Travaux de la commission des lois



- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

PJLF pour 2006 - Mission « Sécurité » - Examen du rapport pour avis

La commission a tout d'abord examiné le rapport pour avis de M. Jean-Patrick Courtois sur les crédits consacrés à la mission « Sécurité », inscrits dans le projet de loi de finances pour 2006.

A titre liminaire, M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis, a marqué son soutien aux forces de police et de gendarmerie et rendu un hommage particulier aux quatre policiers et gendarmes décédés et aux 4.418 policiers et gendarmes blessés au cours d'opérations en 2004.

Evoquant le projet de loi de finances pour 2006, il a observé que la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances permettrait de parachever les efforts entrepris dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure afin, d'une part, de rapprocher et de coordonner l'action de la police et de la gendarmerie nationales, d'autre part, de développer une culture du résultat et de l'efficacité. Il a souligné à cet égard que, grâce à l'action conjointe des deux assemblées, le gouvernement avait modifié son projet de nomenclature budgétaire en créant une mission interministérielle « Sécurité » comportant deux programmes, l'un pour la police nationale et l'autre pour la gendarmerie nationale.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis, a indiqué que le montant des crédits de la mission « Sécurité » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2006 s'élevait à 15,372 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit une hausse de 8,67 %, et à 14,668 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 3,25 %. Il a toutefois précisé que le changement de nomenclature induit par la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances rendait difficile l'appréciation de ces évolutions, d'autres modifications étant de surcroît susceptibles de se produire. Il a ainsi observé que l'Assemblée nationale, sur proposition du gouvernement, avait transféré 602,3 millions d'euros de crédits, relatifs à la prise en charge des dépenses de loyer, d'infrastructure immobilière et d'informatique de la gendarmerie nationale, de la mission « Défense » vers la mission « Sécurité ». Aussi a-t-il appelé de ses voeux une stabilisation rapide des périmètres des programmes afin de faciliter les comparaisons dans le temps.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis, a précisé que les crédits du programme « Police nationale » s'élèveraient à 8,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 8 milliards en crédits de paiement en 2006, en progression respectivement de 8,4 % et de 0,8 %, tandis que ceux du programme « Gendarmerie nationale » atteindraient 6,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 6,65 milliards d'euros en crédits de paiement, en progression respectivement de 9 % et de 6,4 %. Il a souligné que les crédits de la gendarmerie nationale seraient en réalité bien supérieurs et s'élèveraient, après ventilation entre différents programmes, à 7,5 milliards d'euros en crédits de paiement.

Rappelant les propos tenus par M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, lors de son audition par la commission en remplacement de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis, a observé que la hausse importante des moyens de la gendarmerie permettrait notamment de rattraper le retard enregistré en 2005 par rapport aux prévisions d'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

Il a indiqué, d'une part, que 2.000 emplois supplémentaires seraient créés dans la gendarmerie nationale, correspondant à 1.000 équivalents temps plein compte tenu d'une date moyenne de recrutement fixée au 1er juillet 2006, d'autre part, que la police nationale bénéficierait de 1.300 recrutements, dont 1.200 dans les « corps actifs » et 100 dans les corps administratifs, techniques et scientifiques, soit un accroissement net de 647 équivalents temps plein. Il a annoncé que, pour la quatrième année d'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, les objectifs en matière d'effectifs devraient être atteints à 80 % pour la police et à 73 % pour la gendarmerie.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis, a déclaré que les grandes orientations de la politique de sécurité seraient mises en oeuvre, de même que les programmes d'équipement lancés les années précédentes, qu'il s'agisse du déploiement du réseau de communication Acropol ou de la diffusion d'un nouvel armement et d'un nouvel uniforme.

Il a souligné que cet effort financier exceptionnel, permettant d'atteindre un taux d'exécution d'une loi de programmation, rarement observé, témoignait du caractère prioritaire de la sécurité publique dans un contexte budgétaire général contraint et appelait en retour une attention particulière sur l'efficacité de la dépense.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis, a mis en exergue la diminution des crimes et délits en 2004, tant en nombre (- 49.252 faits) qu'en pourcentage (- 3,76 % au total, - 2,71 % pour la police nationale et - 6,34 % pour la gendarmerie nationale). Il a déclaré que ce résultat confirmait l'inversion de tendance de l'évolution de la délinquance enregistrée depuis le second semestre de 2002, la délinquance globale ayant diminué de 8,5 % en trois ans. Il a ajouté qu'avec 1.884.311 crimes et délits constatés par les services de police et les unités de gendarmerie en France métropolitaine au premier semestre 2005, la délinquance avait baissé de 2,20 % par rapport au premier semestre 2004. Il a toutefois précisé, d'une part, que les crimes et délits contre les personnes continuaient de progresser de manière inquiétante, d'autre part, que la hausse de la catégorie « autres infractions, dont stupéfiants » devait être interprétée avec prudence, dans la mesure où elle concernait principalement des crimes et délits révélés par l'action des services.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis, a estimé que l'efficacité des services pouvait être démontrée par d'autres indicateurs, tels que l'amélioration des taux d'élucidation, quelle que soit la catégorie d'infractions, et la forte progression du nombre des infractions révélées par l'action de la police et de la gendarmerie nationales. Aussi a-t-il suggéré de l'ajouter aux indicateurs de performance des deux programmes de la mission.

Après avoir observé que les augmentations de crédits consenties depuis 2002 avaient permis une remise à niveau des moyens des forces de police et de gendarmerie, il a souligné que ces dernières seraient à l'avenir contraintes de faire aussi bien, et même mieux, avec des moyens progressant moins vite.

Evoquant le choix des objectifs et des indicateurs de performance, M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis, a regretté, en premier lieu, qu'en dépit d'un effort important de rapprochement des programmes « Police » et « Gendarmerie », les choix d'indicateurs ou leur méthode de calcul n'aient pas toujours été harmonisés, ces disparités rendant plus difficiles les comparaisons. A titre d'exemple, il s'est étonné que le programme « Gendarmerie nationale » ne comporte aucune action dédiée à la police des étrangers et au contrôle des frontières. Il a rappelé que seules étaient justifiées les spécificités liées au statut militaire de la gendarmerie et aux particularités des types de délinquance traités par elle.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis, a déploré, en deuxième lieu, que plusieurs indicateurs ne soient pas renseignés.

Il a estimé, en troisième lieu, que les indicateurs choisis n'étaient pas toujours judicieux et s'avéraient parfois redondants. Relevant que l'action de la police judiciaire serait évaluée à l'aune du seul taux d'élucidation selon les différentes catégories d'infraction, il a proposé de prendre également en compte le nombre des procédures annulées pour vice de procédure imputable aux services. Il a précisé que l'efficacité des mesures d'éloignement d'étrangers était ainsi appréciée au regard du taux de remise en liberté de personnes placées en rétention administrative par le juge des libertés et de la détention pour vice de procédure imputable aux services de police. Après avoir expliqué que cet indicateur permettait de mesurer à la fois la qualité de la formation juridique des policiers, le respect de la légalité et, pour une part, le respect de la déontologie, il a souligné que les procédures bâclées étaient coûteuses, démoralisaient les personnels et renforçaient le sentiment d'impunité.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis, a observé que certains indicateurs ne faisaient que rendre compte de l'activité d'un service, l'indicateur retenu au titre de l'action « Exercice des missions militaires » de la gendarmerie pour évaluer les opérations extérieures consistant par exemple à mesurer le nombre de jours-gendarmes consacrés à ces opérations.

