Mercredi 11 février 2009

- Présidence de M. Claude Belot, président -

Audition de M. Jacques Mézard, sénateur du Cantal, membre de la Mission

La mission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jacques Mézard, sénateur du Cantal, membre de la Mission.

M. Jacques Mézard a indiqué que ses propos se fondaient sur son expérience d'élu d'un département rural, ancien conseiller général et actuellement président d'une communauté d'agglomération de 53 000 habitants. Ayant en son centre une ville de 30 000 habitants, et caractérisée par un fort taux de taxe d'habitation, cette communauté d'agglomération regroupe 37 % de la population et 60 % de l'activité économique du département. L'évolution de ses recettes de dotation globale de fonctionnement (DGF) a été marquée, entre 2001 et 2008, par une progression de 2,24 millions à 4,23 millions d'euros de la dotation d'intercommunalité, et de 0 à 4,71 millions d'euros de la dotation de compensation, qui a permis de lancer des projets d'investissement. L'augmentation de la DGF, faiblement redistribuée aux communes, a été mise au service de la création d'équipements intercommunaux, l'intérêt communautaire ayant été défini plus rapidement que ne l'imposait la loi.

M. Jacques Mézard s'est toutefois inquiété du manque de maîtrise des collectivités sur leurs recettes : ainsi la suppression de la taxe professionnelle annoncée par le Président de la République les soumettrait-elle entièrement à un régime de dotations. Regrettant que les transferts de compétence ne soient pas toujours compensés, il a surtout souligné que les collectivités territoriales financent parfois des structures non nécessaires et manquant de complémentarité, notamment entre les départements et les régions. Il a également noté la mise en place de nouvelles tutelles, par exemple lorsque des régions exigent de passer par les pays pour conclure des conventions, même lorsque ceux-ci n'ont que peu d'existence réelle.

Répondant à l'argument selon lequel le nombre des niveaux d'administration territoriale n'est pas plus élevé en France que dans d'autres pays, M. Jacques Mézard a considéré que ce n'était pas une raison pour ne pas agir et qu'il fallait prendre en compte les bouleversements introduits par la décentralisation. Il a toutefois remarqué que la tendance ne semblait pas être celle d'une rupture radicale.

M. Jacques Mézard a poursuivi son exposé en liant la question de la réforme territoriale à celle de la fiscalité locale, l'expérience de la taxe professionnelle unique lui paraissant montrer la voie. Mettant en oeuvre l'objectif de lisibilité pour les citoyens, il a plaidé pour l'association d'une ressource principale à chaque niveau territorial, cette spécialisation des impôts devant aller de pair avec la révision des bases d'impositions. Sur ce dernier point, il a approuvé la proposition de M. Philippe Valletoux, dans son rapport au Conseil économique et social sur la fiscalité et les finances publiques, de prendre comme référence une « valeur locative déclarative et contrôlée ». 

S'agissant de la péréquation, il a considéré qu'elle devait prendre en compte les ressources et les charges de chaque territoire, sans opposer nécessairement les zones urbaines et rurales. Rappelant les chiffres donnés par MM. Jean François-Poncet et Claude Belot dans leurs deux rapports sur la péréquation régionale et départementale, il a souligné la très grande disparité des niveaux de taxes locales entre les territoires et a proposé l'instauration d'un fonds national de péréquation.

Concernant la clause générale de compétence, il l'a jugée nécessaire pour les communes, mais a posé la question de son maintien pour les départements et les régions, envisageant son remplacement par l'instauration de compétences facultatives en nombre limité. Il a également apporté son soutien aux politiques de contractualisation.

M. Jacques Mézard a ensuite formulé les propositions suivantes concernant les différentes strates de l'organisation territoriale :

- il convient de poser comme objectif la réduction du nombre des communes ;

- les conseils d'intercommunalité devraient être composés des élus occupant les premières places sur les listes de candidats aux scrutins municipaux, selon le système dit du « fléchage », la carte de l'intercommunalité devant quant à elle être achevée et rationalisée avant 2011, au besoin de manière obligée et par des incitations financières positives ou négatives ;

- les cantons, qui ne correspondent souvent plus à un échelon pertinent, devraient être mis en cohérence avec les intercommunalités, ce qui permettrait, sans toutefois recourir au scrutin proportionnel, de donner une assise territoriale aux conseillers régionaux.

