Mercredi 11 mai 2016

- Présidence de M. Alain Milon, président -

Enquête de la Cour des comptes sur l'adaptation aux besoins des moyens matériels et humains consacrés à l'imagerie médicale - Présentation, par M. Patrick Lefas, en présence de Mme Anne-Marie Armanteras-de Saxcé, directrice générale de l'offre de soins (DGOS)

M. Alain Milon, président. - Mes chers collègues, au mois de décembre 2014, notre commission avait demandé à la Cour des comptes de réaliser une enquête sur les moyens matériels et humains consacrés à l'imagerie médicale. Cette spécialité en pleine évolution joue en effet un rôle croissant dans le diagnostic et dans les soins. C'est un levier important d'amélioration de la qualité des prises en charge. Il nous a paru important de faire le point sur les équipements en service et leur adaptation aux besoins de la population, sur les effectifs de professionnels, leur répartition entre les établissements de santé et la médecine de ville, et sur les actions engagées ou envisageables pour garantir la pertinence du recours aux différents actes d'imagerie.

M. Patrick Lefas, président de chambre maintenu à la 6ème chambre de la Cour des comptes, va nous présenter les conclusions de l'enquête. Il est accompagné de MM. Serge Barichard et Pierre Kerzause, rapporteurs.

J'ai demandé à Mme Anne-Marie Armenteras-de Saxcé, directrice générale de l'offre de soins, de participer à notre réunion pour représenter le ministère des affaires sociales et de la santé. Je la remercie de sa présence, d'autant qu'il s'agit de sa première venue devant notre commission depuis sa nomination à la tête de la DGOS en mars dernier.

Nous avions demandé à Daniel Chasseing de suivre plus particulièrement cette enquête. Il nous donnera son sentiment et demandera le cas échéant des précisions complémentaires aux différents intervenants.

Je passe maintenant la parole à M. Patrick Lefas pour la présentation du rapport et des conclusions de la Cour.

M. Patrick Lefas, président de chambre maintenu à la 6ème chambre de la Cour des comptes. - Je vous remercie, Monsieur le président. L'enquête demandée par votre commission a été conduite par les deux rapporteurs qui m'accompagnent, MM. Serge Barichard, conseiller référendaire, et Pierre Kersauze, rapporteur. Elle couvre près de 6 milliards d'euros de dépenses d'assurance maladie et concerne un secteur fort de 8 500 médecins radiologues, 700 médecins nucléaires et près de 33 500 manipulateurs d'électroradiologie.

Comme vous en avez exprimé le souhait, trois grandes problématiques ont été traitées : les équipements, les actes et la démographie, tant en ville qu'à l'hôpital.

Les sources d'information disponibles (Insee, Drees, Cnam, DGFiP) ont été croisées afin de sécuriser les données relatives au parc d'équipements matériels lourds qui sont soumis à autorisation et aux revenus des médecins radiologues libéraux ou hospitaliers. Des éléments de parangonnage ont été recueillis sur l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni et la Suède, et les données de l'OCDE et d'Eurostat ont été exploitées.

Nous nous sommes inspirés de la démarche évaluative, en évitant tout biais vis-à-vis de la médecine de ville comme vis-à-vis de l'hôpital.

La contradiction avec les différents acteurs du dossier a été très riche et des auditions ont été organisées avec les administrations et la Haute Autorité de santé, ainsi qu'avec les deux sociétés savantes de radiologie et de médecine nucléaire et les organisations représentatives de la profession (fédération nationale des médecins radiologues, syndicat des radiologues hospitaliers, association des manipulateurs en électroradiologie médicale) auxquelles nous avions adressé un projet de synthèse qui les a fait utilement réagir.

Que ressort-il de ces travaux ? L'imagerie médicale est aujourd'hui confrontée à des enjeux médico-économiques importants. Les politiques de régulation actuelles ne permettent pas d'y faire face de façon satisfaisante. Les actions correctrices à engager doivent s'appuyer sur trois leviers : favoriser l'innovation en dégageant des marges sur l'efficience des actes et en redéployant les ressources disponibles, réorganiser l'offre d'imagerie médicale en renforçant les mutualisations et revaloriser l'exercice de l'imagerie hospitalière.

Je vais revenir rapidement sur chacun de ces points.

Tout d'abord l'imagerie médicale est confrontée à de forts enjeux médico-économiques. Elle est, en effet, une discipline structurante et innovante dont les principales techniques (rayons X, ultrasons, résonance magnétique, médecine nucléaire qui utilise des médicaments radio-pharmaceutiques et procède par émission mono-photonique ou TEMP ou par émission de positons ou TEP) sont exposées en annexe au rapport. Son développement a accompagné le progrès médical. Sa bonne organisation doit contribuer à la qualité de la prise en charge, tant en ville qu'à l'hôpital. Toutefois, les perspectives qu'elle offre et les innovations qu'elle génère sont aujourd'hui insuffisamment prises en compte, comme en matière de radiologie interventionnelle.

Pour ce qui concerne les équipements on peut noter trois points principaux :

- le parc d'équipements lourds est en nette progression sur la période récente (augmentation de 43 % du parc d'IRM et de 50 % du nombre de tomographes à émission de positons depuis 2010). La France a comblé la moitié de son retard en IRM et 20 points d'écart en scanners sur la moyenne OCDE ;

- le parc d'équipements est jeune (70 % du parc d'IRM et de scanners ont moins de 5 ans), ce qui place la France au deuxième rang, derrière la Bulgarie.... Et cette extension du parc s'est faite majoritairement au bénéfice du secteur privé lucratif ;

- l'utilisation des équipements est élevée au regard de la moyenne de l'OCDE, mais reste néanmoins inégale entre les secteurs et les structures exploitantes.

Pour ce qui concerne les ressources humaines, de l'analyse conduite par la Cour ressortent les constatations suivantes :

- la démographie des professionnels de l'imagerie médicale n'est pas globalement en tension : le nombre de postes d'internes ouverts en radiodiagnostic et en imagerie médicale a augmenté de 66 % au cours des cinq dernières années et la discipline demeure attractive, puisqu'aux épreuves classantes nationales de 2014 le premier étudiant à choisir la spécialité était classé 5ème et le dernier au début du deuxième tiers du classement national ;

- les trois quarts des médecins radiologues n'en sont pas moins en exercice libéral ou mixte, avec une forte concentration sur le pourtour méditerranéen ainsi qu'en Rhône-Alpes et à Paris ;

- de fait, l'hôpital éprouve de grandes difficultés à recruter : les taux de vacance statutaire de postes de praticiens hospitaliers radiologues à temps plein sont très nettement supérieurs à ceux des autres spécialités et surtout les taux de démission sont très élevés (39 % des causes de départ définitif du corps et 5,1 % des effectifs en fonction contre 3,5 % pour l'ensemble des spécialités) ;

- les effectifs de manipulateurs d'électroradiologie ont, en revanche, crû de 53 % entre 2000 et 2015, et cette croissance a essentiellement profité à l'hôpital (près de 26 000 sur 33 464, soit 78 % du total).

Les raisons de ce déséquilibre entre le secteur public et le secteur libéral sont de deux ordres : des rémunérations plus importantes dans le secteur libéral, des contraintes d'exercice plus fortes dans le secteur hospitalier.

Le secteur libéral est, en effet, plus rémunérateur, même si les revenus des médecins libéraux restent difficiles à objectiver, les chiffres variant selon les sources qui sont explicitées en annexe 17. Une étude commanditée par la Drees est d'ailleurs en cours, sur les revenus des radiologues exerçant en société d'exercice libéral. Le revenu annuel moyen net de charges des radiologues libéraux est, selon la Cnam, de près de 254 000 euros en 2015, derrière les anesthésistes-réanimateurs secteur 1 et 2 mais devant eux en secteur 1. La rémunération moyenne d'un praticien hospitalier plein temps, avec une activité libérale qui ne concerne que 39 % des médecins (57 000 euros), ne dépasse pas 153 000 euros.

Il a aussi moins de contraintes. En effet, alors qu'ils ne représentent qu'un quart de la profession, les médecins hospitaliers assurent les deux tiers des lignes de garde et d'astreinte.

Les dépenses d'imagerie médicale remboursées par l'assurance maladie représentent un total annuel de 5,9 milliards d'euros dont 2 milliards d'euros pour l'hôpital et 3,9 milliards d'euros pour la ville qui se décomposent en honoraires selon les tarifs opposables et en forfaits techniques payés à la structure exploitante et pris en charge à 100 % par l'assurance maladie. Le forfait technique représente en imagerie de coupe (IRM, scanner) les deux tiers de la dépense.

