d'un service de médecine interne. Son conseil d'administration comprend 22 membres : un conseiller d'Etat, président, un membre de l'Assemblée nationale désigné par la commission des affaires sociales de cette Assemblée, un sénateur désigné par la commission des affaires sociales du Sénat, M. Jean-Pierre Cantegrit ; siègent en outre les représentants de l'hôpital, trois représentants de la région Ile-de-France et trois représentants du conseil de Paris.

M. Pierre Bordry a rappelé que le conseil d'administration avait renouvelé, au cours de ces dernières années, l'ensemble des chefs de service de l'établissement, mais aussi l'équipe de direction et il s'est réjoui d'avoir pu recruter comme directeur Mme Françoise Sabotier, préalablement directeur adjoint de l'hôpital Saint-Antoine. Il a indiqué que l'établissement avait participé, avec le soutien de la communauté des ophtalmologistes, à la restructuration de l'organisation de cette spécialité à Paris. Les conventions passées avec l'AP-HP ont conduit à accueillir sur le site les services d'ophtalmologie précédemment installés dans les hôpitaux Saint-Antoine, Tenon, Rothschild, Trousseau et Ambroise Paré. Dans les hôpitaux dont les services ont été transférés, une antenne a été maintenue sous la responsabilité du chef de service des Quinze-Vingts concerné.

M. Pierre Bordry a souligné que, par convention avec l'hôpital de Strasbourg, l'établissement avait fait venir, le 1er septembre 2001, le professeur José Sahel comme chef de service ; ce dernier exerçait à Strasbourg comme professeur d'université-praticien hospitalier et y dirigeait un centre de recherches réputé au niveau international. Il a précisé que le CHNO avait demandé au mois d'octobre 2001 au ministère des universités de lui réserver un poste universitaire à Paris à partir de la prochaine rentrée universitaire, ce qui, après quelques débats, avait été accordé avec le soutien unanime de l'université Paris VI Pierre et Marie Curie et de toute la communauté scientifique concernée.

M. Pierre Bordry a expliqué que le professeur Sahel était un chercheur très largement reconnu au niveau international ; il a considéré qu'il n'était guère cohérent d'avoir un ensemble hospitalier aussi important que celui qu'ils étaient en train d'organiser sans un grand centre de recherche adossé à la clinique et à la résidence des aveugles. Pour l'instant, le centre de recherche sera installé dans des locaux INSERM de l'hôpital Saint-Antoine et, dans les deux ans qui viennent, l'hôpital construira un immeuble sur son site pour l'accueillir à proximité de la clinique.

M. Pierre Bordry a précisé que le CHNO organisait par ailleurs, avec la Fondation ophtalmologique Rothschild, une fédération interhospitalière, afin de réunir les 150.000 patients des Quinze-Vingts et les 80.000 de la Fondation, ce qui constituait une cohorte particulièrement intéressante pour la recherche.

Après avoir souligné que cette politique de développement était soutenue par le conseil d'administration, la commission médicale d'établissement, l'INSERM et la communauté scientifique, il a expliqué qu'en oeuvrant ainsi pour une restructuration d'une spécialité, l'objectif était de mettre un outil de qualité à la disposition des ophtalmologistes, tant au plan clinique qu'au plan de la recherche. L'hôpital avait élaboré et adopté à l'unanimité en fin d'année 2001 un projet d'établissement définissant l'action à mener pour les années à venir ; il s'agit de créer un pôle de référence en ophtalmologie qui soit équipé d'une plate-forme technique qui maintienne son très haut niveau de qualité, une organisation des consultations adaptée aux patients (150.000 par an), un accueil des urgences qui soit qualifié, un lieu de formation universitaire et de formation continue, un centre de recherche qui associe sans exclusive tous ceux qui voudront y participer.

M. Pierre Bordry a jugé précieux de rassembler sur un même site les investissements les plus importants qui permettent de soigner dans les meilleures conditions les pathologies les plus complexes sans négliger les autres, d'assurer la formation universitaire et continue. L'objectif n'est pas de rassembler toute l'ophtalmologie sur un même site ; il apparaît utile, au contraire, de concevoir un réseau qui permette d'organiser une ophtalmologie de proximité de qualité.

M. Pierre Bordry a souligné que la direction de l'agence régionale de l'hospitalisation, face à ces projets, souffrait quelquefois de « basse vision ». Il a relevé que le CHNO connaissait les mêmes soucis que les autres hôpitaux : le manque d'infirmières, la démographie médicale en baisse, la surcharge du travail administratif des personnels soignants, la nécessité de travaux immobiliers pour maintenir à niveau les normes de sécurité... Il a constaté que la mise en place des 35 heures, grâce à la qualité du dialogue social organisé par l'équipe de direction, s'effectuait dans des conditions raisonnables.

Evoquant la question de l'investissement, il a indiqué qu'il avait proposé au conseil d'administration de vendre le patrimoine immobilier extérieur à l'activité de l'établissement pour pouvoir construire un ensemble immobilier afin notamment d'accueillir le centre de recherche.

