Travaux de la commission des lois



- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, puis de M. Patrice Gélard, vice-président.

PJLF pour 2006 - Mission « Justice » - Audition de M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice

La commission a procédé à l'audition de M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi de finances pour 2006 (mission « Justice »).

Après avoir estimé que cette première présentation du budget de la justice selon la nouvelle procédure budgétaire aboutissait à une plus grande transparence, le garde des sceaux a rappelé que la mission « Justice » était organisée en cinq programmes : « Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice », « Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés », « Protection judiciaire de la jeunesse », « Administration pénitentiaire », décomposés en 27 actions, et accompagnés de 53 indicateurs de résultats sur la base desquels sera examinée l'exécution du budget à la fin de l'année 2006.

Soulignant que la modernisation de la gestion de la justice constituait une priorité budgétaire et permettrait de mieux garantir les libertés et d'assurer la sécurité des Français, il a salué la mobilisation des magistrats et fonctionnaires du ministère de la justice face aux récentes violences urbaines, en se félicitant de l'importance du plan de rattrapage lancé en 2002 avec la loi d'orientation et de programmation de la justice, qui avait notamment permis de faire passer le nombre de postes de magistrats au tribunal de grande instance de Bobigny de 126 à 152, soit une augmentation de 21 %.

Il a ensuite indiqué que l'augmentation du budget de la justice (+ 4,6%) serait supérieure à celle des dépenses de l'Etat (+ 1,8 %) en 2006 et à celle de l'année 2005, le budget de la justice s'élevant à 5,9 milliards d'euros.

Rappelant que la situation des frais de justice avait récemment fait l'objet d'un débat au Sénat, il a mis en exergue l'impact de la LOLF sur le ministère de la justice, 20 % de ses crédits, auparavant évaluatifs, devenant limitatifs. Après avoir rappelé que les frais de justice avaient progressé de 20 % par an depuis 2001, pour atteindre 420 millions d'euros dépensés en 2004 et 490 millions d'euros attendus en 2005, il a indiqué que seuls 370 millions d'euros étaient budgétés pour l'année 2006, un plan de maîtrise des frais de justice ayant déjà permis d'économiser 22 millions d'euros et devant conduire en 2006 à une économie d'au moins 62 millions d'euros. Il a assuré qu'aucune enquête ne s'en trouverait freinée ou interrompue et que ces économies resteraient compatibles avec la liberté de prescription des magistrats.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a ensuite présenté les trois priorités de la mission « Justice » : garantir les libertés et donner à la justice les moyens d'être réactive et efficace, garantir la sécurité des Français, notamment en assurant l'exécution des peines, et enfin donner une deuxième chance aux personnes suivies par les services du ministère de la justice.

S'agissant de l'objectif de réactivité et d'efficacité de la justice, il a indiqué que le budget des juridictions judiciaires, qui représente 42 % du budget de la justice, bénéficierait de 2,5 milliards d'euros, soit une augmentation à périmètre constant de 6 %. Ceci devrait permettre de poursuivre la politique de recrutement du ministère, de ramener le délai de jugement des affaires de divorce devant les tribunaux de grande instance de 11 à 6 mois en 2007, et la durée de traitement des affaires devant les tribunaux d'instance de 4 mois et demi à 3 mois en 2007.

Rappelant que la loi de finances autorisait un plafond de 71.500 équivalents temps plein travaillés (ETPT), alors que le ministère de la justice n'en emploie actuellement que 66.500, il a indiqué que 651 fonctionnaires de greffe et 279 magistrats, ainsi que des personnels administratifs, rejoindraient les juridictions en 2006, et que des recrutements viendraient améliorer la situation des établissements pénitentiaires et anticiper les prochains départs à la retraite, des redéploiements intervenant au fur et à mesure des sorties des écoles, dont les capacités devraient être utilisées au maximum.

Le garde des sceaux a ensuite déclaré que 160 millions d'euros d'autorisations d'engagement seraient destinés à la construction de nouveaux bâtiments judiciaires et 5,6 millions d'euros affectés à la poursuite du déploiement de la visioconférence, le budget de l'aide aux victimes connaissant pour sa part une progression de 12 %, pour atteindre 9,2 millions d'euros.

Le ministre s'est également engagé à garantir la sécurité des Français, en assurant une réponse pénale plus systématique. Il a indiqué que le taux de réponse pénale, passé de 73 % en 2003 à 75 %, devrait atteindre 80 % d'ici à 2010. Il a en outre préconisé le développement de bureaux d'exécution des peines implantés dans les juridictions afin d'accélérer l'exécution des peines, les condamnés s'y voyant signifier peine et modalités d'exécution immédiatement après leur jugement. Il a également souhaité la généralisation du paiement immédiat des amendes, déjà expérimenté dans quelques juridictions, d'ici à 2007.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a poursuivi en indiquant que 35 millions d'euros supplémentaires seraient affectés à la modernisation des établissements pénitentiaires et à la politique d'aménagement des peines, notamment pour augmenter le nombre de placements sous bracelet électronique. Tout en reconnaissant les progrès restant à accomplir en termes de rénovation et d'extension de places de prison, de santé et de réinsertion, il a réfuté l'assertion selon laquelle les prisons seraient la honte de la République, en soulignant les efforts considérables déployés en faveur de leur humanisation, qu'il s'agisse du programme de construction de 13 000 places de prison lancé à l'initiative de M. Albin Chalandon en 1986, de celui de 4.000 places de M. Pierre Méhaignerie, en 1994, ou de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, votée en 2002, qui prévoit la construction de 13.200 places, dont les premières seront livrées en 2007. Il a ajouté que 932 millions d'euros d'autorisations d'engagement étaient en 2006 destinés à la construction de dix établissements pénitentiaires pour majeurs et de sept pour mineurs.

Après avoir rappelé l'agression récente d'une fonctionnaire de greffe du tribunal de Rouen, le ministre a indiqué que 12 millions d'euros (soit une augmentation de 4 millions d'euros) seraient affectés à la sécurité des juridictions, les besoins en personnel de sécurité étant en partie couverts par le projet d'utilisation de la réserve de la gendarmerie et de la police, la création d'une réserve pénitentiaire susceptible d'intervenir dans les juridictions étant également envisagée.

Soulignant que la politique de sécurité du gouvernement devait également permettre la réinsertion, le garde des sceaux a souhaité que le ministère de la justice devienne le ministère de la deuxième chance, tant pour les mineurs suivis par la protection judiciaire de la jeunesse que pour les détenus ayant purgé leur peine.

S'agissant des centres éducatifs fermés, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a déclaré que 16 structures étaient opérationnelles et qu'au 1er novembre 2005, 409 jeunes avaient été pris en charge, 115 y séjournant encore. Il a ajouté que 15 centres, dont 5 publics, représentant 170 places, ouvriraient en 2006, 14 centres représentant 160 places étant prévus pour 2007, ce qui portera à plus de 500 le nombre de places en centres éducatifs fermés.

Reconnaissant que cette politique d'individualisation du suivi des mineurs les plus difficiles n'avait de sens qu'accompagnée d'une prise en charge rapide, le ministre a précisé qu'un indicateur de résultat prévoyait de réduire par deux d'ici à 2010 les délais de prise en charge des mineurs délinquants.

S'agissant des mesures destinées à favoriser la réinsertion des jeunes pris en charge, il a indiqué qu'un réseau de parrainage par des membres de la société civile serait mis en place. S'agissant des détenus, il a préconisé de développer les actions menées en matière d'éducation et d'apprentissage professionnel et rappelé qu'en 2004, 18.000 détenus avaient bénéficié d'une action de formation professionnelle, 35.000 détenus ayant pour leur part suivi un enseignement, pour la plupart d'alphabétisation et de préparation du certificat de formation générale.

Il a enfin souhaité privilégier les recrutements dans les services de probation et d'insertion pénitentiaires ainsi que d'accompagnement des détenus, tout en rappelant que 700 travailleurs sociaux avaient déjà été recrutés depuis 2002, ce qui n'était pas sans lien avec la hausse de 25 % en deux ans des aménagements de peine, passés de 15.000 à 20.000.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis des crédits consacrés à la justice et à l'accès au droit a évoqué brièvement les contraintes nouvelles imposées par la suppression du caractère évaluatif des frais de justice prévue par la LOLF, après avoir relevé les efforts accomplis par le ministère de la justice pour maîtriser ce poste en hausse exponentielle. Rappelant que ce volet du projet de budget pour 2006 avait été largement discuté au cours du débat de contrôle budgétaire, organisé le 10 novembre dernier au Sénat, à la suite du rapport d'information de M. Roland du Luart sur la mise en oeuvre de la LOLF dans le domaine de la justice, il s'est demandé si l'enveloppe allouée à l'aide juridictionnelle, limitative, à l'instar des frais de justice, serait suffisante pour couvrir la dépense future.