Le tiers de la dépense de ville est dû à l'échographie que les radiologues ne réalisent que pour moitié. La dépense croît à un rythme annuel inférieur à l'Ondam (+ 1,5 % sur la période 2007-2014), mais a des composantes très dynamiques (+ 8 % pour les IRM, + 5,1 % pour la scintigraphie), qui ne sont pas compensées par des baisses de même ampleur en radiologie conventionnelle (- 2,9 %). Les modalités les plus coûteuses augmentent le plus vite, ce qui neutralise l'effet des baisses de tarifs.

Les dépenses sont concentrées pour chaque catégorie sur quelques types d'actes : 80 % des dépenses de radiographie conventionnelle concernent les membres, le rachis et le sein ; 28 % des dépenses d'IRM concernent les membres inférieurs ; un quart des dépenses de scanographie concerne l'appareil digestif ; un quart des dépenses d'échographie concerne le coeur.

La profession surtout n'a pas le monopole de ces actes. 30 % des honoraires d'imagerie vont en effet à d'autres spécialités (cardiologues, omnipraticiens, gynécologues).

La difficulté pour connaître les dépenses d'imagerie médicale à l'hôpital tient au fait que les actes d'imagerie et de médecine nucléaire ne font pas l'objet d'un codage dans le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI).

La Cour a travaillé à partir de deux types de données émanant de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (Atih) : d'une part les retraitements des comptes des établissements qui permettent de déterminer par type de structure hospitalière le coût d'un examen par modalité, d'autre part, l'étude nationale des coûts moyens de prise en charge par groupe homogène de séjour, qui est réalisée auprès d'un échantillon d'établissements. Cette étude permet d'approcher le montant des dépenses d'imagerie en hospitalisation à hauteur de 840 millions d'euros sur un total de 2 milliards d'euros.

Le solde de la dépense à l'hôpital correspond aux consultations et actes externes qui représentent 20 millions d'actes pour un total de 1,18 milliard d'euros remboursé par l'assurance maladie dont 64,5 % pour les honoraires et 35,5 % pour le forfait technique. Cette activité externe d'imagerie est en forte hausse depuis 2010 (+14 %), mais il est difficile de faire le départ entre la hausse de l'activité et l'amélioration du recensement dans les établissements.

Les résultats de la régulation opérée par l'Etat et par l'assurance maladie ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Le premier constat est celui de fortes disparités géographiques :

- les objectifs des projets et schémas régionaux d'organisation des soins (Sros-PRS) en matière d'équipements ne devraient pas être atteints à fin 2016, et la productivité élevée des appareils, par rapport aux autres pays membres de l'OCDE, n'est pas un gage d'efficience : l'organisation de l'offre d'imagerie médicale et sa rationalisation doivent encore faire l'objet de progrès ; la connaissance précise du parc et le suivi de son utilisation restent insuffisants ;

- des disparités fortes subsistent d'un département à l'autre (par million d'habitants 4,77 IRM en Haute-Saône contre 10,66 dans le Vaucluse et 16,68 en Haute-Marne, 10,94 en Seine-Saint-Denis contre 27,66 à Paris) ; elles ne correspondent à aucune situation objectivée en terme de besoins de santé, et surtout ne sont pas corrélées avec la qualité de l'offre, qu'il s'agisse des délais d'attente tels qu'ils ressortent de l'étude annuelle ISA, de la disponibilité ou de l'utilisation adéquate des machines. On note toutefois un fort développement des coopérations conventionnelles ou institutionnelles (on comptait ainsi 50 groupements de coopération sanitaire en imagerie en septembre 2015).

Le deuxième constat porte sur les carences en matière de gestion du risque qui recouvrent plusieurs aspects :

- la Haute Autorité de santé, dont c'est pourtant le rôle, n'a pas défini de référentiels propres à l'imagerie médicale, hormis trois actes de radiologie conventionnelle en 2007-2008, alors qu'on en identifie près d'une cinquantaine, ni mené d'évaluations médico-économiques ;

- le guide du bon usage des examens d'imagerie médicale, fruit d'une initiative positive des sociétés savantes, n'est pas un outil de gestion du risque et ne saurait avoir la même portée qu'un référentiel émanant de la HAS ; toutefois un accord-cadre est en cours d'établissement entre la HAS et le conseil national professionnel de radiologie française afin d'élaborer et de diffuser des recommandations et des outils destinés aux professionnels de santé ;

- la pertinence des actes d'imagerie reste une question peu traitée alors qu'elle est centrale pour éviter les actes inutiles ou redondants dans les parcours de soins ;

- les actions de gestion du risque diligentées par l'assurance maladie et les ARS sont récentes et de portée limitée en termes d'économies. Elles ont concerné principalement deux actions : les conditions de remboursement de trois topographies de radiologie conventionnelle -crâne, massif facial, thorax et abdomen- ont été revues, ce qui a généré une économie de 35 millions d'euros ; des IRM de taille réduite ont été installés et dédiés à l'ostéo-articulaire, et des baisses de tarif ont été décidées pour les actes concernant un segment des membres (plus d'un million sur 3,3 millions d'IRM concernent les membres inférieurs), ce qui devait permettre une réduction de 15 % du nombre d'IRM des membres inférieurs et générer 60 millions d'euros d'économies ;

- les contrôles diligentés par la Cnam ont été peu nombreux et les suites données ont été très limitées tant en terme de récupération d'indus que de sanctions ordinales.

Le troisième constat porte sur l'absence de vision structurante dans les mesures d'économies :

- trois vagues successives d'économies en 2007, 2009 et 2010 ont été impulsées par l'assurance maladie et le ministère de la santé, sous la contrainte de l'Ondam fixé par les lois de financement de la sécurité sociale.

- à partir de 2010, l'Uncam et la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR) se sont engagées dans la signature de deux protocoles d'accord pluriannuels (2011-2012 et 2013-2015) qui ont été annexés à la convention médicale par voie d'avenant. Les économies ainsi réalisées sous l'effet de ces différentes mesures par rapport au tendanciel atteignent 572 millions d'euros depuis 2007. La profession estime pour sa part la perte de chiffre d'affaires sur la période à 902 millions d'euros. Votre rapporteur, qui a rencontré ses représentants hier, a certainement entendu cette doléance exprimée avec force. Pourtant les dépenses globales d'imagerie médicale ont continué de progresser, tout comme les revenus des professionnels libéraux ;

- la base de détermination des forfaits techniques qui est très complexe n'a pas été revue, alors qu'elle est à l'origine d'une forte progression de la dépense totale (+ 40 %) depuis 2010. Un examen d'IRM cérébrale est ainsi payé en moyenne en France 211 euros contre 200 euros en Allemagne et 163,40 euros en Belgique alors qu'un scanner abdomino-pelvien est payé 126,60 euros contre respectivement 134,90 euros et 204,40 euros ;

- les baisses de tarifs ont été inégales et ne se sont pas appuyées sur une analyse actualisée des charges des exploitants, faute de taux de réponse suffisant aux enquêtes de la Cnam ;

- au lieu d'avoir une approche concertée sur les stratégies d'optimisation et de concentration des plateaux techniques la profession a développé sa propre logique d'optimisation des cabinets de ville, et les plans d'économies de la Cnam ont insuffisamment joué sur l'évolution de la dépense selon les modalités et la réallocation des ressources disponibles.

C'est de cette logique que la Cour propose de sortir.

Pour mieux adapter les moyens aux besoins et remédier aux difficultés constatées, la Cour préconise d'engager des actions correctrices dans trois directions.

D'abord, favoriser l'innovation en retrouvant des marges de manoeuvre.

Il s'agit d'accompagner et de favoriser les progrès de l'imagerie médicale, en anticipant une augmentation de la demande sur les examens les plus performants et les plus coûteux (IRM, médecine nucléaire), et en accélérant la prise en compte des actes innovants.

Sur ce second aspect, le statut de la radiologie interventionnelle mérite d'évoluer : ses actes qui sont à la fois moins invasifs et moins coûteux pour l'assurance maladie qu'une intervention chirurgicale, doivent être mieux reconnus, par exemple par le développement du forfait innovation créé début 2015, et par la réalisation par la HAS des études médico-économiques nécessaires à la préparation des rendez-vous périodiques des partenaires conventionnels.

Pour dégager les marges de manoeuvre nécessaires que nous chiffrons en hypothèse haute en tendanciel à 300 millions d'euros pour les soins de ville et à 100 millions d'euros pour le secteur hospitalier, les actions visant à améliorer la pertinence des actes et à éviter leur redondance doivent être significativement renforcées sur l'ensemble des modalités, et la tarification doit être adaptée à l'évolution des techniques et aux progrès de productivité. La politique de baisse des forfaits techniques doit s'appuyer sur une connaissance actualisée des coûts. En clair la Cour recommande de réaliser des gains de productivité pour financer l'innovation en revoyant en conséquence les tarifs.

