COM(2023) 777 final  du 30/11/2023

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Ø Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2021/1232 dérogeant temporairement à certaines dispositions de la directive 2002/58/CE afin de lutter contre les abus sexuels sur les enfants (COM (2023) 777 final)

L'une des conséquences du développement d'Internet a été malheureusement la prolifération de contenus en ligne relatifs à des abus sexuels commis sur des mineurs. Or, alors que les abus sexuels et l'exploitation sexuelle des enfants, y compris la pédopornographie, constituent des crimes particulièrement graves punis dans tous les États membres de l'Union européenne, cette dernière est aujourd'hui le premier hébergeur de contenus à caractère pédopornographique dans le monde1(*).

La France a décidé de réagir avec une pénalisation de la pédopornographie et la mise en place de la plateforme de signalement PHAROS2(*), gérée par les policiers de l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC), qui peut demander aux éditeurs et aux hébergeurs en ligne de retirer des contenus relatifs à des abus sexuels sur mineurs3(*). En cas de non-retrait de ces contenus, l'OCLCTIC peut demander par notification aux fournisseurs d'accès internet (FAI) de bloquer sans délai l'accès à ces contenus, et aux moteurs de recherche ou annuaires de déréférencer les services hébergeant ces contenus.

Au niveau européen, la directive 2011/93/UE4(*) définit les infractions liées aux abus sexuels et à l'exploitation sexuelle des enfants, ainsi que celles liées à la pédopornographie et à la sollicitation d'enfants à des fins sexuelles, et demande aux États membres de « prendre les mesures nécessaires » pour les punir. Mais en 2019, la mise en oeuvre de ce texte demeurait partielle, incitant la Commission européenne à lancer des procédures d'infraction contre 23 États membres, dont la France.

Par ailleurs, certains fournisseurs en ligne ont décidé de mener des actions volontaires de détection des contenus pédopornographiques en ligne, dont la contribution est avérée, mais difficile à évaluer (les fournisseurs refusant l'accès à leurs données).

En conséquence, l'Union européenne a adopté, le 24 juillet 2020, une stratégie européenne pour une lutte plus efficace contre les abus sexuels commis contre des enfants. Dans cette perspective, afin de sécuriser les actions volontaires précitées des fournisseurs, l'Union européenne a adopté en 2021 une réglementation dérogeant temporairement (jusqu'en août 2024) aux dispositions de la directive « vie privée et communications électroniques »5(*). Cette dérogation permet aux fournisseurs de détecter et de signaler tout abus sexuel commis contre un enfant en ligne, et de bloquer le compte de l'utilisateur concerné ou de suspendre son accès au service6(*).

Enfin, en mai 2022, la Commission européenne a proposé une proposition de règlement à vocation pérenne7(*) :

- imposant aux fournisseurs de services d'hébergement et de services de communications interpersonnelles des obligations précises de détection, de signalement et de retrait de contenus ;

-instituant un centre de l'Union européenne en soutien à la lutte contre les contenus pédopornographiques en ligne.

Dans sa résolution européenne n°77 du 20 mars 2023, adoptée sur le rapport de nos collègues Catherine Morin-Desailly, Ludovic Haye et André Reichardt, le Sénat a soutenu les nouvelles obligations imposées aux fournisseurs tout en demandant d'y ajouter une obligation de déréférencement des contenus pédopornographiques et en recommandant d'en préciser les modalités, afin de concilier efficacité opérationnelle et interdiction d'une surveillance généralisée des communications.

Cependant, les négociations sur cette proposition avancent lentement, les États membres demeurant divisés entre partisans d'une détection « tous azimuts » en ligne afin de mettre à jour les abus sexuels sur les enfants en ligne, et les défenseurs du maintien du cryptage pour certains usages. Ne parvenant pas à réduire ces antagonismes, la présidence espagnole a renoncé à aboutir.

Voilà pourquoi, le 30 novembre dernier, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement afin de prolonger le dispositif transitoire mis en place en juillet 2021, dans l'attente d'un accord politique sur la proposition de règlement COM(2022) 212 final.

1. Le contenu de la proposition législative de la Commission

Le contenu de la proposition est aussi bref que clair : il a pour unique objet de prolonger la « durée de vie » du règlement temporaire (UE) 2021/1232 de deux ans, jusqu'en août 2026.

2. Cette proposition législative est-elle conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ?

La présente proposition de règlement n'est en fait qu'un amendement de prolongation du règlement (UE) 2021/1232, dont les bases juridiques, la nécessité et la proportionnalité ont déjà été vérifiées et validées en 2021.

En conséquence, tout comme ce règlement, la présente proposition ne semble pas porter atteinte aux principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 Exposé des motifs de la communication de la Commission européenne (COM(2020) 607 final du 24 juillet 2020) valant « Stratégie de l'Union européenne en faveur d'une lutte plus efficace contre les abus sexuels commis contre des enfants. »

* 2 Plateforme d'Harmonisation, d'Analyse, de Recoupement et d'Orientation des Signalements.

* 3 Article 6-1 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

* 4 Directive 2011/93/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 relative à la lutte contre les abus sexuels et l'exploitation sexuelle des enfants ainsi que la pédopornographie et remplaçant la décision-cadre 2004/68/JAI du Conseil

* 5 Directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques.

* 6 Règlement (UE) 2021/1232 du Parlement européen et du Conseil du 14 juillet 2021 relatif à une dérogation temporaire à certaines dispositions de la directive 2002/58/CE en ce qui concerne l'utilisation de technologies par les fournisseurs de services de communications impersonnelles non fondés sur la numérotation pour le traitement de données à caractère personnel et d'autres données aux fins de la lutte contre les abus sexuels commis contre des enfants en ligne.

* 7 Proposition de règlement établissant des règles pour prévenir et combattre les abus sexuels sur enfants, COM(2022) 212, mai 2022.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 19/12/2023