Le rapporteur pour avis des crédits consacrés à la justice et à l'accès au droit a demandé au garde des sceaux s'il disposait d'un premier bilan de l'expérimentation de la mise en place des bureaux d'exécution des peines (BEX), rappelant que cette initiative était destinée à assurer la continuité de l'action judiciaire entre le prononcé de la peine et sa mise à exécution.

Le rapporteur pour avis des crédits consacrés à la justice et à l'accès au droit s'est réjoui de l'arrivée -à compter de 2006- de 651 fonctionnaires des greffes supplémentaires dans les juridictions judiciaires annoncée par le garde de sceaux. Il a jugé nécessaire de poursuivre ce mouvement, constatant que de récentes réformes avaient considérablement alourdi les tâches incombant à ces personnels. Il a en particulier souligné le surcroît de travail induit par la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine (loi « Borloo ») qui a transféré vers les tribunaux d'instance et de grande instance une masse considérable de dossiers de surendettement ou encore par la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité (PACS) -qui conduit les tribunaux d'instance à délivrer, à la demande des notaires, des certificats de non PACS en grand nombre.

M. Yves Détraigne, rapporteur des crédits consacré à la justice et à l'accès au droit, a insisté sur la nécessité d'anticiper l'accélération -à compter de 2008- des départs à la retraite de l'ensemble des personnels des juridictions judicaires (magistrats et fonctionnaires). Afin de rendre plus attractives les juridictions dans lesquelles les conditions de travail se révèlent difficiles, il s'est en outre interrogé sur l'opportunité de mettre en place dans les ressorts les plus sensibles des incitations financières sur le modèle de ce qui prévaut pour les zones d'éducation prioritaires (ZEP).

M. Pascal Clément, ministre de la justice, garde des sceaux, a indiqué que l'enveloppe allouée à l'aide juridictionnelle d'un montant de 304 millions d'euros progresserait de 2 % (soit 5 millions d'euros) en 2006. Cette augmentation lui a semblé suivre celle constatée en 2005 (+ 1 % au civil et + 4 % au pénal). Il a expliqué que différentes lois votées ces dernières années avaient entraîné une forte augmentation des dépenses d'aide juridictionnelle entre 1999 et 2004 mais qu'en 2005, le nombre des admissions prévues -870.000- devrait atteindre un palier. Il a ajouté que la prévision pour 2006 reposait donc sur l'hypothèse réaliste d'un ralentissement du rythme de progression de la dépense. En conséquence, il a attesté de la sincérité de l'évaluation de la dotation inscrite dans le projet de budget. Il a souligné que l'aide juridictionnelle représente un enjeu essentiel pour certains barreaux dans lesquels ce dispositif constitue la principale source de revenu de nombreux avocats.

Les résultats obtenus dans le cadre de l'expérimentation des nouvelles modalités d'exécution des peines dans cinq tribunaux de grande instance du ressort de la cour d'appel de Bordeaux et dans les tribunaux de grande instance d'Orléans, de Nantes et de Rouen lui ont semblé très encourageants.

Le garde des sceaux a expliqué que la création des bureaux d'exécution des peines avait incontestablement amélioré l'exécution des jugements. Il a annoncé son intention de généraliser cette expérimentation à tous les tribunaux de grande instance. Il a précisé que cette réforme nécessitait des moyens supplémentaires tant en fonctionnaires qu'en matériels informatiques et qu'à cette fin, le gouvernement envisageait de déposer à l'Assemblée nationale un amendement tendant à augmenter les crédits alloués à la mission « Justice ».

M. Pascal Clément, ministre de la justice, garde des sceaux, a confirmé que l'institution judicaire serait dans quelques années confrontée à une accélération du rythme des départs à la retraite. A partir de 2010, les sorties du corps de la magistrature et des fonctionnaires des greffes seront d'une ampleur deux fois plus importante qu'aujourd'hui et surtout, à partir de 2012, les départs à la retraite tripleront de volume a-t-il précisé. Il a marqué la volonté d'anticiper ce mouvement en augmentant les places offertes aux concours de recrutement et en renforçant les moyens des écoles de formation initiale (Ecole nationale de la magistrature, Ecole nationale des greffes).

Il a indiqué qu'il avait pu constater lors de ses visites dans les juridictions que certains magistrats choisissaient d'être affectés et de rester dans des zones difficiles, comme par exemple au tribunal de grande instance de Bobigny. Il a cependant marqué la volonté de réfléchir à la mise en place d'une nouvelle bonification indiciaire pour encourager les magistrats et les fonctionnaires à exercer leurs fonctions dans des tribunaux sensibles.

M. François Zocchetto a dénoncé le sort particulier réservé par la nouvelle nomenclature budgétaire aux juridictions administratives. Il a estimé que le rattachement à une mission distincte de la mission « Justice » n'aurait pas dû être décidé à l'occasion de la mise en place de la LOLF, mais aurait dû faire l'objet d'un plus large débat. Il a souhaité que le gouvernement revoie la nouvelle architecture budgétaire sur ce point. Après s'être félicité de ce que le projet de budget finance la quatrième tranche la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, il a souhaité savoir si les juges de l'application des peines dont les missions se sont accrues sous l'impulsion des récentes réformes de procédure pénale bénéficieraient d'un renforcement de leurs effectifs et dans quelle proportion. Il a demandé au garde des sceaux dans quel délai le décret d'application sur le statut des repentis prévu par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité serait publié.

Jugeant opportune l'instauration d'une prime pour permettre aux juridictions les plus difficiles de disposer d'effectifs suffisants, M. Philippe Goujon a interrogé le garde des sceaux sur l'état d'avancement de la construction du futur tribunal de grande instance de Paris.

M. Jean-René Lecerf a attiré l'attention du garde des sceaux sur certaines difficultés d'application de la réforme de la justice de proximité. Il a expliqué que la raréfaction des candidatures aux fonctions de juge de proximité s'expliquait par la pénurie de moyens alloués aux juridictions de proximité. Il a ajouté que de nombreux juges de proximité estimaient que les conditions matérielles très insuffisantes dans lesquelles ils rendaient la justice étaient vécues comme humiliantes.

M. Hugues Portelli a également dénoncé la place exorbitante accordée aux juridictions administratives au sein de nos institutions. Il a jugé opportun qu'une réflexion s'engage sur le bien-fondé de cette spécificité française, notamment au regard des systèmes judiciaires des autres pays de l'Union européenne. Il a par ailleurs jugé nécessaire d'imposer aux magistrats une obligation de formation continue, compte tenu de l'évolution permanente de notre droit et de la nécessaire actualisation des connaissances qui en découlent.

M. Patrice Gélard a déploré que de nombreux juges de proximité soient affectés dans un ressort très éloigné de leur domicile, estimant cette situation décourageante, d'autant que les frais de déplacement n'étaient pas remboursés. Il a souligné que ces difficultés avaient conduit plusieurs juges de proximité à démissionner. Il a interrogé le garde des sceaux sur l'état d'avancement de la construction de l'annexe du tribunal de grande d'instance du Havre qui devrait être située dans le commissariat de police. Après avoir souligné l'enjeu essentiel pour la qualité de la justice rendue que représentait la formation continue, il a souhaité un partenariat plus dynamique entre les juridictions administratives et judiciaires et l'Université. Il a formé le voeu que le garde des sceaux permette à un plus grand nombre de professeurs d'université d'exercer les fonctions de magistrats à titre temporaire.

Mme Nicole Borvo n'a pas souscrit aux priorités du projet de budget pour 2006, estimant qu'elles étaient le fidèle reflet d'une philosophie de la justice, en particulier pénale, qu'elle ne pouvait approuver. Elle a regretté qu'aucun bilan n'ait été dressé sur la mise en place de la justice de proximité, estimant qu'il serait pourtant utile de connaître le nombre de démissions intervenues depuis 2003, la réalité des recrutements effectués et les conditions d'exercice des juges de proximité. Réitérant les propos tenus lors du débat de contrôle budgétaire du 10 novembre dernier, elle a dénoncé le rattachement du programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » à une mission « Conseil et contrôle de l'Etat » distincte de la mission « Justice ». Elle a souhaité des informations précises sur le rythme des départs à la retraite des personnels des juridictions judiciaires envisagés au cours des prochaines années.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait observer à Mme Nicole Borvo que sa philosophie de la justice était plus proche de la sienne qu'elle ne le pensait, expliquant que le gouvernement partageait son souci de réinsérer les condamnés et de privilégier les aménagements de peines comme alternative à l'incarcération.