Ensuite, restructurer l'offre, ce qui implique de :

- renforcer l'homogénéité et le contenu des schémas régionaux de santé (SRS) en partant du constat que les SROS étaient jusqu'à présent centrés sur l'activité hospitalière et sur l'imagerie lourde, alors que les demandes d'examen sont largement exécutées en médecine de ville et portent principalement sur l'échographie et la radiographie conventionnelle ;

- réorganiser l'offre en généralisant les mutualisations et l'échange dématérialisé des images en s'appuyant sur trois outils : les groupements hospitaliers de territoire (GHT) - dont le décret d'application vient de sortir en date du 27 avril - et qui constituent potentiellement un outil majeur de réorganisation de l'imagerie médicale, les plateaux d'imagerie mutualisés (PIM) et, enfin, les systèmes d'archivage et de communication électronique, désignés par leur acronyme anglais, Pacs, qui tendent à se généraliser (60 % des établissements publics de santé et la majorité des cabinets libéraux en sont désormais équipés) ;

- refonder le régime des autorisations autour de la notion d'activités par territoire, comme la loi de modernisation de notre système de santé l'a prévu, en l'accompagnant d'une meilleure connaissance médico-économique de l'exploitation des équipements et de mesures portant sur la qualité des soins et la pertinence des actes : le nouveau régime des autorisations doit être utilisé pour mieux répartir l'offre, rationaliser l'utilisation des plateaux, et renforcer les coopérations ;

- enfin, revaloriser l'exercice de l'imagerie hospitalière, ce qui implique d'adopter une approche territoriale mutualisée des ressources humaines en utilisant les GHT pour fédérer les médecins hospitaliers du ressort et, plus largement, en s'appuyant sur la nouvelle structuration de l'imagerie médicale pour attirer les jeunes médecins hospitaliers, tout en gagnant en qualité de prise en charge des patients, y compris grâce au développement de la télé-imagerie, mais également de développer l'attractivité de l'hôpital.

Pour cela il faut :

- promouvoir une vision territoriale de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences qui pourrait s'appuyer sur le plan d'action pour l'hôpital public. Rendu public le 2 novembre 2015, ce plan prévoit la création d'un contrat d'engagement pour les débuts de carrière hospitalière dans les zones sous-denses ou les spécialités en tension ou de pools de praticiens remplaçants, moins onéreux que le recours à l'intérim ;

- mieux exploiter le potentiel des manipulateurs en électroradiologie (reconnaissance de la profession de dosimétriste, organisation de délégations de compétences pour donner plus de fluidité à l'organisation des soins, rapatriement de compétences exercées de manière irrégulière par les infirmiers) ;

- développer les surspécialités (cumul d'une activité de radiologue généraliste avec une spécialité d'imagerie digestive par exemple), ce que peut permettre une meilleure organisation de l'offre de soins autour d'équipes de taille suffisante, et est de nature à attirer de jeunes radiologues ;

- mieux répartir les contraintes liées à la permanence des soins, source de difficultés dans la plupart des régions et élément mis en avant par beaucoup de praticiens hospitaliers ;

- permettre le développement d'un exercice mixte en libéral et en hospitalier dans un cadre conforté et maîtrisé, ce qui est de nature à apporter plus de souplesse de gestion aux établissements.

Au final, la Cour formule huit recommandations regroupées en deux axes.

Des échéances importantes se dessinent à court terme pour l'imagerie médicale :

- la mise en oeuvre de la loi sur la modernisation de notre système de santé, et particulièrement les conditions de mise en oeuvre des GHT, qui constituent une vraie opportunité de réorganisation de l'offre d'imagerie médicale ;

- la renégociation en cours de la convention médicale, et la perspective d'un nouveau protocole pluriannuel entre l'assurance maladie et les représentants de la profession.

Ces échéances doivent être mises à profit pour impulser les actions permettant d'adapter l'organisation des plateaux techniques et des ressources humaines aux besoins des patients et de faciliter leur parcours de soins dans des conditions d'efficience et d'efficacité améliorées.

Je vous remercie.

M. Daniel Chasseing, rapporteur. - Dans son rapport particulièrement complet et très bien documenté sur tous les aspects de l'imagerie, la Cour insiste sur le caractère structurant et innovant de l'imagerie médicale qui est au coeur du diagnostic et du suivi thérapeutique. Mais elle pointe un certain retard d'équipement, un important déficit de régulation, une inégalité de la répartition de l'offre territoire en matière d'accès aux soins, un déséquilibre entre l'exercice libéral et l'exercice public et d'actes inutiles source de surcoûts.

La Cour trace trois leviers d'action qui me paraissent pertinents : favoriser l'innovation, réorganiser l'offre, revaloriser l'imagerie hospitalière.

J'ai souhaité que la direction générale de l'offre de soins qui est particulièrement visée par les recommandations de la Cour pour remédier à cette situation soit présente à cette audition pour nous donner son avis et nous présenter les mesures qu'elle entend prendre. Je vous remercie, Monsieur le Président, de l'avoir permis et merci à Madame la directrice générale de l'offre de soins de s'être rendue à notre invitation.

J'ai pour ma part auditionné hier les syndicats de médecins et la Haute Autorité de santé. Les praticiens ont insisté sur la nécessité d'une approche pragmatique qui permette la mutualisation des moyens à travers des plateaux d'imagerie communs plutôt que d'opposer libéraux et hospitaliers. Ces mutualisations peuvent notamment être conduites dans le cadre des GHT. Ils ont également beaucoup insisté pour que des moyens suffisants soient mis au service de l'innovation. Ils ont également souligné la nécessité de revaloriser les actes médicaux de manière adéquate. Enfin les médecins libéraux ont relativisé l'importance des dépassements autorisés par la signature de l'avenant 8.

J'ai été frappé de constater que les écarts de rémunération entre public et privé ne sont pas, pour les médecins hospitaliers que j'ai entendus, la raison principale de la fuite des jeunes radiologues de l'hôpital public. C'est d'abord selon eux la lourdeur du système que freine la prise de postes, l'accès aux équipements et donc l'attractivité.

Médecins hospitaliers et libéraux ont insisté sur la nécessité d'augmenter le parc d'IRM pour améliorer l'accès aux soins, c'est-à-dire réduire les inégalités géographiques, et sur la sanctuarisation du budget de renouvellement des équipements hospitaliers. Ils ont toutefois reconnu l'importance de l'organisation territoriale pour l'accès à l'imagerie.

La Présidente de la HAS a pour sa part insisté sur la nécessité de raisonner en termes de filière de soins pour l'accès aux équipements plus qu'en nombre strict.

Elle a souligné à juste titre la nécessité d'éviter les actes inutiles pour limiter l'exposition des patients à la radiation.

Tous ont insisté sur un phénomène inquiétant. Le manque de radiologues dans les hôpitaux publics (40 % de postes vacants), même en région parisienne, a poussé certains établissements à externaliser la lecture des images dans des conditions légalement douteuses à des plates-formes située à l'étranger, notamment en Roumanie, en Pologne mais aussi en Inde. Il paraît important, Madame la directrice générale de l'offre de soins, qu'un contrôle soit exercé dans ce domaine.

Mes questions s'adresseront donc à la Cour des comptes et à la DGOS.

Tout d'abord s'agissant de l'offre de soins sur le territoire, la Cour préconise de soumettre l'autorisation ou le renouvellement d'activité à la participation effective des médecins libéraux, qui sont les trois-quarts de l'effectif des 8 500 médecins radiologues, à la permanence des soins en établissements, au partage des données entre le public et le privé et à la communication des données d'exploitation à l'administration. Cette réforme paraît-elle possible à la DGOS et si oui à quelle échéance ?

Par ailleurs comment la DGOS entend-elle revaloriser l'exercice de l'imagerie médicale à l'hôpital ? Le coût du recours de l'intérim en matière de médecins radiologues à l'hôpital a-t-il été chiffré ?

La Cour des comptes note que le parc d'équipement français s'est amélioré mais reste inférieur à la moyenne des pays de l'OCDE. Elle souhaite le développement des IRM et de la médecine nucléaire. La Cnam avait indiqué à notre commission craindre que se développe un recours non pertinent à l'imagerie et à des examens coûteux sans autre nécessité que de rentabiliser les appareils les plus modernes. Ne serait-il pas intéressant, comme le propose la Cour pour une maîtrise médicalisée, qu'il y ait une définition de référentiels sur lesquels les professionnels, notamment les médecins généralistes, et l'assurance maladie pourraient s'appuyer ?