En dernier lieu, faisant sienne une remarque formulée à plusieurs reprises par les syndicats de policiers, il a déploré que des tâches ou des objectifs de la police et de la gendarmerie ne soient mesurés par aucun indicateur, notamment la prévention, le renseignement, le poids des charges dites « indues », l'accueil des victimes ou encore la déontologie. Convenant de la difficulté à établir des indicateurs pour mesurer l'efficacité de la prévention et du renseignement, il a proposé d'apprécier le respect de la déontologie par les forces de sécurité au moyen du nombre de policiers et de gendarmes condamnés pour des faits intervenus dans l'exercice de leurs fonctions. Quant à l'attention portée à l'accueil du public et des victimes, il a estimé qu'elle pouvait être mesurée grâce à des enquêtes de satisfaction. Enfin, au vu des événements survenus au mois de novembre 2005, il s'est interrogé sur l'utilité de créer un indicateur des violences urbaines.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis, s'est défendu de vouloir entretenir un culte des indicateurs. Il a déclaré que, trop nombreux, ces derniers ne serviraient à rien et risqueraient de créer une bureaucratie exclusivement consacrée à leur calcul. Il a estimé que quelques indicateurs pouvaient suffire, à la condition d'être judicieusement choisis. Jugeant possibles des améliorations importantes, il a souligné la nécessité d'y procéder rapidement afin de disposer dans les années à venir d'une stabilité suffisante pour mesurer les progrès accomplis en termes d'efficacité.

Sous le bénéfice de ces observations, il a proposé à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurité » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2006.

M. Jean-Claude Peyronnet a indiqué que les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, se prononceraient contre l'adoption de ces crédits.

Il s'est déclaré sceptique quant à l'annonce de créations nettes d'emplois en 2006, le syndicat UNSA-police ayant affirmé que les créations prévues permettraient à peine de compenser les départs à la retraite.

Il a estimé que les objectifs de résultat assignés aux services de police et de gendarmerie en termes de diminution de la délinquance et d'amélioration du taux d'élucidation des crimes et délits risquaient d'avoir pour effet pervers de les inciter à tenter de dissuader les victimes de porter plainte et à s'en tenir aux « mains courantes ». Il a également déploré la disparition de la police de proximité, estimant qu'elle contribuait, elle aussi, à la diminution du nombre des faits de délinquance constatés.

Enfin, il a jugé anormal que les loyers pouvant être perçus par les collectivités territoriales ayant financé la construction de casernes de gendarmerie soient plafonnés, alors qu'aucun plafond n'était prévu en cas de construction de casernes dans le cadre de partenariats public-privé.

M. Bernard Frimat a invité à la prudence dans l'utilisation des statistiques, observant qu'il était plus aisé de trouver des chiffres pour étayer un raisonnement que de construire un raisonnement sur la base de données numériques.

Il a jugé contradictoires les propos du rapporteur se satisfaisant tantôt d'une baisse de la délinquance, tantôt d'une augmentation des infractions révélées.

Enfin, il a mis en garde contre la tentation de créer, à seule fin d'éviter de faire apparaître une augmentation globale des faits de délinquance en 2005, un indicateur recensant les violences urbaines.

En réponse à M. Jean-Jacques Hyest, président, M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis, a précisé que le déploiement du système Acropol devrait être achevé à la fin de l'année 2006.

S'agissant des effectifs des services de police et de gendarmerie, il a expliqué que le projet de loi de finances prévoyait effectivement des créations nettes d'emplois, mais qu'en raison de la durée de la formation des agents, les départs à la retraite ne seraient peut-être pas tous compensés en 2006.

Enfin, il a souscrit aux propos de M. Jean-Claude Peyronnet sur la différence de traitement entre les collectivités territoriales et les entreprises privées ayant construit des casernes de gendarmerie.

La commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurité » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2006.

PJLF pour 2006 -Mission « Sécurité civile » - Examen du rapport pour avis

La commission a tout d'abord examiné le rapport pour avis de M. Charles Guené sur les crédits de la mission « Sécurité civile », inscrits dans le projet de loi de finances pour 2006.

Soulignant que les services départementaux d'incendie et de secours avaient été particulièrement sollicités pendant l'année, M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a rendu un hommage particulier aux sauveteurs et aux sapeurs-pompiers. Il a salué la mémoire des cinq pilotes de la sécurité civile et des quatorze sapeurs-pompiers décédés au cours de l'année. Déplorant les agressions dont ont été victimes les services de secours lors des violences urbaines récentes, il a estimé que ces dernières devaient amener une réflexion sur les modes opératoires en vigueur, ainsi que sur l'utilisation éventuelle de moyens nouveaux.

Constatant que ce budget était un budget de transition, il a souligné que l'examen des crédits de la sécurité civile au sein d'une mission autonome divisée en deux programmes et sept actions consacrait son importance. Il a rappelé que le Sénat aurait préféré une mission interministérielle beaucoup plus large et que le ministre de l'intérieur avait estimé que les contours de la mission actuelle étaient amenés à évoluer.

Il a rappelé que les crédits concernés ne tenaient pas non plus compte des efforts des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) dont le coût global était de 3 milliards d'euros en 2004.

Il a noté qu'un « document de politique transversale » résumait l'ensemble des crédits d'Etat consacrés à la sécurité civile, ces derniers s'élevant à 893 millions d'euros (contre 853 en 2005), confirmant a posteriori la pertinence de la position du Sénat.

Il a indiqué que les crédits de paiement demandés pour 2006 étaient de 463,5 millions d'euros, soit une hausse de 2 % par rapport à 2005, mais en baisse de 3,8 % hors masse salariale (cet écart étant dû à la fin des programmes d'équipement aéronautiques).

Il a constaté que les effectifs resteraient stables en 2006, avec 2.604 équivalents temps plein travaillés.

Il a précisé que le programme « Intervention des services opérationnels » reflétant le coût de la mise en oeuvre des moyens nationaux de la sécurité civile, mobilisés en complément de ceux des services départementaux d'incendie et de secours, serait financé à hauteur de 256 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 16 % mais correspondant en partie à des intégrations de personnels et que 207 millions d'euros en crédits de paiement seraient consacrés au programme « Coordination des moyens de secours ».

Il a indiqué que ces crédits devaient contribuer à préserver les capacités opérationnelles de la flotte aérienne, fragilisée par plusieurs accidents récents, avec l'acquisition d'un nouveau Canadair (21 millions d'euros), rappelant qu'une réflexion était en cours pour remplacer les autres appareils grâce à l'acquisition d'un bombardier d'eau Dash 8 envisagée pour 2007 et à la location d'un hélicoptère Aircrane pour l'été prochain.

Il a noté que les efforts des SDIS seraient accompagnés par le versement d'une majoration de la dotation globale de fonctionnement des départements de 15 millions d'euros et par l'affectation d'une partie des crédits du fonds d'aide à l'investissement des SDIS, maintenu à 65 millions d'euros en 2006, au programme ANTARES d'adaptation des réseaux de communication des services de secours.

Il a ajouté que 73 millions d'euros permettraient la poursuite du plan de modernisation de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris.

Il a souligné que ce budget favorisait aussi des mesures non matérielles mais de plus longue haleine tendant à l'instauration d'une nouvelle culture de gestion et d'évaluation de la sécurité civile. Il a insisté sur la nécessité de rendre opérationnels certains indicateurs et de renforcer l'évaluation et la diffusion des bonnes pratiques dans les services départementaux d'incendie et de secours.

Il a insisté sur le bon rythme de publication des décrets d'application de la loi de modernisation de la sécurité civile.

Saluant la mise en place de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours, présidée par le sénateur Eric Doligé, et du conseil national de la sécurité civile, il a cependant estimé que le rôle de la conférence devait être renforcé pour la rendre capable d'émettre des avis découlant de sa propre expertise.

Il a précisé que le rapport consacrait un important développement à la prévention et à la lutte contre les feux de forêts, ainsi qu'à l'internationalisation de la sécurité civile.

