40ème anniversaire de l’OPECST

Intervention de M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Jeudi 6 juillet 2023

(Salle Médicis)

 

Monsieur le président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, cher Pierre Henriet,

Monsieur le premier vice-président de l’OPECST, cher Gérard Longuet,

Messieurs les anciens présidents de l’OPECST, chers Henri Revol, Jean-Yves Le Déaut, Cédric Villani, je salue aussi Bruno Sido même s’il n’a pas pu se libérer [absent car en campagne], mes chers collègues,

Mesdames et Messieurs les membres actuels et anciens de l’OPECST, députés et sénateurs,

Mesdames et Messieurs les membres du conseil scientifique de l’OPECST,

Mesdames et Messieurs les académiciens,

Mesdames et Messieurs les présidents et responsables des grands organismes de recherche,

Mesdames et Messieurs, chercheurs, experts, invités, chers amis,

 

C’est pour moi un grand plaisir de célébrer avec vous ce matin au Sénat le 40ème anniversaire de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques – l’OPECST.

C’est la loi du 8 juillet 1983, il y a juste 40 ans, qui, après un vote unanime de chaque assemblée, a créé cette structure parlementaire efficace, utile et originale.

L’intuition de nos prédécesseurs était aussi simple que pertinente: doter les deux chambres du Parlement d’un organisme commun chargé de l’informer sur les conséquences des grands choix scientifiques et technologiques et d’éclairer la décision parlementaire. Lors des travaux préparatoires, on évoquait plusieurs grands sujets en la matière, qui restent d’actualité ! Le spatial, le nucléaire et ses déchets, la génétique, l’informatique, la robotique, la micro-électronique...

Avec un nombre égal de députés et de sénateurs, et une présidence tournante tous les trois ans entre l’Assemblée nationale et le Sénat, l’OPECST est une vraie structure bicamérale et comme le dit bien l’un de ses anciens présidents Jean-Yves Le Déaut, un lieu particulièrement intéressant de « fabrique du consensus » entre l’Assemblée et le Sénat, quelles qu’aient été les majorités dans chaque assemblée au cours des 40 dernières années.

C’est la force incontestable des rapports de l’Office / de pouvoir s’appuyer sur ce travail approfondi et commun entre députés et sénateurs et sur une adoption de ses rapports – 250 depuis le début de son existence ! – à de très larges majorités.

Malgré les vicissitudes de la vie politique et le caractère parfois délicat ou brûlant voire polémique des sujets traités, l’Office n’a jamais calé devant l’adoption d’un rapport, même s’il a fallu parfois aller loin dans la discussion et la recherche de compromis. Le Sénateur Catherine Procaccia pourrait en parler longuement sur de nombreux sujets abordés, comme, par exemple, celui des nouvelles techniques de sélection végétale ! sujet d’actualité avec la proposition formulée hier par la Commission européenne [J’en profite pour saluer son engagement de longue date au sein de l’Office et la très grande qualité des nombreux travaux réalisés pour l’OPECST, mais aussi en tant que Sénateur du Val-de-Marne depuis 2004, notamment sur les sujets sociaux et les nouvelles technologies.]

L’originalité de l’Office est aussi la présence d’un Conseil scientifique à ses côtés. Composé de 24 personnalités représentatives d’un large éventail de disciplines scientifiques et technologiques -  certains de ses membres éminents sont dans la salle -, ce Conseil fournit une expertise très précieuse à l’Office et je voudrais remercier chacun de ses membres pour ce concours apporté au Parlement.

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Originalité encore, les modalités de travail de l’Office qui prennent des formes variées.

 

La première est bien sûr celle des études sur saisine, soit par le Bureau, soit par une commission permanente de l’Assemblée nationale ou du Sénat. Ainsi, hier, pour marquer l’importance que le Sénat accorde au travail de l’OPECST, le Bureau a décidé, conjointement avec celui de l’Assemblée nationale, de saisir l’Office d’une évaluation des nouveaux développements en intelligence artificielle. La technologie en la matière avance en effet particulièrement vite : le grand public a pu le constater, avec l’essor des dernières solutions d’IA, telles que ChatGPT [lire tchatte G-P-T].

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Au-delà des rapports sur saisine, l’OPECST a par la suite élargi ses modalités de travail, notamment à l’initiative de Jean-Yves Le Déaut, en organisant des auditions publiques d’actualité. Ces auditions contradictoires, sur des sujets scientifiques parfois controversés et souvent complexes, ont permis d’éclairer le travail parlementaire sur des thèmes aussi variés que les OGM, les compteurs communicants, la politique vaccinale, l’expérimentation animale, l’usage d’algorithmes dans certaines politiques publiques, ou encore les soudures de l’EPR de Flamanville, une audition particulièrement « électrique » comme me le rappelait récemment le premier vice-président Gérard Longuet.

 

Outre leur caractère éclairant, approfondi et contradictoire, ces auditions publiques ont deux particularités. Elles donnent systématiquement lieu à l’adoption de conclusions, souvent assorties de recommandations, ce qui montre le positionnement très constructif de l’Office qui veut être utile au Parlement.

L’autre particularité, plus récente, est que chacune de ces auditions est ouverte aux questions des internautes qui, en direct, peuvent interroger les intervenants. Lorsque les questions sont très nombreuses, toutes ne peuvent pas être posées pendant l’audition, mais certaines, au moins, le sont toujours. C’est la marque d’un OPECST vraiment à l’écoute du grand public. Il est non seulement au carrefour de la science et du Parlement mais aussi de la science et de la société.