Enfin la Cour préconise une meilleure mutualisation des plateaux d'imagerie médicale à l'hôpital public et privé mais aussi une meilleure régulation des implantations d'équipements et un suivi des utilisations par les ARS. Au-delà de ces solutions à moyen terme, comment peut-on réduire les délais d'attente particulièrement longs sur certains de nos territoires ?

Comment l'hôpital peut-il faire pour 2 milliards d'euros d'actes avec un quart des médecins radiologues et trois-quarts des manipulateurs contre 3,9 milliards pour le secteur libéral qui comporte les trois-quarts des praticiens, mais seulement 25 % des manipulateurs radios. Comment expliquer ces proportions ?

La Cour des comptes indique qu'il y a une économie importante à faire sur les actes d'échographie qui sont faits seulement pour moitié par des radiologues ? Comment faire ces économies ?

Comment peut-on généraliser la mutualisation et l'échange numérique des images, les Pacs, qui diminuerait de 40 % le nombre d'actes redondants ? Le développement de ces Pacs doit permettre d'améliorer la pertinence des actes et de dégager des marges de manoeuvres. L'échelon régional est-il la bonne dimension ? Je note que la HAS m'a indiqué qu'elle allait désormais travailler sur la pertinence des actes ce qui me semble important pour l'avenir.

Mme Anne-Marie Armanteras-de Saxcé, directrice générale de l'offre de soins (DGOS). - Vos questions appellent une combinaison de réponses et plusieurs leviers d'action sont inscrits dans la loi de modernisation de notre système de santé.

La DGOS partage le constat d'une régulation insuffisante qui n'a pas permis de lutter de manière efficace contre les inégalités d'accès à l'imagerie et l'inégale répartition des médecins radiologues.

Nos leviers d'action sont les suivants.

Tout d'abord, il faut répondre à l'aspiration des jeunes médecins. Nous en formons de plus en plus, mais ils ne remplacent pas les postes vacants à l'hôpital public. Il faut cependant souligner que leur installation en ville correspond aussi à un besoin. L'exercice à l'hôpital est lourd en matière de sujétions, que ce soit la permanence des soins (soirs et week-ends) mais aussi la frustration de ne pas pouvoir accéder aux équipements. Les règles d'implantation ont en effet concentré les équipements sur quelques établissements avec un émiettement de plateaux techniques qui ne sont pas complets en termes d'imagerie. Or les jeunes praticiens ont été formés dans des CHU qui disposent d'un plateau technique complet. Ils se trouvent donc limité par la faiblesse de la capacité d'investissement de l'établissement où ils exercent.

Il nous faut également réformer le système des autorisations. L'article 204 de la loi de modernisation de notre système de santé permet de le faire par voie d'ordonnance. La DGOS souhaite rapprocher le dispositif actuel de celui qui existe en matière de radiothérapie. Il ne s'agira plus d'une autorisation d'équipement mais d'une autorisation d'activité et l'on autorisera un plateau d'imagerie et pas seulement un appareil.

Nous constatons comme la Cour que le dispositif actuel est faible pour repérer et pour favoriser les innovations notamment en matière de radiologie interventionnelle. C'est aussi une cause de frustration pour les praticiens hospitaliers. La radiologie interventionnelle est une discipline mixte qui suppose pour être mise en oeuvre que l'établissement ait atteint une masse critique. Jusqu'à présent les règles relatives à l'installation des équipements n'ont pas permis de la développer.

Nous sommes favorables au fait d'assujettir les autorisations d'activité d'imagerie à la participation des médecins libéraux à la permanence des soins. Il est déjà possible de les associer et la première génération des programmes régionaux de santé l'a prévu, mais cela ne s'est pas beaucoup développé dans le domaine de l'imagerie médicale.

Pour revaloriser l'imagerie médicale à l'hôpital, il faut développer les incitations au post-internat et la mise en place de postes partagés entre les CHU et d'autres établissements. Nous plaçons également de grands espoirs dans les GHT qui sont un moyen de remédier à l'isolement des jeunes praticiens et à l'insuffisance des plateaux techniques. Les GHT permettront aussi la mise en place d'équipes médicales de territoire.

Je rappelle que la loi de modernisation de notre système de santé a prévu la mise en place de plates-formes d'imagerie et de biologie dans le cadre des GHT, sur la base de projets médicaux partagés. Elles permettront de décliner le projet d'imagerie sur le territoire, adossé à un CHU ce qui permet de penser qu'elles intégreront également le sujet de l'innovation.

Des concertations sont également en cours sur la question de l'attractivité des postes de praticiens hospitaliers. Il est prévu de mieux accompagner les jeunes médecins dans la construction de leur parcours, de développer les droits sociaux des praticiens et une prime d'engagement de carrière hospitalière a été créée qui est de 10 000 euros pour un spécialiste et de 20 000 euros pour un praticien qui accepte d'exercer dans une zone sous-dense.

Il me semble que l'impact coordonné de ces mesures doit répondre aux difficultés de répartition et d'accès.

Le sujet de la pertinence des actes, que vous avez évoqué, est sensible. Ce sujet est en lien avec celui de la tarification, car si l'on veut que le tarif rémunère l'acte de manière adéquate et favorise l'innovation, il faut aussi que les actes effectués soient pertinents.

Enfin, dans le cadre de la deuxième génération des programmes régionaux de santé qui doivent être déployés en 2017, les ARS doivent accompagner les développements des Pacs, ces services d'indexation des images à l'historique des patients qui permettent d'éviter les redondances.

M. Patrick Lefas.  - Notre diagnostic s'inscrit dans la nouvelle logique législative sur laquelle la Cour s'est appuyée pour construire ses recommandations. Je souhaite tout d'abord répondre à la question sur la lourdeur du système hospitalier, qui se pose d'ailleurs non seulement pour l'imagerie médicale mais également pour toutes les autres spécialités. Plus que cette lourdeur, toutes les personnes que nous avons auditionnées ont mis en avant le niveau de la rémunération qui doit être considéré à l'aune des contraintes d'astreinte et de lignes de garde que subissent les personnels.

Sur la problématique de la redondance des actes et donc de leur pertinence, M. Chasseing faisait référence à l'étude américaine citée dans le rapport et qui conclue que lorsque l'imagerie médicale est disponible dans un système d'archivage électronique (Pacs), on ne compte que 11 % d'examens répétitifs, alors que ce taux monte à 52 % lorsque l'imagerie médicale n'est pas accessible. Cette étude, menée sur un échantillon de 267 patients traités pour cancer du foie, doit être relativisée, car c'est la seule dont nous disposons. Elle montre toutefois qu'existe une corrélation entre la manière dont sont organisés les hôpitaux et la redondance des actes. Or, le parc d'imagerie médicale français étant assez jeune, il intègre des Pacs. Donc il n'y pas d'obstacle technique mais bien un problème d'organisation.

Le deuxième aspect qui me semble important de souligner, et que pointe d'ailleurs l'Autorité de sûreté nucléaire, est le risque d'un développement mal maîtrisé de l'imagerie médicale entraînant une forte exposition des patients aux radiations. Un scanner « corps entier » représente une dose de radiation de 20 mSv soit le niveau maximal annuel admis pour un travailleur exposé aux radiations. L'IRSN montre par ailleurs que la dose moyenne annuelle d'exposition aux rayonnements s'agissant de l'usage médical progresse nettement : de + 57 % entre 2002 et 2007 et de + 20 % entre 2007 et 2012 pour s'établir à 1,6 mSv. La France se situe dans le tiers supérieur de la moyenne européenne. Il y a donc un enjeu essentiel que l'on peut déjà commencer à traiter par le biais de l'organisation afin de diminuer la redondance des actes. Les médecins radiologues disent bien qu'il n'y a pas de prescription, mais une demande d'examen et que c'est à eux d'apprécier le besoin réel. J'insiste donc vraiment sur cet enjeu de l'amélioration de la pertinence des soins.

Sur les Sros, la France doit pouvoir faire mieux. Le rapport préconise que ces schémas soient plus incitatifs en étant encadrés par une exigence de contenu en matière d'imagerie médicale en ville et à l'hôpital. La mise en place d'un indicateur homogène de suivi des attentes vérifiable par les ARS serait très utile car il permettrait de ne plus dépendre de l'étude privée Imagerie Santé Avenir (ISA).