En réponse aux intervenants, il a précisé que l'accélération du rythme des départs à la retraite interviendrait à compter de 2008. Les sorties de magistrats judiciaires devraient s'amplifier en passant de 78 à 288 entre 2005 et 2012 pour atteindre un plafond (320) en 2014. De même, les sorties de fonctionnaires des greffes suivront un mouvement similaire, les départs à la retraite devant être doublés entre 2005 (362) et 2009 (734) pour atteindre un niveau maximal en 2014 (890 sorties). Il a signalé que, compte tenu de l'évolution défavorable de la pyramide des âges, un peu plus d'un tiers des effectifs du ministère de la justice quitteraient les juridictions judiciaires entre 2005 et 2015.

Le garde des sceaux a indiqué que l'effectif actuel des juges de l'application des peines, au nombre de 310, serait renforcé par 73 magistrats en 2006.

Le garde des sceaux a indiqué que des discussions sur la superficie du futur tribunal de grande instance de Paris étaient en cours avec le maire de Paris. Il a souhaité qu'un accord soit rapidement trouvé afin de permettre de réunir sur un seul site le futur palais de justice et son annexe. Il a précisé que le chantier devrait démarrer en 2008, avec la perspective d'inaugurer le futur tribunal en 2012.

Le garde des sceaux a annoncé qu'un bilan de la justice de proximité lui serait remis très prochainement, ce qui permettrait de dresser un état de lieux objectif de la situation. Il a fait part de quelques constatations d'ores et déjà disponibles sur l'application de la réforme. Il s'est félicité de l'accueil réservé aux juges de proximité par les personnels des juridictions. Il a mentionné la sélection très rigoureuse des candidatures opérée par le Conseil supérieur de la magistrature, ajoutant que cette jurisprudence n'était pas de nature à accélérer les recrutements. Le garde des sceaux a également précisé l'origine socioprofessionnelle des juges de proximité recrutés parmi d'anciens magistrats administratifs et de l'ordre judiciaire (10 %), pour une plus large part parmi les professions libérales juridiques et judiciaires réglementées (près de 40 %) et parmi les titulaires d'un diplôme équivalant à bac + 4 et justifiant de quatre années d'expérience juridique (plus de 41 %.). Il a ajouté que peu de juges de proximité avaient été recrutés parmi les conciliateurs de justice (moins de 3 %), les anciens fonctionnaires des services judiciaires (2 %) ou encore les personnes ayant exercé des fonctions d'encadrement ou de direction dans le domaine juridique durant vingt-cinq années (moins de 5 %). Il a précisé que la répartition hommes-femmes était très équilibrée (52 % - 48 %). Le garde des sceaux a compté moins d'une dizaine de démissions depuis la mise en oeuvre de cette réforme.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a souligné, s'agissant de la construction de l'annexe du tribunal de grande instance du Havre, que le co-financement du commissariat de police avec le ministère de l'intérieur appelé à accueillir l'annexe rendait plus complexe le démarrage des opérations.

Le garde des sceaux n'a pas souhaité débattre de la place de la justice administrative dans la nomenclature budgétaire, laissant au Parlement le soin de nourrir cette discussion. Il s'est félicité de la qualité de la formation continue dispensée aux magistrats, rappelant que les magistrats issus de l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) disposent d'un droit à la formation de cinq jours par an et qu'elle est obligatoire pour les magistrats issus des concours exceptionnels ou complémentaires. Il a ajouté que la majorité des magistrats avait suivi une session de formation continue en 2004.

M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis du programme « Administration pénitentiaire », s'est inquiété, s'agissant des moyens de fonctionnement, du gel de 40 millions d'euros en 2005 en se demandant quelles seraient la part de ce montant définitivement annulée et les conséquences concrètes de cette régulation budgétaire. Il a interrogé le ministre sur le bilan de la gestion mixte et plus particulièrement sur le coût comparé de la journée de détention selon ces deux modes de gestion. Il a souhaité connaître le nombre de mesures d'aménagement de peine accordées en 2005 et les implications qu'avait eues la mise en oeuvre de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité dans ce domaine.

Le rapporteur pour avis du programme « Administration pénitentiaire » a également demandé si une expérimentation du placement sous surveillance électronique mobile était envisagée et, le cas échéant, si une équipe de pilotage avait été mise en place. Après avoir relevé que la rénovation du centre pénitentiaire de Marseille serait sans doute encore retardée, il a souhaité connaître les délais dans lesquels ce chantier pourrait enfin commencer. Il a également interrogé le ministre sur les mesures envisagées pour l'établissement de Paris-La Santé. Evoquant ensuite la situation des personnels et l'effort de valorisation des filières de surveillance et d'insertion et de probation, il a souhaité connaître les raisons pour lesquelles la progression de l'indemnité de sujétions spéciales pour les travailleurs sociaux n'avait pas été alignée sur celle des personnels de surveillance.

En réponse à ces interrogations, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a apporté les précisions suivantes :

- à l'exception des services judiciaires, exemptés de gel sur décision du Premier ministre, le ministère de la justice a subi un gel de crédits de 152 millions d'euros en 2005 (sur ce montant, 90 millions d'euros ont été annulés et cinq millions d'euros pourraient l'être prochainement) ; l'administration pénitentiaire a supporté un gel d'un montant de 40 millions d'euros, sur lequel dix millions d'euros ont été annulés, dix millions d'euros rétablis et vingt millions d'euros reventilés sur des lignes déficitaires du ministère. Ces pratiques présentent l'inconvénient de reporter sur l'année suivante certaines dépenses et de contraindre, lorsque les mesures de rétablissement sont trop tardives, à reporter également les crédits. Néanmoins, le principe prévu dans le cadre de la LOLF d'une réserve décidée dès le vote du budget devrait permettre de mieux prévoir la gestion des budgets attribués ;

- les fonctions déléguées dans le cadre de la gestion mixte portent sur la restauration, l'hôtellerie, le nettoyage, le transport, la formation professionnelle et le travail des détenus ; les coûts d'une journée de détention en gestion mixte et en gestion publique apparaissent quasi identiques (respectivement 52,86 euros et 52,59 euros) ; néanmoins, cette comparaison doit être abordée avec précaution, car elle ne tient pas compte de l'impact, sur les coûts de fonctionnement, de la diversité de l'état des locaux des établissements en gestion publique. Les objectifs fixés au délégataire ont été remplis à l'exception de la fonction « travail » compte tenu de la difficulté, d'ailleurs rencontrée par tous les établissements pénitentiaires, dans une conjoncture difficile, de proposer aux détenus une offre de travail suffisante ;

- le nombre d'aménagements de peine a augmenté pour la première fois en 2004 alors qu'il stagnait depuis 10 ans (18.000 mesures ont ainsi été prononcées contre 15.000 en moyenne les années précédentes) ; cette tendance devrait se confirmer, puisque ces mesures ont augmenté de 7 % sur les dix premiers mois de l'année en raison principalement du développement du placement sous surveillance électronique fixe et de l'examen systématique, depuis la loi dite « Perben 2 », de la situation de chaque détenu plusieurs mois avant la fin de sa peine ;

- le premier appel d'offres pour la rénovation du centre pénitentiaire de Marseille a été déclaré infructueux en raison de l'insuffisance du nombre de réponses et du coût élevé des propositions des entrepreneurs. Le cahier des charges ayant été revu pour permettre d'obtenir des réponses plus adaptées, les travaux devraient pouvoir commencer au début du deuxième trimestre 2006. La rénovation de l'établissement de Paris-La Santé devrait s'inscrire dans le cadre du plan gouvernemental de relance du partenariat public/privé. La réalisation de l'opération a été confiée à l'agence de maîtrise d'ouvrage du ministère de la justice qui en a établi le cahier des charges complet avec la direction de l'administration pénitentiaire. Les travaux devraient ainsi commencer au début de l'année 2007 ;

- les conditions juridiques d'une expérimentation du placement sous surveillance électronique mobile sur deux sites dès 2006 sont actuellement étudiées par la direction des affaires criminelles et des grâces. Cette expérimentation, financée sur le budget 2006 de l'administration pénitentiaire, sera conduite sous l'autorité d'une équipe de projet composée de trois personnes appelées à travailler en étroite relation avec les services concernés du ministère de la justice, du ministère de l'intérieur et du ministère de la santé ;

- les personnels de la filière « surveillance » perçoivent une prime de sujétions spéciales de 24 % compte tenu des contraintes qui leurs sont propres (travail en milieu fermé, en contact permanent avec les détenus et en horaires postés) tandis que les conseillers d'insertion et de probation qui travaillent en milieu ouvert bénéficieront d'une prime de 22 % (augmentée d'un point par rapport à cette année).