Evoquant les principaux chantiers en cours de la sécurité civile, il a mentionné l'instauration d'une formation scolaire à la sécurité civile, précisant qu'il comptait interroger le ministre de l'intérieur à ce sujet en séance publique, la montée en puissance des réserves communales de sécurité civile, l'amélioration de la préparation aux crises, la création d'un pôle français de défense civile, ainsi que l'évolution vers une protection civile européenne privilégiant la coordination entre Etats membres plutôt qu'une intégration communautaire.

Insistant sur l'importance des efforts entrepris depuis 2002 pour moderniser la sécurité civile, il a souligné la nécessité d'encourager le développement de la culture de la sécurité civile afin d'en faire l'affaire de tous.

Au terme de cette présentation, M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a demandé à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission de sécurité civile, inscrite au budget du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

M. Jean-Claude Peyronnet a déploré le bicéphalisme persistant de l'organisation de la sécurité civile en France, partagée entre les SDIS et les moyens nationaux de la sécurité civile. Il a estimé que cette organisation ne permettait pas à la France de répondre au mieux au terrorisme ou à des catastrophes naturelles majeures. A titre personnel, il a défendu l'institution d'un grand service national de la sécurité civile, rassemblant tous les acteurs des secours.

Il s'est interrogé sur la technique de versement direct aux départements d'une majoration de leur dotation globale de fonctionnement pour l'activité des SDIS, en rappelant que ceux-ci étaient des établissements publics autonomes et que les départements n'assureraient seuls leur financement qu'à compter du 1er janvier 2008.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a constaté que la coordination entre acteurs des secours avait été améliorée par le renforcement du niveau zonal et l'organisation commune d'exercices de sécurité civile à échéances régulières.

Après avoir salué la franchise du rapporteur pour avis, M. Bernard Frimat a estimé que la mission budgétaire « Sécurité civile » était insuffisante pour prendre en compte sa nature interministérielle, ainsi que l'ensemble des coûts liés aux services de secours, empêchant d'avoir une vision globale de l'effort national consacré à la sécurité civile.

Il a indiqué qu'il serait pertinent à l'avenir d'examiner les charges nouvelles créées par la loi de modernisation de la sécurité civile pour les départements et a constaté l'échec du projet de départementalisation de l'assiette de la taxe sur les conventions d'assurances dont les SDIS devaient bénéficier.

En réponse à M. Jean-Claude Peyronnet, M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a indiqué que le débat sur l'organisation territoriale de la sécurité civile avait été tranché par la loi de modernisation de la sécurité civile et que le soutien financier aux départements pouvait s'expliquer par le fait qu'ils étaient les seuls à supporter l'augmentation des charges des SDIS, en raison du plafonnement des contributions des communes et des établissements publics de coopération intercommunale.

Rejoignant les propos de M. Bernard Frimat sur la définition restrictive de la sécurité civile dans la mission budgétaire, il a confirmé qu'une réflexion sur son évolution était en cours. Il a souligné la nécessité d'une évaluation de la loi de modernisation de la sécurité civile lorsque ses dispositions seront effectives.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurité civile » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2006.

PJLF pour 2006 - Mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite examiné le rapport pour avis de M. José Balarello sur les crédits consacrés à la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat », inscrits dans le projet de loi de finances pour 2006.

M. José Balarello, rapporteur pour avis, a d'abord indiqué que l'application de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances avait conduit la commission des lois à se saisir pour avis des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat », ce qui lui permettait d'examiner pour la première fois des versants essentiels de l'action du ministère de l'Intérieur en matière d'exercice de la citoyenneté, qu'elle ne pouvait analyser dans le précédent cadre budgétaire.

Rappelant que le plafond d'emplois temps plein travaillés inscrit dans le projet de loi de finances pour 2006 pour cette mission s'élevait à 35.517, il a indiqué que le secrétaire général du ministère de l'intérieur était le responsable de la gestion des trois programmes de la mission relatifs à l'administration territoriale, à la vie politique, cultuelle et associative ainsi qu'à la conduite et au pilotage des politiques de l'intérieur.

S'agissant du programme « Administration territoriale », M. José Balarello, rapporteur pour avis, a constaté que l'essentiel du champ des activités des préfectures était couvert par les six objectifs et les douze indicateurs de performance, à l'exception notable de la mission de coordination des actions interministérielles. Estimant que les indicateurs choisis devraient permettre de rendre efficacement compte de l'activité des services préfectoraux, il s'est également félicité de la création d'indicateurs permettant de mesurer les efforts fournis par l'administration centrale et les services déconcentrés du ministère de l'intérieur dans la réduction de leurs coûts de fonctionnement.

Affirmant que l'administration territoriale était en quête de modernisation, il a tout d'abord indiqué que le rôle du préfet avait été réaffirmé, précisant que la réforme engagée avait en particulier conduit au renforcement de l'échelon régional. Il a expliqué que, sans qu'aucun lien hiérarchique n'existe entre le préfet de région et les préfets des départements, le premier avait pour mission de coordonner et d'animer l'action des seconds, assisté à cet effet du secrétariat général aux affaires régionales et du comité d'administration régionale. Il a également signalé que les préfets de région pouvaient présenter aux ministres concernés des actions de nature interministérielle, couvrant des projets d'envergure présentant un enjeu national, qui constitueraient des actions au sein du programme « Interventions territoriales de l'Etat » de la mission « Politique des territoires ».

Après avoir précisé que le programme « Administration territoriale » comprenait 30.384 équivalents temps plein travaillés, M. José Balarello, rapporteur pour avis, a indiqué que les conditions matérielles des préfectures avaient été améliorées, invoquant en particulier l'effort d'informatisation de leurs services. Se félicitant de l'important développement des téléservices, il a présenté les différentes téléprocédures créées et a insisté sur l'introduction d'éléments biométriques dans les titres d'identité, avec les projets de passeport électronique et d'identité nationale électronique sécurisée (projet INES).

Il a ensuite évoqué la rénovation du contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales, signalant en particulier le développement de l'application ACTES permettant la télétransmission desdits actes et faisant l'objet d'un indicateur de performance dans le projet de loi de finances.

Il a rappelé qu'avec 8,4 millions d'actes reçus en 2004 par les préfets, il était difficile de concevoir que le contrôle exercé garantisse pleinement la légalité de l'ensemble de ces actes, alors qu'au contraire les élus locaux aspiraient à trouver en ce contrôle une garantie de sécurité juridique.

Relevant que le préfet se voyait conférer un rôle accru dans le domaine financier, il a rappelé la généralisation en 2005 de la globalisation des crédits des préfectures, permettant à chaque préfet de développer une gestion fongible des crédits alloués et ayant conduit à une amélioration significative de la performance de leurs services, avant d'indiquer que la réforme budgétaire avait fait du préfet le pivot de l'action ministérielle au niveau déconcentré.

M. José Balarello, rapporteur pour avis, a ensuite indiqué que le programme « Vie politique, cultuelle et associative » rassemblant des activités essentielles à l'exercice des droits et libertés des citoyens, connaissait également des évolutions tendant à la modernisation des procédures. S'agissant des activités relatives à la vie politique, il a rappelé que l'aide destinée aux partis politiques se composait de deux fractions, l'une attribuée aux partis et groupements ayant présenté des candidats dans au moins 50 circonscriptions lors du plus récent renouvellement de l'Assemblée nationale et répartie en fonction du nombre de suffrages obtenus (33 millions d'euros prévus pour 2006), l'autre destinée aux partis et groupements bénéficiaires de la première fraction et répartie en fonction du nombre de membres du Parlement ayant déclaré y être inscrits ou s'y rattacher (40,13 millions d'euros prévus pour 2006).

Soulignant que le coût du référendum du 29 mai 2005 s'était élevé à 130,6 millions d'euros, il a indiqué que le ministère de l'intérieur envisageait d'étendre l'utilisation du vote électronique et de simplifier certaines procédures afin de réduire les coûts d'organisation des élections.

