Mardi 17 novembre 2015

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

Loi de finances pour 2016 - Audition de Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

La réunion est ouverte à 17 h 50

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Cette traditionnelle audition sur le budget de la culture et des médias pour 2016 se tient dans des circonstances extraordinaires : c'est notre première réunion depuis les attentats qui ont si lâchement et cruellement endeuillé notre pays vendredi soir et nous ont tous profondément ébranlés. La colère se mêle en nous à l'émotion et à la compassion pour les victimes de ces attaques sans précédent : personnes décédées, blessés - si nombreux, et dont beaucoup luttent encore contre la mort - qui resteront à jamais marqués dans leur chair, familles et proches des hommes et femmes qui ont hélas croisé le chemin de ces terroristes. En janvier, ils s'attaquaient, à travers Charlie Hebdo, à la liberté de la presse, à la liberté d'expression et de création. Vendredi, ils frappaient des lieux symboliques de notre art de vivre, de ce qui soude notre communauté nationale : stade, salle de concert, terrasses de café où l'on aime se retrouver.

Nous fêtons aujourd'hui le soixante-dixième anniversaire de l'Unesco et le dixième de la convention pour la diversité culturelle. Le Président de la République a rappelé que c'est comme capitale des arts et de la culture que Paris a été choisi pour accueillir le siège de l'Unesco. Élus de la nation, nous devons porter les valeurs universelles qui symbolisent la France et être présents auprès de nos concitoyens qui doutent. Nous avons une pensée particulière pour le monde de la culture et des médias, endeuillé par le décès de techniciens, dans le groupe Vivendi et ses filiales et de journalistes. Nous sommes la commission de la jeunesse, qui a été lourdement frappée et auprès de laquelle nous nous tenons tous.

Je vous propose donc que nous respections une minute de silence. (Toutes les personnes présentes dans la salle se lèvent et observent une minute de silence.)

Je donne la parole à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. - Oui, dans ces graves circonstances, cette audition revêt une signification particulière. La France est en deuil, comme le monde de la culture, qui a payé vendredi soir un lourd tribut. C'est la culture que les terroristes ont voulu mettre à terre. Ils s'en sont pris à notre art de vivre, dont nous sommes si fiers, à notre idéal de liberté, de diversité, de mixité, d'ouverture à l'autre, d'intelligence collective... Ils s'en sont pris à toutes les valeurs qui s'épanouissent à travers notre vie culturelle et nos loisirs. Ils s'en sont pris à une génération, qui en est le symbole. À la façon dont nous donnons sens et profondeur à nos vies. Bref, à ce que nous sommes.

Face au terrorisme, la culture est une arme d'émancipation, de destruction de l'ignorance et de l'obscurantisme. Les Français sont déterminés à la mobiliser dans notre guerre contre la terreur. Les terroristes rêvent de salles désertes : il y aura toujours plus de spectacles. La protection des établissements culturels profitera des renforts policiers annoncés par le président de la République. Nous menons actuellement un audit pour identifier les besoins. Déjà, la préfecture de police redéploie ses effectifs vers les sites les plus fragiles : aucun artiste ni aucun spectateur ne doit pénétrer dans un lieu de spectacle la peur au ventre. Pour que la musique continue à se faire entendre, j'ai annoncé hier la création d'un fonds de soutien exceptionnel aux lieux de culture les plus fragiles, qui compensera les difficultés économiques et financières résultant des attentats. Et l'Assemblée nationale a adopté vendredi un crédit d'impôt pour soutenir les producteurs et les tourneurs de spectacle vivant.

Les terroristes s'en prennent à notre jeunesse et à son bouillonnement créatif. Nous allons soutenir les résidences d'artistes et les lieux intermédiaires favorables au partage de projets pluridisciplinaires. Nous financerons davantage l'enseignement supérieur de la culture, qui forme les artistes de demain : la jeunesse reste la priorité du Gouvernement, et la jeune création est la mienne depuis des mois.

Les terroristes contestent la liberté de création et rejettent celle de la presse. Nous gravons la première dans le marbre de la loi - je défendrai le projet de loi sur la liberté de la création, l'architecture et le patrimoine au Sénat début 2016 - et donnons à la seconde de nouveaux moyens pour se moderniser en réformant les aides à la presse, en renforçant les moyens et l'indépendance de l'audiovisuel public et en pérennisant le fonds de soutien aux médias de proximité pour garantir une information de qualité.

Les terroristes veulent brûler les livres. Nous élargissons les horaires d'ouverture des bibliothèques et doublons le budget des contrats territoire-lecture. Les 16 000 médiathèques de France forment le premier réseau culturel de proximité. Nous agirons fermement pour le rendre toujours plus accessible : rapprocher la culture des Français, et surtout de ceux qui s'en sentent le plus éloignés, est ma priorité.

Les terroristes rejettent la vie en bonne intelligence, la mixité : nous leur répondons par une meilleure représentation de la diversité sur scène et à la télévision et en portant notre politique en faveur de l'éducation aux arts et à la culture à son plus haut niveau. Cette ambition, nous l'avions déjà. Les attentats renforcent sa signification. Le Gouvernement continue à faire le choix de la culture, le Premier ministre l'a redit ce matin. Elle continuera à nous faire vibrer à l'unisson, à nous consoler, à nous libérer, à nous émanciper. Elle continuera à interroger le monde, à nous bousculer, à nous donner une raison d'être, à nous rendre lumineux, à faire de nous des citoyens.

Je vous propose une hausse de 2,7 % de la contribution de la nation à la vie culturelle de notre pays. Je vous propose de porter le budget du ministère de la culture à 7,3 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter le fonds de soutien du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), qui disposera de 672 millions d'euros. La mission Culture sera dotée de 2,7 milliards d'euros.

Pour renforcer la participation de tous à la vie culturelle, les crédits affectés à la démocratisation culturelle atteindront près de 100 millions d'euros en 2016, contre 75 millions d'euros en 2012. Sur ces sommes, l'éducation artistique et culturelle représente 54,6 millions d'euros, soit 35 % de plus qu'en 2015. Ces crédits en hausse viennent notamment appuyer le retour de l'État dans le financement des conservatoires conventionnés, à hauteur de 8 millions d'euros, ou le renforcement du plan d'éducation artistique et culturelle, qui sera porté l'an prochain à 14,5 millions d'euros.

Nous créerons 65 postes supplémentaires pour accompagner l'ouverture sept jours du sept du musée d'Orsay, de Versailles et du Louvre, pour les enfants et les publics éloignés de la culture. Les territoires pourront compter sur le soutien de l'État pour développer l'accès de tous à la culture : les crédits en région augmenteront de 2,2 % par rapport à 2015 pour atteindre 780 millions d'euros. Les moyens consacrés aux pactes culturels signés avec les collectivités territoriales qui maintiennent leurs efforts en matière de culture seront renforcés.

Deuxième priorité du Gouvernement, soutenir la création, dans sa diversité et dans son renouvellement. Elle est cohérente avec la reconnaissance législative du régime de l'intermittence, qui prend en compte la spécificité des métiers du spectacle. L'intervention de l'État en faveur de la création s'élèvera à 400 millions d'euros, dont 365 millions d'euros pour le spectacle vivant et 35 millions pour les arts plastiques, soit 4 % de plus qu'en 2015.

Nous avons affecté en priorité ces crédits à la jeunesse, en consacrant en particulier plus de 7 millions d'euros à la mise en oeuvre des conclusions des Assises de la jeune création. Les moyens dédiés à la formation des artistes seront en augmentation de 4,9 millions d'euros. Pour accompagner un recrutement plus juste et plus diversifié, cette hausse viendra entre autres financer des classes préparatoires aux écoles de l'enseignement supérieur culture et l'accès aux bourses et à un logement universitaire pour les élèves de ces classes. Enfin, nous financerons à hauteur de 1 million d'euros la programmation « avant les murs » du projet Médicis Clichy-Montfermeil, emblématique de notre politique : hybridation des esthétiques, renouvellement de la création, accès de tous aux oeuvres et aux pratiques.

Nous continuerons à protéger la diversité du cinéma et à améliorer sa compétitivité en France, en stabilisant les financements que nous lui consacrons et en élargissant les crédits d'impôt. En 2016, les moyens du CNC seront stabilisés : il n'y aura ni ponction, ni plafonnement des taxes prélevées sur le marché de la diffusion audiovisuelle. Le crédit d'impôt sera amélioré pour mieux soutenir les entreprises françaises du cinéma et relocaliser les tournages sur notre territoire. Il vous est notamment proposé de l'élargir aux oeuvres tournées en langue étrangère pour des raisons artistiques, aux films d'animation et aux films à fort effet visuel. Le taux sera majoré à 30 % pour les oeuvres tournées en français et le plafond sera relevé de 4 à 30 millions d'euros pour une même oeuvre.

La troisième priorité du Gouvernement est de donner à mon ministère les moyens de son ambition à long terme. Préparer l'avenir, c'est sécuriser les outils de financement, en particulier pour l'archéologie préventive : pour stabiliser le financement des activités de l'Institut de recherches archéologiques préventives (Inrap), le projet de loi de finances budgétise la redevance sur l'archéologie préventive. Préparer l'avenir, c'est aussi préserver les crédits consacrés aux investissements : 524 millions d'euros, soit 1,5 % de plus qu'en 2015. Pour la troisième année consécutive, nous maintiendrons nos efforts en faveur des monuments historiques. Les crédits de paiement seront stabilisés et les autorisations d'engagement portées à 333 millions d'euros. Ils bénéficieront en particulier aux territoires via les services déconcentrés. Nous lancerons ou poursuivrons des chantiers importants : archives, schémas directeurs du château de Versailles, de Fontainebleau, du Centre Pompidou, relogement du Centre national des arts plastiques, réaménagement des Ateliers Berthier...

Ce budget ambitieux est à la hauteur de ce que nous devons à la culture et de ce que nous devons faire pour elle, a fortiori lorsqu'elle est prise pour cible et que les Français voient dans leur vie culturelle un acte de résistance face à la barbarie et, tout simplement, parce qu'elle est l'expression de ce que nous sommes.

Pour 2016, la mission « Médias, livre et industries culturelles » est dotée de 717 millions d'euros, auxquels il convient d'ajouter les 3,8 milliards d'euros que l'État consacre au compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public. »

La première ambition du Gouvernement est de donner aux médias les moyens de leur indépendance, qui passe par une sécurisation des outils de financement. Nous garantissons l'indépendance de l'audiovisuel public en asseyant ses ressources sur des recettes stables. Le financement sur crédits budgétaires sera supprimé dès 2016, avec un an d'avance. Parallèlement, le financement de l'audiovisuel public sera renforcé. Par la contribution à l'audiovisuel public d'abord, dont le produit augmentera mécaniquement de 61 millions d'euros du fait de l'inflation et de la progression du nombre de redevables. Par la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE) ensuite, qui sera portée à 1,3 % de son rendement et en partie affectée au financement de France Télévisions, dont les moyens augmenteront de 40 millions d'euros. Cet engagement est nécessaire. Même si l'Assemblée nationale a renforcé les moyens que nous leur consacrerons en 2016, il ne dispense pas les organismes de l'audiovisuel public de poursuivre les efforts de gestion qu'ils ont engagés ou de renforcer leur coopération.

Après les « accords Schwartz », nous maintiendrons les aides directes au pluralisme pour les quotidiens d'information générale et les étendrons aux périodiques. Nous maintiendrons les aides indirectes comme la TVA à taux réduit ou les aides postales à la presse d'information générale et à la presse de la connaissance et du savoir. Nous réorienterons, à terme, une partie de l'aide postale attribuée à la presse de loisir et de divertissement vers la création de médias et l'émergence de nouveaux acteurs et l'aide aux marchands de journaux, qui sont en très grande difficulté. M. Emmanuel Giannesini a été mandaté pour proposer des scénarios. Il faudra six à neuf mois pour classer les titres : 2016 sera donc une année de transition, durant laquelle je souhaite que l'ensemble de la presse magazine bénéficie d'un tarif postal dont l'augmentation sera limitée.

Le Gouvernement soutient la création, en particulier dans la musique. Après l'augmentation de la taxe affectée au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) en 2015, il a prorogé le crédit d'impôt phonographique au titre des dépenses engagées pour l'enregistrement de nouveaux talents. Cet effort, qui bénéficie surtout aux TPE et aux PME, représente 11 millions d'euros. Nous augmentons de 0,5 million d'euros les crédits que nous consacrons aux organismes de soutien à l'export. Enfin, nous pérennisons le fonds de soutien à l'innovation et à la transition numérique. Les députés ont en outre adopté un crédit d'impôt en soutien au spectacle vivant pour les tourneurs et les producteurs et amélioré le crédit d'impôt pour la création audiovisuelle.

Le Gouvernement souhaite rendre la création et les industries culturelles plus accessibles. Le financement du fonds de soutien aux médias de proximité sera pérennisé, à hauteur de 1,5 million d'euros : ils apportent un regard différent sur l'actualité et contribuent au lien social sur nos territoires. Les contrats territoire-lecture ont fait leurs preuves : ils seront dotés d'1 million d'euros supplémentaires. Enfin, le Gouvernement proposera par amendement de mobiliser la dotation générale de décentralisation pour soutenir des projets d'extension ou d'évolution des horaires d'ouverture des bibliothèques.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits « Patrimoines ». - J'étais prêt à me réjouir que les crédits du programme « Patrimoines » augmentent, au moins en autorisations d'engagement. Hélas, à la demande du Gouvernement, l'Assemblée nationale a réduit de 5 millions d'euros les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de ce programme. Je le regrette car les communes et les départements ont les plus grandes difficultés à financer les opérations de rénovation du patrimoine. Du coup, les entreprises licencient : 300 postes en moins en 2014, 200 en 2015. Outre l'impact social, ce sont des savoirs qui disparaissent. Comment répartirez-vous ces crédits, à présent que leur montant a changé ?

Créée à l'initiative de notre ancien collègue Jean-Paul Hugot, la Fondation du patrimoine joue un rôle essentiel en faveur du petit patrimoine non protégé : en 2014, elle a lancé 24 000 opérations. En 2005, un amendement de notre ancien collègue Yann Gaillard lui avait affecté une partie des successions en déshérence. Cette ressource atteignait, bon an mal an, 8 à 12 millions d'euros. Cette année, elle n'est que de 4 millions d'euros. Allez-vous intervenir auprès de Bercy pour remédier à cette situation ?

Vous avez annoncé l'ouverture sept jours sur sept du Louvre, de Versailles et du musée d'Orsay, et je m'en réjouis. Vous annoncez pour cela la création de 65 postes supplémentaires. Comment seront-ils financés ? Le Centre des monuments nationaux (CMN) m'informe qu'il s'est préparé pour réaliser quelque 30 millions d'euros de travaux dans la centaine de monuments qu'ils gère, mais qu'il ne disposera guère que de 20 millions : pourquoi une telle restriction, qui fera reporter des chantiers dans les monuments historiques . Le CMN propose, dans certains cas, de sortir du plafond d'emplois les vacations saisonnières, afin que certains établissements puissent rester ouverts plus longtemps. Il faudrait par exemple ouvrir l'Arc de Triomphe plus tôt le matin et certains monuments au-delà de 18 heures l'été. Est-ce envisageable ?

M. David Assouline, rapporteur pour avis des crédits « Création et cinéma ». - Je veux dire mon émotion et ma peine après ce qui s'est passé vendredi soir, dans un quartier où je vis depuis trente ans et dont je suis élu. Pour tous ceux qui ont l'habitude de traverser ces rues, de s'arrêter pour prendre un café, d'aller au concert, c'est un choc. Peu de personnes, dans ce quartier, ne connaissent pas une ou plusieurs victimes. Les barbares qui ont tué, indiquent dans leur revendication qu'ils ont ciblé ce lieu pour frapper ce qui est vivant, ce qu'ils détestent, comme le montre bien le film d'Abderrahmane Sissako : pour eux, même le football, même la musique sont interdits.

Après la consolidation de l'an dernier - et, hélas, les baisses des deux années précédentes - je me réjouis que ce budget soit en hausse, car la culture est un antidote à l'obscurantisme et la meilleure réponse au défi qui nous est lancé. Dans un moment de délitement social, de doute, et même en période de restrictions budgétaires, il faut mettre le paquet. C'est ce que vous faites, madame la ministre : 27 millions d'euros supplémentaires pour la transmission des savoirs, 15 millions d'euros de plus, par rapport à la trajectoire triennale, pour le programme 131 « Création » - ce qui est rassurant car la loi LCAP arrive prochainement au Sénat. Satisfecit, donc.

J'ai procédé à une quinzaine d'auditions qui m'amènent à vous demander des précisions. Le plan Création artistique, issu des Assises de la Jeune création, prévoit 15 millions d'euros de mesures nouvelles, inscrites au programme 131. S'agit-il bien de mesures nouvelles ? On m'a signalé que la définition des lignes budgétaires et la répartition des crédits n'étaient pas toujours claires. Si les 2 millions d'euros supplémentaires pour le plan SMAC (scènes de musiques actuelles) sont clairement fléchés, on ne sait pas bien où vont aller les 2 millions d'euros prévus pour les « lieux intermédiaires ». Pouvez-vous nous citer des exemples ?

De même, les crédits pour la structuration professionnelle dans les arts plastiques s'élèvent à 640 000 euros, mais le tiers irait à l'organisation d'un Prix de mode. Pourquoi pas, mais quel rapport avec la structuration professionnelle - fondamentale - dans un secteur qui est souvent le parent pauvre du budget ? Du reste, les histogrammes à double échelle du dossier de presse sont trompeurs... Où en est le projet de convention collective pour les arts plastiques ? Je sais que vous sollicitez depuis deux ans le ministère du travail sur ce dossier et qu'il ne répond pas. Comment pouvons-nous progresser ?

Vous avez annoncé, à Arles, la création du Conseil national de la photographie : très bien. Pourquoi ne pas en faire, plus largement, un Conseil national des arts visuels ? Le décret est très attendu. Après de grandes difficultés les années précédentes, la situation s'est améliorée cette année pour les festivals. Certains restent néanmoins fragiles et cette fragilité les menace de disparition. Quel effort concret avez-vous prévu pour les aider ?

M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis des crédits « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». - L'Assemblée nationale a réduit de 10 millions d'euros les crédits de la mission, dont 5 sur le programme 224. Quels sont les domaines concernés ? Vous avez reconnu que le retrait de l'État des conservatoires avait été une erreur et présentez cette année un plan conservatoires de 13,5 millions d'euros, soit 8 millions de plus que le plancher atteint l'an passé : comment comptez-vous répartir ces fonds ? Quelle réforme des procédures de classement envisagez-vous ?

