Election du Président du Sénat

Discours d’investiture de M. Gérard LARCHER

Lundi 2 octobre 2023

 

Monsieur le Doyen,

Monsieur le Ministre,

Mes chers collègues Secrétaires du Bureau,

Mesdames et Messieurs les Présidents de groupe,

Mes chers Collègues,

 

Merci Monsieur le Doyen, cher Jean-Marie Vanlerenberghe, pour vos propos et la réflexion que vous nous avez fait partager sur la démocratie, le Parlement, la dimension sociétale et sociale de notre action.

Je souhaite remercier les Secrétaires du Bureau d’âge, fonction éphémère que j’ai connue, c’était il y a quelques années ! C’est un moment un peu particulier !

Je voudrais souhaiter la bienvenue à nos nouveaux collègues, ils deviennent les héritiers et les porteurs du bicamérisme, du Conseil des Anciens de 1795 au Sénat d’aujourd’hui, près de 230 années où notre pays n’a connu que trois périodes sans deux assemblées parlementaires :

  • La Convention avant octobre 1795… et la Terreur (1793, 1794)
  • La deuxième République en 1848 mais qui, après des débuts remplis d’espérance, s’est terminée par un coup d’État le 2 décembre 1851 !
  • Et une période particulièrement noire : « l’État français » où le Parlement et la République avaient disparu

Le bicamérisme est indispensable à notre démocratie parlementaire.ššš

Je veux avoir une pensée de gratitude pour celles et ceux qui ne siègent plus parmi nous aujourd’hui. Ils ont apporté au Sénat et au Pays.

Permettez-moi de remercier très sincèrement celles et ceux qui m’ont témoigné leur confiance. Je m’engage à présider notre Assemblée avec la légitimité que me donne la majorité mais aussi dans le respect de la diversité de vos sensibilités.

Je vous propose de n’avoir pour boussole que l’intérêt de notre Pays et de poursuivre la construction du Sénat de demain !

Je voudrais saluer sincèrement Patrick Kanner, Cécile Cukierman et Guillaume Gontard les présidents de groupe qui ont été candidats. Ils ont témoigné de la pluralité de notre Assemblée. Je veux leur dire que je serai, comme hier, très attentif au respect des groupes minoritaires et d’opposition comme d’ailleurs à chaque groupe politique et à chaque sénateur où qu’il siège.ššš

Oui,

Il existe une manière particulière au Sénat d’exercer la fonction parlementaire.

Être sénatrice, être sénateur c’est faire vivre la démocratie, être au service de la République et des citoyens.

Quand 62 % des Français jugent que le Sénat joue un rôle important dans la vie politique française, alors on mesure le chemin parcouru depuis 2014. Nous incarnons plus que jamais ce pôle de stabilité, ce point d’équilibre que vous m’avez souvent entendu évoquer. Oui, je pense que le Sénat est plus que jamais au cœur de la vie démocratique.

Être sénatrice, être sénateur, c’est être autonome, libre et indépendant. C’est se respecter les uns les autres, c’est donner à nos compatriotes le visage d’une Assemblée où on débat, propose, ou parfois on s’oppose mais jamais dans le mépris, l’invective ou la violence.

Mes chers collègues,

Il y a une façon « Sénatoriale » de faire de la politique ; avec sérieux, calme, et détermination. C’est la bonne méthode pour recoudre un pays fracturé, sans craindre de dire la vérité même si elle dérange, en ne reculant jamais devant l’obstacle.

Fort de ces principes, il nous faut imaginer et construire ensemble le Sénat de demain pour mieux répondre aux attentes de nos concitoyens et des territoires, pour retrouver la confiance.

Notre pays, qui souffre, doute, (au fond qui n’a plus confiance), a besoin d’une Assemblée attentive presque affective vis-à-vis de nos compatriotes.

Ces dernières années, j’ai sillonné le pays et rencontré de nombreux élus locaux et nombre d’acteurs économiques et sociaux. Vous le sentez bien, nous traversons une crise profonde : aggravation des fractures territoriales, montée de l’abstention et des votes contestataires, dégradation de nos services publics et de la présence médicale, envolée de la dette publique et des déficits, montée des violences et des émeutes urbaines, inquiétude face à l’inflation, une jeunesse inquiète notamment face au défi climatique ; nous l’avons tous ressenti pendant la campagne électorale que nous venons de vivre. Il nous faudra rompre avec cette spirale du déclin et le Sénat devra y prendre toute sa part.ššš

C’est donc le sens du projet pour les 3 années à venir que j’ai fait parvenir à chacune et à chacun d’entre vous :

« Le Sénat de la République, aujourd’hui et demain ».

D’abord notre mission constitutionnelle. Le Président de la République a par deux fois, en 2017 et en 2022, annoncé son intention de procéder à une réforme des institutions. J’ai souhaité à chaque fois que le Sénat soit en anticipation. Notre groupe de travail transpartisan se réunit depuis novembre 2022 et fera des propositions d’ici la fin de l’année.