M. Richard Yung s'est inquiété de l'augmentation de la part des détenus souffrant de troubles psychiatriques et a souhaité connaître les réponses qu'entendait apporter le ministère de la justice à cette situation préoccupante. Il a également interrogé le garde des sceaux sur les perspectives de développement du placement sous surveillance électronique.

M. Jean-René Lecerf a relevé que le bracelet électronique fixe conjuguait souplesse et efficacité ; il représentait une alternative à l'incarcération pour un coût nettement inférieur à celui de la journée de détention. Il s'est demandé dès lors si les créations d'emplois de travailleurs sociaux ne devaient pas être affectées par priorité à la mise en oeuvre de cette mesure afin d'en permettre le développement. Il s'est interrogé en outre sur la durée des travaux concernant les établissements pénitentiaires, citant en exemple la rénovation du centre pénitentiaire de Marseille, programmée sur huit années.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a demandé au ministre de faire le point sur la mise en place des unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) en soulignant que la présence de personnes malades incarcérées constituait un problème préoccupant.

En réponse à ces interventions, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a apporté les éléments d'information suivants :

- près de 7.000 placements sous surveillance électronique avaient été décidés depuis 2002 ; 1.800 bracelets électroniques étaient actuellement disponibles, 2.500 le seraient en 2006 et 3.000 en 2007 ;

- 3 unités hospitalières sécurisées interrégionales, dotées d'une vingtaine de lits chacune, avaient été mises en place à Nancy, Lille et Lyon. Une nouvelle structure devrait ouvrir en janvier 2006 à Bordeaux. En outre, aux termes de la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002, des unités hospitalières spécialement aménagées, réservées à l'hospitalisation des détenus souffrant de troubles psychiatriques, seront mises en place à compter de 2008 ;

- la population pénitentiaire avait atteint un maximum de 63.000 détenus au début du mois de juillet de cette année. Cependant, le taux de détention français de l'ordre de 93 détenus pour 100.000 habitants se situe en deçà de la moyenne européenne. En outre, l'effort de construction considérable engagé dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice devrait permettre d'améliorer de manière très significative les conditions de détention ; au total, 5.000 places de détention supplémentaires auront été ouvertes entre le printemps 2002 et le printemps 2006.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis du programme « Protection judiciaire de la jeunesse », s'est ensuite inquiété de la diminution des crédits consacrés à l'action « Mineurs en danger et jeunes majeurs » au profit de l'action « Mineurs délinquants », estimant qu'elle mettait en péril l'équilibre financier de nombreuses associations et qu'elle risquait à terme de provoquer une augmentation de la délinquance, les mesures civiles jouant un rôle avéré de prévention de la délinquance pour de nombreux mineurs en difficultés.

Il a ensuite souhaité quelques précisions concernant l'implication des mineurs dans les violences urbaines de ces dernières semaines et sur la réponse apportée par la justice des mineurs.

Par ailleurs, il s'est interrogé, au regard de l'effort financier induit et du nombre de mineurs concernés, sur l'opportunité d'une révision de l'objectif de 60 centres éducatifs fermés (CEF).

Enfin, il a souhaité connaître la date de début des travaux des établissements pénitentiaires pour mineurs ainsi que leur articulation avec les quartiers mineurs des maisons d'arrêt existants.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a souligné que les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » connaîtraient en 2006 une augmentation de 14 millions d'euros, le secteur de l'hébergement classique des mineurs délinquants bénéficiant de 7 millions d'euros supplémentaires, et celui visant les mineurs en danger de deux millions d'euros supplémentaires. Reconnaissant que les crédits destinés aux jeunes majeurs se voyaient amputés de 25 millions d'euros, il a justifié cette mesure par la nécessité de recentrer l'action des services de la protection judiciaire de la jeunesse sur les mineurs délinquants, le suivi des jeunes majeurs relevant selon lui des dispositifs d'insertion de droit commun.

S'agissant des violences urbaines, le garde des sceaux a indiqué que 577 mineurs avaient été entendus par les juges des enfants, 118 placés sous mandat de dépôt et 15 placés dans des centres éducatifs fermés. Il a précisé que tous ces jeunes correspondaient au profil exigé en CEF (mineurs multirécidivistes passibles de cinq ans d'emprisonnement).

Le ministre de la justice a ensuite précisé que 31 CEF, dont 6 publics, devraient être ouverts fin 2006, ce nombre devant atteindre 46 CEF fin 2007. Ceci représenterait environ 500 places, la capacité d'accueil des centres étant concomitamment portée de 10 à 12 places. Il a estimé qu'un bilan pourrait être dressé fin 2006 afin d'apprécier l'opportunité d'atteindre l'objectif de 600 places fixé par la loi d'orientation et de programmation pour la justice. Par ailleurs, le garde des sceaux s'est félicité du fonctionnement des centres éducatifs fermés, estimant que l'éducation contrainte construite autour d'un projet individuel et réaliste donnait des résultats probants.

S'agissant du programme de construction des établissements pénitentiaires pour mineurs, le ministre a enfin précisé que les travaux des établissements de Quiévrechain (Nord), Lavaur (Tarn) et Meyzieu (Rhône) avaient déjà commencé, les autres devant débuter en décembre prochain.

Mercredi 23 novembre 2005

- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

PJLF pour 2006 - Mission « Direction de l'action du Gouvernement » - Communication

M. Jean-Jacques Hyest, président, a rappelé que Mme Jacqueline Gourault avait présenté, le 16 novembre, son rapport pour avis sur les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » avant l'examen de ces derniers par l'Assemblée nationale. Il a indiqué que Mme Jacqueline Gourault avait alors souhaité, le cas échéant, pouvoir adapter son rapport en fonction des modifications qui seraient apportées par l'Assemblée nationale, s'engageant à en informer la commission. Il a déclaré que l'Assemblée nationale n'ayant apporté aucun changement significatif à ce budget, l'amendement adopté la semaine précédente conservait toute sa portée.

PJLF pour 2006 - Missions « Justice », « Conseil et contrôle de l'Etat » et « Pouvoirs publics » - Examen du rapport pour avis

La commission a tout d'abordprocédé à l'examen du rapport pour avis de MM. Yves Détraigne et Simon Sutour sur le projet de loi de finances pour 2006 (missions « Justice », « Conseil et contrôle de l'Etat » et « Pouvoirs publics ») en abordant la partie consacrée à la justice administrative.

M. Simon Sutour, rapporteur pour avis des crédits du programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » rattaché à la mission «Conseil et contrôle de l'Etat», a noté que l'augmentation des crédits affectés à la justice administrative (+ 6,4 %) était plus sensible que l'année dernière (+ 3,5 %), expliquant que cette hausse était notamment destinée à financer la création d'un trente-huitième tribunal administratif à Nîmes. Il a souligné que toutes les personnes entendues dans le cadre des auditions s'étaient félicitées de la nomination d'un rapporteur chargé spécifiquement de l'examen du budget des juridictions administratives.

Il a indiqué que la maîtrise des délais de jugement constituait toujours un objectif difficile à atteindre dans le contexte actuel d'une forte augmentation des affaires nouvelles. Il a salué les efforts de l'ensemble des magistrats administratifs pour juger un nombre croissant d'affaires et les initiatives du Conseil d'Etat -notamment dans le domaine informatique (développement du télérecours)- pour accroître ses gains de productivité.

M. Simon Sutour, rapporteur pour avis, a constaté la dégradation du délai de jugement moyen devant le Conseil d'Etat (13 mois) et l'absence d'amélioration du délai moyen de jugement enregistré devant les tribunaux administratifs (18 mois). Il a observé que les cours administratives d'appel (avec un délai moyen de jugement de 21 mois, contre 29 mois en 2003) bénéficiaient d'une situation plus favorable grâce à la mise en oeuvre des contrats d'objectifs signés avec le Conseil d'Etat, craignant toutefois que le rythme soutenu de la progression des contentieux enregistrés depuis le début de l'année 2005 ne remette en cause cette évolution favorable. Il a évoqué les trois domaines les plus inflationnistes en termes de recours : le droit des étrangers en situation irrégulière, le régime des pensions et le droit de la fonction publique.