Il a indiqué, par ailleurs, que la Commission nationale des comptes de campagne et de financement politique s'était donné pour objectifs de réduire au minimum les rejets de comptes pour des causes matérielles et de diminuer les délais de publication des comptes des partis et groupements politiques après examen du respect des obligations légales.

Evoquant ensuite l'action « Vie cultuelle », il a rappelé qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'Etat « la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte », l'Etat pouvant néanmoins rémunérer les aumôniers des écoles, collèges, lycées, hospices, asiles et prisons. Il a souligné que l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pouvaient également engager des dépenses afin d'assurer l'entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur était reconnue. Expliquant que la laïcité à la française était, par conséquent, comme l'avait démontré la commission de réflexion sur l'application de ce principe dans la République, dans son rapport du 11 décembre 2003, « un principe juridique appliqué avec empirisme », il a rappelé que le régime de droit commun défini par la loi de 1905 ne s'appliquait pas à tout le territoire français et que la laïcité n'avait donc pas les mêmes contours à Paris, Strasbourg, Cayenne ou Mayotte.

M. José Balarello, rapporteur pour avis, soulignant que la loi de 1905 imposait à la République de garantir le libre exercice du culte, a salué les efforts conduits par le ministère de l'intérieur pour construire un dialogue avec les représentants du culte musulman. Indiquant que le Conseil français du culte musulman (CFCM), association régie par la loi de 1901, était, à cet égard, l'interlocuteur des pouvoirs publics, il a relevé que le ministère de l'Intérieur avait, en outre, appuyé la création de la Fondation des oeuvres de l'Islam de France afin de mobiliser des fonds nécessaires à la construction de lieux de culte. Il a précisé que le Gouvernement conduisait également une action spécifique en faveur de la formation des imams comportant des cours de langue française, mis en place avec l'aide du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations.

S'agissant de l'action « Vie associative », il a rappelé que depuis la loi du 1er août 2003 relative au mécénat, les dons aux associations bénéficiaient d'un régime fiscal renforcé, particulièrement incitatif. Il s'est félicité des efforts engagés par le ministère de l'intérieur afin d'accélérer la procédure de reconnaissance d'utilité publique des associations.

Le rapporteur pour avis a ensuite expliqué que le programme « Conduite et pilotage de la politique intérieure » comprenait des missions d'expertise conduites par l'Inspection générale de l'administration, chargée de missions ponctuelles d'une durée moyenne de quatre mois, mais aussi de missions permanentes effectuées tout au long de l'année. Il a indiqué que cette activité d'expertise était complétée par les travaux du Centre d'études et de prospectives du ministère de l'intérieur, qui réalisait actuellement, entre autres, deux études de fond, consacrées au suivi de la décentralisation et à l'islamisme radical.

Il a enfin évoqué la gestion immobilière du ministère de l'intérieur, soulignant que le poids des loyers du parc immobilier de l'administration centrale atteignait 48 % des crédits de fonctionnement de cette dernière et souffrait de possibilités d'adaptation insuffisantes. Il a relevé que les biens immobiliers, situés à Paris et en Ile-de-France, constituaient une superficie de 200.000 mètres carrés, soit 77,5 % du parc immobilier global. Indiquant que la politique immobilière du ministère de l'intérieur visait à dresser l'état du patrimoine, à en rationaliser l'utilisation et à en dynamiser la gestion, il a par ailleurs déclaré qu'un schéma directeur des implantations immobilières des services et directions de l'administration centrale était en cours d'élaboration.

Il a précisé que le parc immobilier social du ministère de l'Intérieur était constitué de biens provenant de legs ou d'acquisitions effectuées au fil du temps par des associations de fonctionnaires du ministère, le transfert de ces biens à celui-ci ayant été réalisé progressivement depuis 1968. Soulignant que ce patrimoine se composait essentiellement de centres de vacances destinés à l'accueil des agents du ministère ou de leurs enfants, il a indiqué que la gestion immobilière actuelle visait à utiliser le produit de cession des biens devenus inutiles pour financer des opérations de préservation du patrimoine et d'amélioration de la fonctionnalité des locaux.

M. Jean-René Lecerf, relevant que le rapporteur spécial de la commission des finances suggérait la mise en place d'un indicateur de performance tendant à mesurer les économies fournies par la carte d'identité sécurisée, s'est interrogé sur la nature de ces économies.

M. Richard Yung a souhaité savoir pourquoi le projet de loi de finances pour 2006 n'attribuait au projet d'identité nationale électronique sécurisée (INES) que des crédits d'étude, et non des crédits de réalisation.

M. José Balarello, rapporteur pour avis, a indiqué que les économies qui pourraient résulter de la mise en place de la nouvelle carte d'identité porteraient, à terme, sur les dépenses de personnel des préfectures. Il a précisé que le gouvernement avait jugé la mise en place du passeport électronique prioritaire, son développement devenant obligatoire au regard des engagements communautaires de la France et des exigences posées par les Etats-Unis.

M. Charles Guené a rappelé que M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, avait indiqué que la plupart des commissariats seraient équipés en 2007 de lecteurs de cartes d'identité électroniques.

M. Bernard Frimat s'est interrogé sur l'absence d'emplois temps plein travaillés au sein de l'action Conseil juridique et traitement du contentieux, soulignant que le rapporteur spécial de la commission des finances avait demandé plus de transparence à cet égard.

M. José Balarello, rapporteur pour avis, estimant que les activités de conseil juridique et de traitement du contentieux devaient être confiées à des juristes confirmés, a indiqué que ces tâches étaient assurées par les préfectures, les préfets pouvant être amenés à représenter l'Etat lors de contentieux mettant en cause la responsabilité de celui-ci, et par les secrétariats généraux d'administration de la police, pour la défense des fonctionnaires de police mis en cause.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du projet de loi de finances pour 2006, consacrés à la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ».

PJLF pour 2006 - Mission « Justice » - Crédits de l'administration pénitentiaire - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite examiné le rapport pour avis de M. Philippe Goujon sur les crédits de la mission « Justice » consacrésà l'administration pénitentiaire, inscrits dans le projet de loi de finances pour 2006.

M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis, a d'abord rappelé que l'exercice budgétaire 2006 correspondait à la première année de mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances. L'administration pénitentiaire, a-t-il indiqué, constitue l'un des cinq « programmes » de la mission « Justice », décliné en cinq actions : garde et contrôle des personnes placées sous main de justice, accueil des personnes en détention, accompagnement et réinsertion des personnes placées sous main de justice, soutien et, enfin, formation.

Le rapporteur a relevé qu'aux termes du projet de loi de finances pour 2006, les crédits consacrés à l'administration pénitentiaire s'élevaient à 2,135 milliards d'euros soit, à structure constante, une progression de 4,5 % par rapport à l'an passé. Ils représentaient ainsi 36 % des crédits dévolus au ministère de la justice.

Selon le rapporteur pour avis, ce projet de budget présente trois caractéristiques majeures.

En premier lieu, il permet une revalorisation statutaire en faveur des filières insertion et probation, d'une part (avec l'augmentation de 1 % de l'indemnité de sujétions spéciales), surveillance, d'autre part, et s'accompagne d'une progression mesurée des emplois. Le plafond d'emplois a été fixé en 2006 à 31.020 si l'on prend en compte les contractuels et personnels d'administration centrale. Par ailleurs, 220 emplois nouveaux seraient financés en 2006 et la capacité de recrutement demeurerait élevée, avec 2.469 agents, dont 1.700 surveillants.

Le rapporteur pour avis a relevé, en deuxième lieu, que les crédits de fonctionnement augmentaient de 3 %, ce qui permettrait, notamment, de renforcer la sécurité des établissements par l'extension du dispositif de tunnels d'inspection à rayons X et de sas sécurisés ainsi que par des dispositifs de brouillage des téléphones portables. Même si le taux d'exécution de la loi de programmation en matière de fonctionnement atteignait 77 %, il a regretté que les régulations budgétaires se traduisent par d'importantes économies sur les dépenses d'entretien des bâtiments.