Une question a été posée concernant le recours à des structures situées à l'étranger, en particulier à Monaco et dans d'autres pays européens. Il existe en effet des situations où l'absence d'expertise sur place est compensée par le recours à des plates-formes éloignées à Monaco, en Espagne, parfois même en Inde pour les interprétations de nuit. Un jumelage avec Bangalore en Inde, par exemple, est assez pratique car le décalage horaire fait que les médecins peuvent travailler pendant les périodes de nuit en France. Or cela pose problème, car non seulement la lecture est un exercice difficile mais elle se fait en plus ici en anglais. La réponse que l'on peut opposer à ces externalisations aventureuses est la charte de téléradiologie, qui a été établie par la société française de téléradiologie. Elle distingue bien le télédiagnostic, basé sur la mise en réseau des cliniciens et des radiologues dans une logique territoriale partagée, de la télé-expertise, fondée sur la recherche pour le patient des meilleures ressources humaines radiologiques.

Mme Catherine Génisson. - Ma première remarque concerne les réflexions sur les coûts : ce rapport pourrait être prolongé pour mette en évidence les gains qualitatifs dans la prise en charge des patients entre la radiologie interventionnelle et la chirurgie traditionnelle. Sur la lourdeur de l'exercice à l'hôpital, ce que vous dites sur la radiologie vaut pour toutes les spécialités. La différence de reconnaissance du métier entre le secteur public et le privé est cependant particulièrement criante pour la radiologie et les futures décisions du ministère de la santé sur le principe des primes sont attendues. Je m'interroge d'ailleurs pour savoir si ces primes seront désormais corrélées aux manques territoriaux ou à la pénibilité des spécialités exercées.

Un mot sur les coopérations public-privé dont vous avez dit qu'elles devaient être intensifiées. Il me semble pourtant qu'elles existent si je prends l'exemple du territoire dans lequel nous sommes élus avec le rapporteur général, l'Arrageois. Tous les équipements mais aussi les équipes qui les font fonctionner sont mutualisés entre le public et le privé. C'est un sujet qu'il faudra faire évoluer dans la mise en place des GHT en insistant sur la reconnaissance de l'apport du privé sur certaines spécialités comme la radiologie ou la biologie. Il me paraît vraiment important d'objectiver cet apport.

Sur la question de l'implantation des plateaux techniques, je précise que la différence entre le public et le privé réside dans le délai entre la décision prise et l'installation effective. Elle peut être inférieure à un an dans le privé contre plus de 18 mois dans le public.

En lien avec vos 5ème et 6ème recommandations, je m'interroge pour savoir s'il ne serait pas possible de dissocier, dans le tarif des actes d'imagerie médicale, le coût d'achat de l'appareil de celui de l'acte intellectuel. Plus le matériel est sophistiqué et plus l'acte est cher. Or l'acte intellectuel n'est pas forcément plus difficile à réaliser. Il y a une vraie réflexion à avoir à ce sujet sur le modèle économique de cette spécialité.

Enfin, une dernière question sur la place de la France dans la fabrication des équipements de radiologie. Existe-t-il des équipements français ? N'y a-t-il pas un moyen pour favoriser l'industrie française au regard de nos compétences, telles qu'on les observe au niveau des brevets notamment ?

M. Gilbert Barbier. - S'agissant de la différence de rémunération entre le public et le privé, vous avez cité l'écart qui existe pour un jeune praticien. Mais cet écart se maintien au fil de la carrière, et on comprend que les jeunes soient réticents à s'engager dans la voie hospitalière.

Avez-vous pu chiffrer le coût des dépassements d'honoraires et établir une échelle des variations des prix concernant l'acte intellectuel ?

Concernant les actes de radiologie dédiée, qui sont peu valorisés et donc peu susceptibles d'intéresser les cabinets de radiologie de ville, que préconisez-vous ?

Vous avez indiqué qu'une demande d'acte n'a pas de caractère contraignant pour le radiologue. Toutefois, je vois mal comment un radiologue peut, sans engager sa responsabilité, refuser un acte demandé par un généraliste ou un autre médecin.

M. Michel Amiel. - Ne faudrait-il pas faire tomber les barrières entre public et privé dans le domaine de la radiologie ? Les GHT constituent un outil intéressant mais en mettent pas un terme à l'hospitalo-centrisme. Pourrait-on envisager un statut mixte pour les professionnels  de ville ? Je pense également que la mission d'enseignement n'est pas nécessairement incompatible avec l'exercice dans le privé.

Ma seconde remarque concerne la pertinence et la redondance des actes. On a tendance à formuler des demandes d'imageries qui ne s'imposent pas, et qu'un examen clinique plus rigoureux permettrait d'éviter. Pour autant je vois mal un radiologue refuser la demande qui est formulée par le généraliste ou le spécialiste, d'autant plus que les patients ont de plus en plus tendance à exiger des actes. Il faudrait donc imaginer des moyens, le cas échéant coercitifs, pour éviter la multiplication des actes. La HAS a un rôle à jouer à ce sujet. Il convient aussi de travailler sur l'éducation médicale.

Pour finir sur une note optimiste, je voudrais souligner les progrès technologiques spectaculaires qui ont été faits depuis les débuts de l'imagerie médicale, au début des années 1970.

M. René-Paul Savary. - Il faut oeuvrer à la responsabilisation du patient. La généralisation du tiers-payant ne va pas dans ce sens.

Par ailleurs, je suis étonné par la faiblesse de la diminution des actes de radiologie. Il faut pousser les services d'accueil d'urgence à investir dans un scanner plutôt que dans un appareil de radiologie.

Dans les GHT, s'il y a un CHU, il exercera une influence déterminante et on voit mal les établissements privés se mettre sous sa coupe. Les GHT ne sont donc pas forcément un outil pertinent pour faire tomber la frontière entre public et privé.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Les éléments mis en lumière par l'enquête de la Cour des comptes et les compléments de la DGOS sont particulièrement intéressants pour le rapporteur général que je suis.

Catherine Génisson a mentionné la mutualisation qui a été mise en place, nécessité faisant loi, dans la région d'Arras. La difficulté réside dans ce cas dans le contrôle des pratiques des praticiens de ville venant exercer à l'hôpital.

Sur les IRM, pourquoi deux modes de tarification selon le type d'appareil subsistent-ils ?

La question de la pertinence des actes est un sujet que je soulève souvent. Une meilleure transmission des informations entre généralistes, spécialistes et hôpital, par le biais d'outils numériques, permettrait certainement de faire des économies en supprimant les actes redondant. Je ne suis toutefois pas certain que cela suffise sans l'élaboration d'un référentiel par la HAS.

Les chiffres d'économie possible avancés dans le rapport de la Cour des comptes me paraissent un peu faibles. Les estimations que j'ai pu faire sont plus proches d'un voire deux milliards d'euros.

M. Gérard Roche - La mauvaise répartition géographique des équipements est insupportable. Elle se traduit par des situations humaines très difficiles à vivre. Un cotisant à l'assurance maladie doit avoir le même accès aux soins où qu'il réside sur le territoire. Sur la répartition entre public et privé, tout le monde s'y retrouve : le public qui, faute de moyens, trouve des acteurs privés pour investir et le privé, car il vaut mieux être radiologue dans le privé, notamment en raison des contraintes de gardes dans les hôpitaux. Le problème, c'est qu'il n'y a plus de maitrise de l'implantation des équipements. Il faut cependant souligner le renfort que le secteur privé apporte à l'hôpital. Il faut concentrer l'accès aux technologies les plus innovantes sur les pathologies lourdes et ne pas répondre seulement à la demande des patients. Nous devons l'excès d'actes de radiographies des membres inférieurs aux sportifs du dimanche qui exigent un scanner, ce qui embolise les services. En matière de radiologie, la qualité du médecin qui pratique l'examen et l'interprète est déterminante. Si l'on prend l'exemple de la cardiologie, un centre hospitalier régional peut certes recruter un cardiologue, mais il n'en trouvera aucun s'il n'est équipé en moyens de coronarographie.

M. Yves Daudigny. - Je crois aux groupements hospitaliers de territoire comme éléments structurants. Leur mise en place est difficile car les choix vont être décisifs pour l'avenir. Dans mon département, un hôpital de proximité sans service d'urgences mais avec une présence médicale 24 heures sur 24 fonctionne en téléradiologie avec l'hôpital-pivot. Ce système me semble bien fonctionner. Est-ce une voie prometteuse ? Je m'interroge sur le développement de l'exercice mixte, libéral et hospitalier. Quel est le cadre permettant ce double exercice, quelles évolutions pourraient lui être apportées ?