Il a regretté que le rythme des créations nettes d'emplois soit très inférieur aux engagements inscrits dans la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, dont le taux de réalisation, décevant, s'établissait à environ 60 %. Il a souhaité qu'un rattrapage intervienne l'année prochaine. Le rapporteur pour avis s'est en revanche félicité des avancées indemnitaires et statutaires prévues en faveur des magistrats administratifs et des agents de greffe qui concrétisaient des attentes anciennes, après avoir précisé le coût de ces mesures (un peu plus de 2 millions d'euros).

Compte tenu de la croissance exponentielle des requêtes formées à l'encontre des arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, qui constituent un des principaux facteurs d'encombrement des juridictions administratives, M. Simon Sutour, rapporteur pour avis, a jugé urgent d'engager une réflexion sur l'opportunité de rationaliser les procédures applicables en ce domaine, après avoir indiqué les pistes de réforme envisagées par le Conseil d'Etat en ce sens. M. Simon Sutour, rapporteur pour avis, a en outre mis l'accent sur le nécessaire recentrage des juges administratifs sur leur activité juridictionnelle, compte tenu de la croissance actuelle du contentieux. A cet égard, il a jugé nécessaire de limiter la participation des magistrats administratifs aux seules commissions où leur présence se révélait indispensable. De même, il s'est inquiété de l'impact sur la charge de travail des magistrats de l'entrée en vigueur prochaine des dispositions de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades tendant à leur confier la présidence des instances disciplinaires de neuf professions de santé. Il a regretté que le projet de budget ne prévoie pas de moyens humains supplémentaires pour accompagner la mise en oeuvre de cette réforme, ajoutant que le ministère chargé de la santé avait été saisi de cette difficulté.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a observé que la commission d'enquête sur l'immigration clandestine créée le 27 octobre 2005 permettrait de réfléchir à une éventuelle réforme des procédures applicables en matière de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière. Il a souligné que le volume des affaires portées devant les juridictions administratives, selon l'activisme des associations locales, pouvait varier fortement d'une région à l'autre. Il s'est demandé si la justice administrative était confrontée aux mêmes difficultés que les juridictions judiciaires s'agissant de la délicate évaluation du montant des frais de justice, dont le caractère évaluatif -aux termes de la loi organique n° 2001-592 relative aux lois de finances- serait supprimé à compter du 1er janvier prochain.

Le rapporteur pour avis a répondu que l'activité contentieuse très dense entraîne mécaniquement une hausse des frais de justice. Entre 2003 et 2004, corrélativement à l'accroissement du nombre de recours, ce poste budgétaire a fortement progressé (+ 17,3 %). Il a constaté que le gouvernement ne semble pas avoir pleinement anticipé ce mouvement, la dotation initiale prévue par la loi de finances pour 2005 (5,4 millions d'euros) s'étant établi à un niveau très inférieur à la consommation effectivement constatée en 2004 (7,3 millions d'euros). Il a ajouté qu'en dépit du réajustement de l'enveloppe allouée aux frais de justice à hauteur de 2,3 millions d'euros prévu par le projet de loi de finances pour 2006, cette dotation -d'un montant de 7,7 millions d'euros- risquait cette année encore d'être insuffisante eu égard au niveau réel de dépenses attendu en 2006. A l'instar du rapporteur spécial de la commission des finances des crédits de la mission « Conseil et contrôle », M. Jean-Claude Frécon, M. Simon Sutour, rapporteur pour avis a regretté cette sous-évaluation, l'estimant contraire au principe de sincérité budgétaire.

PJLF pour 2006 - Mission « Relations avec les collectivités territoriales » et compte spécial « Avances aux collectivités territoriales » - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Bernard Saugey sur le projet de loi de finances pour 2006 (mission « Relations avec les collectivités territoriales » et compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales »).

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis, a relevé que les dispositions du projet de loi de finances pour 2006 relatives aux relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales s'inscrivaient dans la continuité des réformes passées. Il a estimé que cette continuité :

- suscitait des interrogations au regard des incidences, somme toute assez marginales, de l'entrée en vigueur de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;

- méritait d'être saluée quand elle se caractérisait par une progression sensible des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales et un renforcement de la péréquation ;

- pouvait être regrettée quand elle se traduisait, même pour des raisons justifiées, par une remise en cause de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.

Au titre des motifs d'interrogation, M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis, a expliqué que le nouveau cadre tracé par la loi organique relative aux lois de finances se prêtait mal à l'analyse des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales dans la triple mesure où près des trois quarts des concours financiers versés aux collectivités prenaient la forme de prélèvements sur recettes, où certains crédits budgétaires versés aux collectivités territoriales étaient encore rattachés à d'autres missions relevant de la responsabilité d'autres ministères que le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et où les dispositions du projet de loi de finances affectant la fiscalité locale ne pouvaient être ignorées.

Il a indiqué que, si les concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales n'avaient pu être regroupés au sein d'une seule mission, des objectifs de performance leur avaient été assignés et des indicateurs avaient été créés pour apprécier leurs résultats. S'agissant des dotations budgétaires, c'est-à-dire des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », il a noté que les objectifs et indicateurs de performance n'étaient guère nombreux et, pour certains, perfectibles. Il a précisé que, même si la loi organique relative aux lois de finances n'imposait pas d'objectifs et d'indicateurs de résultat pour les prélèvements sur recettes, l'importance des montants en cause avait toutefois conduit le gouvernement à en prévoir. Il a ajouté que les trois objectifs assignés aux concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales consistaient à accroître le degré d'intégration des établissements publics de coopération intercommunale, à poursuivre la couverture du territoire par l'intercommunalité et à assurer la péréquation des ressources entre collectivités.

Au titre des motifs de satisfaction, M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis, a relevé que le montant total des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales, hors fiscalité transférée, devrait atteindre 64,5 milliards d'euros en 2006, en progression de 5 % par rapport à 2005 à structure courante. Il a estimé que cette progression sensible méritait d'être saluée au regard de l'objectif de stabilisation en volume des dépenses de l'Etat recherché par le projet de loi de finances.

Il a souscrit aux mesures destinées à renforcer la péréquation : réforme de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et affectation de la régularisation positive de la dotation globale de fonctionnement des communes et de leurs groupements au titre de l'année 2004 au solde de la dotation d'aménagement et au financement d'une garantie pour les communes ayant perdu le bénéfice de la dotation « élu local ».

Il a ensuite présenté les dispositions du projet de loi de finances destinées à soutenir l'investissement local : suppression de la première part de la dotation globale d'équipement des départements ; clarification des règles d'éligibilité, d'affectation et de reversement du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ; création d'une enveloppe spécifique de 20 millions d'euros au sein de la dotation de développement rural afin de financer des projets de maintien ou de développement des services publics en milieu rural ; simplification des concours de la dotation générale de décentralisation relatifs au financement des bibliothèques municipales et départementales. S'il a souscrit à ces mesures, il a déploré que les pertes de recettes subies par les départements du fait de la suppression de la première part de leur dotation globale d'équipement ne soient que partiellement compensées par l'Etat.

Enfin, au titre des motifs de déception, M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis, a tout d'abord relevé que les modalités de financement des compétences transférées aux collectivités territoriales par la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation du revenu minimum d'insertion et création du revenu minimum d'activité et la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales permettraient de compenser les charges transférées et de préserver l'autonomie financière des collectivités territoriales, mais pas leur autonomie fiscale.

Il a ensuite indiqué que le plafonnement de la taxe professionnelle acquittée par les entreprises à 3,5 % de leur valeur ajoutée, le « bouclier fiscal » - c'est-à-dire le plafonnement des impôts directs payés par un contribuable à 60 % de ses revenus - et l'exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties au bénéfice des exploitants agricoles répondaient à des préoccupations légitimes, mais auraient pour effet de réduire l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.

Après avoir souligné que cette autonomie fiscale constituait non seulement un facteur d'efficacité de la gestion des collectivités territoriales, mais surtout un fondement de la démocratie locale, il a déploré que l'absence de réforme des bases de l'impôt local conduise, selon un processus inexorable, à sa suppression graduelle. Aussi a-t-il jugé nécessaire une réforme d'ensemble de la fiscalité locale, rappelant les pistes évoquées aussi bien par la mission commune d'information du Sénat sur la décentralisation que par la Commission pour l'avenir de la décentralisation.

Au terme de cet exposé, M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis, a proposé à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2006.