M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis, a souligné, à cet égard, l'intérêt de la gestion mixte, qui concernait 27 établissements, représentant 14.973 places en détention. Faisant état de la visite qu'il avait effectuée aux maisons d'arrêt de Liancourt et de Lille-Sequedin, il a relevé que la gestion mixte s'accompagnait en effet d'une modernisation des méthodes en même temps qu'elle garantissait une bonne maintenance opérationnelle des établissements.

Enfin, le rapporteur pour avis a rappelé la poursuite de l'effort d'adaptation du parc immobilier en indiquant que 900 millions d'euros d'autorisations d'engagement devraient permettre la mise en chantier dès 2006 de quatre établissements pénitentiaires pour majeurs dont un à La Réunion et de sept établissements pour mineurs.

Le rapporteur pour avis a souhaité attirer l'attention sur l'effort budgétaire important qu'il faudrait engager dès l'an prochain afin de répondre aux besoins de créations d'emplois suscités par la livraison de nouveaux établissements à l'horizon 2007.

Evoquant alors l'évolution de la population pénitentiaire, M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis, a indiqué que le nombre de personnes détenues s'établissait, au 1er septembre 2005, à 56.593 après avoir atteint 59.197 avant le décret de grâce présidentielle du 14 juillet. Le taux d'occupation, quant à lui, était de 116,2 % en 2004 contre 121,9 % en 2003, l'ouverture des établissements du programme « 4.000 » ayant contribué à limiter le taux d'occupation de certaines maisons d'arrêt. Le taux de détention en France, de l'ordre de 93 personnes pour 100.000 habitants, restait en deçà de la moyenne européenne, puisqu'il s'établissait, par exemple, à 101,7 en Italie et à 139 au Royaume-Uni.

Dans ce contexte, le gouvernement avait souhaité renforcer les mesures alternatives à l'emprisonnement et profondément réformer le régime de l'application des peines dans le cadre de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité afin d'éviter des « sorties sèches » pour mieux lutter contre la récidive. Le rapporteur pour avis a regretté sur ce point que l'absence de structures d'hébergement constitue, pour ceux des détenus qui n'ont ni famille, ni amis, un frein majeur à l'aménagement de peine.

M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis, s'est félicité de la forte progression du placement sous surveillance électronique de l'ordre de 67 % en 2004. Il a dressé un bilan positif de cette mesure en observant que le nombre d'incidents était extrêmement limité, tandis que le coût de cette mesure (de l'ordre de 11 euros) était très inférieur à celui de la journée de détention (environ 60 euros). L'objectif, a-t-il poursuivi, est d'atteindre 3.000 personnes placées sous surveillance électronique en 2007.

Le placement sous surveillance électronique mobile, institué par la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, adoptée le 24 novembre dernier, devrait faire l'objet d'une expérimentation dès 2006 sur deux sites concernant une quinzaine de bracelets sur six mois pour une enveloppe financière de 150.000 euros.

M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis, a par ailleurs observé que la politique pénitentiaire entendait accorder une plus grande attention aux droits des détenus. Il a cité à cet égard la mise en place, à titre encore expérimental, de délégués du médiateur au sein des établissements pénitentiaires, ainsi que le développement des points d'accès au droit et, enfin, la réforme en cours de la procédure de placement à l'isolement. Par ailleurs, les conditions de détention étaient également améliorées avec une prise en charge médicale plus adaptée et le maintien des liens familiaux dans le cadre notamment des unités expérimentales de vie familiale. Enfin, le rapporteur pour avis a rappelé que la formation et l'activité professionnelle constituaient aussi des éléments essentiels à l'insertion des détenus. Il a relevé qu'en 2004, 18.360 détenus avaient suivi une action de formation professionnelle et 20.860 avaient travaillé.

Abordant alors l'accroissement des capacités de détention, M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis, a observé que le « programme 4.000 » avait permis la construction de six nouveaux établissements tandis que la LOPJ avait prévu la construction de 13.200 places dont 10.800 dans de nouvelles prisons. En outre, les quatre plus grands établissements pénitentiaires de France (maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis, Fresnes, Paris-La Santé et le centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes), qui représentaient près d'un cinquième des capacités totales de détention, faisaient l'objet d'un programme de rénovation. Le rapporteur pour avis a estimé que la différenciation des conditions de détention devait constituer une priorité de la politique pénitentiaire. Il a jugé utile d'encourager la mise en place de centres pour peines aménagées en raison de l'encadrement interdisciplinaire et de la responsabilisation des détenus qu'ils favorisaient. Il a souligné également que la construction de quartiers pénitentiaires pour courtes peines et d'établissements pour mineurs permettaient une meilleure exécution de la peine, tout en prenant mieux en compte les exigences de l'individualisation de la peine.

A la suite de l'exposé du rapporteur pour avis, M. Bernard Frimat a d'abord observé que les établissements pénitentiaires en gestion mixte bénéficiaient de dotations contractualisées qui les prémunissaient contre les régulations budgétaires, à la différence des établissements « classiques » qui n'avaient aucune garantie que leurs moyens de fonctionnement soient stabilisés et encore moins valorisés. Il a considéré comme hasardeuse, dans ces conditions, toute comparaison entre les deux modes de gestion et estimé nécessaire une analyse plus fine de leurs avantages comparés. Par ailleurs, il a regretté l'insuffisance des effectifs des services pénitentiaires d'insertion et de probation, alors même que les associations qui leur servent de relais dans leur mission d'insertion avaient subi d'importantes réductions de leurs subventions. Il a souligné enfin que les intentions de la politique pénitentiaire n'apparaissaient pas toujours clairement à travers les budgets votés par le Parlement et qu'elles devaient, en tout état de cause, être évaluées au regard des résultats concrets obtenus. Il a estimé que la LOLF permettrait à cet égard une vision plus claire de l'action du Gouvernement dans ce domaine.

M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis, a précisé que la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002 avait eu en particulier pour objectifs de développer l'humanisation des conditions de détention ainsi que les alternatives à l'incarcération et que ces orientations étaient mises en oeuvre progressivement par les lois de finances successives. Il a relevé que la contractualisation des engagements de l'Etat dans le cadre de la gestion mixte constituait sans doute la meilleure garantie contre les régulations budgétaires, tout en soulignant qu'il convenait de veiller à ce que les conditions de détention dans les établissements classiques ne soient pas moins favorables que dans les établissements en gestion mixte. Il a rappelé par ailleurs que le projet de loi de finances permettrait la création de 80 emplois pour la filière d'insertion et de probation et que la capacité de recrutement dans cette filière restait élevée. Il a ajouté que ces personnels bénéficiaient, depuis l'année dernière, d'une revalorisation statutaire tout à fait justifiée compte tenu des nouvelles missions qui leur étaient confiées.

M. Richard Yung, après avoir observé que le projet de budget de l'administration pénitentiaire était en progression par rapport à l'année 2005, a regretté néanmoins que le décalage par rapport aux objectifs de la loi de programmation se soit accentué. En effet, a-t-il poursuivi, alors que l'année 2007 représenterait la dernière annuité de la mise en oeuvre de cette loi, le taux d'exécution se limitait à 58 %. Il s'est inquiété par ailleurs de l'adaptation des capacités de détention à l'augmentation de la population pénitentiaire à la suite notamment de la crise dans les banlieues. Il a regretté, en outre, l'insuffisance des unités de soins et des locaux d'accueil des familles. Il a souhaité enfin qu'une comparaison rigoureuse et approfondie puisse être menée sur le coût et les effets respectifs des modes de gestion mixte et publique au sein des établissements pénitentiaires.