Dans les écoles d'art territoriales, le processus licence-maîtrise-doctorat (LMD) fait monter les exigences. Vous prévoyez des crédits pour les écoles d'architecture : quid des écoles d'art ? Où en est le projet d'un statut des professeurs des écoles supérieures d'art territoriales ? Contrairement à leurs congénères des écoles d'architecture, les étudiants en écoles d'art n'accèdent pas à la mobilité internationale sur critères sociaux et, lorsqu'ils atteignent le troisième cycle ou le post-diplôme, n'ont pas accès aux bourses sur critères sociaux s'ils ne sont pas dans un cursus universitaire. Envisagez-vous la création d'un diplôme national de troisième cycle spécifique aux écoles d'art et qui confère le statut d'étudiant ?

Mme Fleur Pellerin, ministre. - Les crédits consacrés aux monuments historiques bénéficient d'abord aux régions. Grâce à la subvention du ministère et à son fonds de roulement, le CMN pourra mener à bien les 30 millions d'euros de travaux prévus en 2016. Ces opérations étant disséminées sur le territoire, elles sont aussi financées par des crédits déconcentrés. Nous ferons en sorte que la baisse porte sur les crédits qui ont le moins d'impact sur notre politique patrimoniale. Je souligne toutefois que mon ministère jouit d'un traitement très favorable, puisque son effort se limite à 12 millions d'euros, sur un budget global de près de 3 milliards d'euros. L'effort portera sur de grosses opérations de l'État et n'aura guère d'impact sur leur réalisation, si ce n'est, à la marge, sur leur calendrier.

La Fondation du patrimoine est effectivement un partenaire précieux de mon ministère. La Cour des comptes a salué sa gestion en 2013 et relevé que son action n'aurait pas été possible sans des financements publics pérennes. Je suis dont très attentive à la contraction des ressources issues des successions en déshérence. La Fondation se mobilise pour y faire face mais je n'ai pas encore de réponse à vous apporter sur ce point, sur lequel j'ai d'ores et déjà entamé une discussion avec le ministère des finances.

L'ouverture sept jours sur sept des grands établissements était un objectif de longue date : il s'agit de créer un jour d'ouverture à destination des jeunes ou des publics les plus éloignés de la culture. Pour la mettre en oeuvre, mon ministère bénéficie de 65 créations nettes d'emplois, de la sanctuarisation de vingt emplois qui devaient être supprimés au Louvre et du maintien du budget de fonctionnement des trois établissements concernés. Le solde des créations d'emplois pour les opérateurs du programme 175 est positif même sans les emplois évoqués, qui n'ont donc pas été financés au détriment d'autres secteurs.

En 2016, le CMN a bénéficié de 27 créations d'emplois pour consolider son réseau. S'agissant d'un opérateur de l'État, le déplafonnement massif du plafond d'emplois est juridiquement impossible. J'en ai beaucoup discuté avec Philippe Bélaval et je continue à réfléchir à la question. Pour l'heure, aucune concertation n'a été engagée avec le personnel, et le CMN se concentre sur des opérations exceptionnelles comme celle de l'hôtel de la Marine... Cela dit, les monuments les plus visités sont déjà très largement ouverts : l'Arc de Triomphe l'est jusqu'à 23 heures.

Les moyens nouveaux pour le spectacle vivant comportent 3 millions d'euros pour les compagnies nationales, 2,5 millions d'euros pour revitaliser les résidences d'artistes et 2 millions d'euros pour favoriser les lieux intermédiaires qui offrent à la fois des espaces de production, de diffusion, de répétition et de fabrication numérique, comme la Friche la Belle de Mai par exemple. Ces tiers-lieux, hybrides, ne sont pas toujours bien pris en compte par les cadres traditionnels du ministère et je souhaite les promouvoir. Le développement du compagnonnage est encouragé à hauteur de 500 000 euros, comme le préconisaient les Assises de la jeune création. Les compagnies qui ne sont pas au plancher bénéficieront de 2 millions d'euros, et 500 000 euros seront consacrés à la création de pôles européens de production. Enfin, 2 millions d'euros iront à l'achèvement du plan SMAC.

M. David Assouline, rapporteur pour avis. - Pourquoi n'y a-t-il pas de SMAC à Paris ?

Mme Fleur Pellerin, ministre. - C'est une question légitime. Nous privilégions les lieux où l'offre culturelle permet moins de traiter de nouvelles esthétiques.

Les nouveaux moyens consacrés aux arts plastiques renforceront la commande publique dans les territoires les moins bien pourvus. Ils contribueront aussi au soutien aux institutions d'art contemporain en région et favoriseront la politique de résidence et l'engagement de l'élaboration des schémas des arts visuels.

Oui, une convention collective des artistes plasticiens est indispensable. L'initiative en revient toutefois aux partenaires sociaux : ils y travaillent et je les appelle à intensifier leurs négociations. J'espère que leurs réunions, actuellement interrompues, reprendront dans les meilleurs délais, et j'appuierai personnellement leurs propositions auprès de la ministre du travail. La structuration des professions dans les arts plastiques est importante, car les professionnels de ce secteur sont souvent des travailleurs indépendants, qui ne bénéficient donc pas des outils forgés par le paritarisme. Depuis 2012, le ministère a accentué le dialogue et la concertation avec les associations qui les représentent et ouvert plusieurs chantiers complexes, dont la réforme du régime social des artistes auteurs. Nous avons toujours soutenu l'Association nationale de développement des arts de la mode (Andam), qui décerne un prix - essentiellement doté par les partenaires privés - aux jeunes créateurs, dont la situation est très difficile. Emmanuel Macron et moi-même avons confié à Lyne Cohen-Solal une mission sur l'enseignement supérieur, la formation professionnelle et la structuration du secteur de la mode ainsi que sur l'accompagnement des jeunes entreprises. Elle présentera ses conclusions en décembre lors d'un comité stratégique de filière.

J'ai décidé de la création d'un Conseil national de la photographie, qui verra le jour début 2016. Ce parlement de la photographie rassemblera tous les acteurs pour identifier les problématiques communes et formuler des propositions pour y répondre. En attendant, une mission de concertation est en cours sur les questions sensibles : salaire minimum des photojournalistes, droits réservés, droits d'auteur, protection sociale, délais de paiement...

La saison dernière s'est bien passée pour les festivals, dont certains ont enregistré des records d'affluence. Pour autant, nous devons rester attentifs. C'est pourquoi j'ai confié à Pierre Cohen la mission d'identifier les difficultés. Je prépare une circulaire clarifiant les critères d'intervention du soutien de l'État. Du reste, seule une centaine de festivals sur plusieurs milliers bénéficient de son aide. Un comité de rédaction associant France Festivals, Profedim et le Syndicat national des scènes publiques s'est réuni au printemps dernier pour proposer un texte qui fera l'objet d'une concertation. 

Le rabot de 5 millions d'euros sur le programme 224 ne portera pas sur nos priorités en matière d'éducation artistique et culturelle. Les économies seront rendues possibles par de décalages dans les projets d'investissement, par exemple à l'école d'architecture de Marseille ou à celle de Bordeaux, ce qui ne remettra pas en cause la priorité assignée à la démocratisation de la transmission des savoirs.

Nous consacrons 8 millions d'euros supplémentaires au plan de soutien aux conservatoires, avec un volet ambitieux d'éducation et de formation artistiques en faveur de la jeunesse, de la diversité artistique et culturelle et de l'irrigation culturelle des territoires. La révision des critères d'intervention de l'État en faveur des conservatoires est menée par un groupe de travail du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC). Les pistes de travail portent sur la mise en oeuvre de pratiques pédagogiques innovantes, le développement des pratiques collectives, la diversification de l'offre artistique, le développement de projets en réseau entre les différents lieux d'enseignement artistique et la mise en oeuvre d'une politique sociale en faveur de l'ouverture au plus grand nombre. Le groupe de travail mène une consultation à l'issue de laquelle il me rendra des propositions, sur le réengagement financier comme sur la révision des critères de classement. Dès la semaine prochaine, associations représentatives du secteur, enseignants, parents d'élèves, directeurs de conservatoires et autres acteurs partenaires seront entendus.

Conformément à l'article 85 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, le Gouvernement a évalué les conditions d'un alignement du statut des professeurs territoriaux d'enseignement artistique sur celui des professeurs des écoles nationales supérieures d'art. Ce rapport, transmis au Parlement en avril, préconise la création d'un statut spécifique reprenant les missions et la grille indiciaire des seconds et la convergence des conditions de recrutement, à bac+5. Cette réforme coûterait entre 1,5 et 2,5 millions d'euros. Le ministère de la culture sollicitera les ministères de la fonction publique, du budget, de l'intérieur et de l'enseignement supérieur afin d'élaborer ce nouveau statut. Le 30 octobre, à Lyon, je me suis engagée à m'impliquer personnellement dans ce dossier.

Un plan de financement en cours de finalisation prévoit 500 000 euros supplémentaires pour consolider et préfigurer la création de troisièmes cycles dans les écoles d'art. L'aide du ministère de la culture, à hauteur de 25 000 euros par troisième cycle, est systématiquement complétée par les collectivités territoriales partenaires, voire d'autres institutions. Une aide particulière est prévue pour l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris (Ensba), l'École nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad) et l'École nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques (Enssib), qui n'avaient pas été accompagnées au moment du passage au système LMD.

Mme Marie-Christine Blandin. - Vos paroles sur les difficultés du monde de la culture font plaisir. Votre engagement gagnerait à être accompagné de celui de certaines sociétés de perception et de gestion des droits d'auteur, qui dorment sur des milliards quand les salles de spectacle sont en détresse. Si elles n'ont pas la main sur le coeur, nous pourrions avoir la main sur la loi.

Les mesures votées par l'Assemblée nationale minorent votre élan positif de 0,17 %. Il serait question que le couperet tombe plus fort sur le patrimoine et la transmission des savoirs, à hauteur de 0,47 %. J'ai bien entendu que le rabot n'entamerait pas les parcours d'éducation artistique et culturelle, auquel nous tenons beaucoup. En octobre, vous avez dit qu'il fallait rééquilibrer les champs d'intervention pour être en phase avec la société. Nous sommes tous d'accord pour ouvrir les musées et soutenir les lieux d'élite pour tous. Nous sommes lettrés, contre la barbarie, mais certaines personnes ne nous suivent pas dans cet élan vers la culture. Je plaide pour les musiques actuelles : les SMAC, qui ne sont pas présents sur tout le territoire, ne suffisent pas. Il faut des lieux de répétition, de pratique musicale, qu'ont choisie 80 % des Français. Le pourcentage du budget qui leur est alloué est ridicule.

L'augmentation que vous avez portée pour tout le spectacle vivant laisse de côté le domaine des arts du cirque, organisé autour de douze pôles nationaux. Ils ne coûtent pourtant pas cher et sont au plus près des quartiers.

Mme Françoise Férat. - Les crédits en faveur des monuments historiques sont certes maintenus, mais l'État doit soutenir les églises classées qui ne lui appartiennent pas. Dans la Marne, elles sont souvent dans un état sanitaire alarmant, car le coût de leur entretien est trop élevé : imaginez ce que représente 700 000 euros de travaux pour une commune de 150 habitants ! Il faut attendre parfois longtemps une décision favorable de la Drac pour engager les travaux et obtenir le financement lié du département. Les monuments qui appartiennent à l'État reçoivent des fonds en priorité, bien sûr, mais n'oublions pas les autres. Nous allons démolir des églises classées, ce qui est parfaitement insoutenable... Sans compter que de l'activité et des emplois sont en jeu.

M. Jean-Louis Carrère. - Posez donc votre question !

Mme Françoise Férat. - Enfin, le régime fiscal des monuments historiques dit Malraux, profondément réformé par la loi de 2014, le sera à nouveau dans le projet de loi de finances et la LCAP. Vous avez, j'imagine, pris connaissance des propositions du rapport de notre collègue Vincent Eblé sur la dépense fiscale et la préservation du patrimoine historique bâti. Pouvez-vous nous indiquer quelques pistes sur l'application de cette fiscalité ?

Mme Colette Mélot. - Vous avez communiqué sur la croissance du budget en 2016, or celle-ci intervient après une lourde ponction de 4 % en 2013 et de 2 % en 2014 et une stagnation en 2015. En mai, le Premier ministre a même reconnu que la baisse du budget de la culture avait été une erreur. À périmètre constant, les crédits alloués à la culture en 2016 restent inférieurs à ceux de 2012.

Mme Christine Prunaud. - Je me suis entretenue avec le président du Conseil national du livre (CNL), où je représente notre assemblée. Sa situation est très fragile en raison, notamment, de la diminution des taxes de reproduction. Que pensez-vous de la proposition de prélèvement sur l'édition des livres émise par le CNL ?

Mme Françoise Laborde. - Un crédit d'impôt vise à soutenir le cinéma sur tout le territoire. Existe-t-il une ligne budgétaire spéciale pour inciter au tournage de films dans les territoires ruraux ? Des emplois secondaires pourraient être créés. Le CNC décide-t-il seul du maintien des subventions aux festivals de cinéma ? Je pense à celui de Luchon, dont la subvention a beaucoup baissé sous prétexte que le CNC a moins d'argent - ce qui serait de notre faute !

Mme Marie-Pierre Monier. - Je salue l'augmentation des crédits. La budgétisation de la redevance d'archéologie préventive (RAP), très positive dans le contexte de rigueur budgétaire, sécurisera un financement extrêmement aléatoire qui fragilisait l'Inrap et les autres opérateurs, publics ou privés. Élue d'un territoire rural, je suis attachée à la vitalité des offres culturelles et à la sauvegarde du patrimoine culturel local, qui représente souvent un enjeu économique pour les communes. Le budget du patrimoine monumental a baissé drastiquement depuis 14 ans, avant de remonter légèrement l'an dernier et cette année. Je me réjouis que 70 % des crédits soient destinés à des opérations en région. Réserver l'ouverture de certains musées aux scolaires un jour par semaine est aussi très positif. Les subventions aux musées nationaux sont en légère hausse, après neuf années de baisse. Je regrette cependant que le rééquilibrage des crédits en faveur des musées de province amorcé en 2015 ne soit pas confirmé en 2016. La budgétisation de la RAP financera-t-elle les opérations d'archéologie préventive menées par les collectivités ayant reçu l'agrément, et ce financement remettra-t-il sur pied l'Inrap ?

Mme Fleur Pellerin, ministre. - Hier j'ai annoncé la création d'un fonds d'urgence pour soutenir les petits opérateurs privés, notamment les petites salles qui vont connaître des difficultés avec les annulations de ces derniers jours. Lors de ma rencontre avec le CNV, j'ai invité les sociétés de perception et de répartition des droits à participer à ce fonds. La Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) a annoncé qu'elle y consacrera 500 000 euros ; la société civile pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes (Adami) y participera aussi, pour un montant qui sera connu le 26 novembre à l'issue de la réunion de son conseil d'administration.

Je partage la nécessité d'un rééquilibrage des interventions, géographique et esthétique. J'incite les grandes institutions parisiennes à systématiser leur intervention en dehors de l'Île-de-France, puisqu'elles perçoivent une grande partie du budget de la culture. Je souhaite que l'ouverture à des esthétiques nouvelles soit abordée dans le dialogue avec les conservatoires sur les 8 millions d'euros supplémentaires engagés. La création d'un diplôme d'enseignement supérieur de danse hip-hop fait partie de cette ouverture. La priorité à l'éducation artistique et culturelle passe aussi par la reconnaissance de ces nouvelles esthétiques. Nous consacrons 27 millions d'euros aux musiques actuelles, dont 12 millions d'euros aux SMAC ; plusieurs ouvriront prochainement, à Annonay, Sainte-Croix Volvestre, Mont-de-Marsan et Bergerac. Un nouveau pôle d'arts du cirque ouvrira prochainement à Châlons-en-Champagne. La loi relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine reconnaît les circassiens comme professionnels du spectacle, ce qui leur octroie de nouveaux droits sociaux.

L'effort de l'État en faveur du patrimoine religieux s'élève à 100 millions d'euros par an. L'État prend en charge 40 à 50 % du coût des travaux, en fonction du potentiel fiscal des communes. La Fondation du patrimoine contribue elle aussi activement à sa conservation, par des campagnes efficaces de mécénat populaire. L'association La Sauvegarde de l'art français joue également un rôle important en aidant les propriétaires d'édifices religieux antérieurs à 1800. Les petites communes dotées de monuments importants peuvent faire appel aux services de l'État pour une assistance à maîtrise d'ouvrage ou pour sécuriser les Trésors.

Le rapport Eblé fait des propositions très intéressantes sur la fiscalité, sur lesquelles mes services travaillent déjà. Le dispositif Malraux sera maintenu pour les espaces protégés et les nouvelles cités historiques.

Le budget du ministère de la culture dépasse 1 % du budget général. Nous pouvons financer nos priorités. Nous bénéficions d'une augmentation considérable des moyens alloués, auxquels il faut ajouter les crédits d'impôt. Je suis donc très satisfaite.

Le niveau du fonds de soutien du CNC, qui a baissé depuis plusieurs années, sera stabilisé en 2016. Le soutien à la diffusion et au rayonnement reste une priorité. L'examen des festivals est mené au cas par cas, chaque année : le CNC peut reconsidérer sa position d'une année sur l'autre.

Le crédit d'impôt pour la relocalisation des tournages concerne l'ensemble du territoire. De nombreux pôles d'excellence ont été créés, en Île-de-France, en Provence-Alpes-Côte d'Azur, à Annecy... L'installation de tournages est aussi souvent liée à l'accompagnement de la région. Les conseils régionaux doivent être sensibilisés pour que le territoire rural soit attractif. Notons que ces crédits d'impôt portent déjà leurs fruits.