M. Jean-Pierre Sueur a invité la commission à protester fortement contre la diminution de l'autonomie financière et de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Il a regretté que les régions ne soient toujours pas assurées de pouvoir moduler les tarifs de la fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers leur revenant. Enfin, il a déploré le manque de sélectivité de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, qu'il a notamment expliqué par la mauvaise délimitation des zones urbaines sensibles et des zones franches urbaines, de la dotation de solidarité rurale et de la dotation de développement rural.

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis, a indiqué que l'autonomie fiscale des collectivités territoriales serait écornée en 2006, mais que leur autonomie financière devrait être préservée.

Il a indiqué que la Commission européenne avait, le 14 septembre 2005, proposé au Conseil des ministres d'autoriser la France à appliquer du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2011 des tarifs réduits de taxe intérieure sur les produits pétroliers sur l'essence sans plomb et le gazole, ce qui devrait permettre aux régions, à compter de 2007, de fixer un tarif régional dans une fourchette de plus ou moins 1,77 euro par hectolitre autour d'un tarif pivot pour l'essence sans plomb, et dans une fourchette de plus ou moins 1,15 euro par hectolitre autour d'un tarif pivot s'agissant du gazole.

Enfin, il a rappelé que la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale avait prévu une forte augmentation, pendant cinq ans, de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et réformé les modalités de sa répartition afin de la rendre plus sélective.

M. Hugues Portelli, soutenu par M. Jean-Jacques Hyest, président, a déploré que les modalités de répartition du Fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France pénalisent les communes moyennes.

Il a également appelé de ses voeux l'adoption d'une loi organique relative à la péréquation.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a rappelé que l'article 72-2 de la Constitution confiait à la loi ordinaire, et non à la loi organique, le soin de prévoir des « dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales. » Il a indiqué que cette exigence constitutionnelle serait progressivement précisée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis, a déclaré qu'il n'avait pu obtenir de réponse sur les perspectives d'évolution du Fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France, le gouvernement lui ayant indiqué que les données de base nécessaires tant à l'alimentation du fonds qu'à l'éligibilité et à la répartition de ses ressources (logements sociaux, bénéficiaires d'aides au logement, potentiels fiscaux et revenu par habitants) n'étaient pas encore connues.

En réponse à M. Pierre Fauchon, M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis, a précisé que le montant des pertes de recettes subies par les collectivités territoriales en cas de mise en place du « bouclier fiscal » était estimé à un peu plus de 40 millions d'euros.

M. Pierre-Yves Collombat a estimé que les dispositions du projet de loi de finances pour 2006 auraient pour effet de réduire l'autonomie financière des collectivités territoriales. Il a souligné qu'un différentiel de l'ordre de 480 millions d'euros avait été constaté, en 2004, entre les recettes transférées aux départements et les dépenses exposées par eux au titre de la gestion du revenu minimum d'insertion, en raison de la forte augmentation du nombre des allocataires. Après avoir noté que ce différentiel s'était amplifié au cours du premier semestre 2005, il a souhaité savoir si une compensation financière était prévue.

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis, a rappelé que le Premier ministre avait annoncé le 7 mars 2005 une augmentation exceptionnelle destinée à combler l'intégralité de l'écart constaté entre la dépense et la recette au titre de l'exercice 2004. Il a indiqué que cette majoration devrait figurer dans le collectif budgétaire de 2005, tout en précisant qu'une incertitude demeurait sur le point de savoir s'il s'agirait d'une hausse exceptionnelle, versée sous forme budgétaire, ou si le droit à compensation des départements serait redéfini de façon définitive sur la base des dépenses de l'année 2004.

Il a réaffirmé que l'autonomie financière des départements et des régions ne devrait pas être réduite, dans la mesure où le financement de leurs nouvelles compétences était assuré, pour l'essentiel, par des impôts partagés.

M. Jean-Jacques Hyest, président, et M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis, ont rappelé que l'Etat n'était tenu de transférer aux collectivités territoriales que les ressources équivalentes au montant des dépenses qu'il consacrait lui-même à l'exercice des compétences transférées, les collectivités territoriales devant ensuite assumer sur leurs ressources propres les augmentations de dépenses.

M. Pierre-Yves Collombat a indiqué que toutes les ressources propres des collectivités territoriales n'étaient pas aussi évolutives que les droits de mutation. Il a souligné que leur rendement était tel que d'aucuns songeaient à asseoir sur eux la péréquation.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a indiqué que les droits de mutation étaient sensibles aux évolutions parfois brutales du marché immobilier, rappelant que les budgets de certains départements avaient été affectés par la crise du marché immobilier.

M. Bernard Frimat a déploré la diminution de l'autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales et annoncé l'intention du groupe socialiste de saisir le Conseil constitutionnel du projet de loi de finances. Il a souligné que les régions ne disposeraient plus guère de marges de manoeuvre fiscale en cas de plafonnement de la taxe professionnelle, puisque la part régionale de la taxe d'habitation avait déjà été supprimée.

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis, a rappelé que les conditions de mise en oeuvre de la règle posée par le troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, selon laquelle les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales doivent représenter, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources, étaient déterminées par la loi organique du 29 juillet 2004.

Il a expliqué que la définition des ressources propres des collectivités territoriales retenue par la loi organique et validée par le Conseil constitutionnel englobait le produit des impositions de toutes natures dont la loi autorise les collectivités à fixer l'assiette, le taux ou le tarif, ou dont elle détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d'assiette, les redevances pour services rendus, les produits du domaine, les participations d'urbanisme, les produits financiers et les dons et legs.

Il a indiqué que leur part dans l'ensemble des ressources de chaque catégorie de collectivités territoriales ne devait pas être inférieure au seuil atteint en 2003 et constaté dans un rapport remis par le gouvernement au Parlement le 30 juin 2005, soit 60,8 % pour les communes et leurs groupements, 58,6 % pour les départements et 39,5 % pour les régions.

Enfin, il a répété que les diverses mesures prévues par le projet de loi de finances pour 2006 au titre du financement des compétences transférées et de la réforme de la fiscalité locale ne devraient pas conduire à une méconnaissance de cette exigence, mais auraient pour effet de réduire la compétence fiscale des collectivités territoriales.

Il a précisé que le montant des pertes de recettes subies par les départements du fait de la réforme de la dotation globale d'équipement et non compensées par l'Etat était estimé à 47,66 millions d'euros dans la rédaction initiale du projet de loi de finances et à un peu plus de 30 millions d'euros dans la rédaction retenue par l'Assemblée nationale.

M. Yves Détraigne a dénoncé la complexité et le manque de transparence des règles de répartition des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales, soulignant que les élus locaux n'étaient pas en mesure de vérifier l'exactitude du montant de leur dotation globale de fonctionnement. Il a relevé qu'au fil des ans les impôts locaux étaient progressivement supprimés et remplacés par des dotations de l'Etat obéissant à des règles inintelligibles. Aussi a-t-il souhaité qu'une réflexion soit conduite sur l'évolution des moyens financiers des collectivités territoriales.

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis, a rappelé que la loi de finances pour 2005 avait simplifié et clarifié les règles de répartition de la dotation globale de fonctionnement. Il a toutefois observé qu'à peine adoptée, cette simplification était déjà remise en cause, d'aucuns réclamant en effet la prise en compte de nouveaux critères tels que les logements sociaux ou les sujétions résultant du régime de protection des parcs nationaux dans les règles de répartition de la dotation.

M. Yves Détraigne a également mis en exergue les coûts supportés par les collectivités territoriales du fait de l'évolution des normes applicables, notamment en matière de collecte, de traitement et d'élimination des déchets, de distribution d'eau potable et d'assainissement.

Précisant qu'elle était membre de la commission départementale chargée de la répartition de la dotation de développement rural dans le Haut-Rhin, Mme Catherine Troendle a souligné que cette dotation permettait de financer des projets innovants et créateurs d'emploi, même si les montants en cause n'étaient pas toujours très élevés. Aussi a-t-elle protesté contre les critiques formulées par M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur n'a pas nié l'utilité des projets financés par la dotation de développement rural et la dotation de solidarité rurale. Après avoir rappelé que plus de 34.000 communes étaient éligibles à la fraction péréquation de la dotation de solidarité rurale, il a maintenu que les critères de répartition de ces dotations se traduisaient par un saupoudrage des crédits.

M. Pierre-Yves Collombat a souligné le rôle essentiel de ces dotations pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale en milieu rural.

