COM(2024) 14 final  du 24/01/2024

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2009/38/CE en ce qui concerne l'institution et le fonctionnement de comités d'entreprise européens et l'application effective des droits d'information et de consultation transnationales - COM(2024) 14 FINAL

Cette proposition de directive vise à modifier la directive 2009/38/CE s'agissant de l'institution et le fonctionnement de comités d'entreprise européens (CEE) et l'application effective des droits d'information et de consultation transnationales.

Elle vise à remédier aux lacunes de la directive de 2009 et à améliorer ainsi l'efficacité du cadre relatif à l'information et à la consultation des travailleurs à l'échelon transnational. Une évaluation conduite par la Commission en 2018 avait montré la plus-value de cette directive mais également plusieurs difficultés1(*).

La présente proposition vise ainsi à remédier aux lacunes principales suivantes :

· La directive de 2009 ne s'applique pas à près de 350 entreprises de dimension communautaire dans lesquelles des accords en matière d'information et de consultation transnationales sont en vigueur, en raison d'exemptions de son champ d'application.

· Malgré cette directive, des incertitudes demeurent concernant le processus d'institution des CEE et la prise en charge des dépenses des groupes spéciaux de négociation (GSN) représentant les travailleurs. En outre, dans la plupart des cas, ce processus n'entraîne pas nécessairement un équilibre hommes-femmes dans les CEE.

· Dans certains cas, il n'existe pas de dialogue véritable, se déroulant en temps opportun et constructif entre la direction et le CEE, notamment lorsque la direction ne fournit pas de réponse motivée aux avis exprimés par le comité d'entreprise européen avant d'adopter une décision sur des questions transnationales. Certains CEE sont également confrontés à une insécurité juridique quant à la prise en charge de leurs ressources et aux conditions dans lesquelles la direction peut exiger le traitement confidentiel des informations ou refuser de divulguer certaines informations au CEE.

· Les titulaires de droits en vertu de la directive ne disposent pas toujours de voies de recours effectives ni d'un accès à la justice pour faire valoir leurs droits. En outre, le non-respect des exigences en matière d'information et de consultation transnationales est rarement assorti de sanctions suffisamment effectives, proportionnées et dissuasives.

En février 2023, le Parlement européen a adopté un rapport d'initiative législative2(*) proposant de nombreux amendements à la directive, notamment :

- l'élargissement de la définition des questions transnationales ;

- une modification de la définition de « consultation » rapprochant la procédure d'une codétermination ;

- des exigences plus strictes concernant le recours à la notion de confidentialité des informations ;

- la mise en place de procédures judiciaires d'injonction pour remédier à des manquements aux consultations ;

- la fixation de niveaux de sanction en cas de manquement, sur le modèle des sanctions fixées par le RGPD.

1. Le contenu de la proposition législative de la Commission

· La proposition vise à éviter des différences injustifiées dans les droits minimaux d'information et de consultation des travailleurs à l'échelon transnational. Ainsi le considérant (16) de la directive 2009/38 a été introduit à l'article 1er pour clarifier la notion de « questions transnationales » : la « transnationalité » peut être présumée dans deux cas spécifiques i) lorsqu'une décision est susceptible d'affecter des travailleurs dans deux États membres ou plus ; ou ii) lorsque la décision est susceptible d'affecter des travailleurs dans un État membre et lorsque les conséquences de cette décision sont susceptibles d'affecter des travailleurs dans au moins un autre État membre.

· La proposition vise également à garantir un processus plus efficace d'information et de consultation des CEE et de leurs ressources appropriées. Les termes « information » et « consultation » sont ainsi précisés dans la directive. Par ailleurs, l'article 9 prévoit que la consultation doit permettre aux représentants des travailleurs d'exprimer un avis avant l'adoption de la décision et que la direction centrale doit, avant d'adopter sa décision sur la mesure proposée, apporter une réponse écrite motivée audit avis. La directive comprend également des modifications de la composition et des ressources des groupes spéciaux de négociation, pour lesquels il est précisé que les dépenses relatives aux négociations, supportées par la direction centrale, comprennent les frais raisonnables d'assistance juridique, de représentation et de procédure.