La RAP a fait l'objet de quatre réformes depuis sa création, mais aucune n'a jamais offert un rendement suffisamment régulier pour assurer le financement de l'archéologie préventive. La gestion de ce dispositif étant excessivement complexe, j'en ai obtenu la budgétisation à hauteur de son plafond, soit 118 millions d'euros, comme le préconisait le rapport de Martine Faure. Le budget 2016 assure une sécurisation sans précédent à l'Inrap, aux collectivités territoriales et au Fonds national pour l'archéologie préventive (Fnap). La taxe est maintenue selon le principe aménageur-payeur, mais directement reversée au budget général. Les collectivités territoriales qui réalisent des diagnostics se voient attribuer une subvention de 10 millions d'euros - montant jamais atteint ces dix dernières années. Le Fnap est doté de 35 millions d'euros pour participer au financement des fouilles liées à des aménagements d'intérêt général.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Abordons les questions portant sur la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

M. Patrick Abate, rapporteur pour avis des crédits « Presse». - Les accords Schwartz entre l'État, la Poste et les éditeurs de presse relatif à l'aide postale arrive à échéance le 31 décembre 2015. Vous avez annoncé en juin que le reciblage des aides à la presse sur l'aide au pluralisme modifierait le dispositif en profondeur. La baisse des crédits associés fait craindre une augmentation conséquente des tarifs postaux pour les publications jugées non prioritaires. Si l'on peut comprendre la philosophie de cette réforme, ne craignez-vous pas qu'elle porte un coup fatal à la solidarité indispensable entre familles de presse, qui fonde, depuis la loi Bichet, l'ensemble du système de distribution ?

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis des crédits « Livre et industries culturelles ». - Les ressources issues de la taxe sur la reprographie, dont dispose le CNL, sont en érosion et la taxe sur les éditeurs pâtit d'un très faible rendement. L'opérateur se verra, en 2016, dans l'obligation de limiter le champ de ses interventions, pourtant essentielles, en faveur du livre et de la lecture. Envisagez-vous d'affecter de nouvelles ressources au CNL ?

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits « Audiovisuel ». - La nécessité d'une réforme de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) fait consensus, mais elle est encore différée. C'est dommage. La baisse continue du nombre de téléviseurs va rendre plus aléatoire le montant de la recette procurée par la CAP. Une réforme sera-t-elle possible en 2017 ? Seriez-vous d'accord pour que le Gouvernement rende un rapport au Parlement sur la possibilité d'une réforme « à l'allemande », conduisant à une perception sur l'ensemble des ménages, formule qui recueille le soutien des dirigeants des sociétés de l'audiovisuel public et des syndicats ? Vous compensez l'absence de réforme par une augmentation de la taxe sur les opérateurs, de 0,9 à 1,3 %. L'affectation des 0,9 %, si elle était effective, serait suffisante pour régler certains problèmes.

Quelles suites le Gouvernement entend-il donner aux recommandations du rapport de la Cour des comptes d'avril 2015 sur Radio France ? Pourquoi le projet de contrat d'objectifs et de moyens ne prévoit-il ni la réforme des formations musicales ni la fusion des rédactions qui auraient évité de renvoyer le retour à l'équilibre des comptes à 2018 ?

L'augmentation des ressources propres de France Télévisions à travers les droits attachés à la production est une priorité pour réduire le besoin de financement public. Le Gouvernement envisage-t-il des modifications législatives à brève échéance pour que les diffuseurs puissent faire évoluer leur modèle économique ?

Avez-vous engagé, à la demande de Radio France, une modification du périmètre de la publicité, comme je l'ai entendu ? Quelle serait-elle ?

Mme Claudine Lepage, rapporteur pour avis des crédits « Audiovisuel extérieur ». - Le 8 avril, TV5 Monde était frappé par une cyberattaque de grande ampleur. Quelles conséquences le Gouvernement en a-t-il tiré ? Une telle attaque pourrait-elle se reproduire, sur une autre société de l'audiovisuel public ? Quels sont les moyens mobilisés pour la cybersécurité ?

France 24, RFI et TV5 Monde disposent d'importants moyens d'information. Comment seront-elles associées au projet de chaîne d'information en continu de France Télévisions ? Compte tenu des difficultés de définition du projet, un lancement en septembre 2016 est-il encore réaliste ? Pourrait-on envisager un lancement début 2017, afin de doter cette chaîne d'une équipe, d'une identité, de moyens et d'un mode de diffusion adaptés ?

Mme Corinne Bouchoux. - Qu'envisagez-vous pour régler la question de la dette fiscale de Mediapart et d'Arrêt sur images due au taux différentiel de TVA entre presse papier et médias en ligne ? Quid du critère de respect des droits réservés des photographes, que l'on spolie allègrement ? À quand sa prise en compte dans l'octroi des aides à la presse ? Il n'y a pas de raison d'aider une presse qui spolie ses photojournalistes. Quelles sont les raisons de la hausse du budget d'Hadopi ?

M. David Assouline, rapporteur pour avis. - J'avais préparé un amendement créant un crédit d'impôt pour les séries télévisées, sur le modèle de ce qui existe pour le cinéma. De plus en plus, il s'agit de la même industrie, des mêmes acteurs, des mêmes moyens et de la même tendance à la délocalisation des tournages, d'où la nécessiter d'inciter au rapatriement des tournages en France. L'Assemblée nationale l'a voté : elle en a relevé le taux, ainsi que le plafond. Je serai vigilant à ce que cette modification ne soit pas supprimée au Sénat.

Nous sommes partisans de l'élargissement de l'assiette de la redevance afin de pérenniser ce qui représente quasiment la seule ressource du service public, faute de rétablissement de la publicité après 20 heures. Faisons en sorte que cette ressource ne décline pas. L'engagement de ne pas augmenter les impôts ne doit pas empêcher d'apporter une réponse globale pour pérenniser ces recettes. Je doute de l'avenir du service public sans réforme de la CAP. Le financement du service public par l'impôt garantit son indépendance.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Lors du débat sur la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique, le Gouvernement avait accepté d'ouvrir des négociations avec les opérateurs techniques de diffusion pour indemniser leur préjudice, et annoncé que des crédits seraient inscrits dans un texte budgétaire d'ici la fin de l'année. Où en sont ces négociations ? Cette inscription est-elle toujours envisagée ?

Les événements récents nous rappellent à quel point le combat pour la liberté d'expression et la diffusion de nos valeurs dans le monde sont essentiels. Trois scénarios portant sur les ressources de France Médias Monde sont envisagés. Nous assurez-vous que vous soutiendrez le troisième, qui prévoit une progression moyenne annuelle des ressources de 2,1 %, quand les deux autres prévoient un maintien voire un tassement des moyens ?

Mme Fleur Pellerin, ministre. - Le Gouvernement a mandaté M. Emmanuel Giannesini pour proposer des pistes sur la sortie des accords Schwartz, à partir de 2016. Les arbitrages, en cours, seront partagés avec vous. C'est au nom de la solidarité entre les familles de presse que nous avons choisi de ne pas distinguer les taux de TVA, contrairement à des pays voisins ; cette solidarité en est la contrepartie. La soutenabilité tarifaire sera au coeur des décisions du Gouvernement. 2016 sera une année de transition puisque le classement des titres entre presse de loisirs et du savoir prendra six à neuf mois - il n'est pas question de distinguer entre bonne et mauvaise presse, mais de décider de l'allocation des deniers publics. Pendant cette année, je souhaite que l'ensemble de la presse magazine bénéficie d'un tarif postal le plus proche possible de l'inflation, et qu'il soit connu au plus vite.

Nous avons constaté la baisse brutale et préoccupante du rendement des taxes alimentant le CNL. Pour en analyser les causes et proposer des solutions, j'ai demandé, avec le ministre des finances, un rapport à l'Inspection générale des affaires culturelles et au Contrôle général économique et financier. Nous l'attendons dans les jours qui viennent. Sans attendre, le CNL doit construire son budget en tenant compte de la tendance constatée en 2014 et 2015. Des pistes plus structurelles, comme une modification de l'assiette des taxes, pourront être envisagées en 2016.

Les modes d'accès à la télévision ont très fortement évolué, l'accès se faisant de plus en plus par Internet et non plus grâce à une antenne râteau. L'affectation à l'audiovisuel public d'une partie de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques tient compte de cette évolution. Le succès commercial des offres à haut et très haut débit tient largement à la circulation des oeuvres, il n'est donc pas illogique que les opérateurs économiques qui en bénéficient contribuent à financer la création. Plusieurs pistes de réforme de la contribution à l'audiovisuel public ont été étudiées. Les choix doivent être les plus consensuels possibles, conjuguer justice sociale et modernité. Nous continuons à travailler sur les différentes hypothèses ; le Parlement sera associé à ces réflexions en temps utile.

Conformément à ses engagements, l'État apporte à Radio France une dotation en capital de 55 millions d'euros pour l'achèvement du chantier de rénovation de la maison de la radio. La dotation d'investissement est de 25 millions d'euros sur trois ans, pour un retour à l'équilibre en 2018. Nous avons clarifié les priorités stratégiques de Radio France dans le projet de contrat d'objectifs et de moyens. J'ai dit mon attachement à la complémentarité des antennes, au soutien à la création, à la musique, à l'éducation de la jeunesse à l'information, et à la stratégie numérique de l'entreprise, afin que les valeurs du service public restent au coeur de l'action de Radio France. J'ai dit à son président, en avril, qu'il fallait réformer les formations musicales, y compris dans leur dimensionnement et leur organisation, pour plus que jamais faire rayonner la culture de notre pays. Nous avons besoin de plus de musique, plus de spectacle, dans la période actuelle. La fusion des deux orchestres n'a pas été retenue dans le projet de contrat d'objectifs et de moyens : ce serait affaiblir l'offre musicale pour des économies incertaines. M. Stephan Gehmacher, directeur musical de la Philharmonie de Luxembourg, missionné par Radio France, a formulé des recommandations avant l'été. Le projet de contrat d'objectifs et de moyens prévoit la mise en place de services transverses, dans le respect des identités de chaque antenne. La diversité fait partie de l'ADN de Radio France : il faut faire attention au risque d'uniformisation et préférer une démarche pragmatique au mécano institutionnel.

J'ai dit, à mon arrivée au ministère, que nous devions faire de la production audiovisuelle, notamment de fiction, une priorité. Depuis janvier, je travaille avec tous les acteurs pour renforcer cette filière, en soutenant la création - audace et innovation font partie de la feuille de route de Delphine Ernotte - mais aussi le rayonnement de la création française, et en travaillant à un meilleur partage des risques entre producteurs et diffuseurs. J'ai engagé, à cette fin, une négociation sur l'amélioration de la transparence dans ce secteur, dont je souhaite qu'elle aboutisse rapidement à un accord professionnel. De même, j'ai inscrit des dispositions législatives sur ce sujet dans le projet de loi que je porte. J'ai également engagé un rééquilibrage des relations entre producteurs et diffuseurs, notamment par le décret du 27 avril qui accorde aux diffuseurs la possibilité de prendre des parts de coproduction sur les oeuvres indépendantes qu'ils financent largement. Il faut accompagner la mutation des activités des diffuseurs, qui souhaitent une plus grande implication. Des discussions sont en cours entre France Télévisions et les organisations de producteurs. Ces évolutions doivent être menées sans bouleverser la production indépendante, qui doit être forte et ambitieuse. Aussi, je me réjouis que l'Assemblée nationale ait renforcé le crédit d'impôt en faveur de la fiction, en revalorisant le taux de 20 à 25 % et augmentant les plafonds, et j'espère qu'il sera confirmé par le Sénat. Nous démontrons ainsi notre volonté de soutenir la production audiovisuelle.

Le Gouvernement souhaite ouvrir le régime publicitaire à tous les annonceurs, par souci de sécurité juridique, tout en encadrant la durée horaire des publicités, y compris pendant la tranche matinale. Une consultation publique était ouverte jusqu'au 1er novembre. L'objectif est de maintenir le chiffre d'affaires publicitaire au niveau observé ces dernières années, soit 42 millions d'euros. Il n'est pas question d'augmenter le volume de publicité.

Concernant le projet de chaîne publique d'information continue : dès le mois de mars, nous avons tracé les orientations stratégiques de France Télévisions. Nous avons besoin d'une information pluraliste, indépendante, décryptant le monde contemporain. Les complémentarités entre les organismes de l'audiovisuel public sont importantes. L'offre publique d'information était l'un des sujets du comité stratégique de l'audiovisuel public, qui s'est tenu le 21 octobre. Différents sujets d'intérêt commun y ont été abordés. La présidente de France Télévisions présentera son projet en fin d'année, afin de le lancer à la rentrée 2016. Ce calendrier ambitieux traduit la mobilisation des acteurs concernés. Le Parlement sera étroitement associé à ce chantier.

La cyberattaque dont TV5 Monde a été victime, le 8 avril, a été particulièrement violente. La réaction extrêmement rapide des équipes techniques et de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) a prévenu la destruction totale de ses infrastructures informatiques. Les organismes de l'audiovisuel public ont intégré les recommandations de l'Anssi. J'ai souhaité qu'ils réfléchissent en commun aux moyens de renforcer leur cybersécurité. La reconstruction du système d'information de TV5 Monde et le renforcement de sa sécurité informatique coûtera 4,9 millions d'euros en 2015, 2,9 millions d'euros en 2016, puis 2,4 millions d'euros par an. Nous avons accepté le redéploiement en cours d'année de 1,2 million d'euros destinés à l'acquisition de programmes français vers les frais communs, confirmé l'augmentation de 0,7 million d'euros de la dotation de TV5 Monde en 2016 et lui avons laissé le bénéfice intégral de l'économie fiscale de 1,7 million d'euros lié à son financement par la contribution à l'audiovisuel public.

Le budget de la Hadopi est effectivement en hausse : il sera de 8,5 millions d'euros en 2016. Cet effort significatif intervient après des années où la haute autorité a largement puisé dans son fonds de roulement. Il s'agit donc d'un rattrapage qui lui permettra de maintenir le périmètre de ses missions actuelles.

Je rappelle l'attachement du Gouvernement au taux de TVA super-réduit sur l'ensemble de la presse, imprimée ou en ligne. La Commission européenne a infléchi sa position. Nous continuons d'appuyer le souhait de la Commission de faire évoluer la directive sur la TVA dès 2016 dans le sens de la neutralité fiscale - sujet soumis à l'unanimité des États membres. Le Gouvernement poursuit son oeuvre de conviction sur la substituabilité entre presse imprimée et en ligne. Il ne m'appartient pas d'interférer dans la situation fiscale de Mediapart, mais j'espère qu'il trouvera une solution avec l'administration fiscale afin de passer cette période délicate pour sa trésorerie.

Le résultat des enchères sur les fréquences de la bande des 700 MHz ont été très positives. Le Gouvernement, soucieux des conséquences économiques sur les opérateurs de diffusion, privilégie la voie du compromis en matière d'indemnisation. L'Inspection générale des finances a été saisie pour évaluer l'impact de ces opérations sur le marché de la diffusion. Les négociations, confidentielles, sont toujours en cours. Des propositions financières ont été adressées aux opérateurs. Je sais la détermination de M. Emmanuel Macron, comme du Premier ministre, à faire aboutir ces négociations. L'engagement du Gouvernement sera tenu, l'objectif restant le dépôt d'un amendement au projet de loi de finances pour 2016 au Sénat, ou au projet de loi de finances rectificative pour 2015. Cette mesure pourrait prendre la forme d'une hausse de l'enveloppe de 27,3 millions d'euros affectée à l'Agence nationale des fréquences (ANFR).

La dotation de France Médias Monde augmentera de 2 millions d'euros en 2016. S'y ajoute un effet fiscal favorable de 3,4 millions d'euros en 2016. En hausse de 2 %, le financement des chaînes est solidement assuré. Le contrat d'objectifs et de moyens, en cours de négociation, vous sera soumis pour avis rapidement. Nous discutons des différents scénarios avec les ministères des affaires étrangères et des finances. Nous choisirons l'option la plus respectueuse des missions de service public de France Médias Monde.

La réunion est levée à 19 h 50.

Mercredi 18 novembre 2015

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 10.

Contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2015-2019 - Audition de M. Laurent Vallet, président de l'Institut national audiovisuel (INA)

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - J'ai le plaisir de souhaiter ce matin, en notre nom à tous, la bienvenue à M. Laurent Vallet, président-directeur général de l'Institut national de l'audiovisuel (INA) qui vient nous présenter le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) de l'INA pour la période 2015-2019.

Je rappelle que M. Laurent Vallet a pris ses fonctions le 21 mai dernier suite à la démission de Mme Agnès Saal dans des conditions que nous gardons en mémoire. Nous vous saurons gré, Monsieur le président, si vous le voulez bien, de nous expliquer quelle est aujourd'hui la situation de l'INA et l'état d'esprit des collaborateurs compte tenu de ces événements.

Je vais vous laisser la parole, monsieur le président, afin de nous présenter les grandes lignes de ce projet de contrat d'objectifs et de moyens. Compte tenu du fait qu'un premier COM nous avait déjà été présenté au printemps, je vous proposerai de nous indiquer également les principales différences entre les deux documents.

À l'issue de votre intervention, je donnerai la parole à notre rapporteur pour les crédits de l'audiovisuel, Jean-Pierre Leleux, puis à l'ensemble des sénateurs.

M. Laurent Vallet, président-directeur général de l'Institut national de l'audiovisuel (INA). - Concernant l'état d'esprit de l'entreprise, après les mois agités qu'elle a connus, j'ai trouvé une entreprise choquée et secouée par les conditions du départ de ma prédécesseure. Le fait que j'étais le troisième président en deux ans et demi pouvait donner aux personnels le sentiment d'un problème de gouvernance. L'expression publique autour de l'établissement ne concernait plus ses métiers et son savoir-faire.

J'ai commencé par aller à la rencontre des collaborateurs sur les différents sites. Je m'attendais à recevoir seulement un accueil poli ; j'ai découvert des salariés passionnés par leur métier. Ils ont noté que j'avais passé treize ans dans mes précédentes fonctions, ce qui constituait un signe de stabilité.

Parmi les différences entre la première version du contrat d'objectifs et de moyens (COM), qui vous a été présenté il y a quelques mois et la version que vous examinez aujourd'hui, je mentionnerai l'abandon du projet de ma prédécesseur de faire de l'INA la mémoire de l'audiovisuel en général à travers la création d'une plateforme culturelle qui aurait rassemblé les archives audiovisuelles du spectacle vivant et des institutions muséales. Ce projet, qui ne disposait pas du plein soutien des tutelles et dont le financement posait question, ne figurait pas explicitement dans le projet de COM. Le projet que je vous présente repose sur la réaffirmation de la vocation de l'INA et la volonté d'imaginer l'après « plan de sauvegarde numérique » (PSN) compte tenu du fait que ce plan, qui a constitué la colonne vertébrale des trois précédents COM, devrait être quasiment achevé en 2019.