M. José Sahel a décrit de manière détaillée le projet de création d'un Institut de recherches biomédicales et cliniques sur la vision. Il a fait valoir qu'il s'agissait de faire des Quinze-Vingts un pôle de référence pour la prise en charge des affections rétiniennes.

Il a souligné l'importance, en termes de santé publique, des affections rétiniennes cécitantes  telles que la dégénérescence maculaire liée à l'âge, qui touchait deux millions de personnes en France, la rétinopathie diabétique, le glaucome et les dystrophies rétiniennes héréditaires. Il a fait observer que certaines de ces pathologies étant directement liées à l'âge, il fallait prévoir et anticiper une véritable pandémie dans les prochaines années, du fait du vieillissement continu de la population. Il a indiqué que le budget consacré par les Etats-Unis à la recherche sur la vision était supérieur au budget de l'ensemble de la recherche médicale en France.

M. José Sahel a expliqué que le visiopole que les Quinze-Vingts projetaient de constituer serait composé de trois pôles : un pôle de recherche en milieu clinique avec un centre d'investigations cliniques, un pôle de recherche en laboratoire avec un Institut de la vision sous forme de groupement d'intérêt scientifique, et un pôle de recherche en milieu industriel.

M. André Lardeux a souhaité connaître le montant des sommes en jeu dans ces investissements.

M. Pierre Bordry a expliqué que la construction d'un nouveau bâtiment représentait un coût de 80 millions de francs, intégralement pris en charge par le CHNO. S'agissant du budget de fonctionnement de la recherche, il a indiqué que son coût serait réparti entre les différents partenaires publics et privés.

M. André Vantomme a jugé extrêmement intéressant le projet qui venait d'être présenté. Il s'est étonné d'un partenariat scientifique avec la Grande-Bretagne, alors que le système de santé britannique était souvent présenté comme déficient.

M. Pierre Bordry a souligné qu'il avait été très difficile d'empêcher que le professeur José Sahel ne se rende à Londres, où on lui offrait des conditions de travail exceptionnelles. Il a détaillé les différentes démarches qu'il avait dû accomplir, notamment auprès du Premier ministre et du ministre de l'éducation nationale, afin d'obtenir pour le professeur Sahel un poste de PU-PH en région parisienne.

M. Nicolas About, président, a souligné qu'il y avait une différence entre la qualité des soins dans un pays et la recherche médicale que l'on y menait.

M. José Sahel a fait valoir que, si le système anglais était fondé sur le rationnement de l'offre de soins, la recherche médicale en matière d'ophtalmologie était à la fois ancienne et de très haut niveau. Cette recherche bénéficiait de moyens financiers importants grâce au Medical Research Program et au Wellcome Trust.

M. Guy Fischer a salué la dimension internationale de ce projet ambitieux. Il a mis l'accent sur les difficultés de plus en plus fréquentes que rencontraient les patients dans l'accès aux ophtalmologistes. Soulignant que la spécificité du futur visiopole provenait de l'interpénétration entre initiatives publiques et initiatives privées, il a souhaité savoir si ce projet constituait une première en France et s'il convenait de procéder de même pour d'autres pathologies.

M. José Sahel a mis l'accent sur la prochaine pénurie d'ophtalmologistes dans notre pays. Il a rappelé que l'ophtalmologie était souvent considérée comme une spécialité marginale, à laquelle il convenait de redonner une certaine noblesse. Il a souligné qu'il apparaissait logique, dans ce contexte de pénurie, de regrouper les forces et les moyens existants. Il a insisté sur les problèmes que ne manquerait pas de poser, dans une dizaine d'années, cette pénurie grandissante.

Evoquant le partenariat entre public et privé, il a indiqué que cela existait dans d'autres cas et que tout était question de coût : il a rappelé que pour développer un médicament, il fallait investir plusieurs milliards de francs, ce que ne pouvaient naturellement pas financer les institutions publiques. Il a souligné qu'il fallait une crédibilité de la recherche publique pour attirer les investisseurs privés et que le leadership, dans un partenariat public-privé, devait rester au public.

M. Alain Vasselle a souhaité connaître les incidences financières sur le budget de l'établissement du projet présenté. Il s'est enquis des difficultés administratives auxquelles l'établissement avait été confronté pour mener à bien ce projet.

M. Pierre Bordry a indiqué que les difficultés rencontrées provenaient moins des textes réglementaires ou législatifs que de l'inertie des bureaux et qu'il avait fallu une intervention conjuguée du Premier ministre et du ministre de l'éducation nationale pour surmonter le blocage des services.

Mme Françoise Sabotier a précisé que la constitution du centre d'investigations cliniques supposait un financement sur quatre ans de 600.000 francs par an, supporté par l'INSERM et le ministère de la santé. Les coûts de personnel seront, quant à eux, partiellement financés par des contrats de recherche.

M. Nicolas About, président, a vivement remercié les intervenants et constaté que les nombreux commissaires présents les avaient écoutés avec un extrême intérêt.