Nous sommes prêts à envisager toute réforme qui sera utile à l’amélioration du fonctionnement de notre démocratie, si elle permet de recoudre le pays, si elle permet au peuple de retrouver la confiance en ses parlementaires, ses gouvernants, sa justice. Mais, notre Constitution ne se modifie pas en fonction des pulsions du moment.

  • La Loi / elle est le cœur de notre mission
  • Ces trois dernières années, à travers notre mission de législateur, nous avons défendu les prérogatives du Parlement face à toutes les tentatives de contournement.

Nous avons lutté contre le recours excessif aux ordonnances qui dépossèdent le Parlement du débat et du droit d’amendement.

  • La Loi, pour retrouver sa force et son efficacité doit obéir à quelques principes : simplicité, lisibilité, efficacité, subsidiarité.

Il nous faut donc moins légiférer pour mieux légiférer et cela nous concerne tous, l’exécutif comme les Assemblées.

Trop de lois ne sont jamais appliquées ou inefficaces. Nous devons les évaluer avant et après vote.

L’annonce d’un projet de loi est trop souvent devenu un outil de communication... pour les réseaux sociaux et les médias....... Méfions‑nous des lois de pulsions qui produisent cette inflation législative qu’il nous faut combattre.

  • Notre mission de contrôle est essentielle au contrepouvoir que nous incarnons: nous avons été fidèles à « l’Esprit des lois » : « Le pouvoir arrête le pouvoir ». (Montesquieu).

Et « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. » Article 15 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

C’est ce que nous avons fait, c’est ce que nous ferons !

  • Enfin, nous portons la voix des territoires, convaincu que la gouvernance verticale, la suradministration et l’hyperconcentration du pouvoir sont en partie à l’origine des maux dont souffre notre Pays.

Nous devons remettre les maires au cœur de la décision, gérer en proximité et imposer un nouveau souffle de la décentralisation.

Mais à décentralisation forte il faut aussi un État territorial fort.

Nos collectivités ont besoin de plus de libertés. C’est vrai pour les communes, les départements et les régions. Il nous faudra trouver un juste équilibre entre différenciation et Unité de la République.

Le 6 juillet dernier, « 15 propositions pour « rendre aux élus le pouvoir d’agir » ont été rendues publiques et adressées au Président de la République et à la Première Ministre :

  • Simplification
  • Autonomie fiscale et financière
  • Statut de l’élu
  • Relation entre les services de l’Etat et les maires
  • Logement...

C’est donc « une main tendue loyalement » et concrètement par le Sénat à l’Exécutif. Je souhaite qu’il la saisisse.ššš

En ces temps où l’équilibre institutionnel a été profondément modifié du fait de l’absence de majorité à l’Assemblée nationale où le fait majoritaire n’est plus, le Sénat a un rôle essentiel dans le fonctionnement de nos Institutions. Il est parvenu à être le point d’équilibre d’une démocratie à la peine. Une assemblée qui assume ses différences, qui résiste à la désinformation parfois alarmante, à la « justice » expéditive des réseaux sociaux.

Michel Debré l’anticipait déjà (devant le Conseil d’État le 27 août 1958) : je le cite

« Il est […] facile de comprendre pourquoi il faut à la France une puissante deuxième chambre […] : notre régime électoral (peut) nous empêche(r) de connaître les majorités cohérentes qui assurent, sans règles détaillées, la bonne marche du régime parlementaire ».

C’est donc aujourd’hui pour nous une responsabilité supplémentaire !ššš

La démocratie représentative est fragile. Il faut en prendre soin. Attention à l’image que nous projetons dans l’opinion.

Faisons‑la vivre en étant ouverts, disponibles, à l’écoute, « soyons attentifs au pouls de la société ».

Mes chers collègues,

A l’extérieur du pays naît un doute sur le rôle et le rang de la France dans le Monde. J’ai dans mes déplacements à l’étranger rencontré nos compatriotes établis hors de France, nous devons y être attentifs et être solidaires : je pense aujourd’hui à ce que nous vivons en Afrique.

Soyons attentifs aux puissances nouvelles qui émergent sur le continent africain et en Indopacifique et qui bouleversent des équilibres qui semblaient durablement être installés. Nous devons faire face à de nouveaux défis : crises migratoires et crise climatique, sur lesquelles nous devons être particulièrement mobilisés ; vaste champ où la diplomatie parlementaire peut être utile. Je veux avoir aujourd’hui une pensée toute particulière et solidaire pour l’Arménie et les Arméniens.ššš

Ensemble nous allons vivre 3 années d’engagement au service des Français et de la République.

Je crois profondément que le Sénat aura une responsabilité particulière pour mobiliser les forces vives de notre Pays et faire vivre la démocratie.

Nous devrons rester l’Assemblée du débat apaisé.

Une Assemblée responsable face aux défis qui se présentent, intransigeante à chaque fois que les intérêts de la France l’exigeront. C’est comme cela que nous réussirons à rassembler les Français pour retrouver le sentiment d’appartenance à la Nation.

Nous devons retrouver confiance et espérance.

Participons ensemble à cette ambition collective.

Pour que

Vive le Sénat, Vive la République. Vive la France.

Seul le prononcé fait foi