Imaginer l'après PSN nécessite de réinventer la place des archives à l'heure du numérique en partant des usages et non plus des outils. Il faut réfléchir à la façon de partager ces fonds numérisés auprès du public le plus large à travers des MOOCs, par exemple. Je suis très heureux du lancement de la plateforme « INA Premium » qui constitue un joli succès. On est bien là dans les usages et la réaffirmation de la mission patrimoniale. Il faut, par ailleurs, continuer à enrichir notre fonds car le flux n'alimente plus le stock de la même façon. Il faut trouver des détenteurs de fonds qui font sens avec l'audiovisuel.

La seconde priorité consiste à assumer pleinement le statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC) hérité de la loi de 1974. Même si les échanges commerciaux n'étaient probablement pas le fruit de négociations avec les différentes branches de l'ancienne ORTF à l'origine, il s'agissait d'un statut visionnaire puisque les ressources propres constituent un tiers du budget de nos jours. Un des objectifs doit consister à enrayer la baisse de nos ressources propres.

Nous avons, par ailleurs, un devoir d'exemplarité en matière de gestion qui dépasse la situation des dirigeants. À cet égard, la suppression, en 2007, de l'agence comptable n'a pas été sans conséquence sur la gestion de la dépense. L'INA n'a pas mis en place de dispositif de contrôle interne comptable et financier satisfaisant.

En matière de gestion des compétences et des effectifs, 25 % des effectifs partiront à la retraite dans les cinq années à venir, d'où la nécessité d'une gestion attentive des ressources humaines pour ne pas perdre les compétences. Il s'agit également d'une opportunité pour faire évoluer les métiers de l'INA.

Enfin, le COM prévoit un projet immobilier stabilisé à travers le site fédérateur historique de Bry-sur-Marne. Même si le lieu est un peu isolé aujourd'hui, il devrait être mieux desservi à l'avenir compte tenu du développement du Grand Paris.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel. - Le projet de COM qui nous avait été présenté au printemps prévoyait un développement de l'INA auprès des entreprises hors médias et des collectivités publiques pour leur proposer un service de conservation de leurs archives audiovisuelles. Cette « diversification » pouvait s'apparenter à une volonté de compenser par des missions nouvelles la prochaine arrivée à son terme du plan de sauvegarde numérique (PSN). Est-ce que cette diversification demeure une priorité du nouveau COM ? Une telle diversification ne constituerait-elle pas un risque financier pour l'Institut et, par voie de conséquence, pour les finances publiques ? Je souhaiterai avoir des précisions sur ce sujet même si vous avez laissé entendre que cette orientation était abandonnée.

Le projet de COM prévoit un maintien de la masse salariale à 67,5 millions d'euros sur la période 2015-2019 qui s'explique, en particulier, par le coût des augmentations générales de l'accord collectif. Quelles sont, selon vous, les marges qui existent afin que l'INA contribue, dans la durée, aux efforts de maîtrise des dépenses ? Et comment vont évoluer, en particulier, les effectifs d'ici 2019 ?

Enfin, vous avez évoqué l'ouverture de l'« INA Premium » à laquelle d'ailleurs je me suis abonné pour 2,99 euros par mois, avec le premier mois gratuit. Quels sont les premiers résultats en termes d'abonnements de cette plateforme, lancée fin septembre ? Avez-vous une perspective de ressources propres ? Et sujet plus sensible, comment cette plateforme pourrait-elle intégrer une offre commune du service public de vidéo à la demande par abonnement ? L'INA est la première institution du service public à offrir une telle plateforme. Je pense qu'il faut néanmoins se concerter avec les autres opérateurs du service public. Des discussions ont-elles commencé avec France Télévisions ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Vous nous avez donné l'état d'esprit du personnel à l'INA. Nous étions déjà inquiets quand Mme Agnès Saal est venue devant notre commission et notre inquiétude a augmenté.

Du point de vue de l'évolution de la masse salariale et du maintien des compétences, le fait que l'INA doive faire de plus en plus appel à un financement par ressources propres nous inquiète : ceci introduit une grande incertitude et traduit une diminution des ressources par dotation.

Le projet établi par Agnès Saal visait à la reconstruction de l'entreprise sur la base d'un frein considérable à la suppression des emplois. Vous nous avez indiqué que 25 % des personnels partiraient prochainement à la retraite. Pouvez-vous nous donner quelques explications complémentaires sur l'évolution des effectifs ?

Mme Colette Mélot. - Je voudrai rendre hommage à cet établissement qui vient de fêter ses quarante ans, qui a rempli son rôle et su évoluer, notamment sur la numérisation des archives. Ce COM marque une ère nouvelle.

Je suis arrivée au Conseil d'administration de votre institution à une époque troublée et j'ai pu remarquer la solidité des équipes et la présence d'un personnel compétent et volontaire.

Ma question porte sur les langues régionales. Quelles sont les ressources dont disposent l'INA afin d'avancer dans ce secteur où il existe une attente ?

M. David Assouline. - Je vois trois enjeux pour l'INA.

Comment le fonds d'archives continue-t-il à augmenter son fonds à partir de ce qui a déjà été acquis, et dans quelles conditions peut-il négocier avec les différentes chaînes de télévision ?

Le deuxième enjeu porte sur la conservation des archives à l'heure du numérique. Comment va-t-on utiliser ces archives dans cinquante ans. On a cru que le numérique permettrait un stockage plus facile. Mais, en même temps, les technologies changent. Tout est plus volatil. J'ai une grande inquiétude sur la façon dont on anticipe les évolutions technologique futures.

Ma dernière question est relative au projet de chaîne d'information en continu du service public. Êtes-vous associés à cette perspective ? Votre fonds d'archives, en termes d'images et de documentaires, permettrait d'alimenter cette nouvelle chaîne.

En conclusion, je soulignerai que vous faites partie du service public de l'audiovisuel et votre rôle est primordial. Je pense qu'aucune entreprise publique ne peut vivre sans ressources propres. Au-delà de la ressource, c'est la condition de sa performance et de son dynamisme.

Mme Corinne Bouchoux. - Je souhaite revenir sur deux points de votre exposé sur l'évolution du COM pour l'avenir.

Vous avez également une vocation de formation. Vous disposez d'un institut de formation qui a des taux d'insertion convenables, mais qui pourrait peut-être être consolidé et amélioré. Que comptez-vous faire pour renforcer cet institut de formation ? Et comment comptez-vous renforcer votre coopération avec l'éducation nationale ? Aujourd'hui, l'enseignement passe aussi par l'éducation à l'image. De nombreuses disciplines utilisent les sources audiovisuelles.

Pour une génération qui a connu l'Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), l'INA est une évidence. C'est beaucoup moins vrai pour les jeunes générations. Que comptez-vous mettre en place à destination de ceux qui sont vos clients de demain ? Comment concilier toutes ces missions ?

Enfin, quelle est votre vision exacte des missions que l'on pourra donner aux personnels à statut précaire et dont le savoir-faire est précieux ?

M. Philippe Bonnecarrère. - Existe-t-il des institutions similaires en Europe et, si oui, quels sont leur modèle économique ?

Existe-il une coopération avec l'Agence France Presse (AFP) et des optimisations sont-elles possibles dans ce domaine ?

M. Laurent Vallet. - Sur les perspectives de développement commercial, nous avons plusieurs pistes pour stopper le mouvement de baisse des ressources propres. Je vous donnerai deux exemples : sur le plan international, avec nos métiers d'expertise et de formation, nous pouvons aider un certain nombre d'institutions étrangères. L'international donne lieu à beaucoup d'échanges et de déplacements. Nous sommes en train de négocier un important contrat en Algérie sur la formation auprès de l'audiovisuel public. Cela demande des moyens mais j'y vois également un gisement de ressources propres et de rayonnement de l'Institut, au-delà même des opérations de prestige comme on a pu le faire en restaurant les archives de l'institut audiovisuel cubain ou la restauration et la numérisation des supports audio très particuliers sur lesquels étaient enregistrés les procès de l'ANC et de Nelson Mandela.

Aujourd'hui, toutes les grandes entreprises sont dans une démarche de renforcement de leur brand content ou contenu de marque. Pour donner de la valeur à sa marque, on peut faire appel à la mémoire audiovisuelle de l'entreprise. La Française des jeux a pris conscience de sa marque et, outre ses propres archives, l'INA disposait d'un grand nombre d'images depuis plus de quarante ans.

Je considère la plateforme « INA Premium » comme une nouvelle façon d'exercer notre mission de service public plutôt que comme une nouvelle source de revenus et de rentabilité. Elle est récente et nous ne nous sommes volontairement pas fixé d'objectifs en termes de nombre d'abonnés. D'ailleurs, qui, parmi vous, connaît le nombre réel d'abonnés à Netflix en France ? Il n'existe pas de secret des affaires pour l'INA et nous sommes très contents du démarrage de la plateforme. À l'issue du premier mois gratuit, le taux de désabonnement a été de 5 à 6 %. Cela devrait permettre d'amortir assez rapidement l'investissement technique, mais définir un objectif de rentabilité pour « INA Premium » est compliqué dès lors qu'il faut payer, même un prix très modique. Dès lors que l'on n'a pas la maîtrise totale dans la fixation du prix, on ne peut pas se fixer les mêmes objectifs qu'un opérateur privé.

La version d'octobre 2015 du COM de l'INA n'a pas varié par rapport à celle du printemps dernier en ce qui concerne ses trois piliers financiers, à savoir : stabilité de la ressource publique allouée à l'INA d'un montant de 89 millions d'euros par an ; plafonnement de la masse salariale à 67,5 millions d'euros par an et autofinancement du projet immobilier de l'INA, à hauteur de 25 millions d'euros pour la période 2015-2019.

Compte tenu de l'accord collectif sur le statut des salariés qui garantit une augmentation automatique de 1,5 % des salaires par an et jusqu'à 0,75 % en plus dans le cadre de mesures individuelles, le plafonnement de la masse salariale sur la période 2015-2019 va nécessairement conduire à réduire le nombre de collaborateurs. Sur les 950 équivalents temps plein (ETP) actuels, 25 à 30 ETP devraient disparaître d'ici 2019. J'ai confiance dans le fait que cela pourra se faire de façon apaisée.

Au-delà, il faut également nous préparer au départ à la retraite de 25 % de nos effectifs. S'il faut saisir cette opportunité pour faire évoluer notre organisation, nous devons veiller à ne pas perdre certaines de nos compétences, comme celles des métiers de traitement du film. Dans ce contexte, nous réfléchissons actuellement avec le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et la Cinémathèque française à mutualiser nos moyens techniques de traitement du film afin de sauvegarder les compétences en la matière.

J'ai rencontré récemment Delphine Ernotte pour évoquer l'éventuelle articulation de la plateforme « INA Premium » avec une future offre de vidéo par abonnement de France Télévisions. De notre point de vue, plusieurs options sont envisageables. L'INA est quasi-propriétaire de l'outil technique que représente la plateforme sur laquelle s'appuie le service « INA Premium » et pourrait éventuellement le mettre à disposition de France Télévisions selon le principe commercial de marque blanche. Mais « INA Premium » pourrait aussi accueillir un certain nombre de contenus du catalogue de France Télévisions comme des documentaires de création dont l'exploitation n'est plus de mise, ce qui complèterait l'offre en la matière de l'INA.

L'INA est membre du comité de pilotage de la chaîne publique d'information en continu et participe activement à l'élaboration de ce projet. Nous avons accueilli sur notre site de Bry-sur-Marne la semaine dernière l'équipe de préfiguration de la chaîne. Nous réfléchissons actuellement à la façon dont l'INA pourrait fournir, sur une base quotidienne, des programmes courts basés sur ses archives permettant de décrypter et de mettre en perspective l'actualité sur la future chaîne.

L'INA compte six délégations régionales dont une des vocations est de recueillir le fonds d'archives des antennes régionales et locales de France 3. Une partie de ce fonds sert à mettre en valeur les langues régionales. La délégation de Strasbourg a ainsi mis sur pied un projet multimédia sur un chansonnier alsacien très connu dans la région, Germain Muller. Des éléments de même nature sont en cours de réalisation à Rennes. Les langues régionales constituent par ailleurs une thématique qui peut parfaitement s'intégrer dans nos « fresques » multimédia.

Les « fresques » multimédia sont des regroupements thématisés d'archives sur lesquels nous nous appuyons, notamment, dans le cadre de nos relations avec l'éducation nationale. L'éducation à l'image à travers ces fresques est un moyen de toucher le public jeune. Mais il faut admettre que, en dehors du cadre scolaire, les images d'archives ne représentent pas un médium très attractif pour cette catégorie de public... sauf éventuellement pour les utiliser dans un esprit de dérision. Or faire de la dérision à partir de nos archives ne fait pas partie de nos objectifs. Toutefois, nous avons choisi pour la campagne de communication en vue du lancement d' « INA Premium » de jouer délibérément la carte « jeunes » en diffusant sur les réseaux sociaux des « gifs », ces pastilles vidéo de quelques secondes, réalisées à partir de nos archives. C'est une façon de se rapprocher du public jeune sans porter atteinte à la mission de l'INA, dans le respect des ayants droit.

Nous poursuivons notre démarche de « déprécarisation » visant à faire bénéficier de contrats à durée indéterminée des personnes qui jusqu'à présent étaient employées sur la base de contrats à durée déterminée (CDD) reconduits. Cette démarche a été appliquée à 29 salariés, et se prolongera pour la catégorie des documentalistes.

Les autres pays européens - je pense principalement à l'Allemagne, à l'Italie, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni - ont des modèles très différents en matière de conservation et de diffusion des archives audiovisuelles. Le modèle économique le plus proche du nôtre est celui des Pays-Bas. D'un point de vue plus général, on peut dire qu'ils ont tous un temps de retard en matière de numérisation de leur stock d'archives par rapport à la France, mais ils sont en avance sur le plan des usages.

Nos relations avec l'AFP donnent lieu à différents partenariats : nous vendons sur la plateforme professionnelle de l'INA, INA Media Pro, des contenus produits par l'AFP ; l'AFP puise par ailleurs régulièrement dans nos fonds des archives pour illustrer ses reportages. Avec Emmanuel Hoog, qui connaît bien notre maison, nous partageons la volonté de développer ces partenariats. Nous avons ainsi un projet de numérisation d'une partie du fonds de l'AFP en vue d'une mise à disposition dans le cadre d'un mandat partagé. De même, nous envisageons de valoriser davantage le fonds photographique de l'INA en bénéficiant de la connaissance de l'AFP dans ce secteur.

M. Daniel Percheron. - Vous avez tenu un discours très jacobin de détenteur de la mémoire de la nation et je voudrais vous interroger sur la dimension de la décentralisation car votre prédécesseur était plus créative. Il va y avoir treize régions dont certaines auront la taille d'une nation. Dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, par exemple, est-ce que vous envisagez de contractualiser avec la région ? Un décalage nous menace car la mémoire de l'image est absente des débats locaux. Attendez-vous des propositions de la part des régions ?

Mme Maryvonne Blondin. - Pouvez-vous nous préciser quelles sont les relations de l'INA avec les cinémathèques de nos régions qui ont pour mission de conserver la mémoire locale ?

M. Jacques Grosperrin. - Quelles garanties avez-vous du maintien de votre part de contribution à l'audiovisuel public et quels sont les objectifs financiers de votre nouveau service de vidéo à la demande par abonnement ?

M. Maurice Antiste. - Qui protège l'INA et existe-t-il un « INA bis » en cas de destruction de vos fichiers ?

M. Louis Duvernois. - Vous essayez de faire évoluer le modèle économique de l'établissement. Quels partenariats envisagez-vous avec les autres établissements publics fonctionnant en réseau ?

M. Laurent Vallet. - Sur la décentralisation, j'ai bien noté que vous me trouviez moins dynamique et créatif que ma prédécesseure. J'en prends acte. En tout cas, je me réjouis du document multimédia élaboré pour célébrer la mémoire de votre région. Il est vrai que les délégations régionales se trouvent éloignées du centre. Je vous promets d'être plus dynamique et créatif ! L'INA essaie de partager dans les meilleures conditions possibles ses collections avec ceux qui s'y intéressent. Beaucoup de promesses ont été faites ces derniers mois, et nous allons essayer de les tenir dans la mesure où elles sont en cohérence avec notre modèle économique.

Pour le reste nous trouverons d'autres façons de nous associer au mouvement de décentralisation.

S'agissant des relations avec les cinémathèques et médiathèques, nous disposons de postes de consultation mobiles (PCM). Leur installation et leur déploiement se poursuivent. Le projet de COM fixe d'ailleurs des objectifs chiffrés. Toutes les demandes d'installation de nouvelles bornes multimédias sont les bienvenues. Les coûts restent encadrés et raisonnables. C'est également un moyen d'entretenir notre lien avec les collectivités locales.

Le projet immobilier est financé par un prélèvement sur notre fonds de roulement sur la durée du COM pour un peu moins de 20 millions d'euros et une contribution du budget d'investissement, à hauteur de 5,5 millions d'euros. Nous sommes confiants sur le fait que ce coût doit être correctement évalué et ces ressources identifiées et sanctuarisées dans le COM.

S'agissant des conditions de sécurité dans lesquelles sont conservés nos fonds, nous disposons d'un site miroir à Aubervilliers, où toutes nos machines sont dupliquées. Par ailleurs, la question d'intrusion informatique se pose à l'ensemble des sociétés audiovisuelles publiques qui échangent régulièrement sur cette question. Dans la cadre du projet immobilier, le stockage des informations se trouvera dans la partie nouvellement construite et bénéficiera, par conséquent, de conditions de sécurité renforcées.

Enfin, les partenariats avec différents réseaux constituent une priorité à mes yeux. Nous souhaitons faciliter l'accès de nos fonds de collection aux réseaux culturels français à l'étranger. C'est un dialogue que j'ai relancé à mon arrivée. Il existe un potentiel important dans les relations de l'INA avec ce réseau.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vous remercie, monsieur le président, pour ces précisions. Nous allons poursuivre notre réflexion sur le projet de COM et nous rendrons un avis dans les délais prévus par la loi du 30 septembre 1986.