M. Raymond Courrière a dénoncé la réduction des marges de manoeuvre fiscale des collectivités territoriales, les coûts engendrés par l'évolution des normes applicables et le désengagement des services de l'Etat, notamment des directions départementales de l'équipement et des directions départementales de l'agriculture et de la forêt.

M. Patrice Gélard a rappelé que l'examen de la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales avait suscité d'importants débats au Sénat. Il a reconnu que sa rédaction était sans doute imparfaite. Enfin, il a indiqué attendre avec impatience l'éventuelle décision du Conseil constitutionnel sur le projet de loi de finances pour 2006.

M. Hugues Portelli a mis en cause l'efficacité du système de financement des collectivités territoriales, observant que les impôts locaux étaient ceux dont l'Etat ne voulait plus en raison de leur obsolescence. Il a cité en exemple les mécanismes de partage d'impôts entre l'Etat et les collectivités territoriales retenus dans les pays d'Europe du Nord, en faisant valoir que les taux de ces impôts étaient décidés au niveau national conjointement par des représentants de l'Etat et des collectivités territoriales.

M. Laurent Béteille a rappelé l'inégale répartition des bases des impôts locaux.

Au terme de ce débat, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2006.

PJLF pour 2006 - Missions « Justice », « Conseil et contrôle de l'Etat » et « Pouvoirs publics » - Examen du rapport pour avis

La commission a poursuivi l'examen du rapport pour avis de MM. Yves Détraigne et Simon Sutour sur le projet de loi de finances pour 2006 (missions « Justice », « Conseil et contrôle de l'Etat » et « Pouvoirs publics ») en abordant la partie consacrée à la justice judicaire et à l'accès au droit.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis des crédits consacrés à la justice judiciaire et à l'accès au droit, a évoqué les contours de la mission « Justice » dessinés par la nouvelle nomenclature budgétaire en application de la loi organique n° 2001-592 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Il a expliqué que le champ de la saisine de la commission des lois concernait, outre le programme consacré au Conseil d'Etat et aux autres juridictions administratives, dont l'examen est confié à M. Simon Sutour, trois programmes de la mission « Justice » : « Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice » et « Conduite et pilotage de la politique de la justice », ajoutant qu'au surplus l'analyse s'était élargie à trois institutions rattachées à la mission « Pouvoirs publics » : le Conseil constitutionnel, ainsi que la Haute cour de justice et la Cour de justice de la République, ces dernières étant des juridictions sui generis qui participent au service public de la justice de notre pays.

Le rapporteur pour avis a dénoncé le rattachement des juridictions administratives à une mission « Conseil et contrôle de l'Etat », créée par le gouvernement en mai dernier sans aucune concertation avec le Parlement, distincte de la mission « Justice ». Il a rappelé qu'il avait déjà exprimé cette position à l'occasion du débat de contrôle budgétaire sur le rapport de M. Roland du Luart sur la mise en oeuvre de la LOLF dans le domaine de la justice organisé au Sénat le 10 novembre dernier. Il a fait valoir que le choix du gouvernement était en contradiction avec l'esprit même de la LOLF, pour qui une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie. A cet égard, il a considéré que la justice judiciaire et la justice administrative sont deux versants d'une même politique publique qui consiste à rendre et exécuter la justice. Il a jugé que le souci de garantir l'indépendance des juridictions administratives ne justifiait pas de leur réserver un sort particulier. Il s'est d'ailleurs demandé comment le gouvernement avait pu considérer que le rattachement des juridictions judiciaires au ministère de la justice ne remettait pas en cause leur indépendance et tenir un raisonnement différent pour les juridictions administratives.

M. Jean-Jacques Hyest a rappelé les circonstances dans lesquelles le gouvernement avait décidé de disjoindre les juridictions administratives de la mission « Justice ». Il a indiqué que la création d'une mission « Conseil et contrôle de l'Etat » répondait à une demande de la Cour des comptes, qui avait estimé qu'elle ne pouvait être rattachée au ministère chargé de l'économie et des finances, qu'elle était chargée de contrôler. Il a expliqué que le Conseil d'Etat avait mis en avant la nature particulière des fonctions dévolues aux juridictions administratives, à la fois consultatives et juridictionnelles, et considéré qu'elles appelaient également un traitement budgétaire particulier. Il a regretté que le gouvernement ait souscrit à cette analyse. Il a précisé que le droit d'amendement conféré au Parlement dans le cadre de la LOLF ne lui permettait pas de transférer un programme d'une mission à l'autre, mais seulement de modifier la répartition des crédits entre les programmes d'une même mission.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, s'est déclaré réservé sur la place accordée au Conseil supérieur de la magistrature au sein de la nouvelle nomenclature budgétaire, considérant que la nature particulière de cet organe, garant de l'indépendance de la justice et consacré dans la Constitution, aurait dû plaider pour son rattachement à la mission « Pouvoirs publics ». Il a également souligné que la mise en place de la LOLF avait donné une acuité nouvelle au débat ancien sur les relations entre le siège et le parquet. Il a précisé que la conférence des premiers présidents de cours d'appel et le premier président de la Cour de cassation avaient considéré la nomenclature budgétaire inadaptée à la justice judiciaire, estimant que le regroupement au sein du même programme -justice judiciaire- des activités des magistrats du siège et des magistrats du parquet n'apportait pas une garantie suffisante à l'indépendance de l'autorité judiciaire. Le rapporteur pour avis a rappelé leur souhait de voir ce programme dédoublé en deux programmes distincts, l'un dédié aux moyens du siège, l'autre consacré aux moyens du parquet. Il a précisé que la conférence nationale des procureurs généraux avait exprimé le point de vue contraire. Sans préjuger de l'issue de ce débat institutionnel, il a fait valoir qu'il n'appartenait pas à la nomenclature budgétaire de décider d'une modification des principes essentiels de l'organisation judiciaire, qui relèvent de la loi en vertu des articles 34 et 64 de la Constitution.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, a souligné l'importance des responsabilités nouvelles -en matière d'ordonnancement secondaire des crédits déconcentrés et de passation de marchés publics- confiées conjointement aux chefs de cours d'appel à compter du 1er janvier 2006. Il a évoqué le rôle essentiel des services administratifs régionaux (SAR) chargés d'assister les chefs de cours dans la mise en oeuvre de ces nouvelles missions. Il a regretté que le projet de budget ne prévoie pas d'étoffer leurs effectifs, alors même que ces services devront assumer de nombreuses tâches supplémentaires.

Le rapporteur pour avis s'est félicité de l'approche pragmatique et réactive du ministère de la justice pour réguler la hausse exponentielle des frais de justice (+ 40 % en deux ans). Il lui a semblé en particulier que les magistrats étaient sensibilisés, dans leur grande majorité, à la nécessité de mieux maîtriser ces dépenses, dont le caractère évaluatif serait supprimé à partir du 1er janvier 2006. Il a évoqué les mesures prises par le ministère de la justice pour réduire les tarifs -souvent prohibitifs- pratiqués par les principaux opérateurs prestataires (téléphonie mobile, loueur de matériel d'écoutes), précisant que ces initiatives devraient permettre à l'Etat d'économiser 62 millions d'euros l'année prochaine. Il s'est également félicité de la mise en place d'un suivi de la dépense dans les juridictions grâce au développement d'une application informatique dénommée « FRAIJUS » par le SAR de Lyon qui devrait être généralisée à l'ensemble des cours d'appel à compter de 2006. Il a jugé crédible l'hypothèse envisagée par le gouvernement d'un ralentissement du rythme de progression de la dépense, ajoutant que l'augmentation limitée (3 % environ) des frais de justice constatée dans le ressort de la cour d'appel de Lyon expérimentatrice de la LOLF par anticipation au cours de l'année 2005 confirmait cette tendance. Il a estimé que le montant de la dépense prévisible pour 2005, évalué par le ministère de la justice à 490 millions d'euros, paraissait légèrement optimiste. M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, a ajouté que l'enveloppe allouée aux frais de justice par le projet de budget pour 2006 s'élevait à 370 millions d'euros, auxquels il convenait d'ajouter 50 millions d'euros inscrits dans le programme dépenses accidentelles et imprévisibles de la mission « Provisions », soit au total 420 millions d'euros. Il a précisé que si la consommation réelle dépassait le montant de la dotation limitative allouée aux juridictions, celles-ci seraient contraintes de compléter ce poste budgétaire par des crédits d'une autre nature (crédits de fonctionnement, de personnel par exemple) en vertu du principe de fongibilité asymétrique des crédits, qui permet de redéployer les crédits de personnel vers d'autres catégories de crédits, mais pas l'inverse.