M. Yves Krattinger, rapporteur, a souhaité avoir des précisions d'une part sur la spécialisation des impôts, soulignant l'avantage de pouvoir compter sur plusieurs ressources différentes, d'autre part sur la nécessité éventuelle, en plus de la péréquation verticale assurée par l'Etat, d'une péréquation horizontale exercée par chaque territoire en son sein. M. Jacques Mézard lui a d'abord répondu qu'il convenait surtout d'éviter que tous les niveaux aient recours aux mêmes impôts. S'agissant de la péréquation, il a estimé que chaque territoire devait être capable d'assurer une certaine péréquation, mais que l'Etat disposait des instruments les plus puissants pour atteindre cet objectif.

Audition de M. Philippe Laurent, maire de Sceaux, vice-président de l'Association des maires de France (AMF) et président de la commission des finances de l'AMF

La mission a ensuite procédé à l'audition de M. Philippe Laurent, maire de Sceaux, vice-président de l'Association des maires de France (AMF) et président de la commission des finances de l'AMF.

A titre liminaire, M. Philippe Laurent a rappelé que l'Association des maires de France avait engagé avec l'Assemblée des départements de France et l'Association des régions de France une importante réflexion sur l'architecture possible d'un nouveau système financier pour les collectivités locales. Les débats auxquels cette réflexion a donné lieu ont mis en avant à la fois l'insuffisante autonomie financière des collectivités territoriales, qui n'ont pas de réelle maîtrise sur une part importante de leurs ressources, et l'obsolescence du système actuel de fiscalité locale qui ne permet plus, à lui seul, de financer les budgets des collectivités territoriales.

En conséquence, M. Philippe Laurent a appelé de ses voeux une remise à plat complète du système des finances locales. Il s'est prononcé pour la suppression totale des dégrèvements et des exonérations décidés par l'État, considérant qu'ils ne servaient qu'à remédier aux imperfections d'un système inadapté, qu'il convenait plutôt de refonder. Pour opérer cette refondation, il a proposé de retenir plusieurs principes : le renforcement de la responsabilité fiscale des élus locaux, l'accès des collectivités territoriales à certains grands impôts nationaux et la localisation de l'impôt, afin de conserver un lien entre les territoires et l'activité économique et humaine.

Sur ces bases, il a proposé de retenir le schéma suivant, dont il a précisé qu'il faisait encore l'objet de discussions et de réflexions entre les trois associations d'élus : aux départements pourrait revenir une part de CSG dont le taux serait, dans certaines limites, déterminé par les conseils généraux. Les communes bénéficieraient tout d'abord d'un impôt foncier, dont la stabilité serait un avantage, puisqu'elle garantirait un financement pérenne aux nombreux services qu'elles fournissent à leurs administrés. S'attachant à la nécessaire révision des valeurs locatives, M. Philippe Laurent a écarté la solution consistant à l'actualiser au cas par cas, lors de l'accession à la propriété, en fonction de sa valeur vénale, en raison de la complexité d'une telle procédure et de l'inégalité qu'elle entraînerait inévitablement entre les différents acteurs locaux, selon le moment où le bien serait cédé. Il s'est déclaré plutôt favorable à une valeur déclarative contrôlée, sur le modèle de ce qui se pratique pour l'impôt sur la fortune. Tout en soulignant que, pour l'heure, la réflexion sur le sujet n'était pas encore aboutie, il a aussi estimé nécessaire de remettre en cause la taxe d'habitation en lui substituant, par exemple, une part de l'impôt départemental sur la CSG, afin d'être certain que chaque habitant acquitte un minimum d'impôts. La dernière imposition dont pourrait bénéficier les communes et, au premier chef, les intercommunalités, serait une redevance territoriale d'activité économique, conçue sur le modèle de la taxe foncière, mais qui frapperait tous les types d'activités consommatrices d'espace et pas seulement les entreprises, comme, par exemple, les hôpitaux, les universités ou les administrations. Enfin, aux régions reviendrait une part d'impôt économique assis sur la valeur ajoutée.