Loi de finances pour 2016 - Mission Culture - Crédits « Patrimoines », « Transmission des savoirs » et « Création et cinéma » - Examen des rapports pour avis

La commission procède à l'examen des rapports pour avis de M. Philippe Nachbar sur les crédits « Patrimoines », de M. Jean-Claude Luche sur les crédits « Transmission des savoirs » et de M. David Assouline sur les crédits « Création et cinéma » de la mission Culture du projet de loi de finances pour 2016.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits du programme « Patrimoines ». - Les crédits du programme 175 « Patrimoines », après deux ans de recul et une année de stabilisation, progressent pour 2016 : les autorisations d'engagement (AE) gagnent 166 millions d'euros, à 912 millions d'euros (+18%) et les crédits de paiement (CP) 122 millions d'euros, à 873 millions d'euros (+16%). Cependant, cette hausse tient essentiellement à la budgétisation de 118 millions d'euros pour la redevance pour l'archéologie préventive (RAP). En fait, la hausse des crédits budgétaires est en trompe-l'oeil, les missions des opérateurs sont élargies et les défis demandent une mobilisation bien plus forte de politiques publiques, en particulier pour l'entretien et la valorisation de notre patrimoine. Ceci est d'autant plus vrai qu'en deuxième délibération, le 13 novembre 2015, l'Assemblée nationale a diminué de 10 millions d'euros les crédits de la mission « culture », dont 5 millions d'euros pour le seul programme 175.

Les crédits de l'action 1 « Patrimoine monumental » progressent de 11,32 millions d'euros en autorisations d'engagement, à 352,72 millions d'euros (+3,32%) mais perdent 1,5 million d'euros en crédits de paiement, à 327,35 millions d'euros (-0,47%). En outre, ces chiffres ne tiennent pas compte du « rabot » de 5 millions d'euros sur le programme 175 qui, d'après ce que m'a dit hier Mme la ministre, pourrait toucher principalement l'action 1.

Cette stagnation des crédits de paiement est inquiétante face à l'ampleur de la tâche à accomplir pour entretenir et valoriser notre patrimoine historique. Je rappelle que la France compte 43 609 immeubles protégés au titre des monuments historiques, dont 14 135 classés et 29 474 inscrits et que s'y ajoutent de très nombreux bâtiments ni classés ni inscrits mais qui présentent un intérêt historique indéniable et pour lesquels nos concitoyens attendent un certain entretien.

Les crédits de l'action 1 vont financer de « grands chantiers » l'an prochain : la restauration et l'aménagement du Grand Palais - projet de 130 millions d'euros de travaux encore soumis à des arbitrages - ; la restauration du château de Fontainebleau, d'un montant global de 114 millions d'euros sur douze ans, lancée l'an passé et qui devrait s'échelonner jusqu'en 2026 ; la construction d'un centre de conservation et d'études en Lorraine (CCEL), commencée l'an passé et qui doit s'achever l'an prochain ; la restauration de l'ancien hôpital Jean Martial à Cayenne ; la nouvelle reconstitution de la grotte de Lascaux et la création d'un centre international d'art pariétal à Montignac, en Dordogne ; la modernisation du musée de Cluny, à Paris et la restauration des thermes gallo-romains.

Les crédits de l'action 2 « Architecture » progressent de 987 000 euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, à 28,8 millions d'euros (+3,5%) ; ils vont pour plus de moitié à la Cité de l'architecture et du patrimoine (16,46 millions d'euros), pour 12,6% au cofinancement des études pour la constitution des AVAP et pour 12% aux réseaux de promotion de la qualité architecturale, comme les CAUE et les 184 « Villes et Pays d'art et d'histoire ».

Les crédits de l'action 3 « Patrimoine des musées de France » progressent de 13,15 millions d'euros en autorisations d'engagement, à 344,44 millions d'euros (+3,97%) mais ils reculent de 323 000 euros en crédits de paiement, à 339,38 millions d'euros. C'est important, mais nous devons prendre en compte l'élargissement des missions des musées : ils sont sous pression et c'est bien pourquoi l'annonce d'une ouverture 7 jours sur 7 a suscité de vives réactions parmi les personnels.

L'action 4 « Patrimoine archivistique et célébrations nationales » gagne 20 millions d'euros en autorisation d'engagement, à 43,75 millions d'euros. Ce bond spectaculaire (+ 83%) tient à ce que les crédits d'investissements passent de 6,51 à 25,70 millions d'euros, dont 17,45 millions d'euros pour l'aménagement du site des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine.

Les crédits de l'action 8 « Acquisition et enrichissement des collections publiques » gagnent 500 000 euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, à 8,85 millions d'euros, c'est 6% de mieux que l'an passé. Je signale au passage les vertus du mécénat, qui dépasse les subventions pour l'achat d'oeuvres d'art, puisqu'il a atteint 13 millions d'euros en 2013.

Les crédits de l'action 9 « Patrimoine archéologique » passent de 11,29 à 131 millions d'euros en autorisation d'engagement et de 19,7 à 137,8 millions d'euros en crédits de paiement du fait qu'ils intègrent désormais la redevance d'archéologie préventive (RAP), provisionnée à hauteur de 118 millions d'euros.

La budgétisation de la RAP est une bonne nouvelle ; elle va permettre à l'Institut national pour l'archéologie nationale, l'Inrap, d'en finir avec l'incertitude permanente sur le montant de son budget, situation que nous déplorons depuis de nombreuses années. Cependant, il nous faut résister à la tentation de revenir au monopole de l'Inrap, les pressions sont évidentes, nous le verrons en examinant le projet de loi « liberté de création, architecture et patrimoine » (LCAP) : rappelons-nous, mes chers collègues, ce qu'il en était au temps du monopole, pour les délais, les coûts et les retards, et sachons défendre les apports de la concurrence, qui a permis aux collectivités territoriales d'organiser des services archéologiques et à des entreprises privées - la plupart créées par d'anciens de l'Inrap - de proposer également leurs services, au bénéfice de l'archéologie préventive. Gardons-nous de revenir en arrière !

Les opérateurs du programme 175, ensuite, en ont trop souvent été la variable d'ajustement : ce n'est pas le cas cette année, semble-t-il, même si je note qu'un million d'euros est retiré au Musée d'Orsay et deux millions au Louvre, du fait de leur capacité d'autofinancement, c'est-à-dire de leur réussite...

Le Centre des monuments français (CMN) demande plus de souplesse dans la gestion des emplois de manière à élargir l'amplitude horaire d'ouverture de certains monuments. Le président du CMN m'a donné l'exemple de l'Arc-de-Triomphe, qui n'ouvre qu'à 10 heures du matin alors que des touristes, arrivés d'Asie dès l'aube à Roissy, pourraient apprécier d'y petit-déjeuner. De façon également regrettable, des musées du sud de la France ferment l'été en fin d'après-midi, à l'heure où des touristes demandent à s'y rendre : pourquoi ne pas adapter davantage les horaires à la demande, de façon saisonnière ? Ne pourrait-on pas, puisque le plafond d'emplois est intouchable, en exclure l'emploi saisonnier, qui représente tout de même 82 équivalents temps-plein au CMN ? La ministre m'a dit, hier, qu'elle y travaillait. Je suivrai ce dossier et j'espère que nous trouverons une solution, utile à la valorisation de notre patrimoine et, finalement, à l'attractivité de notre pays.

Mes chers collègues, je m'apprêtais à vous proposer un avis de sagesse à l'adoption des crédits du programme, mais le « rabot » de 5 millions d'euros sur le programme 175 me fait pencher pour un avis défavorable : la ministre m'a répondu hier que ces économies seraient faites plutôt sur de grands chantiers de l'État, pas sur des opérations conjointes avec les collectivités territoriales, ce n'est guère satisfaisant pour autant. L'inquiétude des professionnels est manifeste, ils me l'ont dit en audition, des entreprises ferment, 300 emplois auraient été perdus l'an passé, déjà 230 cette année : c'est chaque fois un drame économique, social, mais c'est aussi une perte très difficile à réparer pour nos savoir-faire, il ne faut pas que les crédits baissent pour les monuments historiques !

Je m'inquiète, également, que Bercy annonce pour 2015 une diminution de moitié pour le produit des successions en déshérence car, - depuis un amendement de notre collègue Yann Gaillard à la loi de finances pour 2005 -, c'est une source très importante de financement pour la Fondation du patrimoine, pour les milliers de rénovations qu'elle aide chaque année, le plus souvent conduites par des propriétaires privés sur leur patrimoine vernaculaire, non classé ni inscrit. Les successions en déshérence rapportent entre 8 et 11 millions d'euros par an depuis dix ans, mais 4 millions d'euros seulement en 2015, voire moins les années suivantes, ces moyens vont nous manquer cruellement, il faut en tenir compte.

L'argent public manque, nos collectivités territoriales doivent faire des arbitrages, trop souvent au détriment du patrimoine, je crois que nous devons trouver de nouvelles solutions de financement. Notre collègue Vincent Eblé vient de publier un rapport d'information sur « la dépense fiscale et la préservation du patrimoine historique bâti », je crois qu'il présentera des amendements en séance, nous pourrons lui apporter notre soutien. Nous devrons examiner toutes les pistes, y compris celles d'un élargissement des possibilités d'implantation de bâches publicitaires, d'un Loto affecté au patrimoine, d'un élargissement du mécénat : les idées ne manquent pas !

En attendant, je vous propose de donner un avis défavorable aux crédits de la mission « culture ».

M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis des crédits du programme « Transmission des savoirs et démocratisation culturelle ». - Les crédits du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », représentent un peu plus d'un milliard d'euros dont les deux-tiers vont aux « fonctions supports » du ministère, c'est-à-dire principalement aux personnels, aux locaux et aux équipements du ministère de la culture et de la communication.

Je commencerai par les points de satisfaction. D'abord une hausse d'ensemble des crédits de programme : pour 2016, ce programme gagne 38 millions d'euros en autorisations d'engagement, ce qui représente +3,4 %, et 21 millions en crédits de paiement (+2 %). Cette hausse est concentrée sur la transmission des savoirs et la démocratisation culturelle : les crédits des fonctions support du ministère progressent de 1,2 %, alors que le reste du programme, c'est-à-dire les subventions aux écoles d'art et d'architecture, les actions ciblées en matière de démocratisation culturelle, gagnent 29,3 millions d'euros, soit + 7,7 %. Cette augmentation est continue depuis trois ans, il faut le signaler : en trois ans, les crédits ciblés sur la transmission des savoirs et la démocratisation culturelle ont progressé de 30%.

Deuxième point de satisfaction, le retour de l'État dans le soutien aux conservatoires. Nous n'avons pas ménagé nos efforts, et tout particulièrement notre présidente, pour que le Gouvernement revienne sur sa décision de se désengager complètement ; je rappelle que, l'an passé, nous n'avions pas voté le budget « culture » précisément pour dénoncer ce désengagement de l'État vis-à-vis des conservatoires. La ministre a fait un virage à 180 degrés, elle a reconnu que ce désengagement était une erreur et elle présente cette année un « plan conservatoires » doté de 13,5 millions d'euros : c'est 8 millions de plus que le « plancher » atteint l'an passé. Cependant, ce plan ne représente que la moitié des 27 millions d'euros que l'État consacrait aux conservatoires à rayonnement régional et départemental il y a trois ans.

Ensuite et surtout, comme pour d'autres politiques culturelles, l'État veut « redéfinir » les modalités de l'aide ; on nous parle de « refondre les procédures de classement » pour « ouvrir les conservatoires à la diversité », on nous dit qu'il faut « moderniser » la pédagogie et l'offre des conservatoires, pour « être au plus près des aspirations de nos concitoyens ». En réalité, les conservatoires s'ouvrent depuis longtemps à leur environnement ; les musiques, la danse et le théâtre actuels y ont leur place. La réalité de terrain, c'est que le retrait de l'État et sa focalisation sur « la professionnalisation des artistes » a provoqué des dégâts : des postes ont été supprimés, les tarifs ont dû être augmentés, c'est plutôt cela qui éloigne nos concitoyens des conservatoires ! La réalité, c'est que les conservatoires sont le plus souvent disposés à coopérer avec leur environnement, en particulier l'Éducation nationale : il faut développer ces coopérations, je pense en particulier à des classes de pratiques artistiques où des collégiens viennent deux fois par semaine au conservatoire, cela demande des instructions interministérielles.

Je sors du cadre strictement budgétaire, mais c'est nécessaire parce que c'est la toile de fond : nous avons besoin d'une mobilisation bien plus importante pour les enseignements artistiques, je le précise dans mon rapport écrit, en particulier pour soutenir la proposition de notre présidente pour une véritable décentralisation, avec transfert des crédits correspondants.

Autre mesure mise en avant par le ministère, le plan d'éducation artistique est renforcé, pour des actions avec les scolaires, avec des publics et des territoires prioritaires. Les crédits augmentent, c'est une bonne chose même s'ils restent très en-deçà des besoins pour rattraper les écarts au sein de la population comme entre territoires. Ainsi, le plan d'éducation artistique gagne 45% : c'est une belle affiche, mais on parle là de 4,5 millions d'euros supplémentaires à l'échelle du territoire national et pour des objectifs ambitieux...

Même chose pour les bourses sur critères sociaux, dont les crédits augmenteront de 7% l'an prochain -ils auront progressé d'un tiers en quatre ans. C'est appréciable mais là encore, on parle de 8 millions d'euros supplémentaires sur quatre années, qu'il faut comparer à l'augmentation des frais scolaires et hors scolaires des étudiants qui sont eux-mêmes en nombre croissant... Surtout, les étudiants en art accèdent moins facilement aux bourses que dans les autres matières, c'est un héritage dont il faut se défaire, les Assises de la jeune création ont évoqué le sujet et nous devrons y revenir.

S'agissant de l'enseignement supérieur, je salue l'effort d'investissement dans les établissements : plusieurs rénovations importantes ont eu lieu ces dernières années, elles se poursuivent et cet effort d'investissement est significatif. En revanche, je m'inquiète pour le développement de la recherche dans les écoles d'art et d'architecture : c'est une obligation pour l'intégration au schéma Licence Master Doctorat du processus de Bologne, mais les moyens ne suivent pas et le « bleu budgétaire » n'est pas clair du tout : il mentionne 1 million d'euros, mais l'appel à projet pour les écoles territoriales ne dépasse pas 600 000 euros : les associations m'ont alerté, il faut plus de transparence.

La ministre a annoncé la création d'un statut pour les professeurs des écoles supérieures d'art territoriales, c'est un véritable sujet pour que nos écoles territoriales ne décrochent pas et je crois que l'Etat doit davantage les aider à se mettre aux nouveaux standards.

Un mot sur les fonctions support, c'est-à-dire les quelque 760 millions d'euros que ce programme réserve aux équipes, aux équipements et aux locaux du ministère : la hausse est contenue à 1,3% et les marges vont servir, grâce à des économies internes, à revaloriser une partie des carrières, c'est important pour le ministère de la culture où les rémunérations sont moindres que dans les autres ministères. On m'a dit qu'à responsabilités égales, les écarts pouvaient atteindre jusqu'au tiers de la rémunération d'ensemble, entre la culture et les finances. Cela m'a surpris et je m'interroge sur la légitimité de tels écarts entre administrations centrales.

Voilà, mes chers collègues, il y a certes un léger mieux par rapport à l'an passé, mais je crois que nous devons marquer clairement que nous attendions davantage pour les conservatoires et pour les enseignements artistiques en général : c'est pourquoi je vous propose un avis défavorable sur ces crédits.

M. David Assouline , rapporteur pour avis des crédits du programme « Création » et du soutien public au cinéma. - « A la barbarie, nous devons opposer l'invincible humanité de la culture » : c'est ainsi que le Président de la République a conclu son propos hier à l'Unesco et c'est dans cette perspective que nous devons examiner les moyens que nous mettons dans la culture. Je sais que nous en sommes tous convaincus, que nous partageons tous, ici, cet engagement pour la culture - mais aussi que ce n'est pas le cas de tous nos collègues, que nous devons nous battre pour que cet engagement se traduise en actes, en moyens.

C'est pourquoi je veux souligner l'importance politique de la progression des crédits du programme 131 « Création » et du soutien public au cinéma : la tendance amorcée l'an passé se confirme avec ce projet de loi de finances, c'est un acte politique fort. L'an passé, j'avais été soulagé de voir cesser la baisse des crédits culturels, nous avions marqué un palier ! Cette année, le budget de la culture augmente, nous devons d'autant plus nous satisfaire de cette hausse qu'elle se produit au moment où les dépenses publiques diminuent. Et c'est d'autant plus utile que nous allons débattre très bientôt de la LCAP : sans cette hausse des crédits, nos débats législatifs auraient été virtuels, nos grandes ambitions laissées sans moyens.

La question se pose dans des termes très proches pour les collectivités territoriales. Comme l'État, elles doivent s'adapter aux contraintes nouvelles, mais alors que l'État fait le choix de maintenir ses crédits à la culture, elles ne peuvent pas toujours s'abriter derrière la baisse des dotations pour justifier le recul de leur participation à des projets culturels. C'est même précisément en période de crise et quand les moyens baissent, que les choix deviennent plus aigus et que celui de la culture devient plus important - car la culture c'est d'abord l'expérience positive d'être ensemble, d'être autre, c'est du lien social.

J'en viens aux crédits du programme 131 « Création » : les autorisations d'engagement gagnent 16 millions d'euros (+2,25 %), les crédits de paiement progressent de 9,7 millions d'euros (+1,3 %). Cette augmentation d'ensemble est un premier motif de satisfaction.

Je déplore depuis plusieurs années que les arts plastiques, avec à peine 10 % des crédits, soient le « parent pauvre » du programme « création » - même s'il faut prendre en compte, au-delà de la nomenclature, les apports des grands équipements dont les budgets figurent au spectacle vivant. Cette année, il y a un mouvement de rattrapage, puisque les deux-tiers des crédits supplémentaires vont aux arts plastiques, au parent pauvre : l'action 2 progresse même de 11,5 % en autorisations d'engagement.

Troisième point de satisfaction, l'accent mis sur l'accès à la culture, sur le soutien à la jeune création et au renouvellement des esthétiques, sur l'aménagement culturel du territoire et sur des mesures très utiles dans la vie des artistes, comme les résidences pour les plasticiens ou le soutien aux « scènes de musiques actuelles » (SMAC) ou encore aux festivals, j'y reviendrai.