Par ailleurs, la directive prévoit que non seulement les membres du CEE mais aussi les représentants des travailleurs, y compris les membres du GSN et du CEE, doivent disposer des moyens nécessaires pour appliquer les droits découlant de ladite directive.

· La proposition vise à garantir une institution plus efficiente et plus efficace de comités d'entreprise européens présentant un meilleur équilibre entre les genres. La directive prévoit ainsi que lors de la négociation de nouveaux accords sur des CEE ou de la renégociation d'accords existants, les parties seront tenues, en vertu d'un nouveau paragraphe (2 bis) inséré à l'article 6 de la directive 2009/38/CE, de définir les modalités nécessaires pour parvenir, dans la mesure du possible, à une composition équilibrée entre les hommes et les femmes au sein du CEE et, le cas échéant, du comité restreint. Cet objectif est défini par l'objectif de 40 % de sièges au sein du CEE -- ou du comité restreint -- à attribuer aux membres de chaque sexe.

· La proposition vise à promouvoir une application plus efficace de la directive afin d'améliorer le respect des règles. La directive prévoit ainsi de nouvelles règles pour encadrer le traitement ou la non-transmission des informations confidentielles aux CEE ou GSN, de la part de la direction centrale. Par ailleurs, l'obligation pour les États membres de prévoir des sanctions effectives, dissuasives et proportionnées -- actuellement mentionnées au considérant 36 de la directive 2009/38/CE en référence aux principes généraux du droit de l'Union -- sera énoncée à l'article 11 de la nouvelle directive.

2. Cette proposition législative est-elle conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ?

La directive de 2009 avait été adoptée en vertu de l'article 137 du traité instituant la Communauté européenne. Dans le traité actuel, la base juridique appropriée pour une révision de la directive est l'article 153, paragraphe 1, point e), en liaison avec l'article 153, paragraphe 2, point b), du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). L'article 153, paragraphe 1, point e), du TFUE constitue la base juridique permettant à l'Union de soutenir et de compléter l'action des États membres visant à améliorer l'information et la consultation des travailleurs. Dans ce domaine, l'article 153, paragraphe 2, point b), du TFUE habilite le Parlement européen et le Conseil à adopter, conformément à la procédure législative ordinaire, des directives fixant des prescriptions minimales applicables progressivement, en tenant compte des conditions et des réglementations techniques existant dans chacun des États membres.

Sur le plan de la subsidiarité, il est vrai que, compte tenu de la nature transfrontière des entreprises et des groupes relevant du champ d'application de la directive et de la nature transnationale des questions soumises à des exigences en matière d'information et de consultation transnationales, une action de l'Union européenne est légitime. Toutefois, la définition de la notion de « questions transnationales » présente dans le texte mériterait d'être précisée par la Commission. C'est une demande de nombreux États, dont la France, faite notamment lors du premier examen du texte, en groupe des questions sociales, fin février. La Commission a fait des propositions en ce sens. Il faudra ainsi être attentif à ce que cette notion soit clarifiée, lors des discussions du texte, afin d'éviter une inflation des sujets concernés et une potentielle concurrence avec les procédures d'information- consultation nationales, ainsi qu'un empiètement sur les compétences des organismes nationaux.

C'est pourquoi le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas approfondir l'examen de ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 En réponse aux conclusions de l'évaluation, la Commission a pris des mesures non législatives, notamment en apportant un soutien financier aux projets des partenaires sociaux, en proposant un manuel à l'intention des CEE et en engageant un dialogue structuré avec les États membres relatif à l'application de la législation.

* 2Résolution du Parlement européen du 2 février 2023 contenant des recommandations à la Commission sur la révision de la directive sur les comités d'entreprise européens (2019/2183(INL)) https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2023-0028_FR.html


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 21/02/2024