M. Philippe Laurent a, par ailleurs, estimé que les financements croisés ne posaient pas de réels problèmes d'efficacité ou de lisibilité de l'action publique et que, au contraire, ils assuraient une bonne expertise des dossiers, favorisaient la négociation locale et garantissaient une certaine redistribution des ressources, sans entraîner de dilution de responsabilité, pour peu qu'un unique maître d'ouvrage fût désigné. En outre, il a précisé que, en dehors du développement économique et des questions liées à l'exclusion, les risques de double emploi entre plusieurs collectivités étaient rares. En revanche, il a considéré que la question des relations entre l'État et les collectivités territoriales et celle du manque de confiance manifesté par le premier envers les secondes étaient des questions majeures, qui n'étaient toujours pas tranchées, à défaut d'avoir clairement fait le choix d'un modèle de décentralisation de préférence à un autre.

Enfin, M. Philippe Laurent a souligné que la notion de clause générale de compétence lui apparaissait consubstantiellement liée à celle d'élus et il a estimé que si sa suppression était décidée, il ne serait pas nécessaire de maintenir des collectivités territoriales, de simples agences pouvant, selon lui, remplir les tâches d'administrations qui leur seraient laissées. Il a estimé que, si l'on souhaitait, avec cette suppression, réduire les dépenses des collectivités locales, il conviendrait plutôt de privilégier la solution consistant à renforcer la responsabilité fiscale des élus, qui seraient ainsi inévitablement amenés à se montrer plus vigilants sur les dépenses locales.

Un débat s'est ensuite ouvert avec les sénateurs membres de la mission.

M. Yves Krattinger, rapporteur, a souhaité connaître le calendrier de mise en oeuvre de la réforme de la fiscalité locale préconisée par M. Philippe Laurent. En outre, il l'a interrogé, d'une part, sur la possibilité que soit désigné, pour chaque type de grand équipement une collectivité instructrice ou chef de file, les autres niveaux ne pouvant apporter qu'une contribution financière et, d'autre part, sur les moyens de recréer le lien de confiance rompu entre l'État et les collectivités territoriales.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, s'est demandé s'il ne pouvait exister une solution intermédiaire entre le maintien de la clause générale de compétence pour tous les échelons d'administration et celle consistant à la réserver à certains seulement.

M. Charles Guené s'est demandé s'il était pertinent de conserver le principe d'autonomie financière, dans un contexte économique de croissance faible. Il a estimé préférable de défendre les deux valeurs essentielles que sont la péréquation et l'autonomie de gestion des compétences. S'agissant de la révision des valeurs locatives, il a considéré que, dans la mesure où cette révision intéressait principalement les communes et les intercommunalités, il serait raisonnable de laisser à ces collectivités le soin de mener cette révision.

Saluant les propositions de M. Philippe Laurent, M. Pierre Jarlier a souligné cependant que les exonérations et les dégrèvements pouvaient jouer un rôle incitatif non négligeable, garantissant notamment le développement de certaines zones rurales, et il a souhaité connaître les mécanismes propres à les suppléer dans cette fonction s'ils devaient être supprimés.

M. Jean-Claude Peyronnet a déclaré partager l'analyse présentée sur les financements croisés, qui ne posent pas de véritable difficulté et ne représentent qu'une part minime du budget des collectivités territoriales, exception faite des financements croisés sollicités par l'État. Il a par ailleurs estimé que la taxe d'habitation était, dans les formes actuelles, un impôt injuste mais non dénué de pertinence, et qu'il convenait, pour l'améliorer, de le corréler au revenu des ménages.