La stratégie de l'État est claire, bien formulée, en particulier l'intention de faire mieux avec des moyens très contraints : le ministère est plus exigeant avec ses opérateurs, il leur demande des contrats d'objectifs, d'accueillir des artistes en résidence, de développer la co-production et la co-diffusion, de renforcer l'éducation artistique et culturelle : tout ceci se retrouve dans la politique des labels dont nous allons reparler dans la loi prochaine. L'intention est très bonne également, quand on parle de soutenir des outils de création mutualisés, des « tiers lieux et lieux intermédiaires », des « foyers de jeunes créateurs », quand on encourage, comme les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) le font à une échelle expérimentale, la diffusion de spectacles vivants et d'expositions dans toutes sortes de lieux : les idées ne manquent pas et le ministère est à l'écoute, c'est le sens des Assises de la jeune création qu'il a lancées au printemps dernier et qui ont été fructueuses.

Nous nous saisirons de tous ces sujets lors de l'examen de la LCAP mais le mouvement a déjà commencé : dans les « pactes culturels » que le ministère signe avec les collectivités, dans les contrats d'objectifs en cours de négociation, et y compris dans la mise en oeuvre de la réforme territoriale. Le Gouvernement se mobilise pour la culture, nous l'avions vu sur le dossier des intermittents, cette loi de finances le confirme..

Nous devons également nous assurer que les progrès de méthode et les intentions se traduisent en actes conséquents et pas seulement en expérimentations ponctuelles : notre rôle est bien de conforter la réforme, de la faire aller aussi loin que possible.

C'est pourquoi, au-delà de cette satisfaction d'ensemble, je pose dans mon rapport quelques jalons et quelques questions utiles à notre travail dans le projet de loi à venir.

S'agissant des moyens nouveaux dédiés aux arts plastiques, attention aux effets d'annonce : sur trois millions d'euros d'actions nouvelles pour les arts plastiques, un million va au déménagement du Centre national des arts plastiques(CNAP), un autre au projet de la « tour Médicis » à Montfermeil... si bien qu'il ne reste qu'un million d'euros supplémentaire à partager entre les 22 Fonds régionaux d'art contemporain (FRAC), les 48 centres d'art conventionnés, le réseau des résidences et l'ensemble de la commande publique. Le CNAP doit probablement déménager, la « tour Médicis » est certainement un bon projet, mais comment la mobilisation annoncée pour les artistes sera-t-elle perçue si les moyens vont majoritairement au déménagement d'une institution et à un projet qui ne verra pas le jour avant quelques années ?

Autre sujet sur lequel nous devons avancer, la protection sociale des artistes plasticiens, la structuration de leurs professions au sens large. Je le souligne depuis plusieurs années : beaucoup de plasticiens vivent en dessous du seuil de pauvreté, leurs droits d'auteur sont bafoués, y compris par les établissements publics, leurs droits sociaux sont mal gérés, il n'existe toujours pas de convention collective spécifique car le ministère du travail ne répond pas aux demandes du ministère de la culture pour négocier. Il est grand temps d'avancer ces sujets, ou bien nos progrès budgétaires sur le programme « création » paraîtront dérisoires.

Deux mots, enfin, sur la situation des festivals, après une année que la « cartocrise », sur internet, a fait paraître particulièrement sombre. Je fais un point dans mon rapport, le diagnostic est plus nuancé que dans la « cartocrise » mais il faut savoir que les festivals, même les plus grands, sont fragiles, et que quand ils sont annulés, parfois pour un manque de quelques milliers d'euros seulement, il est très difficile de faire machine arrière, nous devons y faire très attention.

J'en viens au soutien public en faveur du cinéma. Son niveau élevé, via les taxes affectées au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et les différents dispositifs de crédit d'impôt au bénéfice des producteurs, constitue un cas d'école que l'Europe nous envie, d'autant que leur efficacité ne cesse de progresser. Le succès de nos productions ne cesse de conforter ce choix politique : le cinéma français a encore brillé dans les salles en 2014. Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ?, Supercondriaque et Lucy ont attiré des millions de spectateurs. À l'affiche, plus de 340 oeuvres originales françaises ont continué à faire vivre l'industrie culturelle la plus populaire, ses milliers d'entreprises et ses 250 000 emplois directs. Le succès de notre cinéma bénéficie à la renommée et à l'image de la France de par le monde.

Dans son rapport d'avril 2014 relatif aux soutiens à la production cinématographique et audiovisuelle, la Cour des comptes soulignait d'ailleurs les résultats indéniables d'une politique conduite en France avec vigueur et constance depuis plus de soixante-cinq ans, toutes majorités politiques confondues.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, le Gouvernement - en cohérence avec des engagements pris par le Premier ministre au Festival de Cannes en faveur de la culture - fait le choix de poursuivre son effort budgétaire à destination du cinéma : comme je l'avais proposé l'an passé, le crédit d'impôt cinéma est sensiblement renforcé, tandis que, pour la deuxième année consécutive, l'affectation des taxes au fonds de soutien du CNC est intégralement préservée.

L'opérateur n'est toutefois pas à l'abri d'une nouvelle offensive contre ces ressources. Je ne puis, à cet égard, souscrire à la proposition de nos collègues de la commission des finances de plafonner le niveau des taxes dont bénéficie le CNC, alors même que leur moindre rendement, année après année, oblige l'opérateur à puiser dans ses réserves pour maintenir son niveau d'intervention.

Par ailleurs, les difficultés de la majorité des films français à l'exportation, la délocalisation trop fréquente des tournages et l'échec relatif de la lutte contre le piratage, qui constitue un manque à gagner réel pour l'industrie du cinéma, représentent autant d'ombres au tableau du satisfecit général apporté au système français de soutien au cinéma.

Des aménagements sont nécessaires, afin d'adapter les outils, notamment fiscaux, et les règles applicables aux évolutions de l'écosystème du cinéma. Il en va du maintien d'une production aussi qualitative que diversifiée, qui constitue aujourd'hui un objet de fierté nationale.

C'est pourquoi, je salue le dispositif proposé à l'article 44 du présent projet de loi de finances, qui, pour tenter de relocaliser les tournages d'oeuvres cinématographiques sur le territoire national, améliore sensiblement les modalités d'application du crédit d'impôt cinéma. Ainsi, le plafond des dépenses éligibles par films et porté de 4 millions d'euros à 30 millions d'euros ; les films en langue étrangère pourront bénéficier du dispositif sous certaines conditions ; l'ensemble des oeuvres se verra attribuer un taux de 30 % de crédit d'impôt.

Le pari est audacieux mais nécessaire : nous ne pouvons tolérer éternellement que tant de producteurs français, pour des raisons économiques, tournent leurs oeuvres à l'étranger, où, à l'instar de la Belgique ou de la Grande-Bretagne, les pouvoirs publics n'hésitent nullement à proposer une fiscalité favorable à l'industrie cinématographique. Il en va du maintien de nos emplois et de nos savoir-faire.

Se satisfaire de ce nouvel aménagement du crédit d'impôt cinéma serait toutefois oublier un peu vite que la délocalisation des tournages concerne également un nombre croissant de fictions audiovisuelles, genre coûteux mais dans lequel la France peine à s'imposer comme une grande nation de production. C'est pourquoi, mes chers collègues, j'avais envisagé de vous proposer de porter le crédit d'impôt les concernant de 20 à 25 % des dépenses éligibles, c'est-à-dire à un taux équivalent à celui qui s'applique aux fictions audiovisuelles d'animation. Toutefois, et je ne peux que saluer cette initiative, l'Assemblée nationale a adopté vendredi dernier en séance publique un dispositif identique doublé d'une augmentation des plafonds applicables aux dépenses éligibles. Vous comprendrez que je vous invite à maintenir l'article 44 dans sa rédaction issue des travaux de nos collègues députés.

Compte tenu de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Création», au sein de la mission « Culture ».

Mme Sylvie Robert. - L'augmentation du budget de la culture est une bonne nouvelle, qui prend un relief tout particulier dans le contexte actuel et qui nous permettra d'aborder l'examen du projet de loi « Liberté de la création, architecture et patrimoine » dans de bonnes conditions.

Je me réjouis tout particulièrement de l'augmentation des crédits consacrés à l'éducation artistique et culturelle ainsi que de la signature de pactes culturels entre l'État et des collectivités territoriales. Nous assistons toutefois à une légère diminution des crédits déconcentrés de l'État : restons vigilants !

Je suis également satisfaite des moyens alloués aux résidences d'artistes ainsi qu'aux lieux intermédiaires. Ces crédits permettront d'accompagner le développement de projets pluridisciplinaires et hybrides.

Enfin, s'agissant des arts plastiques qui demeurent le « parent pauvre » de nos politiques culturelles, je rejoins les réserves émises par notre collègue David Assouline.

Le groupe socialiste et républicain donnera un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture ».

Mme Marie-Christine Blandin. - Après plusieurs années de baisse ou de stagnation, l'augmentation du budget de la culture va apporter de l'oxygène au secteur. Nous resterons toutefois vigilants aux éventuels glissements budgétaires et nous regarderons de près ce qu'il en deviendra du « rabot » qui vient tout juste de s'abattre sur cette mission : la ministre nous a dit hier que l'éducation artistique et cultuelle ne serait pas touchée, c'est déjà une bonne chose.

Les moyens du CNC sont constamment rognés soit par le ministère des finances soit par la commission des finances de notre assemblée. Je propose que ses missions soient étendues à la mise en accessibilité des petites salles « Art et Essai ».

Il faut aussi que le dossier des droits sociaux des artistes plasticiens avance auprès du ministère du travail. J'encourage notre Présidente à se rapprocher de son homologue de la commission des affaires sociales afin de suivre, de concert, cet important dossier et de tâcher d'y apporter plus de clarté. Des associations nous alertent que des mutuelles se seraient enrichies, alors que les bases des droits sociaux ne seraient pas garanties, par manque de financements de l'État ; il faudrait au s'en assurer.

Enfin, je suis très inquiète d'une forme de myopie du ministère de la culture et de la communication, qui dialogue avec les grandes institutions culturelles de notre pays, sans prêter l'oreille à ce qui se passe dans bien des quartiers et des territoires. Il ne voit pas non plus que les droits culturels de millions d'individus ne sont pas reconnus. Nous avons, au Sénat, fait inscrire dans la loi que sur chaque territoire, les droits culturels des citoyens sont garantis par l'exercice conjoint de la compétence en matière de culture, par l'État et les collectivités territoriales : les droits culturels, c'est la reconnaissance de chacun dans son égale dignité ; cela donne les meilleurs résultats, je pourrais vous en citer beaucoup d'exemples.

Le groupe écologiste donnera un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture ».

Mme Françoise Férat. - Je partage les inquiétudes de notre rapporteur Philippe Nachbar sur l'organisation actuelle de l'archéologie préventive. Savez-vous si l'Inrap a pris des engagements en contrepartie de la budgétisation de la RAP ?

M. Jean-Claude Carle. - Le financement des conservatoires est un sujet cher à notre Présidente : quelles pistes de financement sont envisageables ? Par ailleurs, d'où proviennent les écarts de rémunération entre agents de différents ministères ?

Mme Françoise Laborde. - Le budget qui nous est présenté est plutôt satisfaisant, que ce soit sur l'éducation artistique, l'amélioration de la vie des étudiants ou les crédits consacrés aux conservatoires. Nous resterons cependant vigilants à ce que des coupes sombres n'interviennent pas en dernière minute.

Le groupe RDSE donnera un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture ».

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Ce budget en hausse constitue un signe positif. Je m'interroge cependant sur son caractère suffisant au regard des enjeux auxquels nous faisons face et de nos ambitions. En particulier, la revalorisation des droits sociaux des artistes plasticiens ou encore la nécessaire poursuite de l'amélioration du statut des intermittents du spectacle nécessiteront des moyens supplémentaires. J'appelle donc une nouvelle fois de mes voeux notre sortie du pacte de stabilité européen.

Le groupe CRC s'abstiendra lors du vote sur l'avis à donner sur les crédits de la mission « Culture ».

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. - À ma connaissance, Madame Férat, il n'y a pas de contrepartie de l'Inrap à la budgétisation de la RAP ; il s'agit surtout de mettre fin à une situation anormale, où l'Institut était incapable de payer ses 2100 salariés et d'assurer ses missions de service public. La budgétisation, cependant, représente un effort public incontestable : l'examen de » la LCAP sera l'occasion de demander des contreparties à l'Inrap.

M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis. - Les crédits augmentent, c'est une réalité, mais nous devons examiner les choses comme elles sont : le plan d'éducation artistique et culturelle voit ses moyens bondir de 45%, c'est une belle affiche, mais cela représente en fait 4,5 millions d'euros à l'échelle nationale, à diviser entre la centaine de départements, cela ne fait pas beaucoup pour chacun.

Même chose pour les conservatoires : le retour de l'État est une bonne chose, mais avec 8 millions d'euros supplémentaires, on en reste à une aide très ponctuelle, surtout après la régression des dernières années. Des postes ont été supprimés, les tarifs augmentés, des familles ont dû renoncer à inscrire leurs enfants au conservatoire. Le Gouvernement revient sur son erreur, c'est un fait, mais il ne nous donne pas pour autant satisfaction puisqu'il ne rétablit pas les moyens qu'il a supprimés depuis 2012.

La différence de revenus entre les fonctionnaires des ministères des finances et de la culture tient essentiellement aux primes. Je ne m'explique pas qu'il puisse y avoir de telles disparités entre fonctionnaires, elles posent des difficultés de recrutement à la culture et c'est certainement dommageable.

Sur les coupes qui seront réalisées dans le programme 224 pour trouver les 5 millions du « rabot », la ministre m'a seulement répondu, hier, qu'elle y travaillait et qu'elle nous tiendrait informés.

Ce projet de loi de finances apporte donc un petit bol d'oxygène au programme 224, c'est évidemment mieux que les années précédentes mais ce n'est pas satisfaisant pour autant, surtout dans le contexte présent où les problèmes vont être aggravés par la réforme territoriale : les DRAC ne savent pas comment elles vont fonctionner, les associations sont dans le flou le plus total, les collectivités territoriales vont devoir suppléer les retraits de l'État, les familles fournir davantage d'efforts encore ; dans ces conditions, notre devoir politique est de dire que ce n'est pas satisfaisant !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - J'ajoute que la baisse des dotations aux collectivités territoriales se répercute sur les conservatoires, y compris sur ceux qui sont prioritaires.

M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis. - Effectivement, les collectivités territoriales n'ont souvent pas d'autre choix que de répercuter la baisse des moyens.

M. David Assouline, rapporteur pour avis. - Vous êtes dans la posture politique ! Nous pouvons comprendre que l'exigence pousse à vouloir toujours mieux, mais en venir à voter contre un budget de la culture qui augmente alors que la plupart des autres budgets sont en baisse, c'est tout à fait inédit et nous prenons date. L'Etat fait des économies budgétaires, le Gouvernement en préserve la culture, parce qu'il fait le choix politique de la culture, mais vous votez contre - et vous qui demandez davantage pour la culture, j'espère que vous serez cohérents avec ceux qui proposent aujourd'hui de diminuer les dépenses publiques de 130 milliards d'euros ! Comme rapporteur pour avis, y compris sous un Gouvernement de droite, je n'ai jamais donné un avis défavorable à budget de la culture en augmentation.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Veuillez répondre précisément aux questions qui vous ont été posées...

M. David Assouline, rapporteur pour avis. - Je ne m'écarte pas davantage du budget que mes collègues ne l'ont fait, ils ont donné un fort accent politique à leur avis, je me devais de leur répondre.

Les crédits déconcentrés, Madame Robert, sont en augmentation et les DRAC les distribuent, sur l'ensemble des territoires, à l'ensemble des structures et lieux, pas seulement à ceux qui sont labellisés.

Effectivement, Madame Blandin, les droits sociaux des plasticiens sont mal gérés. La ministre m'a répondu hier qu'elle allait saisir la nouvelle ministre du travail de ce sujet, nous pouvons espérer des progrès et je veillerai de près sur l'état d'avancement de ce sujet.

S'agissant du financement des travaux d'accessibilité des salles de cinéma évoqué par Marie-Christine Blandin, il pourrait être utilement envisagé une participation du CNC sous forme d'une subvention aux établissements. Un système d'aides leur avait déjà bénéficié au profit de leurs investissements numériques : unique au monde et particulièrement efficace, le dispositif a permis de moderniser le parc de salles français sans le réduire. A contrario, en Espagne, où la mise en place d'un système d'aide tel qu'il en existe en France est désormais réclamée, le processus de numérisation, coûteux, a conduit les établissements cinématographiques les plus fragiles à la fermeture. La numérisation de notre parc étant achevée, une partie des crédits qui y était destinée pourrait dès lors être consacrée aux travaux d'accessibilité. À cette fin, les distributeurs, dont l'assise financière est conséquente, pourraient être mis à contribution. Membre du conseil d'administration du CNC, je m'engage à étudier de plus près avec l'opérateur l'opportunité de mettre en oeuvre un tel dispositif.

Mme Marie-Annick Duchêne. - Nous nous réjouissons tous de l'augmentation de ce budget mais il ne fait que retrouver son niveau de 2012 ...

Je m'inquiète de la baisse des ressources issues du mécénat pour le château de Versailles, qui a obligé l'État à réabonder ses crédits, alors que les besoins sont immenses.

Je m'interroge aussi sur l'élargissement des horaires et des jours de visite de Versailles, du Louvre et du musée d'Orsay : est-ce le bon moment pour y procéder ?

Enfin, je déplore le désengagement de la DRAC du financement du conservatoire de Versailles : celui-ci avait reçu plus de 312 000 euros en 2011, et rien en 2015. A ce désengagement de l'État, s'ajoute celui des départements en raison de la baisse des dotations en provenance du budget de l'État.

Mme Marie-Pierre Monier. - L'augmentation du budget de la culture, qui permet de lutter contre le repli sur soi et l'obscurantisme, est un signe très positif. Je m'en réjouis, tout particulièrement en ce qui concerne le patrimoine.

Je suis tout à fait favorable au principe de l'ouverture 7 jours sur 7 de certains établissements, avec une journée dédiée aux publics scolaires ; 65 créations d'emplois ont été annoncées par la ministre pour permettre ces ouvertures élargies, c'est une très bonne chose.

Je me réjouis de la décision de budgétisation de la RAP qui permettra à l'Inrap de disposer de ressources plus stables et d'apurer progressivement les dettes qu'il a contractées auprès d'autres opérateurs.

Même chose pour les crédits dédiés au patrimoine monumental : leur augmentation permettra de développer l'activité et l'emploi sur les territoires.

Nous avions l'occasion de donner un avis favorable, pour saluer cette hausse, je regrette que vous n'ayez pas pris cette voie.