Mme Nicole Bricq. - Je voudrais revenir au chapitre du rapport qui pointe une régulation défaillante. La Cour relève que les ARS n'effectuent aucun suivi au-delà des autorisations d'équipements, que la HAS est peu investie dans la définition de référentiels de bonnes pratiques et que la Cnam n'effectue pas de mesure de l'évolution de l'activité des cabinets libéraux. Quelles explications sont apportées à cette régulation défaillante ? Quelle est l'évaluation des économies qui seraient dégagées dans l'hypothèse d'une mise en oeuvre des recommandations de la Cour ?

M. Alain Milon, président. - Vous avez évoqué les groupements hospitaliers de territoire et les plateaux d'imagerie médicale. Lors de l'examen du texte, nous avions accepté les GHT, sur la base d'un projet médical partagé. Aujourd'hui, notre inquiétude est que le GHT ne devienne pas une Assistance publique départementale qui absorberait les ressources des autres hôpitaux. Or les CHU, lorsqu'ils existent, donne le sentiment de tout absorber.

Mme Laurence Cohen. - Merci, Monsieur le Président !

Mme Anne-Marie Armanteras-de Saxcé. - Je voudrais apporter quelques précisions. Le décret sur les GHT prévoit que tout GHT doit avoir une convention avec son CHU de rattachement sur quatre thématiques : la formation des jeunes, la démographie, la recherche clinique et le recours. Pour les disciplines en tension, nous disposons de plusieurs indicateurs. Le nombre de postes vacants à l'hôpital me semble être le plus pertinent.

Vous m'avez interrogée sur le temps d'installation des équipements lourds à l'hôpital, qui est en général très long puisqu'il s'élève à trois ans. Il n'est pas rare que des ARS accordent des dérogations pour dépasser ce délai. Celui-ci correspond au temps pendant lequel l'établissement, qui y est autorisé par son autorité de tutelle, peut mobiliser son financement, préparer et passer son appel d'offre, puis effectuer les travaux d'installation. Un contrôle de l'ARS a lieu à l'issue de l'installation de la machine. La réduction du délai est souhaitable mais il faut faire attention à ne pas inciter les établissements à lever des emprunts sans avoir la certitude qu'ils auront l'autorisation d'engager cette dépense.

La question de la dissociation entre le coût de l'appareil et l'acte intellectuel est posée depuis longtemps. Il me semble que la Cour a interrogé la Cnam en 2010 sur la question de l'évolution de la tarification et le financement de l'acte d'imagerie. Il est très probable que dans la déclinaison de la modernisation du droit des autorisations, la DGOS travaillera avec la Cnam sur ce sujet.

Vous appelez tous de vos voeux l'élaboration d'un référentiel unique. La Haute Autorité de santé, l'agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) et la DGOS, avec les sociétés savantes concernées, ont à l'esprit qu'il faut s'engager dans cette voie.

L'article 113 de la loi santé permet de créer le plateau d'imagerie médicale mutualisé (Pimm). Il s'agit bien d'un plateau mutualisé public-privé qui englobe le GHT mais qui va aussi au-delà. Il appelle une participation et une intervention des acteurs publics et privés des acteurs de l'imagerie, auxquelles ils trouveront intérêt lorsque le droit des autorisations sera modernisé. Nous pourrons peut-être alors avoir un développement combiné de l'innovation. Nous étudions la possibilité d'un élargissement de l'exercice mixte public-privé.

M. Daniel Chasseing, rapporteur. - Les pistes proposées dans le rapport sont pragmatiques et efficaces. La DGOS va dans le même sens que le rapport pour que les autorisations soient conditionnées à une entente entre le public et le privé. L'objectif est d'avoir des plateaux techniques qui contribuent à un aménagement performant du territoire. Cela peut répondre à l'interrogation de Gérard Roche sur la coronarographie.

René-Paul Savary et Gilbert Barbier ont fait référence aux radiologues qui sont parfois obligés de faire les prescriptions des médecins généralistes lorsque les prescriptions initiales ne sont pas tout à fait adaptées. Il faudrait qu'il y ait une définition de référentiels sur lesquels les professionnels, notamment les médecins généralistes, puissent s'appuyer quand ils vont prescrire.

Le partage des imageries est très important pour diminuer les radiations.

Enfin, je n'ai pas obtenu de réponse à mon interrogation sur l'échographie. Je rappelle que les appareils d'échographie peuvent être achetés sans autorisation. Les dépenses pour l'échographie s'élèvent à 1,3 milliard alors que celles consacrées aux IRM s'élèvent à 680 millions. Je ne sais pas si l'on peut parvenir à des économies. Il faut savoir que les échographies sont réalisées par les radiologues, les cardiologies, les gastro-entérologues, les obstétriciens et les angiologues.

M. Patrick Lefas. - L'ensemble des remarques et questions montrent l'intensité de votre réflexion. Madame Génisson a évoqué le sujet de la radiologie interventionnelle, qui ne faisait pas partie du champ de nos investigations. Nous savons qu'en termes d'efficience, le gain potentiel est considérable par rapport aux opérations chirurgicales qui sont, en outre, invasives. Le gain est à la fois quantitatif et qualitatif. Nous pourrons travailler sur ce sujet le moment venu. Encore faut-il avoir suffisamment de données.

S'agissant de l'échographie, sa diffusion, quelle que soit sa pertinence, doit faire l'objet d'un programme de maîtrise médicalisée, ce qui rend nécessaire une réflexion sur la tarification et la prise en charge des actes correspondant. Il faut éviter que la banalisation de cet examen ne procure un effet de rente et il faut garantir que cela reste soutenable pour l'assurance maladie.

Vous avez recherché, Madame Bricq notamment, les causes des désordres de cette régulation. Plusieurs raisons peuvent être avancées. Je note tout d'abord les difficultés de la HAS de se saisir de certains sujets touchant à l'imagerie médicale en raison, en particulier, du nombre important de missions qui lui sont imparties (plus de 200). Un problème d'arbitrage se pose au regard des moyens. C'est là où l'enjeu est quand même sur le référentiel. Mais la HAS intervient sur un terrain scientifique et non pas technologique.

Le deuxième élément est la certification. Pour le service d'urgence qui n'est pas équipé comme il convient, la certification permettra de montrer que la qualité et la sécurité des soins de sont pas assurées. L'amélioration de la méthodologie a déjà permis de rendre les choses beaucoup plus efficaces. Encore faut-il qu'il y ait des suites. Les priorités de la HAS doivent être hiérarchisées. Les études médico-économiques sont certainement aujourd'hui son parent pauvre.

S'agissant des ARS et des coopérations public-privé, les outils dont nous disposons sont, à notre sens, les GHT et les Sros. Les ARS ont les moyens de s'organiser pour inciter et faire en sorte que les passerelles entre le public et le privé se développent.

La Cnam est au tout début de la gestion du risque. Nous ne sommes pas face à une relation totalement équilibrée car la caisse n'a pas accès à un certain nombre d'informations. La transparence des coûts laisse largement à désirer. Il faut que la Cnam puisse s'appuyer, beaucoup plus qu'elle ne l'a fait jusqu'à présent, sur la HAS pour identifier les problématiques pour lesquelles il existe des moyens d'éviter la redondance des actes. Les sociétés savantes peuvent aussi jouer un rôle important avec la définition des bonnes pratiques.

Pour répondre à Monsieur Amiel, je dirais que nous avons bien pris en compte, notamment à la demande de la société française de radiologie, le fait que les radiologues considèrent qu'ils n'exercent pas une profession prescrite. Mais il est vrai que, dans un certain nombre de cas, la marge de manoeuvre du médecin radiologue va être extrêmement faible. D'autant plus qu'à l'heure d'Internet et du fait du défaut d'éducation thérapeutique, le patient qui était un client devient un consommateur. Derrière, on tire le fil du dossier médical personnalisé (DMP). A cet égard, le cadre législatif qui devrait permettre d'avancer existe.

Sur les coopérations public-privé, c'est parfois très compliqué. Nous fournissons dans notre rapport l'exemple de Fécamp.

S'agissant de la question du dépassement d'honoraires, le jeune praticien hospitalier qui n'a pas accès aux consultations externes, a un niveau de rémunération plus faible que des confrères plus anciens qui y ont accès. Nous avons veillé à ce que les chiffres figurant dans le rapport ne soient pas stigmatisants.

La tarification est un sujet prioritaire. Nous avons une échelle de rémunération très ancienne puisqu'elle date de 2005 et nous avons des marges pour revaloriser l'acte intellectuel. Notre rapport propose quelques pistes pour mettre à plat la tarification.