Evoquant les discours pessimistes parfois tenus sur la décentralisation, M. François Patriat a souhaité rééquilibrer le constat ainsi dressé et, tout en estimant que le système des finances locales était aujourd'hui à bout de souffle, il a constaté que chacun s'accordait à reconnaître que, pour ce qui le concerne, la décentralisation avait fait la preuve de son efficacité. Il a jugé que le choix affirmé d'un modèle donné de décentralisation constituait un préalable à toute réforme des collectivités territoriales et que ce n'était qu'à cette condition que des propositions concrètes pourraient être avancées. S'agissant de la fiscalité locale, il a relevé le paradoxe consistant à demander toujours plus à l'impôt et moins au contribuable. Il s'est par ailleurs déclaré hostile aux financements croisés, sources de surcoûts d'instruction et d'illisibilité de l'action publique, les plus faibles contributeurs recueillant souvent seuls le bénéfice d'investissements réalisés à plusieurs. Il s'est prononcé pour une répartition claire des compétences entre les différentes collectivités territoriales, associée à la désignation, le cas échéant, d'un chef de file, qui permette une pleine responsabilisation fiscale des élus. Enfin, liant la question des financements croisés avec celle du retour sur investissement que permet la taxe professionnelle, il a noté que les régions étaient très désavantagées de ce point de vue par rapport aux départements et aux intercommunalités. En conséquence, il a appelé de ses voeux une répartition plus égalitaire entre les trois niveaux du produit de la taxe professionnelle.

Mme Marie-France Beaufils a jugé nécessaire de rappeler que, souvent, l'État sollicitait le financement par des collectivités territoriales d'investissements relevant de sa compétence. Elle a par ailleurs estimé que le bon moyen pour déterminer le niveau de ressources nécessaire pour une collectivité était de partir des dépenses qu'elle doit inévitablement engager pour répondre aux besoins des habitants. Examinant les propositions de réforme des différents impôts locaux qui avaient été formulées, elle a estimé que la suppression des allègements de taxe d'habitation pris en charge par l'État poserait problème dans les communes comprenant de nombreux logements sociaux. Se déclarant très réticente sur le recours, dans le cadre local, à la contribution sociale généralisée (CSG), elle a stigmatisé les défauts du mode actuel de calcul de la taxe professionnelle qui favorise certaines activités de service au détriment d'autres, alors qu'il conviendrait de la rendre plus favorables aux activités qui permettent le développement économique du territoire. Rappelant le rôle joué par cette taxe dans l'aménagement local, elle s'est enfin interrogée, dans la perspective de sa suppression, sur la façon de continuer à intéresser les collectivités à l'installation de certaines entreprises sur leur territoire.

M. Éric Doligé a estimé que les financements croisés étaient à l'origine d'une inefficience des collectivités locales, en raison des trop nombreuses instructions auxquelles ils donnaient lieu. Pour cette raison, il s'est prononcé pour l'interdiction des financements croisés qui engagent un nombre trop important de financeurs.

M. Bruno Sido a marqué son accord avec les propos tenus par MM. François Patriat et Éric Doligé sur les financements croisés et il a proposé que soit assurée une certaine cohérence entre les compétences reconnues à une collectivité et les capacités de financement qui lui sont attribuées pour exercer ces compétences.

M. Louis Pinton a fait observer que, si les financements croisés ne représentent, en valeur, qu'une faible part des échanges financiers entre collectivités territoriales, ils induisent cependant des coûts de fonctionnement importants. Il a considéré, en outre, que l'approche financière et fiscale n'était pas la plus pertinente pour analyser les relations entre collectivités territoriales.

M. Rémy Pointereau a relevé que les financements croisés peuvent apparaître comme une source de complexité pour un président de conseil général ou régional, mais qu'ils sont néanmoins essentiels afin de permettre à une petite communauté de communes de mener à bien des projets.