M. Jean-Pierre Leleux. - Effectivement, mieux vaut une augmentation que la baisse que nous avons connue en en 2013 et 2014, ou que la stagnation de l'an passé. La sincérité oblige cependant à dire que dans les 2,7 % d'augmentation pour la culture, une part non négligeable vient de la budgétisation de la RAP. Et finalement, nous sommes tout juste au niveau de 2012...

Monsieur Nachbar, les crédits aux études pour les aires de valorisation du patrimoine (AVAP), aux conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) ainsi qu'aux villes d'art et d'histoire, vont-ils augmenter l'an prochain, ou diminuer ?

Je soutiens notre collègue David Assouline dans ses combats en faveur de l'élargissement du champ du crédit d'impôt ainsi qu'en faveur du financement du CNC. Les avancées sur ces sujets me rendraient presque enclin à voter les crédits de la mission « Culture », tant nous nous sommes battus, unanimement, pour les obtenir. Je n'ai donc pas de posture politicienne sur ce budget.

M. Christian Manable. - Si ce budget n'est certes pas la Symphonie héroïque, nous sommes cependant encore loin de La mort du cygne : il augmente dans un contexte de disette budgétaire, il ne faut pas le dire mezza voce ! Je suis d'avis de suivre l'appel plein de sagesse de notre collègue Jean-Pierre Leleux et je voterai les crédits de la mission « Culture ».

M. Jacques Grosperrin. - On pourrait être tenté, effectivement, après trois années de baisse ou de surplace, de voter des crédits qui augmentent. Mais rappelons-nous qu'en mai dernier, le Premier ministre a publiquement reconnu que « cela avait été une erreur de baisser le budget de la culture au-delà des nécessité de la lutte contre l'endettement et de la lutte contre les déficits publics ». « Au-delà », cela veut donc dire que le chemin parcouru dans le mauvais sens n'est peut-être pas rattrapé... Avec ce budget, le Gouvernement fait-il vraiment machine arrière ? Est-il même sincère, quand un « rabot » arrive à la dernière minute ? Je crois qu'il est prudent, dans ces conditions, de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.

Mme Françoise Cartron. - Dans le contexte difficile qui est le nôtre aujourd'hui, nous avons besoin d'un message d'espoir. Ce budget en est un : c'est par la culture que nous remporterons nos victoires contre l'obscurantisme.

Nous avons également un nouveau défi à relever, celui de la sécurisation des salles de cinéma, en particulier des petites salles qui, dans nos territoires ruraux, sont parfois le principal lieu de culture et de rencontre.

Mme Colette Mélot. - Je voudrais profiter de cette occasion pour évoquer la remarquable campagne de restauration du château de Fontainebleau, engagée par Renaud Donnedieu de Vabres lorsqu'il était ministre de la culture, poursuivie par son successeur Frédéric Mitterrand et désormais achevée.

S'agissant des crédits du budget de la culture pour 2016, je constate qu'ils n'ont pas encore atteint le niveau qui était le leur en 2012.

M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis. - Le soutien de l'Etat aux conservatoires était de 27 millions d'euros en 2012, le Gouvernement parle aujourd'hui d'un « plan conservatoires » de 13,5 millions d'euros, c'est la moitié et les conditions d'accès en sont plus sévères ! Ceci après plusieurs années de recul, qui ont fait des dégâts : les conservatoires ont subi la double peine, avec le retrait de l'Etat et des collectivités territoriales contraintes par la baisse des dotations, il est de notre devoir de le dire. Je m'inquiète, en plus, de la mise en place des schémas départementaux, car des intercommunalités pourraient ne pas reconduire leur compétence sur les conservatoires : que se passera-t-il, alors, pour les conservatoires ?

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. - L'ouverture 7 jours sur 7 me paraît une bonne chose, Madame Duchêne, et la ministre a répondu à mes inquiétudes hier en annonçant la création de 65 postes : c'est une condition à cette ouverture, tout le monde en est bien conscient et je suivrai ce dossier.

Les crédits aux études pour les AVAP, aux CAUE et au label « Villes d'art et d'histoire », Monsieur Leleux, sont stables, à 3,5 millions d'euros.

La restauration du château de Fontainebleau, lancée l'an passé, est une grande opération d'un montant global de 114 millions d'euros prévue sur douze ans, donc jusqu'en 2026.

M. David Assouline, rapporteur pour avis. - Comme Mme Cartron, je pense que la sécurisation des salles de spectacle requiert une aide spécifique, nous ne sommes pas dans le registre de la mise aux normes. Je crois aussi qu'il faut prêter la plus grande attention aux décisions de fermer les salles, eu égard à leur rôle dans la vie sociale de notre pays.

Je vous remercie, Monsieur Leleux, d'avoir distingué le sort que vous réserviez au programme 131 « Création » en précisant que vous souhaiteriez donner un avis favorable, parce que, sans me mêler de l'opinion des autres rapporteurs pour avis, je crois très important de manquer notre satisfaction quand les crédits de la culture progressent : les chiffres sont là, ces crédits augmentent de manière sûre et certaine.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - L'avis de la commission porte sur la mission « Culture » dans son ensemble, pas sur les programmes.

M. Jean-Pierre Leleux. - Dans le fond, je suis d'accord avec chacun des rapporteurs pour avis et je fais miens leurs arguments : pour en donner un signal, je m'abstiendrai.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2016.

Questions diverses

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. -Pour terminer je laisse la parole à notre collègue Jean-Pierre Leleux qui souhaite vous présenter deux projets d'amendement sur la première partie du projet de loi de finances alors que le délai limite est fixé à 11 heures.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel. - Le premier amendement que je souhaite vous proposer vise à supprimer la hausse de la taxe sur les opérateurs de communication électronique (TOCE) de 0,9 % à 1%, adoptée à l'Assemblée nationale. La TOCE a été créée en 2009 pour compenser la baisse des recettes de publicité de France Télévisions et il n'y a pas de raison d'en augmenter le taux alors que son produit actuel permettrait de financer les 140,5 millions d'euros affectés à France Télévisions.

Le second amendement vise à affecter les 140,5 millions d'euros mentionnés précédemment à France Télévisions sur la base du produit de la TOCE au taux de 0,9 % actuel.

M. David Assouline. - L'augmentation de la TOCE permet de répondre au déficit structurel de France Télévisions et à la hausse limitée de 1 euro de la contribution à l'audiovisuel public (CAP). Vous dites être opposé à la hausse de la TOCE et pour une affectation du produit des 0,9 %. Or en supprimant la recette, il ne sera pas possible d'affecter des crédits à France Télévisions car ceux-ci ont déjà été déployés par ailleurs dans le budget et on ne sait pas où ces crédits seraient pris. Le succès des enchères sur la bande des 700 MHz, qui ont permis d'obtenir 2,8 milliards d'euros, prouve que les opérateurs de télécommunication trouvent leur intérêt dans la vente d'abonnements grâce aux contenus qu'ils distribuent.

M. Michel Savin. - Quels crédits du budget général seraient impactés par l'annulation de la hausse de la TOCE.

M. Jean-Pierre Leleux. - Le Parlement a adopté, en 2009, la création d'une taxe dont le produit est aujourd'hui détourné de son objet. Je suis opposé à la hausse du taux de cette taxe et les amendements que je vous propose visent à préserver la situation de France Télévisions. C'est une question de principe. Je souhaite une réforme de la contribution à l'audiovisuel public ; en l'absence de celle-ci, il faut un signal. Le premier des amendements est identique à celui déposé par le rapporteur général de la commission des finances et le second permet de sécuriser les 140,5 millions d'euros affectés à France Télévisions.

Mme Marie-Christine Blandin. - Ce débat est surprenant sur la forme puisque nous n'avons pas encore examiné la mission Médias, livre et industries culturelles, mais nous n'avons pas d'autre choix compte tenu des modalités d'examen du projet de loi de finances.

Sur le fond, nous nous prononcerons contre ces amendements à titre de précaution, car nous ne disposons pas à ce stade suffisamment d'informations. Il faut que le débat ait lieu en séance.

M. David Assouline. - Avec votre second amendement, vous voulez compenser la suppression de la hausse de la TOCE. Je propose que notre commission se rapproche de la commission des finances afin de la convaincre de renoncer à la suppression de cette hausse.

Les deux amendements ne sont pas adoptés.

La réunion est levée à 12 h 30.

Jeudi 19 novembre 2015

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 35.

Loi de finances pour 2016 - Mission Recherche et Enseignement supérieur - Crédits « Enseignement supérieur » et « Recherche » - Examen des rapports pour avis

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ». - Les trois programmes de la mission consacrés à l'enseignement supérieur représentent quelque 15,6 milliards d'euros pour 2016, en quasi-stabilité par rapport à 2015. Plus des trois quarts de ces sommes sont destinés au programme 150 qui finance les établissements. À l'heure où la norme de réduction des budgets appliquée à l'ensemble des opérateurs de l'État est de 2 %, cette relative stabilité des crédits consacrés à l'enseignement supérieur mérite d'être remarquée.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, a évoqué, il y a quelques semaines, le défi quantitatif auquel est confronté notre système d'enseignement supérieur, avec l'arrivée d'étudiants chaque année plus nombreux, et le défi qualitatif, avec les transformations induites par le numérique. Je partage sur ce point son analyse : disposer d'un système d'enseignement supérieur rayonnant est un enjeu primordial pour notre pays, notre économie, notre société, le modèle de valeurs que nous avons tous à coeur de défendre.

L'investissement dans l'enseignement supérieur est extrêmement rentable : un euro en rapporte quatre, sans compter les bénéfices annexes du rayonnement. Quelle part de la richesse nationale voulons-nous consacrer à notre enseignement supérieur ? Les crédits ont été préservés cette année ; le Gouvernement a même ajouté 100 millions d'euros en première lecture à l'Assemblée nationale. Mais l'État est à bout de souffle. En dépit de ses déclarations sur la priorité nationale accordée à l'enseignement supérieur, le Gouvernement est incapable d'accompagner seul le développement de l'enseignement supérieur à la hauteur de nos ambitions communes. S'il maintient les crédits, il prélève 100 millions d'euros sur le fonds de roulement des établissements ; il divise par deux son engagement financier dans les contrats de plan État-Région 2015-2020 ; il baisse les crédits accordés aux collectivités territoriales et aux chambres de commerce et d'industrie (CCI), qui financent aussi l'enseignement supérieur ; il laisse des impayés, réforme la taxe d'apprentissage et, ce faisant, fragilise les rares ressources propres des budgets des établissements...

Si l'objectif annoncé par la stratégie nationale de l'enseignement supérieur (StraNES) et par le ministre est de passer en 2025 à 2 % du produit intérieur brut (PIB) consacré chaque année à l'enseignement supérieur, nous devrons franchir une marche à 40 milliards d'euros, soit 2,5 milliards d'euros supplémentaires chaque année pendant les dix prochaines années.

Face à l'essoufflement des financements publics, il est indispensable de repenser avec réalisme le modèle économique de notre enseignement supérieur. Confronté à une équation impossible, le Gouvernement fait miroiter les fonds de la formation professionnelle continue. Mais, ce n'est pas la caverne d'Ali Baba. L'on peut escompter 400 millions d'euros supplémentaires dans le meilleur des cas, soit tout juste 1 % des 40 milliards nécessaires.

Nous devons sortir des postures idéologiques et envisager avec sérénité les solutions. Je plaide pour une hausse raisonnable des frais d'inscription de l'ordre de 500 euros par an, à deux conditions : qu'elle soit compensée à due concurrence pour les familles modestes par un élargissement des bourses sur critères sociaux et qu'elle ne soit pas l'occasion pour l'État de se désengager. En abondant leur budget, cette hausse offre aux établissements une plus grande autonomie et une visibilité financière accrue. Les enseignants-chercheurs pourraient être mieux rémunérés. Un signal-qualité positif serait adressé aux étudiants, les autorisant à être plus exigeants quant à la qualité des formations dispensées.

L'enseignement privé non-lucratif contribue aussi à la mission de service public de l'enseignement supérieur. Il accueille 500 000 étudiants, soit près d'un sur cinq. Depuis 1998, ses effectifs ont crû de 75 % contre 6 % pour ceux du public. Il revient moins cher à l'État par étudiant, mais ses crédits ont été réduits de 36 % depuis 2011, atteignant un étiage en-deçà duquel la pérennité des établissements n'est plus garantie. J'accueille donc très favorablement l'initiative de Philippe Adnot, qui a fait adopter à l'unanimité par la commission des finances un amendement abondant les crédits de l'enseignement privé. Mon avis dépendra notamment du sort réservé à cet amendement. A ce stade du débat, je serais tenté de m'abstenir.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis des crédits consacrés à la recherche au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ». - Notre débat prend un relief particulier en cette période où toutes les énergies doivent être mobilisées pour résister à une barbarie qui veut réduire à néant notre civilisation. La culture, l'éducation, la connaissance, le partage des savoirs sont essentiels pour lutter contre les dogmes et les croyances. Il y va de l'émancipation des esprits, de la liberté de penser et d'agir, de la grandeur de la France, soutenue par l'ensemble du monde démocratique, qui se drape des couleurs de la nation, et entonne la Marseillaise comme signe de ralliement.

Deux programmes de ce ministère sont consacrés à la recherche : le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » qui regroupe tous les opérateurs de recherche sauf le Centre national d'études spatiales (Cnes), et le programme 193 « Recherche spatiale ». À structure constante, le montant alloué est stable par rapport à 2015. Il s'élève à 7,7 milliards d'euros en crédits de paiement, dont 6,3 milliards d'euros pour le programme 172. Les opérateurs de recherche liés à ces programmes voient leurs subventions globalement reconduites au niveau de 2015, selon l'engagement du secrétaire d'État.

Outre l'Éducation nationale, cinq ministères sont impliqués dans la Mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (Mires) : celui de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; celui de l'économie, de l'industrie et du numérique ; celui de la défense, celui de la culture et de la communication et celui de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Or la stabilité des crédits accordés aux opérateurs par la subvention pour charges de service public n'est pas totalement assurée partout. Par exemple, dans le cadre du programme 190 opéré par le ministère de l'écologie, les subventions pour charges de service public destinées aux opérateurs sont orientées à la baisse.

La sanctuarisation du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche devrait concerner les programmes de tous les ministères contribuant à la Mires. Son budget a été modifié à la marge par l'Assemblée nationale, qui a voté en seconde délibération une minoration des crédits de 119,6 millions d'euros sur tous les programmes à l'exception du 191 sur la recherche duale, ce qui annule l'amendement d'abondement de 100 millions d'euros proposé par le Gouvernement.

Dans un contexte budgétaire très contraint, les subventions pour charges de service public aux opérateurs de recherche sont stabilisées, ce qui les pousse à poursuivre leurs efforts, compte tenu de la progression de leur masse salariale. Les programmes d'investissement d'avenir (PIA) ont un effet très positif en constituant une ressource non négligeable pour les organismes de recherche. Le premier programme lancé en 2009 représente un financement extrabudgétaire équivalent à 11,7 milliards d'euros entre 2010 et 2020. Le deuxième programme, ouvert en 2014, dispose de 5,9 milliards d'euros à déployer entre 2014 et 2025. Ces programmes constituent aussi un formidable levier pour renforcer la lisibilité de la recherche française. Ils mettent à la disposition de l'Agence nationale de la recherche (ANR), en tant qu'opérateur dans les domaines de l'enseignement supérieur et de la recherche, des instruments pour faire émerger des grands pôles d'enseignement supérieur et de recherche nationaux tels que les initiatives d'excellence (Idex) et renforcer la compétitivité des équipes de recherche en finançant de grands projets de recherche ou de grands équipements multithématiques tels que les laboratoires et les équipements d'excellence (Labex et Equipex).

La loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche a contribué à structurer le paysage. Le mouvement de regroupement des établissements publics d'enseignement supérieur et des organismes de recherche partenaires, pour coordonner leur offre et leur stratégie, est maintenant achevé.

Les crédits de l'ANR sont reconduits à 585,1 millions en autorisations d'engagement et 590 millions en crédits de paiement. Ce budget plancher ne peut être diminué davantage, sauf à s'interroger sur l'utilité d'une agence de recherche, puisqu'elle est contrainte à un taux de sélection des projets très bas, ce qui crée des frustrations.

La communauté scientifique française doit s'impliquer davantage dans les appels à projets lancés par la Commission européenne. Après des résultats médiocres pour le 7e programme-cadre de recherche et développement technologique (PCRDT), les premiers résultats liés aux appels Horizon 2020 sont encourageants. Ainsi, avec un taux de succès de 17,1 %, la France se place en première position des pays de l'Union européenne. Néanmoins, elle ne représente que 9,2% de la demande totale de financement, ce qui la place en cinquième position des pays participants. La stratégie nationale de la recherche a été publiée en mars dernier. Je m'interroge sur le nombre d'orientations retenues, qui fait courir un risque de dilution des priorités. Je souhaite que le Conseil national stratégique ait un véritable rôle d'impulsion et d'arbitrage auprès du Premier ministre. On a l'impression que les décisions proviennent du comité opérationnel de la Direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI).

Je me préoccupe aussi de l'avenir du Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle, que je préside. Outre le retard de sa constitution, en l'absence de ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, l'État ne semble pas avoir pris la mesure de son implication nécessaire dans la stratégie nationale de la culture scientifique, technique et industrielle.

L'État, comme les organismes de recherche et beaucoup des scientifiques qui y travaillent, a pris conscience de la nécessité de renforcer la valorisation. Tous les organismes de recherche ont développé en interne une politique cohérente de valorisation. L'État, quant à lui, a multiplié les structures de valorisation sur l'ensemble du territoire, notamment depuis le lancement des investissements d'avenir. Toutefois, le foisonnement des outils de valorisation rend le dispositif globalement complexe et difficilement lisible - ce dont le ministre a convenu -, notamment pour les entreprises désirant bénéficier et développer des innovations des laboratoires. Ce morcellement peut freiner la constitution de structures de valorisation à réelle capacité d'action dans le domaine de la maturation. Or de fortes mises de fonds sont nécessaires, à long terme, pour que les résultats de la recherche soient suffisamment développés pour être transférés vers l'industrie. Le devenir des sociétés d'accélération du transfert de technologie (SATT) suscite des interrogations quand les grands organismes de recherche disposent déjà de leur propre structure de valorisation. Une évaluation transparente des secteurs couverts, des chevauchements et des synergies pourrait être utile.