En réponse à M. Robert Badinter qui lui demandait si l'évaluation de la dépense pour 2005 lui semblait proche de la réalité, M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, a indiqué qu'à l'exception des cours d'appel expérimentales qui avaient mis en place un véritable suivi de la dépense, il était difficile d'avoir une vision globale de la consommation des crédits, dans la mesure où celle-ci ne faisait l'objet d'aucune comptabilité des engagements juridiques et n'était véritablement connue qu'au moment du paiement. Il a néanmoins souhaité faire confiance au gouvernement sur le montant des frais de justice prévu pour 2005, compte tenu des efforts déployés pour maîtriser l'évolution de ce poste budgétaire.

Après avoir regretté que les indicateurs de performance aient été élaborés sans que les principales organisations représentant les personnels des juridictions aient été consultées, le rapporteur pour avis a formulé trois remarques. Il lui a semblé que certains indicateurs n'exprimaient pas véritablement la prise en compte de la performance, mais se contentaient de retracer l'activité d'un service. Il a également observé que la performance de certaines actions de la mission « Justice » n'était pas appréhendée par le projet annuel de performance. Ainsi, il a expliqué que l'activité des juridictions judiciaires en matière civile était analysée uniquement dans sa dimension contentieuse, alors que les magistrats et certains acteurs extérieurs au monde judiciaire (conciliateurs de justice par exemple) consacraient une partie non négligeable de leur temps à la prévention des conflits. Enfin, il a relevé le caractère peu opérationnel de certains indicateurs, en particulier ceux du programme « Accès au droit et à la justice » lesquels, pour les trois quarts, ne seraient pas renseignés avant 2008, faute de données disponibles.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, s'est félicité de la progression (+ 4,6 %) du budget de la mission « Justice ». Il a noté que cette augmentation, nettement supérieure à celle du budget de l'Etat, démontrait la priorité accordée par le gouvernement à cette politique publique. Il a cependant regretté la part trop modique du budget de la justice dans le budget de l'Etat, soulignant que les dépenses publiques consacrées aux tribunaux et à l'aide juridictionnelle par habitant étaient plus faibles en France que dans de nombreux autres Etats européens (Portugal, Autriche). Il s'est félicité des mesures nouvelles en faveur de la sécurité, dont le coût s'élève à plus de 2 millions d'euros.

Le rapporteur pour avis a jugé décevantes les créations d'emplois prévues par le projet de budget dans les juridictions judiciaires (186 magistrats et 14 fonctionnaires des greffes). Le taux global prévisionnel de réalisation de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 (LOPJ) en termes de créations d'emplois dans les juridictions judiciaires cumulées sur quatre exercices budgétaires (44 %) se révèle très insuffisant et masque en outre d'importantes disparités entre les efforts - tangibles- consentis en faveur des magistrats pour lesquels le taux prévisionnel se révèle acceptable (65 %) et le renforcement -très modeste- des effectifs des personnels des greffes, pour lesquels ce taux est insuffisant (38,5 %). Il a expliqué que l'entrée en vigueur de la LOLF avait pour conséquence de modifier le mode de comptabilisation des effectifs désormais exprimés en emplois équivalents temps plein travaillé (ETPT). Il a précisé qu'un ETPT prend en compte les agents au prorata de leurs horaires de travail et de leur durée de travail dans l'année, estimant à cet égard que le décompte en ETPT traduirait plus fidèlement la réalité des arrivées des effectifs sur le terrain et des heures effectivement travaillées.

Il a fait observer que l'arrivée de 651 fonctionnaires des greffes dans les juridictions judiciaires en 2006, annoncée par le garde des sceaux, correspondait à des créations de postes prévues par des lois de finances antérieures et non encore pourvues. Il a donc jugé nécessaire de relativiser l'effort consenti cette année par le ministère de la justice en faveur d'un renforcement des moyens humains alloués à l'institution judiciaire. Il a évoqué les difficultés auxquelles le ministère de la justice allait être confronté dans quelques années du fait de l'accélération prévisible, à compter de 2008, des départs à la retraite. Pour anticiper l'évolution défavorable de la pyramide des âges et compte tenu des délais de formation importants (21 mois pour les magistrats, 18 mois pour les greffiers et les greffiers en chef), il lui a paru indispensable que des recrutements en plus grand nombre interviennent dès l'année prochaine.

Il s'est déclaré satisfait de l'état d'avancement du programme immobilier, dont le taux de réalisation de la LOPJ s'élevait à 60 % s'agissant des autorisations de programme et à 47 % des crédits de paiement. Il a expliqué que le décalage entre les autorisations de programme et les crédits de paiement n'était pas préoccupant, car il était seulement le reflet des délais de mise en route des chantiers. Il s'est félicité du travail considérable accompli par l'agence de maîtrise d'ouvrage des travaux de la justice créée en 2001 pour faire avancer les opérations immobilières.

Le rapporteur pour avis a évoqué les résultats -inégaux- obtenus par les juridictions en matière de réduction des délais de jugement. Il a néanmoins relevé l'amélioration significative de la situation des cours d'appel, les deux tiers étant parvenues à réduire significativement leurs délais de jugement. Il a expliqué que la multiplication des contrats d'objectifs signés entre les cours d'appel et le ministère de la justice expliquait cette évolution favorable. Il a observé que cette démarche tendait à se généraliser, des contrats d'objectifs étant déclinés localement entre certaines cours d'appel et les juridictions du premier degré situées dans leur ressort.

Après avoir constaté que l'exécution des peines était encore trop lente et trop faible (54,5 % seulement des peines d'emprisonnement ferme étant exécutées dans un délai de 18 mois), M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, s'est félicité de la mise en place, à titre expérimental, des bureaux d'exécution des peines (BEX), appelant de ses voeux leur généralisation à l'ensemble des juridictions. Il a enfin considéré comme réaliste la prévision de dépenses au titre de l'aide juridictionnelle pour 2006 -304 millions d'euros- qui, à l'instar des frais de justice, perdaient leur caractère évaluatif. Il a en effet considéré, comme le ministère de la justice, qu'après plusieurs années d'accroissement de la dépense (+ 40 % entre 1999 et 2004), le nombre d'admissions semblait avoir atteint un palier. Il a jugé légitime de recentrer le dispositif d'aide juridictionnelle sur les justiciables les plus démunis.

M. François Zocchetto a souhaité connaître la proportion d'emplois vacants dans les juridictions judiciaires. M. Jean-Jacques Hyest a indiqué qu'il était toujours très difficile de mesurer le taux de vacance, compte tenu du décalage toujours important entre les postes créés et les postes effectivement pourvus. Il s'est d'ailleurs félicité de ce que le nouveau mode de comptabilisation en emplois équivalents temps plein travaillé (ETPT) imposé par la LOLF permettrait une plus grande sincérité dans le décompte des effectifs réels. M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, a indiqué que s'agissant des fonctionnaires des greffes, le taux de vacance s'élevait à plus de 7 % (non compris les personnels en cours de formation initiale à l'Ecole nationale des greffes), étant précisé que le ministère de la justice éprouvait des difficultés à quantifier précisément les vacances de postes dans les juridictions compte tenu de la diversité des situations qu'elles recouvraient (congé longue maladie, poste déjà créé mais non pourvu). Il a confirmé que les exigences nouvelles prévues par la LOLF permettraient d'avoir une estimation des effectifs réellement présents plus proche de la réalité.

M. Robert Badinter a indiqué qu'à l'époque où il exerçait la fonction de garde des sceaux, le ministère de la justice connaissait précisément les effectifs réels des juridictions et les taux de vacances dans chaque corps de fonctionnaires.

M. Jean-Jacques Hyest a jugé inquiétantes les perspectives des départs à la retraite des personnels de l'institution judicaire. Il a jugé impératif que le ministère de la justice anticipe sur toute évolution, notamment en renforçant les moyens alloués aux écoles de formation initiale (Ecole nationale de la magistrature, Ecole nationale des greffes).

En réponse à M. Robert Badinter qui souhaitait connaître le nombre de postes ouverts cette année au concours de la magistrature, M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, a indiqué qu'à l'instar des années précédentes, il était prévu de recruter 250 magistrats.

En réponse à M. Pierre-Yves Collombat qui souhaitait obtenir des informations plus précises sur l'exécution des peines, le rapporteur pour avis a indiqué que ce domaine était mal connu en termes statistiques et les informations à ce sujet fragmentaires.

Au terme de ce débat, la commission a décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits alloués à la justice judiciaire et administrative et à l'accès au droit par le projet de loi de finances pour 2006.