En réponse à ces intervenants, M. Philippe Laurent a apporté les précisions suivantes :

- l'action des collectivités territoriales mérite en effet d'être saluée ; les relations entre l'Etat et les collectivités constituent un enjeu central mais cette question est peu abordée par le « Comité Balladur » pour la réforme des collectivités territoriales ;

- les présidents de conseil général ou régional peuvent décider de ne pas participer à des financements croisés s'ils ne souhaitent pas soutenir la réalisation d'un projet ou d'un équipement ; par ailleurs, le temps passé dans l'instruction des dossiers de subvention reste très limité et il pourrait revenir au maître d'ouvrage de s'en charger ;

- les collectivités territoriales devraient avoir une certaine liberté pour décider d'exonérations fiscales ciblées, au sein, toutefois, d'un cadre général ;

- la proposition d'un impôt local sur les entreprises comprendrait deux volets : d'une part, une redevance territoriale d'activité, fondée aussi bien sur les activités publiques que sur les activités productrices et donc garante d'une certaine équité entre les territoires ; d'autre part, une forme de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) additionnelle.

Enfin, s'agissant de la région Île-de-France, M. Philippe Laurent a soutenu le projet de syndicat mixte Paris-Métropole, tout en estimant que ce ne serait qu'une première étape. Une structure forte est nécessaire pour assurer, au niveau de la « zone dense », une mutualisation des ressources et le rééquilibrage d'un territoire marqué par de grandes disparités. La création d'une communauté urbaine se traduirait par la disparition des départements de la « petite couronne ».

Audition de M. Philippe Valletoux, membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE), rapporteur des avis sur les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales

La mission a procédé, enfin, à l'audition de M. Philippe Valletoux, membre du CESE (Conseil économique, social et environnemental), rapporteur des avis sur les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.

M. Philippe Valletoux a indiqué, au préalable, que le rapport sur les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales présenté devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE) avait répondu à une demande des présidents des trois principales associations d'élus locaux, face à la succession de réformes ponctuelles concernant les finances locales : en effet, plus de soixante-dix textes de loi ont modifié la taxe professionnelle depuis trente ans.

Puis il a présenté des graphiques permettant notamment de montrer que le poids des administrations locales dans le produit intérieur brut (PIB) a progressé de près de trois points depuis 1982, que celles-ci réalisent aujourd'hui 73 % des investissements publics et que leurs besoins de financement et encours de dette restent maîtrisés. Par ailleurs, l'Etat s'est peu à peu substitué aux contribuables locaux, puisque les dotations qu'il verse aux collectivités territoriales représentent plus de 40 % de la taxe d'habitation ou de la taxe professionnelle.

Il a souligné ensuite que le partage des impôts locaux entre les différents échelons de collectivités, de même que les dégrèvements et compensations décidés par l'Etat, rendaient le système illisible, déresponsabilisant pour les collectivités et incompréhensible pour le contribuable. Rappelant que l'impôt local est considéré comme la contrepartie d'un service rendu, il a estimé qu'il devrait être payé par tous, dans une certaine mesure, pour que chacun ait conscience que les services publics ont un coût.

Il a indiqué que la réflexion engagée au sein du CESE en vue de moderniser la fiscalité locale et de la rendre plus lisible s'était fondée sur les principes ou considérations suivants : le respect des grands équilibres historiques pour ne pas bouleverser les budgets locaux, la nécessité de ne pas remettre en cause le partage équilibré entre impôts sur les ménages et sur les entreprises, et, enfin, l'idée d'une spécialisation fiscale avec la mise en place d'un « panier » d'impôts à chacun des échelons de collectivités.

Sur cette base, il a avancé plusieurs pistes :

- le maintien de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation, sous réserve d'évolutions : le passage, s'agissant de la taxe d'habitation, à un système déclaratif, fondé sur le loyer réel ou sur un référentiel établi au niveau local ; une modification d'assiette, s'agissant de la taxe professionnelle, les valeurs indiciaires pouvant alors se fonder soit sur la valeur ajoutée, soit sur l'idée d'une taxe d'occupation des lieux ;

- un partage d'impôts nationaux, sur la base d'une contribution sociale généralisée (CSG) pour les départements et d'un impôt sur les entreprises pour les régions ;

- la mise en place, en parallèle, de mesures transitoires pour les collectivités territoriales et pour les contribuables.