S'agissant du chiffrage, les économies sont faibles. Nous indiquons, en tendanciel, sur chaque acte et modalité d'examen, comment on pourrait s'y prendre et où se situent les marges d'économies potentielles.

En ce qui concerne la question industrielle des brevets, nous avions un champion dans les années 1980, la compagnie générale de radiologie, alors qu'aujourd'hui les grands équipementiers sont tous étrangers et assez peu investis en France. Cela renvoie à la question du tissu industriel, des start-ups, du développement de la fintech et de la biotech.

Sur tous ces points, le diagnostic est posé. L'enjeu n'est pas législatif mais concerne la mise en oeuvre effective et donc l'incitation à la coopération.

M. Alain Milon, président. - Je vous remercie.

La commission autorise la publication de l'enquête ainsi que du compte rendu de la présente réunion en annexe à un rapport d'information de M. Daniel Chasseing.

Bilan annuel de l'application des lois - Communication

M. Alain Milon, président. -Comme chaque année à la même époque, les présidents des commissions permanentes procèdent à une communication sur le bilan de l'application des lois. L'ensemble des informations collationnées par les commissions font l'objet d'un rapport de synthèse annuel présenté en conférence des Présidents. Celui-ci donne lieu à un débat avec le Gouvernement qui aura lieu cette année le mardi 7 juin.

Ce bilan est réalisé à partir du suivi permanent, par chaque commission, des textes réglementaires relevant de son domaine de compétences. Il présente pour partie un caractère statistique, en renseignant divers indicateurs sur la mise en application des textes qui nous sont soumis. Il permet aussi des appréciations qualitatives sur les raisons des retards constatés ou la conformité des textes d'application à l'intention du législateur.

L'intérêt de ce bilan réside dans la méthode homogène suivie par les sept commissions permanentes, dans son caractère annuel et systématique, et dans le débat qu'il permet d'engager avec le Gouvernement.

Il ne résume pas le travail de contrôle de l'application des lois effectué par les commissions. Pour prendre quelques exemples récents, les auditions auxquelles nous avons procédé sur l'application de la législation sur la transparence et les liens d'intérêt en matière sanitaire, ou encore sur le cadre législatif applicable aux essais cliniques, participent pleinement de l'application des lois. C'est le cas également de l'évaluation de la loi de 2010 sur les maisons d'assistants maternels que nous avons confiée à Caroline Cayeux et Michelle Meunier. Cet exercice vient donc en complément du travail de contrôle habituel des commissions.

Le bilan annuel que je vous présente aujourd'hui porte uniquement sur les lois promulguées au cours de l'année parlementaire 2014-2015, c'est-à-dire entre le 1er octobre 2014 et le 30 septembre 2015. Il intègre les mesures d'application publiées jusqu'au 31 mars 2016, c'est-à-dire six mois au-delà des dernières lois prises en compte. Cette borne de six mois correspond à l'objectif retenu par une circulaire du 29 février 2008 pour le délai d'édiction des mesures réglementaires nécessaires à l'application des lois.

Une note détaillée d'une quarantaine de pages, avec des analyses texte par texte, est destinée au rapport d'ensemble qui sera publié au mois de juin. Elle vous sera envoyée pour information dans les prochains jours.

Je vais donc me limiter aujourd'hui aux constats principaux qui résultent du contrôle arrêté au 31 mars dernier pour les textes de l'année parlementaire 2014-2015.

Durant celle-ci, le Parlement a adopté seulement cinq lois examinées au fond par notre commission des affaires sociales. C'est beaucoup moins que pour chacune des deux années précédentes, où nous avions examiné quatorze lois, soit un niveau un particulièrement élevé au par rapport à la moyenne.

Deux explications à ce fléchissement l'an passé : un ralentissement naturel de l'afflux de textes législatifs après le pic du début de législature d'une part, et plusieurs textes importants dont l'examen s'est prolongé sur la session suivante : la protection de l'enfant, l'adaptation de la société au vieillissement, la fin de vie, la modernisation du système de santé. Ces textes seront pris en compte sur l'année parlementaire suivante.

Quatre des cinq lois votées en 2014-2015 résultaient d'une initiative gouvernementale : la loi sur la désignation des conseillers prud'hommes, la loi annuelle de financement de la sécurité sociale, la loi ratifiant l'ordonnance du 26 septembre 2014 sur la mise en accessibilité des établissements recevant du public pour les personnes handicapées et la loi relative au dialogue social et à l'emploi. La cinquième loi résultait d'une initiative sénatoriale : c'est la loi visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap, issue d'une proposition de loi du président Didier Guillaume.

La loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques n'entre pas dans notre bilan, car elle a été renvoyée à une commission spéciale. J'en dirai néanmoins un mot, car notre commission est chargée du suivi de la mise en oeuvre du volet social de cette loi, soit près de 80 articles sur les 308 du texte final.

Sur cinq lois examinées par notre commission, trois n'appelaient pas directement de mesures réglementaires. La loi sur le stationnement des personnes en situation de handicap, la loi sur l'accessibilité et celle sur la désignation des conseillers prud'hommes sont ainsi immédiatement devenues applicables.

Toutefois, la loi sur les prud'hommes habilitait le Gouvernement à prendre une ordonnance, qui a été publiée le 31 mars 2016. Celle-ci détaille les modalités de nomination des conseillers prud'hommes, tous les quatre ans, par arrêté conjoint du ministre du travail et du ministre de la justice, sur proposition des organisations syndicales et professionnelles. Cette nomination s'effectuera durant l'année qui suit le cycle de mesure de l'audience des organisations. Elle interviendra pour la première fois en mars 2017 et le renouvellement des conseils actuels, en fonction depuis 2008, pourra ainsi s'effectuer en décembre 2017.

S'agissant de la loi relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public pour les personnes handicapées, elle aussi directement applicable, je rappelle qu'elle ratifiait, en la modifiant, une ordonnance du 26 septembre 2014. Les mesures d'application ne concernent donc pas la loi elle-même, mais cette ordonnance. Pour l'essentiel, les décrets ou arrêtés d'application sont bien intervenus.

Enfin, les deux dernières lois examinées par notre commission sur la période appelaient un total de 144 mesures d'applications, dont 79 pour la loi de financement et 65 pour la loi relative au dialogue social et à l'emploi.

Au total, 97 mesures avaient été prises au 31 mars 2016, soit un taux de 67 %, inférieur à celui constaté l'an dernier (78 %) à la même période pour un nombre de dispositions à appliquer beaucoup plus important.

La moitié des mesures d'application ont été prises dans les six mois de la promulgation, c'est à dire dans le délai fixé par la circulaire gouvernementale de 2008. La quasi-totalité ont paru dans un délai d'un an.

Pour la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, le taux de mise en application au 31 mars dernier atteint 80 %. L'essentiel des dispositions est donc applicable.

Parmi les articles en attente d'application, on peut relever plusieurs dispositions que notre commission avait approuvées parce qu'elles visaient à renforcer l'efficience des prises en charge par l'assurance maladie. C'est le cas par exemple, de la mise en place de dotations complémentaires pour l'amélioration de la qualité des soins dans les établissements de santé ou la régulation de l'offre de taxis conventionnés pour le transport assis de patients. Ces retards sont d'autant plus regrettables que ces mesures avaient été affichées, au moment de la présentation du PLFSS, comme participant à la maîtrise des dépenses de l'assurance maladie.

De même, à l'initiative de notre rapporteur général, nous avions prévu une procédure d'achat groupé de vaccins, négociée par l'assurance maladie, au profit des établissements de santé ou des centres de vaccination relevant des collectivités locales. C'était une des rares mesures voulue par le Sénat qui avait été conservée par l'Assemblée nationale, moyennant des précisions apportées par le Gouvernement. Malheureusement, le décret d'application n'est toujours pas intervenu.

Nous avions également salué la mise en place d'un financement mixte, combinant la tarification à l'activité et une dotation forfaitaire, pour les hôpitaux de proximité. Il s'agissait d'une proposition de la Mecss formulée dans le cadre du rapport sur la T2A en 2012. Le décret d'application reste toujours en attente de parution.

La mise en oeuvre de l'application de la loi relative au dialogue social et à l'emploi s'est avérée plus laborieuse : 52 % seulement des mesures attendues avaient été prises au 31 mars. C'est peu si l'on considère qu'une négociation interprofessionnelle, certes non conclusive, était intervenue durant plusieurs mois avant le dépôt d'un projet de loi. Le Gouvernement avait donc le temps d'anticiper bien des textes d'application.

Le retard a en partie été comblé ces tous derniers jours, avec la parution de plusieurs textes qui portent désormais à 75 % le taux de mise en application.