M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis, a relevé que la consommation des crédits prévus par la LOPJ sur les quatre premières années s'élevait à 75,7 % en matière d'emploi et à 77 % en matière de fonctionnement. Il a également observé que la capacité de recrutement demeurait élevée (2.469 agents dont 1.700 surveillants). Par ailleurs, il a rappelé que si aucun établissement pénitentiaire nouveau ne devait s'ouvrir au cours de l'année 2006, il conviendrait en revanche de prévoir des créations d'emplois importantes pour les établissements qui seraient ouverts à compter de l'année 2007. Il a indiqué, s'agissant de l'incarcération des mineurs, que les capacités de détention actuelles étaient utilisées en deçà de leurs capacités. Il a souligné également que les structures médicales au sein des établissements pénitentiaires, et en particulier les services médico-psychologiques régionaux (SMPR), permettaient d'assurer un suivi réel des personnes malades, ce qui n'était pas toujours possible ensuite à l'issue de la détention. Il a relevé, en outre, que la mise en place progressive des unités d'hospitalisation sécurisée interrégionales (UHSI), engagée depuis deux ans, permettrait à terme de doter l'administration pénitentiaire de 182 lits implantés en centre hospitalier universitaire. Par ailleurs, il a dressé un bilan nuancé des unités expérimentales de vie familiale (UEVF) en rappelant que la confrontation des détenus avec des membres de leur famille s'était, dans certains cas, révélée déstabilisante pour les uns et les autres. Il a estimé néanmoins indispensable que cette expérimentation se poursuive. Il a rappelé que le coût de la journée de détention en gestion mixte et en gestion publique apparaissait quasi-identique mais que toute comparaison devait rester prudente, compte tenu des contraintes particulières qui pesaient sur les établissements en gestion publique.

M. Patrice Gélard a regretté le retard pris dans la construction de certains établissements pénitentiaires et demandé en particulier dans quels délais serait ouvert l'établissement prévu pour Le Havre. Par ailleurs, il a estimé que la prise en charge psychiatrique des détenus n'était pas encore à la mesure des besoins et regretté le déficit considérable des psychiatres en France.

Le rapporteur pour avis a estimé que si les délais de réalisation des établissements pénitentiaires apparaissaient encore trop longs, le ministre de la justice, en se dotant d'une agence de maîtrise d'ouvrage des travaux (AMOTMJ), avait toutefois cherché à rationaliser ses procédures. Il a précisé que, dans le cadre du programme « 13.200 places » prévu par la LOPJ, le centre pénitentiaire du Havre comportant 690 places devrait être livré au cours du quatrième trimestre de l'année 2008.

M. Jean-René Lecerf a souligné l'intérêt des visites des établissements pénitentiaires organisées à l'initiative du rapporteur pour avis, en observant qu'elles permettaient de dresser un état des lieux beaucoup plus nuancé que la présentation qui pouvait parfois être faite des prisons françaises. Il a estimé que les détenus bénéficiaient d'un réel accès aux soins au sein du milieu pénitentiaire et que la principale difficulté portait sur la nécessité de garantir la continuité des traitements au-delà de la détention. Il a regretté la modestie des objectifs de l'administration pénitentiaire en matière d'emploi puisqu'il n'était pas prévu, dans le cadre de la LOLF, de réelle augmentation du taux de détenus bénéficiant d'une formation ou d'une activité rémunérée. Il a relevé à cet égard qu'une politique volontariste pouvait dans ce domaine aboutir à des résultats très encourageants.

M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis, a rappelé que 31 % de la population pénale en maison d'arrêt et 53 % en établissements pour peines disposant d'une activité professionnelle. Il a observé que les résultats obtenus dans ce domaine en gestion mixte étaient plus favorables qu'en gestion publique. Il a en outre noté que l'évolution de l'emploi dans le milieu pénitentiaire s'inscrivait dans un contexte difficile caractérisé, d'une part, par l'augmentation de la population pénitentiaire et, d'autre part, par le mouvement de délocalisation des activités de main-d'oeuvre.

Evoquant le mode de gestion mixte, M. Jean-Claude Peyronnet a souhaité qu'une évaluation transversale du coût de fonctionnement des services publics puisse être conduite.

M. Robert Badinter a souhaité connaître quelle était, dans le cadre du programme « 13.200 places » prévu par la LOPJ, la part réservée à la construction de maisons d'arrêt qui, du fait de leur taux très élevé d'occupation, soulevaient des problèmes tout à fait spécifiques.

M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis, a précisé que l'essentiel des places créées concernerait soit les maisons d'arrêt, soit les centres pénitentiaires, comprenant généralement une maison d'arrêt.

Enfin, suivant la proposition de son rapporteur pour avis, la commission a décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits au titre de l'administration pénitentiaire dans le projet de loi de finances pour 2006.

Règlement du Sénat - Communication

M. Jean-Jacques Hyest, président, a ensuite attiré l'attention de la commission sur le rappel au Règlement effectué par M. Jean-Pierre Michel lors de la séance du mardi 29 novembre 2005 concernant la situation moins favorable qui serait réservée aux droits de l'opposition par le Règlement du Sénat par comparaison aux dispositions prévues par le Règlement de l'Assemblée nationale. Il a rappelé que la commission avait décidé le 25 octobre 2005 de créer une mission d'information, dont MM. Patrice Gélard et Jean-Claude Peyronnet avaient été désignés corapporteurs, afin d'examiner en particulier, dans une approche comparative, la situation des droits de l'opposition dans les autres pays de l'Union européenne.

M. Patrice Gélard a relevé que plusieurs des dispositions prévues par le Règlement du Sénat apparaissaient plus respectueuses des droits de l'opposition que celles du Règlement de l'Assemblée nationale.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a cité comme exemple le fait que la question préalable était examinée à l'Assemblée nationale avant la discussion générale et non après, comme tel était le cas au Sénat, ce qui pouvait conduire, dans l'hypothèse où une telle motion était adoptée, à supprimer toute possibilité de s'exprimer sur le texte en discussion.

M. Jean-Claude Peyronnet a observé que les conditions dans lesquelles la proposition de loi visant à abroger l'article 4 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, présentée à l'Assemblée nationale par le groupe socialiste dans le cadre de l'ordre du jour réservé n'avait pu faire l'objet d'un vote, conduisaient à porter une appréciation pour le moins nuancée sur les possibilités ouvertes par le Règlement de l'Assemblée nationale.

PJLF pour 2006 - Mission « Justice » - Crédits de la protection judiciaire de la jeunesse - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite examiné le rapport pour avis de M. Nicolas Alfonsi sur les crédits consacrés au programme « Protection judiciaire de la jeunesse » de la mission « Justice » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2006.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis, a tout d'abord indiqué qu'au sein de la mission « Justice », 740 millions d'euros, soit 12 %, étaient consacrés au programme « Protection judiciaire de la jeunesse », ces crédits connaissant à périmètre constant une hausse de 3,04 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2005.

Le rapporteur pour avis a ajouté que 2006 marquait la quatrième année de mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, d'une durée de cinq ans, et la poursuite du recentrage de la protection judiciaire de la jeunesse vers les mineurs délinquants.

Précisant que ce programme comportait lui-même quatre actions : mise en oeuvre des mesures judiciaires (mineurs délinquants), mise en oeuvre des mesures judiciaires (mineurs en danger et jeunes majeurs), soutien et formation, il a indiqué que les crédits alloués à l'action relative aux mineurs délinquants progressaient de 35,2 % et absorbaient près de la moitié de la dotation (45,5 %), alors même que les mineurs délinquants ne représentaient que 18 % des mineurs pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse, tandis que les crédits de l'action n° 2 relative aux mineurs en danger et aux jeunes majeurs, représentant 35,2 % du total, baissaient de 16 %. Il a estimé nécessaire de consacrer des moyens importants à l'enfance en danger, les mineurs délinquants étant souvent des mineurs dont les difficultés n'avaient pas ou mal été repérées, ainsi que le montraient les récentes violences urbaines, dont les auteurs étaient en majorité des mineurs, souvent inconnus de la justice pénale, mais en grandes difficultés.