Enfin, M. Philippe Valletoux a considéré que la dotation globale de fonctionnement (DGF) n'aboutissait qu'à un saupoudrage de moyens et ne remplissait pas son rôle de péréquation. Aussi a t-il suggéré la création d'un fonds de péréquation au niveau national, géré par les élus, et qui serait abondé, notamment, par les actuels fonds départementaux de péréquation.

A M. Yves Krattinger, rapporteur, qui l'interrogeait sur le volume du fonds et la nécessité d'en répartir les réserves par une négociation entre les élus, M. Philippe Valletoux a indiqué qu'il fallait calibrer la péréquation, massifier les divers fonds au niveau central et identifier un impôt global. Il a souligné que cette construction ne pouvait réussir qu'avec la stabilisation du schéma-cible, la réunion d'un consensus politique, un accord entre l'État et les collectivités locales.

A Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, et M. Claude Belot, président, M. Philippe Valletoux a indiqué que les besoins d'emprunt des budgets locaux étaient évalués par l'État, que cette question posait un problème de définition et que les critères de Maastricht étaient calculés sur la base des critères de la comptabilité nationale.

Mme Marie-France Beaufils a fait remarquer que les collectivités locales contribuaient faiblement à l'encours de la dette et qu'il était important de noter la contribution des collectivités locales à l'enrichissement de leur patrimoine par la construction d'équipement.

M. Claude Belot a observé qu'il n'était pas choquant que les utilisateurs contribuent au fonctionnement des équipements.

M. Charles Guené est intervenu pour approuver les propos de M. Philippe Valletoux, qui reposent sur une décentralisation achevée incluant une gouvernance définie des collectivités locales.

Il a déclaré que, sur un plan général, le principe constitutionnel de l'autonomie financière des collectivités locales était écarté à partir du moment où il était procédé à un partage des impôts nationaux, se demandant si ce principe empêcherait toute réforme.

Pour M. Philippe Valletoux, l'autonomie n'est pas mise en oeuvre actuellement dans la mesure où 40 % des ressources locales proviennent de la fiscalité d'État.

Il a rappelé que le Conseil économique, social et environnemental préconisait la constitution d'un panier d'impôts à chaque niveau de collectivité territoriale, et l'autonomie des collectivités en matière d'abattements et de dégrèvements d'impôts de leur niveau. Il a mentionné que la part de fiscalité dans les ressources des collectivités locales était en elle-même indifférente, citant le cas de l'Allemagne où la prédominance des dotations sur les ressources fiscales dans les budgets locaux est sans incidence sur l'autonomie des collectivités locales.

Il a souligné que l'autonomie fiscale impliquait la maitrise de la fiscalité, notant que tel n'était pas le cas aujourd'hui en France.

En réponse à Mme Jacqueline Gourault, M. Philippe Valletoux a indiqué que l'État contribuait au bon équilibre des finances locales à travers l'importance des transferts de crédits. Il a ajouté que, jusqu'à présent, les collectivités locales étaient exonérées des risques conjoncturels, précisant que, bon an mal an, les versements de l'État aux collectivités locales s'étaient correctement effectués au cours des vingt-cinq dernières années.

A Mme Marie-Claude Beaufils, qui l'interrogeait sur l'impact des allègements de fiscalité, M. Philippe Valletoux a répondu que l'État ne disposait pas d'une base financière et fiscale statistique qui permette d'apprécier les choix des collectivités locales.

Interrogé enfin sur la question de la suppression des départements, il a dit que le gain d'une telle opération n'était absolument pas démontré même si la question était largement débattue. Il a conclu à la nécessité d'une évaluation préalable d'envergure avant d'entreprendre une telle réforme.