Compte tenu du contexte budgétaire très contraint, félicitons-nous d'un budget de la recherche globalement sanctuarisé, qui accompagne bien la reconnaissance de la recherche au coeur des activités majeures de notre société. Je vous propose en conséquence de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche au sein de la Mires.

Hier, la commission des finances a adopté à l'unanimité un amendement de notre collègue Philippe Adnot majorant légèrement la dotation en faveur des étudiants accueillis dans les établissements privés à but non lucratif, et notre collègue Michel Berson rétablissant les 119 millions supprimés à l'Assemblée nationale. A titre personnel, je suis favorable à ces deux amendements en sachant que nous devons rester vigilants pour faire respecter l'engagement du ministre validé par le Premier ministre : nous ne sommes pas à l'abri d'un amendement d'équilibre de dernière minute.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - On voit l'exercice inextricable que représente la réduction des dépenses publiques, et combien la StraNES avait raison de suggérer d'y soustraire l'enseignement supérieur et la recherche de cette contrainte. La notion de réalisme relève aussi d'une posture idéologique, que je refuse. Si je partage les propos du rapporteur sur la situation des universités, je n'approuve pas ses recommandations. Il ne s'en étonnera pas. La hausse des frais d'inscription serait le pire message à envoyer. Le budget est sanctuarisé ? Avec 45 000 nouveaux étudiants, avec des postes gelés parce qu'il faut affronter le quotidien ? On rogne sur la vie étudiante. Les Centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) auront du mal à faire face au nouvel effort demandé.

Je ne partage pas l'optimisme de la rapporteure sur le budget de la recherche. Il faut faire davantage, sur le terrain, pour résorber la précarité. Je suis très inquiète. Étant donné les difficultés financières actuelles, pourquoi ne pas réexaminer le crédit d'impôt recherche (CIR), qui augmente de 214 millions d'euros ? Sans le supprimer, plusieurs millions d'euros pourraient être économisés sur sa gestion et réinjectés dans la recherche. M. le secrétaire d'État n'a pas rejeté l'idée d'un travail sur ce sujet. La question se reposera. Notre avis sera donc négatif.

Mme Françoise Laborde. - Monsieur Grosperrin, n'existe-t-il pas une contradiction entre hausse des frais d'inscription et besoin de bourses ?

Sans être aussi virulente que ma collègue sur le CIR, je la comprends. Nous voulons quant à nous insister sur le fléchage : le CIR est censé servir aux chercheurs. Je suis satisfaite que les crédits du programme 193 « Recherche spatiale », qui me tient à coeur, soient maintenus. En revanche, la sanctuarisation n'existe pas dans les autres ministères. Les 119 millions d'euros de réduction des crédits que vous avez évoqués ont également porté sur les crédits alloués à l'enseignement supérieur et à la recherche agricole. Mme Dominique Gillot peut-elle nous en dire davantage sur les deux amendements de la commission des finances ?

M. Jean-Claude Carle. - Je remercie les deux rapporteurs. Le budget évoqué est important en masse, mais aussi stratégique. Première priorité de la nation, l'éducation représente 120 milliards d'euros. Mme Gillot a rappelé le contexte actuel. Moins on a de mots, plus on est violent. Les auteurs de l'irréparable n'ont sans doute pas été assez éduqués.

Ce budget reflète la mauvaise répartition des moyens dans l'éducation. L'enseignement secondaire, très bien doté, ne réduit pas les insuffisances du primaire et ne prépare pas à l'enseignement supérieur. Pensez au nombre d'élèves qui quittent l'enseignement sans diplôme ni qualification !

Je suis d'accord avec les propositions de Jacques Grosperrin, sur la hausse des frais d'inscription, en tenant compte du niveau social des étudiants, et sur l'enseignement supérieur privé non lucratif. J'y ajouterai la nécessité d'une meilleure implication du monde économique. Des gains de productivité aideraient à développer la culture scientifique, technique et industrielle, qui est essentielle. Le groupe Les Républicains s'abstiendra.

Mme Corinne Bouchoux. - Merci aux rapporteurs pour leur éclairage précieux. Nous n'avions pas de ministre, nous en avons un ; le budget était très contraint, il va dans le bon sens. Néanmoins, les rapporteurs ont-ils bien demandé le coût en temps, en trajets, en réunions, de la nouvelle stratégie « big is beautiful » de fusions, de regroupements et de communautés d'universités et d'établissements (Comue) ? Comme pour les collectivités territoriales, la fusion coûte, dans un premier temps, bien plus cher que la situation antérieure.

La StraNES compte beaucoup de priorités. Le travail de tous les enseignants-chercheurs est important, notamment en sciences humaines et sociales, surtout en ce moment. La solution ne consiste pas à armer tout le monde.

Je l'ai vérifié, les élèves des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) de l'enseignement privé ne paient pas les droits d'inscription à l'université alors que leurs enseignants sont payés par l'État et que les élèves des lycées publics acquittent ces droits. Je ne comprends pas qu'un amendement n'ait pas été déposé pour rétablir l'équité avec l'enseignement public. Personne ne s'explique cette bizarrerie, pas même les directions diocésaines.

Nous sommes farouchement opposés à la majoration des droits d'inscription. Je vous incite à vous pencher sur la bulle d'endettement des étudiants américains. Le président des États-Unis, Barack Obama, a achevé de rembourser ses propres frais de scolarité il y a quatre ans seulement. Ne reproduisons pas les erreurs des autres pays, surtout quand ils reviennent sur leur logique. Sauf coup de théâtre, nous sommes enclins à un avis positif sur les crédits de la mission.

Mme Françoise Cartron. - La hausse des droits d'inscription n'est pas la piste à suivre. Je rejoins les propos de Mme Corinne Bouchoux : l'anomalie de différence de traitement entre les élèves de CPGE privées et publiques doit cesser. L'enseignement diocésain, qui est attaché à un traitement équitable, ne pourra que s'associer à cette démarche.

Nous sommes enclins à un regard positif sur ces crédits sanctuarisés, qui ne subissent pas les baisses nécessaires à l'équilibre global des finances publiques. La requalification des bourses attribuées aux plus fragiles et aux plus faibles, qui était un signal très important, est poursuivie. Je m'associe à l'amendement de Michel Berson. Nous serons vigilants sur le rétablissement des crédits rapidement subtilisés à l'Assemblée nationale. La même opération a été effectuée sur l'enseignement scolaire. Sous ces réserves, nous donnerons un avis favorable à l'adoption de ces budgets des crédits de la mission.

M. Claude Kern. - A l'UDI-UC, nous ne sommes pas favorables à l'augmentation des droits d'inscription à l'université. La faiblesse du recrutement des chercheurs et leur vieillissement posent problème : ne s'achemine-t-on pas vers une vraie crise des effectifs scientifiques ? Le choix du financement sur projet, par l'ANR, l'Union européenne et les PIA n'est-il pas un frein au développement de la recherche ? Le CIR est l'une des mesures fiscales les plus coûteuses. Si son efficacité globale est établie, il n'en est pas de même au niveau sectoriel. Pourquoi 500 millions d'euros sont-ils accordés chaque année aux laboratoires pharmaceutiques alors que leur investissement en recherche a baissé de 85 millions d'euros par an entre 2007 et 2012 ? Ne peut-on éviter les effets d'aubaine ?

Nous sommes pris dans un étau entre un système en crise et la tentation du système américain. Il faudra trouver le juste milieu. Le groupe UDI-UC propose de s'abstenir et attendra les prises de position de la commission des finances et le vote des amendements en séance pour se prononcer définitivement.

Mme Maryvonne Blondin. - Plusieurs d'entre nous ont récemment participé à une mission du groupe d'amitié France-Québec. Les droits d'inscription des 12 500 étudiants français au Québec ont été multipliés par dix, atteignant plus de 10 000 euros par an. Nous avons obtenu la baisse des droits d'inscription à environ 4 000 euros, à égalité avec les étudiants canadiens. Le sujet du niveau des droits d'inscription mérite d'être approfondi, notamment dans la perspective de la mobilité étudiante.

La baisse des crédits des Crous est importante, d'un point de vue social et médical. Le Gouvernement a annoncé un plan national pour la vie étudiante comportant 35 mesures facilitant la vie des étudiants pour une meilleure réussite, concoctées avec les acteurs de l'enseignement supérieur. Elles ont pour objectif la simplification des démarches administratives, un meilleur accès aux prestations de santé, une plus grande attractivité des campus, et une meilleure prise en compte des étudiants étrangers, handicapés, ainsi que des étudiantes enceintes. J'espère que l'adoption de l'amendement présenté par Michel Berson apaisera mon inquiétude. Le régime de base étudiant sera pris en charge par la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN). Reste tout le travail des mutuelles à poursuivre.

Mme Marie-Christine Blandin. - J'approuve la remarque de Dominique Gillot : outre la commission des finances, plusieurs commissions donnent un avis sur les crédits de la recherche. Notre vision n'est pas suffisamment transversale et l'éparpillement cache des détails sur les enveloppes financières, mais aussi les orientations. La décarbonisation de notre économie, vantée à l'unisson, n'apparaît guère dans les projets de recherche dissimulés au sein de programmes de recherche dans le domaine de l'énergie.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Cette remarque est tout à fait juste, nous avons du mal à coordonner les avis.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. - L'État est à bout de souffle, le Gouvernement incapable d'accompagner seul l'enseignement supérieur et la recherche. La hausse des droits d'inscription proposée est raisonnable, sans commune mesure avec ce qui se passe aux États-Unis : ils passeraient de 180 à 500 ou 700 euros, à comparer avec ce que dépensent les étudiants pour la téléphonie, le sport ou les loisirs. Vous avez un totem, mais vous savez qu'on y arrivera.

Mme Françoise Cartron. - Non !

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. - J'espère vous faire changer d'avis.

Mme Françoise Cartron. - Moi aussi !

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. - J'entends que vous craignez que si les frais d'inscription augmentent, l'État ne se désengage. Ce n'est pas mon idée. Les étudiants auront le sentiment de disposer de cours de meilleure qualité, avec des enseignants-chercheurs mieux payés. Vous savez que les Français ont moins de respect pour ce qu'ils ne paient pas. On fréquente davantage le club de sport que l'on paie cher. Nous n'aurons pas le choix. Je suis sûr qu'en votre for intérieur, vous êtes d'accord.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - J'ai beau scruter, je ne vois pas d'accord en mon for intérieur !

Mme Françoise Cartron. - Cherté et qualité ne sont pas liées.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. - Philippe Adnot préconise de relever le montant de l'enveloppe accordée aux établissements d'enseignement supérieur privés à but non lucratif. Il estime que ces établissements coûtent moins cher, contribuent à l'équilibre des comptes publics et accueillent de plus en plus d'étudiants. Il suggère en conséquence de réduire de 5,59 millions d'euros le montant de l'action 2 consacrée aux aides indirectes, les Crous disposant d'une trésorerie importante, et d'affecter cette somme aux établissements privés.

Merci de votre confiance, Monsieur Carle. On constate un vrai problème d'orientation entre secondaire et supérieur. Je compte sur la mission d'information pilotée par nos collègues Jacques-Bernard Magner et Guy-Dominique Kennel pour nous éclairer. L'implication du monde économique dans l'enseignement supérieur est réelle. À terme, les entreprises bénéficient de la qualité de la formation des étudiants.

Madame Bouchoux, vos questions sont toujours d'une grande acuité. Je vous encourage à déposer l'amendement que vous avez évoqué. Vous avez raison de souligner le problème de l'absence de droits d'inscription à l'université des élèves des CPGE privées. S'agissant des Comue, les économies ne sont pas au rendez-vous. D'ailleurs, sur les 1 000 postes créés en 2016, plus d'un tiers sera absorbé par les emplois administratifs des Comue. On a peut-être créé quelques monstres universitaires. Aux États-Unis, certaines universités accueillent entre 9 000 et 12 000 étudiants, avec des résultats exceptionnels ; la Comue Bretagne-Loire rassemble plus de 120 000 étudiants. Notre modèle, à 700 euros de frais d'inscription, n'est pas celui de la bulle d'endettement.

Monsieur Kern, l'UDI doit réfléchir au niveau des droits d'inscription. Le programme sur la vie étudiante augmente en 2016. Le plan de construction de 40 000 logements est en bonne voie.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. - Je comprends le débat sur les droits d'inscription. Il y a quatre ans, j'étais sensible à l'idée qu'une petite augmentation donnerait de l'aisance au budget des établissements. Des acteurs majeurs de l'enseignement supérieurs y sont favorables, dont la Conférence des présidents d'université (CPU). Entretemps, j'ai assisté au comité de réflexion sur la StraNES, qui a analysé très précisément les effets restrictifs de la hausse des droits d'inscription dans les pays comparables au nôtre. Elle a fait apparaître un effet de frein à l'inscription des enfants des familles les moins favorisées. Même une petite augmentation reviendrait à donner un signal négatif aux enfants de familles aux moyens modestes, où l'incitation est forte à rejoindre au plus tôt le monde du travail. Jacques Grosperrin propose de compenser cet effet de frein par une augmentation des bourses à due concurrence, si bien que je ne vois pas où est le bénéfice pour le budget de cette rupture d'égalité. Un travail de Gribouille...

Mme Françoise Cartron. - ...qui toucherait les classes moyennes !

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. - Les pays démocratiques considèrent la connaissance comme un bien public. Sans aller jusqu'à la gratuité, comme en Allemagne ou dans les pays du nord de l'Europe, on peut évoluer dans cette direction. L'augmentation des droits d'inscription n'est pas un totem, mais un sujet de réflexion majeur pour notre politique économique. Je n'y suis par conséquent pas favorable.

Quant à l'amendement de Philippe Adnot, la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche (ESR) prévoit déjà un label pour les associations à but non lucratif qui gèrent des grandes écoles, de manière à reconnaître leur appartenance à part entière au service public de l'enseignement supérieur. L'intégration de ces écoles dans les regroupements universitaires en cours a mis en évidence les différences de traitement à leur égard ; elles compensent ce déficit par une augmentation des droits d'inscription. Si l'on veut intégrer plus l'enseignement privé à but non lucratif dans les regroupements, il faudra réfléchir à l'équilibre de la dotation de l'État.

Le travail de la commission d'enquête sur le CIR a fait mûrir les esprits et tomber quelques idées reçues de part et d'autre. Ce n'est ni la panacée, ni un détournement de fonds publics au profit de certaines entreprises. Un observatoire du CIR a été constitué pour mieux en apprécier l'utilisation.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Quelle est sa composition ?

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. - Je l'ignore, mais il est essentiel que nous en soyons informés. Les entreprises qui passent des conventions avec les laboratoires publics pourraient bénéficier du CIR.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Il me semble que c'est déjà le cas...

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. - Non, du moins pas autant. L'augmentation du coût du CIR s'est ralentie : 5,2 milliards d'euros au lieu des 6 à 8 milliards attendus. L'utilisation du crédit d'impôt pour l'emploi scientifique doit néanmoins être contrôlée.

Que Claude Kern se rassure, les entreprises ont été sensibilisées à l'intérêt d'embaucher des docteurs par des campagnes de l'organisation patronale et du ministère. La loi ESR prône la « valorisation du diplôme de docteur dans l'emploi privé » ; cela ne se décrète pas, mais nous sommes parvenus à l'encourager. Parallèlement, l'emploi public scientifique reste soutenu, les principaux organismes s'étant engagés à maintenir le recrutement. La masse salariale continue d'augmenter.

Après deux ans, il est prématuré de mesurer l'augmentation des temps de trajet liée aux regroupements d'établissements, mais nous pouvons l'envisager pour l'année prochaine. Au demeurant, la gouvernance a été améliorée et le travail d'harmonisation des systèmes d'information engagé à l'occasion des regroupements facilitera grandement la communication à distance.

En 2015, les 1 000 nouveaux postes ont été répartis à parts égales entre les fonctions support administratives, les fonctions académiques et l'équilibre budgétaire. La structure administrative étant désormais établie, la part des fonctions académiques devrait être renforcée en 2016.

Madame Blandin, je partage votre souhait de disposer d'une vision globale de l'effort public en faveur de la recherche ; le temps nous a manqué jusqu'à présent, mais je commence à recevoir des responsables d'organismes de recherche dépendant d'autres ministères. Se sentant quelque peu délaissés au sein de l'enseignement supérieur, ils m'en sont reconnaissants. Il convient que notre commission s'intéresse à l'ensemble des crédits de la mission.

Tous les contrats d'objectifs stratégiques mentionnent la transdisciplinarité. Aucun chercheur en sciences dures ne croit plus pouvoir avancer sans le soutien des sciences humaines et sociales. Le cerveau et l'esprit vont désormais ensemble.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. - Je vous propose de reprendre les deux amendements adoptés par la commission des finances : identique à celui présenté par Philippe Adnot au nom de la commission des finances, l'amendement n° 1 prévoit un abondement en faveur des établissements d'enseignement privé. L'amendement n° 2 est identique à celui présenté par Michel Berson au nom de la commission des finances ; il rétablit les 119 millions d'euros de crédits supprimés par l'Assemblée nationale en seconde délibération.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. - Je m'abstiendrai pour ma part sur les amendements, en attendant l'examen des crédits en séance.

Mme Françoise Cartron. - Pour prendre position, nous avons besoin de davantage d'informations notamment sur l'amendement n° 1.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. - Les Crous ne sont pas en situation difficile.

Mme Françoise Laborde. - L'amendement n° 2 ne nous pose aucun problème, mais le n° 1 me gêne dans la mesure où l'abondement ne se ferait pas seulement au détriment du logement. Je vous ferai un compte rendu exhaustif de la prochaine réunion du conseil d'administration du Centre national des services universitaires et scolaires (Cnous) au sein duquel je représente le Sénat.

Mme Corinne Bouchoux. - Nous voterons l'amendement n° 2 ; en revanche, l'amendement n° 1 ne nous satisfait pas. Réduire les crédits de la vie étudiante pour renflouer l'enseignement privé, c'est déshabiller Pierre pour habiller Paul.

L'amendement n° 1 est adopté, ainsi que l'amendement n° 2.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. - Après le vote des amendements, mon avis sur les crédits de la mission est favorable.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. - Même modifés par ces deux amendements, il serait gênant de ne pas adopter les crédits de la mission. Je propose par conséquent de donner un avis favorable à leur adoption.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et Enseignement supérieur», sous réserve de l'adoption de ses deux amendements.

La réunion est levée à 10h55.