Le rapporteur pour avis a ajouté que si les moyens destinés au secteur public progressaient de 12 %, ceux du secteur associatif habilité, principal acteur de la prise en charge des mineurs en danger, n'augmentaient que de 1 %, alors que ses crédits pour 2005 s'étaient révélés insuffisants, provoquant une suspension du paiement des mesures mises en oeuvre par les associations dans plusieurs régions depuis août et une demande de majoration de 71 millions d'euros. Il a donc jugé insuffisante l'augmentation de 4 millions d'euros prévue, et rappelé que la LOLF impliquait la transformation des crédits du secteur habilité de la protection judiciaire de la jeunesse, auparavant évaluatifs, en crédits limitatifs.

S'agissant des centres éducatifs fermés (CEF), le rapporteur pour avis a indiqué qu'au 22 novembre 2005, on comptait 16 centres dont deux publics, offrant une capacité de 154 places, 120 nouvelles places devant être créées en 2006 et 144 en 2007, portant ainsi fin 2007 la capacité à 498 places, dans 10 CEF publics et 36 associatifs, alors que la LOPJ prévoyait 600 places.

Le rapporteur pour avis a jugé les premiers résultats des CEF encourageants, estimant qu'ils avaient trouvé leur place au sein du dispositif de la protection judiciaire et constituaient, grâce à une éducation contrainte renforcée et individualisée, une réponse pour les mineurs les plus en difficulté.

Il a néanmoins observé qu'ils absorbaient une part non négligeable des crédits de la protection judiciaire de la jeunesse, alors que, seul, un nombre restreint de mineurs était pris en charge dans ces structures (moins de 500 depuis leur mise en place) et que l'investissement très important déployé, tant financier qu'humain, risquait d'être annihilé par l'absence de relais à la sortie du dispositif.

Il a donc estimé que devait désormais se poser la question de l'extension au secteur plus traditionnel de la protection judiciaire de la jeunesse de la notion d'éducation contrainte.

Le rapporteur pour avis a enfin appelé à l'aboutissement rapide du projet de mise en place d'un panel des mineurs suivis par la justice, décidé il y a près de 10 ans, afin de mesurer précisément l'impact de la prise en charge de la protection judiciaire de la jeunesse.

M. Jean-Jacques Hyest, président, et M. Jean-Claude Peyronnet ont souligné l'interdépendance des conseils généraux et de la protection judiciaire de la jeunesse s'agissant de la protection de l'enfance en danger et jugé indispensable une meilleure coordination de leurs actions, relevant les failles des signalements.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis, a rappelé que les conseils généraux avaient compétence s'agissant des mesures administratives de protection de l'enfance, la protection judiciaire de la jeunesse mettant pour sa part en oeuvre les mesures de protection judiciaire. Il a indiqué, en outre, que les départements volontaires pourraient pendant cinq ans, dans le cadre d'une expérimentation, mettre seuls en oeuvre l'ensemble des mesures prononcées par les juges des enfants en matière d'assistance éducative. Il a enfin reconnu que la direction de la protection judiciaire de la jeunesse cherchait à transférer une partie de la prise en charge des jeunes majeurs (18-21 ans) vers les dispositifs de droit commun financés par les conseils généraux.

Le rapporteur pour avis a ensuite estimé que la diversification de la prise en charge des mineurs délinquants, notamment par le biais des centres éducatifs renforcés et des centres éducatifs fermés, avait permis de diminuer le nombre de mineurs incarcérés. Il s'est également félicité de l'intervention continue des éducateurs en quartiers mineurs des maisons d'arrêt. Tout en saluant le caractère très intensif de la prise en charge des CEF par rapport à une incarcération, le rapporteur pour avis a cependant jugé difficile d'évaluer le taux de réussite de ces CEF en l'absence de panel des mineurs.

Par ailleurs, s'agissant de l'implication des mineurs dans les violences urbaines de novembre dernier, il a rappelé que le garde des sceaux avait indiqué lors de son audition par la commission des lois le 22 novembre dernier, que 577 mineurs avaient été présentés devant le juge des enfants, 118 avaient fait l'objet d'un mandat de dépôt et 15 avaient été placés en CEF. Il a, à ce sujet, déploré que certains mineurs inconnus de la justice aient pu être placés en CEF. Le rapporteur pour avis a ajouté que la protection judiciaire de la jeunesse avançait pour sa part le nombre de 944 mineurs et jeunes majeurs protégés (de 18 à 21 ans) présentés au juge, parmi lesquels seuls 310 étaient suivis par les services de la protection judiciaire de la jeunesse (même si une majorité pouvait être connue des services de police).

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a estimé qu'il était trop tôt pour porter une appréciation positive sur les CEF, puis a dénoncé le transfert croissant à ses yeux de la prise en charge des mineurs en danger et des jeunes majeurs protégés vers les conseils généraux, estimant indispensable de conserver la double compétence mineurs délinquants et mineurs en danger de la protection judiciaire de la jeunesse et des juges des enfants. Elle s'est également inquiétée de la situation financière des associations.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis, lui a indiqué que sur les 291 mineurs sortis du dispositif CEF au 23 octobre 2005, 16 % avaient bénéficié d'une remise à niveau scolaire leur permettant d'être réintégrés dans le dispositif de droit commun, 32 % d'un retour direct dans un cursus de scolarité classique, 27 % d'un pré-apprentissage ou d'un apprentissage, 25 % d'une formation professionnelle. A la sortie, 53 % de jeunes avaient été placés dans une structure d'hébergement classique de la protection judiciaire de la jeunesse, en famille d'accueil ou en lieu de vie, 31,8 % avaient bénéficié d'un retour dans leur famille avec suivi éducatif, 13,2 % avaient été incarcérés avec un suivi de la protection judiciaire de la jeunesse et 2 % hospitalisés en service pédo-psychiatrique.

Après avoir rappelé l'hostilité initiale tant des riverains que de certains personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, M. Jean-Jacques Hyest, président, a estimé que les CEF favorisaient la réinsertion grâce à une prise en charge éducative renforcée. Il a également estimé que les futurs établissements pénitentiaires pour mineurs permettraient de réintroduire l'éducation en prison et rappelé qu'ils constituaient une préconisation de la commission d'enquête du Sénat consacrée à la délinquance des mineurs.

Après avoir reconnu que la diminution des incarcérations était en lien avec l'augmentation du nombre de placements, M. Robert Badinter a jugé inadmissible l'absence de diffusion par le ministère de la justice des informations concernant l'âge, le sexe, la nationalité et le passé judiciaire des mineurs impliqués dans les violences urbaines.

La commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » de la mission « Justice ».

PJLF pour 2006 - Mission « Outre-mer » - Examen du rapport pour avis

La commission a enfin examiné le rapport pour avis de M. Christian Cointat sur les crédits consacrés à la mission « Outre-mer », inscrits dans le projet de loi de finances pour 2006.

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis, a rappelé que la commission avait décidé, compte tenu de la nouvelle présentation budgétaire, de regrouper l'examen des crédits des départements et régions d'outre-mer, d'une part, et des collectivités d'outre-mer, de la Nouvelle-Calédonie et des Terres australes et antarctiques françaises, d'autre part, au sein d'un seul et même rapport pour avis. Il a relevé que les crédits de la mission « Outre-mer » étaient stables, avec 2,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 1,9 milliard d'euros en crédits de paiement. Il a indiqué que cette mission était divisée en trois programmes : le programme « Emploi outre-mer » bénéficiant, à lui seul, de 58 % des crédits, tandis que les programmes « Conditions de vie outre-mer » et « Intégration et valorisation de l'outre-mer » représentaient respectivement 22 % et 20 % des crédits. Il a regretté que la présentation budgétaire retenue dans le cadre de la loi de finances ne permette toujours pas de cerner facilement l'intensité de l'effort budgétaire total de l'Etat consenti aux collectivités situées outre-mer, relevant que la mission « outre-mer » ne représentait qu'environ 16 % de cet effort.

