ARTICLE  3 BIS I (NOUVEAU) : SUPPRESSION DE L'EXONÉRATION PARTIELLE D'ISF POUR LES TITRES DÉTENUS PAR LES SALARIÉS ET LES MANDATAIRES SOCIAUX

I. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU VENDREDI 18 NOVEMBRE 2011)

Article additionnel après l'article 3

Mme la présidente. L'amendement n° I-46 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles 885 I bis , 885 I ter et 885 I quater du code général des impôts sont abrogés.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Je signale aux nostalgiques de François Mitterrand qui siègent sur les travées de droite de notre hémicycle que trente années se sont écoulées depuis 1981...

Le présent amendement tend à supprimer certaines dispositions correctrices de l'ISF qui, selon nous, nuisent à sa bonne répartition entre les contribuables.

Est d'abord visée la disposition permettant aux membres de pactes d'actionnaires, qui constituent le « noyau dur » de l'actionnariat d'une entreprise, de diminuer leur contribution à l'ISF à proportion de leur participation. Cette exonération des intérêts minoritaires, instaurée par la loi pour l'initiative économique, dite « loi Dutreïl », n'a pas rencontré un grand succès, malgré les assurances contraires qui figuraient, à l'époque, dans le rapport sur le fondement duquel elle avait été élaborée.

À en croire l'évaluation des voies et moyens associée au projet de loi de finances, 12 700 ménages recourraient à ce dispositif en 2012, pour une dépense fiscale globale de 63 millions d'euros. Ce coût a d'ailleurs été revu à la baisse depuis le mois de juillet, compte tenu de la manière dont vous avez réformé l'ISF !

S'agissant du dispositif de l'article 885 I quater du code général des impôts, son coût serait de 40 millions d'euros pour 11 700 ménages déclarants ; lui aussi est en baisse du fait des mesures adoptées cet été.

Cela signifie qu'un peu plus de 3 % des redevables de l'ISF seulement font jouer ces dispositifs pourtant déjà relativement anciens, de fait peu utilisés.

Le pacte d'actionnaires concerne au premier chef des actionnaires minoritaires et non impliqués dans la gestion courante de l'entreprise : il s'agit d'abord d'une technique d'optimisation fiscale pour celles et ceux dont le rapport avec l'entreprise se limite à la perception de dividendes. Elle est fort utile aux riches dynasties industrielles que notre pays compte encore.

Mme Nathalie Goulet. De moins en moins...

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Depuis son examen par la commission ce matin, le présent amendement a été rectifié. Il visait initialement l'exonération à 75 % des parts de sociétés dont le contribuable est salarié ou mandataire social.

La rectification intervenue, qui n'est pas que rédactionnelle, aboutit à augmenter le rendement de la mesure en visant d'autres exonérations. La commission ne s'étant pas prononcée sur cette nouvelle version, je laisse toute latitude au Sénat pour se déterminer... J'indique toutefois que les montants en cause semblent raisonnables.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cet amendement porte atteinte au régime dit « Dutreil » des pactes d'actionnaires, permettant, en particulier, à des personnes physiques qui n'appartiennent pas à l'équipe dirigeante de l'entreprise de bénéficier d'un régime leur évitant d'avoir à payer chaque année l'impôt sur le patrimoine alors qu'elles ne disposent pas nécessairement des revenus correspondants, notamment de dividendes, liés à la détention des parts sociales ou des actions dont il s'agit. Je souligne ce point à toutes fins utiles.

Le maintien de ce régime contribue à la stabilisation du capital des entreprises, évite des prises de contrôle qui peuvent être à l'origine de restructurations, et donc éventuellement de pertes d'emplois. Il est de nature à sécuriser le capital de bon nombre d'entreprises moyennes ou intermédiaires.

À mon sens, l'amendement que nous examinons présente un danger tout à fait sérieux !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Il serait très intéressant de procéder à l'évaluation économique et sociale du dispositif de la loi Dutreil, qui, selon nous, est inefficace. Est-il pertinent au regard du nombre d'emplois réellement créés dans les entreprises concernées et des performances économiques, ainsi que de la préservation du cadre de vie et de l'environnement ?

Bien évidemment, je souscris aux propos qui ont été tenus par Mme la rapporteure générale.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-46 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.

http://www.senat.fr/seances/s201111/s20111118/s20111118005.html#par_735