C'est le cas d'un décret paru la semaine dernière et relatif à la mesure de l'audience des organisations syndicales pour les entreprises de moins de onze salariés. Un scrutin sur sigle organisé tous les quatre ans au niveau régional par voie électronique ou par correspondance permettra la mesure globale de l'audience des organisations syndicales. Elle servira notamment à répartir les sièges entre organisations syndicales au sein des futures commissions paritaires régionales interprofessionnelles qui avaient donné lieu à un long débat lors de l'examen du texte.

Parmi les mesures en attente de publication, il faut signaler celles nécessaires à l'application de l'article 21 de la loi. Celui-ci permet la conclusion d'accords collectifs dans les entreprises dépourvues de représentation syndicale, notamment via le mécanisme du mandatement.

En attente également, le décret d'application de l'article 26 sur les services de santé au travail. Nous avions déploré le caractère éclaté et inabouti de la réforme de la médecine du travail, avec des dispositions dans la loi Rebsamen et d'autres dans loi santé, sans savoir à l'époque qu'un troisième volet interviendrait dans le projet en cours d'examen à l'Assemblée nationale. Ceci explique certainement le retard de parution du texte d'application de cet article.

De manière générale, l'intervention en fin de législature d'un texte touchant à de multiples aspects du droit du travail conduit à revenir sur des sujets discutés dans des lois antérieures avant même qu'ils aient pu pleinement entrer en application. Cela ne peut qu'alimenter une critique régulièrement formulée, en droit du travail notamment : celle de l'instabilité de la législation.

Un mot en complément sur la loi Macron. Dans le champ des affaires sociales, 22 mesures d'application étaient attendues et 17 étaient intervenues fin mars, soit un taux de 77 % qui s'est amélioré depuis, avec la parution de nouveaux textes. La quasi-totalité des dispositions sociales du texte sont donc applicables, notamment celles relatives au travail dominical, aux salariés détachés et à l'épargne salariale.

Pour compléter ce bilan, je voudrais signaler qu'au cours de la période étudiée, près d'une soixantaine de mesures réglementaires sont intervenues en application de lois votées avant octobre 2014, dont cinq pour des lois votées avant 2012, sous la précédente législature.

Cela a permis de rendre totalement applicables neuf lois promulguées antérieurement au 1er octobre 2014, comme la loi du 14 juin 2013 sur la sécurisation de l'emploi ou la loi du 27 septembre 2013 sur les soins psychiatrique.

C'est le cas également de la loi du 6 décembre 2013 sur l'expérimentation des maisons de naissance, issue de la proposition de loi déposée au Sénat par Muguette Dini. Nous avions d'autant plus fortement interpellé le Gouvernement l'an passé à ce sujet, qu'un délai de deux ans avait été fixé pour lancer l'expérimentation. Le décret indispensable à la sécurisation du cadre juridique et du financement des maisons de naissance a finalement paru le 30 juillet 2015 et la liste des neuf maisons de naissance autorisées à fonctionner de manière expérimentale a été publiée par un arrêté du 23 novembre dernier, moins de deux semaines avant le terme fixé par la loi.

Cinq lois promulguées antérieurement au 1er octobre 2014 sont maintenant applicables à plus de 90 % suite aux mesures prises au cours de l'année écoulée. Par exemple, 20 mesures sont intervenues pour la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, désormais applicable à 96 %.

Parmi les lois pour lesquelles nous attendons toujours un texte d'application figure celle visant à garantir la qualité de l'offre alimentaire outre-mer, promulguée il y a bientôt trois ans, le 3 juin 2013. Michel Vergoz, qui avait été rapporteur du texte, l'a évoquée la semaine dernière, lors de l'audition du futur directeur général de l'Anses. Pour être précis, il n'y a en principe plus de différence de teneur en sucre pour les produits qui sont à la fois distribués dans l'hexagone et outre-mer. En revanche, le Gouvernement n'a toujours pas pris l'arrêté devant permettre d'imposer une teneur maximale en sucres ajoutés aux produits exclusivement distribués outre-mer. Il semblerait que l'une des difficultés tienne à la procédure de notification auprès de la Commission européenne, que le Gouvernement aurait dû engager avant, et non après l'adoption du texte par le Parlement. Je soulèverai la question devant le ministre chargé des relations avec le Parlement lors du débat en séance publique.

Tels sont les principaux enseignements pouvant être tirés de ce bilan annuel. Des informations plus détaillées figurent dans la note que vous recevrez et qui sera intégrée au rapport publié au mois de juin.

Globalement, nous pouvons constater, sur une grande majorité de textes, un effort pour publier les textes d'application dans des délais qui, en moyenne, peuvent paraître relativement raisonnables. Néanmoins, ce n'est pas toujours la procédure parlementaire qui s'avère la plus longue ou la plus problématique.

Trois mois seulement se sont écoulés entre le dépôt du projet de loi Rebsamen sur le dialogue social et l'emploi et son adoption définitive par le Parlement, après trois lectures à l'Assemblée nationale, deux au Sénat et une CMP. Huit mois plus tard cette adoption, la moitié seulement des décrets d'application avaient été pris.

Il y a donc encore des efforts collectifs à réaliser. Le suivi parfois un peu rébarbatif que nous effectuons reste à cet égard indispensable.

Mme Nicole Bricq. - Je vous remercie d'avoir élargi ce bilan, toujours très utile, à la loi Macron qui n'avait pas été formellement examinée par notre commission. Compte tenu de son ampleur, cette loi appelait de très nombreux textes d'application. Un effort assez exceptionnel a été effectué pour les publier rapidement. J'ajoute que le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique a déjà réuni deux fois les parlementaires qui ont suivi le projet de loi dans le cadre de la commission spéciale pour faire le point sur son application. Une troisième réunion est prévue dans les prochaines semaines.

D'autre part, comme vous, Monsieur le Président, je regrette que la question de la santé au travail ait été traitée dans trois projets de loi différents à quelques mois d'intervalle.

M. Olivier Cadic. - Aucun industriel ne songerait à fabriquer un produit sans établir dans le même temps sa notice d'utilisation. Je constate qu'il en va différemment au Parlement, où l'on élabore la loi sans toujours savoir précisément comment elle sera appliquée.

Mme Catherine Procaccia. - A travers l'analyse de l'application des lois effectuée chaque année par le Sénat, on mesure tout le poids de l'administration. Le Gouvernement ne se montre pas toujours très empressé de mettre en oeuvre les dispositions issues de l'initiative parlementaire.

Par ailleurs, il nous est souvent difficile de savoir si l'application d'une mesure approuvée par le Parlement est réellement entrée dans les faits. Je l'ai vérifié sur des textes dont j'ai été rapporteur, comme la loi sur le dialogue social, et cela peut nous mettre en porte-à-faux vis-à-vis des interlocuteurs qui nous interrogent. Quelles pistes pourrait-on envisager pour être mieux informés de l'état d'application des lois ?

M. Georges Labazée. - Je réagis sur l'absence de parution d'un arrêté d'application de la loi sur la qualité de l'offre alimentaire outre-mer, à laquelle nous avons consacré de longs débats. Le président a indiqué que les procédures de notification à la Commission européenne n'avaient pas été engagées en temps voulu. Le secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes mériterait d'être interpellé à ce sujet.

D'autre part, je voudrais citer en exemple la secrétaire d'Etat chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire, Martine Pinville. Elle adresse régulièrement aux parlementaires des bilans actualisés de l'application des lois relevant de son secteur. Cette initiative pourrait inspirer les autres ministères.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Lors de son audition hier par le président Claude Bérit-Débat, le secrétaire général du Gouvernement a évoqué les tableaux de bord dont dispose le Gouvernement pour suivre l'état d'application des lois. Les informations existent donc et doivent être mieux portées à la connaissance des parlementaires. Il a également indiqué que le secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, qui en fait une présentation mensuelle en Conseil des ministres, insiste régulièrement sur la nécessité d'accorder à l'application des dispositions d'origine parlementaire une attention équivalente à celle dont bénéficient les dispositions d'origine gouvernementale.

Mme Michelle Meunier. - Ce bilan annuel est extrêmement utile. Je crois que nous devons reconnaître les efforts effectués ces dernières années pour améliorer la mise en application des textes, même si des progrès peuvent encore être réalisés.

M. Alain Milon, président. - Sur le site du Sénat, les dossiers législatifs font apparaître l'état d'application des lois, articles par articles. Nous réfléchirons à la possibilité d'informer périodiquement les membres de la commission des textes réglementaires parus pour l'application des lois que nous avons examinées.