Le rapporteur a indiqué que les crédits accordés aux départements et régions d'outre-mer représentaient 74 % des crédits de l'Etat pour l'outre-mer, la Réunion devant recevoir 43,3 % de ces crédits. Relevant la progression sensible des dotations de l'Etat en faveur des collectivités d'outre-mer, de la Nouvelle-Calédonie et des Terres australes et antarctiques françaises, il a néanmoins relevé que les changements de périmètre, dus notamment au transfert des crédits sanitaires et sociaux relevant jusqu'alors d'autres ministères vers la mission « Outre-mer », rendaient difficile une stricte comparaison avec l'année 2005.

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis, a souligné que l'outre-mer français était confronté au fléau de l'immigration clandestine, la situation étant particulièrement préoccupante à Mayotte et en Guyane, cette dernière collectivité comptabilisant 80 % des immigrés clandestins dans les départements d'outre-mer. Il a relevé que des efforts importants avaient déjà été fournis, en particulier avec le renforcement du nombre de reconduites à la frontière, la négociation d'accords de coopération avec les Etats voisins et la mise en place de dispositifs particuliers tels que le « plan lagon » ou le « plan radar » à Mayotte. Il a estimé que ces efforts devraient être accentués, soulignant que la commission d'enquête sur l'immigration clandestine créée par le Sénat serait à même d'examiner ce phénomène et de proposer des solutions.

Il a constaté une certaine amélioration des moyens de la justice, indiquant que les investissements entrepris les années précédentes commençaient à porter leurs fruits en réduisant notamment la surpopulation carcérale, bien que celle-ci demeurât préoccupante. Il a jugé que la situation immobilière des juridictions restait difficile et a souligné que les effectifs budgétaires des magistrats dans les départements et régions d'outre-mer étaient largement supérieurs à la moyenne nationale.

S'agissant de l'évolution statutaire annoncée de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, le rapporteur a rappelé que des projets de loi organique et ordinaire devraient être présentés au Parlement au cours du premier trimestre 2006. Il a indiqué que la question de la représentation parlementaire de ces deux collectivités n'était pas tranchée et qu'il pourrait être envisagé, à titre transitoire, de faire assurer cette représentation par les parlementaires de la Guadeloupe.

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis, a constaté une intensification des actions de coopération régionale, notamment dans le cadre des fonds de coopération régionale des départements d'outre-mer et de Mayotte, mais a estimé que les efforts fournis devraient être encore accentués, compte tenu de l'intérêt de telles actions pour que les collectivités ultramarines surmontent leurs handicaps spécifiques. Il a salué l'amélioration de la consommation des crédits des fonds structurels européens, mais s'est inquiété que les négociations des nouvelles règles relatives aux organisations communes de marché du sucre et de la banane, rendues nécessaires par les décisions des arbitres de l'organisation mondiale du commerce, puissent mettre en péril les productions des départements ultramarins.

Le rapporteur a évoqué la situation difficile de Mayotte, confrontée à une forte pression démographique et à une immigration clandestine considérable, relevant les efforts déployés pour limiter l'afflux de clandestins en provenance d'Anjouan. Il a estimé nécessaire d'accroître les moyens de la lutte contre la délinquance dans cette collectivité et a noté qu'un début de coopération était en cours avec la République des Comores.

Concernant la situation de Saint-Pierre-et-Miquelon, M. Christian Cointat, rapporteur pour avis, a souhaité que les efforts de diversification économique déjà entrepris soient poursuivis, alors que les activités de pêche avaient été fortement amoindries, compte tenu de l'épuisement des bancs poissonneux ainsi que de la réduction de la zone économique exclusive entourant cet archipel. Il a souhaité que la France agisse en faveur du maintien de l'accès de cette collectivité aux eaux internationales, puis a insisté sur la nécessité d'utiliser au mieux les investissements lourds qui y ont déjà été effectués. Il a indiqué que le taux de délinquance était extrêmement faible, M. Jean-Jacques Hyest, président, relevant que l'on avait pu parfois s'interroger sur le faible taux d'élucidation des crimes et délits constatés dans cette collectivité.

Le rapporteur a jugé essentiel que le rééquilibrage économique des provinces de la Nouvelle-Calédonie puisse intervenir conformément aux échéances prévues par les accords de Bercy en 1998. Il s'est inquiété des incidences de l'offre publique d'acquisition lancée par le groupe Inco sur la société Falconbridge d'une part, et des exigences du gouvernement français en matière de garanties financières d'autre part, sur l'engagement du projet de construction d'une usine d'exploitation du nickel dans la province Nord avant le 31 décembre 2005. Il a noté une progression de la délinquance en Nouvelle-Calédonie, relevant que celle-ci, bien que supérieure à la moyenne des départements d'outre-mer, restait néanmoins largement inférieure à celle de la métropole.

S'agissant de la situation de la Polynésie française, M. Christian Cointat, rapporteur pour avis, a indiqué que la dotation globale de développement économique accordée à cette collectivité, auparavant inscrite sur le budget des charges communes, était désormais financée par la mission « Outre-mer ». Il a souligné l'impact des mesures de défiscalisation sur les investissements dans ce territoire, relevant que plus de la moitié des agréments délivrés en 2004 par le ministère des finances pour l'ensemble des collectivités d'outre-mer de l'article 74 de la Constitution l'avait été au profit de la Polynésie française.

Le rapporteur a précisé que, si le calme était revenu dans les îles Wallis et Futuna, des tensions entre chefferies subsistaient et qu'il convenait d'être vigilant quant à l'évolution de la situation, M. Jean-Jacques Hyest, président, soulignant que les rois n'étaient pas héréditaires, mais choisis par le conseil coutumier. Le rapporteur a jugé qu'il serait nécessaire d'adapter prochainement le statut de cette collectivité dont la situation économique était préoccupante, des familles de plus en plus nombreuses étant touchées par la précarité. Il a néanmoins relevé qu'il était difficile d'y mettre en oeuvre des projets d'investissement, notant que la population active était réduite et comprenait essentiellement des fonctionnaires.

Concernant les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), M. Christian Cointat, rapporteur pour avis, a souligné l'originalité du dispositif institutionnel applicable à ce territoire, dépourvu de population permanente. Il a regretté la disparition du « pavillon des Kerguelen » au profit du registre international français, cette modification entraînant la perte de 900.000 euros de revenus par an pour la collectivité, tout en estimant que cette perte devrait être compensée par l'Etat. Il a remarqué que la coopération avec l'Australie et, peut-être prochainement avec l'Afrique du sud, avait permis d'accomplir des progrès importants en matière de lutte contre la pêche illicite dans la zone économique exclusive française. Il a enfin souligné que les îles Éparses, qui devraient être officiellement intégrées aux TAAF, permettaient à la France de bénéficier d'une zone économique exclusive de 650.000 km2.

M. José Balarello a estimé que l'intensité de l'immigration illégale à Mayotte et en Guyane posait la question de l'introduction de modalités particulières pour l'acquisition de la nationalité française dans ces collectivités. Il a rappelé que le Sénat s'était intéressé à cette question dans le cadre de la commission d'enquête sur la naturalisation des étrangers, dont il avait été le rapporteur en 2002.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a souligné que cette question serait traitée par la commission d'enquête sur l'immigration clandestine créée par le Sénat, qui devra rendre son rapport avant le 6 avril 2006.

Puis la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2006.