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Dernière modalité de travail de l’Office : les notes scientifiques. Ce nouveau format des travaux de l’OPECST est une initiative de Cédric Villani, et de Gérard Longuet. Au rythme d’une dizaine par an, ces notes explorent des sujets très divers, souvent en lien avec les travaux parlementaires. Leur format court et synthétique – 4 pages auxquelles s’ajoutent notes et références - est une incontestable réussite. Je ne peux pas toutes les citer mais à titre d’exemple, je mentionnerai les notes sur le stockage de l’électricité, les technologies quantiques, les enjeux sanitaires et environnementaux de l’huile de palme, la phagothérapie, les modes de production de l’hydrogène, la pollution lumineuse, le stockage sous forme d’ADN, le recyclage des plastiques, etc.

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L’Office est également chargé par la loi de l’évaluation de certaines législations ou politiques publiques : je pense aux lois de bioéthique, sur lesquelles le travail de l’OPECST a toujours été fondamental pour faire un état des lieux de la recherche, ou au domaine du nucléaire avec deux points d’intérêt particulier, le contrôle de la sûreté et la gestion des déchets radioactifs.

Nous savons à quel point le sujet de la sûreté nucléaire est important. Depuis l’origine, l’OPECST y a accordé une très grande attention. Il a même été à l’origine de deux lois, celle de 1991 sur la gestion des déchets radioactifs et celle de 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.

Dans le contexte actuel de renouveau du programme nucléaire, l’Office a, fort de son expérience et de son autorité dans ce domaine, un rôle éminent à jouer. Le rapport qu’il doit rendre dans quelques jours sur la réforme envisagée de la sûreté nucléaire est très attendu, je le sais, aussi bien par nos collègues parlementaires que par nos concitoyens qui s’intéressent au sujet.

Il est difficile de citer tous les travaux de l’Office et, encore plus, de mentionner tous les députés et sénateurs qui y ont participé depuis 40 ans. Mais, je peux saluer l’engagement de tous car chacun des rapports ou des notes de l’Office est le fruit de nombreuses heures d’auditions, de déplacements de terrain, de visites de laboratoires, de rencontres avec des scientifiques notamment étrangers… L’ampleur et la richesse de ce travail sont extrêmement précieuses pour le Parlement. C’est ce que nous fêtons aujourd’hui !

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Avant de vous laisser entamer cette matinée de travail, je voudrais souligner l’intérêt de la manière dont vous avez décidé de l’organiser. L’Office a en effet tenu à consulter le public en l’invitant à sélectionner sur internet les quatre thèmes scientifiques abordés ce matin. C’est une habitude que nous avons aussi prise, au Sénat, de consulter le public ou les élus locaux sur un certain nombre de nos travaux. L’Office, aussi, a cette pratique. C’est à mes yeux non seulement utile mais essentiel pour créer un lien supplémentaire entre nous, parlementaires, et ceux que nous représentons.

Conformément au choix de nos concitoyens, vous allez donc travailler, pour cette seconde journée de travail, sur quatre questions passionnantes, qui recouvrent de nombreux débats législatifs d’actualité, tant au niveau français qu’au niveau européen.

- Peut-on satisfaire nos besoins énergétiques avec les énergies renouvelables ?

- Réduire l’usage des produits phytosanitaires agricoles, est-ce mettre en danger la production alimentaire ?

- Peut-on capter et stocker davantage de CO2 ?

- Enfin, l’intelligence artificielle est-elle une menace ?

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Enfin, je souhaite saluer le premier vice-président, Gérard Longuet, et le remercier pour tout le travail accompli, en tant que parlementaire, bien sûr, et j’ai déjà eu l’occasion de le faire en séance publique, mais aussi en tant que premier vice-président de l’Office. Pour ne donner qu’un seul exemple, je sais, cher collègue, votre engagement sur les questions relatives au nucléaire, de la production à la gestion des déchets. Je n’oublie pas les propos prophétiques que vous aviez tenus lors du débat sur le projet de loi qui, en 2015, proposait la réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité à horizon 2025. Vous aviez déclaré que, pour atteindre cet objectif, la France serait contrainte de remettre en activité des centrales au charbon ! Et malheureusement, effectivement, après la fermeture de Fessenheim, la France a été contrainte l’an dernier de rouvrir la centrale à charbon de Saint-Avold et d’importer de l’électricité d’origine fossile. La ministre de l’époque aurait mieux fait de fonder sa position sur la science et la technologie plutôt que sur les arrangements politiques ! Merci donc, cher Gérard Longuet, d’avoir été notre vigie.

Mes chers collègues, Mesdames et Messieurs, je vous souhaite donc un excellent travail, à l’image de tout ce qui a été fait depuis 40 ans.

 

En ces temps où la défiance envers la science, les pratiques ésotériques, certains discours obscurantistes, et les raccourcis pseudo-scientifiques, sont de plus en plus répandus, le rôle de l’OPESCT n’en est que plus essentiel, pour éclairer non seulement nous, les parlementaires, mais aussi les médias et la société toute entière, pour rappeler à tous la complexité des sciences et des technologies face à la pensée, simplificatrice, du coup de baguette magique. Je formule donc le vœu que l’OPECST poursuive son travail, indéniablement d’intérêt général, au service de la science, de la société et du Parlement !