COM(2023) 728 FINAL  du 22/11/2023

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Ø Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à un cadre de surveillance pour des forêts européennes résilientes (COM (2023) 728)

Alors que les forêts, qui représentent 44,3 % de l'espace terrestre de l'Union, sont de plus en plus exposées aux aléas induits par le changement climatique (incendies, infestations d'organismes nuisibles, sécheresses et vagues de chaleur), les outils de surveillance actuels des forêts demeurent, selon la Commission, incomplets et très peu harmonisés au sein de l'Union européenne, avec pour corolaire des données lacunaires et disparates, dont la consolidation au niveau européen serait particulièrement complexe.

Ainsi, tandis que plusieurs paramètres liés aux forêts, tels que la biomasse et la structure forestières, ne peuvent être cartographiés et surveillés de manière fiable dans l'ensemble de l'UE qu'en combinant les observations au sol, la télédétection et la modélisation, plusieurs facteurs (manque d'interopérabilité, absence de définitions communes, absence de séries chronologiques longues et comparables, problèmes d'accès aux données) rendent cet exercice difficile.

Par ailleurs, depuis l'expiration du règlement concernant la surveillance des forêts et des interactions environnementales dans la Communauté1(*) en 2007, les États ne sont plus soumis à aucune obligation déclarative complète s'agissant de l'état des forêts. S'il existe actuellement des mécanismes de déclaration de données permettant de recueillir des informations sur les forêts, l'Union européenne ne dispose pas d'un système commun pour la collecte et le partage de données sur les forêts.

Pour la Commission, cette situation nuit à la capacité d'évaluer de manière adéquate l'état et les évolutions de l'écosystème forestier à l'échelle de l'Union et partant, de mener une planification forestière de qualité et de prévenir efficacement les catastrophes forestières.

1. Le contenu de la proposition législative de la Commission

Dans ce contexte, conformément aux engagements pris dans la nouvelle stratégie de l'Union pour les forêts à l'horizon 20302(*), la Commission a élaboré une proposition législative spécifique sur l'observation, la collecte de données et la communication d'informations sur les forêts de l'Union.

L'objectif poursuivi par la présente proposition est donc double :

- garantir des données exactes, numérisées, cohérentes, comparables, actuelles et accessibles sur l'état des forêts de l'Union, établissant un système de surveillance des forêts géré par la Commission et les États membres ;

- encourager les États membres à développer ou adapter leurs plans forestiers intégrés à long terme, sur la base d'informations de qualité liées aux objectifs stratégiques de l'Union, afin de garantir la résilience des forêts face au changement climatique.

En pratique, elle prévoit la mise en place d'un cadre obligatoire de l'UE couvrant trois éléments :

(i) la mise en place d'un système d'identification géographiquement explicite des unités forestières, développé selon une approche normalisée, permettant une cartographie et une localisation correctes des zones contenant des forêts, afin de suivre l'évolution du couvert forestier et des caractéristiques des forêts ;

(ii) la collecte de trois types données sur les forêts, reposant à la fois sur la Commission et les États membres :

o Tout d'abord, des données normalisées (8 indicateurs figurant à l'annexe I) seraient collectées par la Commission par l'intermédiaire de l'observation de la Terre au moyen de satellites Copernicus. S'ils le souhaitent, les États membres auraient la possibilité de réaliser eux-mêmes ces mesures, à condition que leurs données correspondent aux critères détaillés par la Commission en annexe ;

o En parallèle, des données harmonisées (13 indicateurs listés à l'annexe II : prélèvements, bois mort, production et commerce des produits du bois, etc.), devraient être collectées systématiquement par les États membres au moyen de leurs propres études (inventaires forestiers nationaux ou autres réseaux de sites de surveillance), la fréquence de la collecte de ces données variant entre une semaine et six ans selon les indicateurs. Les États membres devraient bénéficier d'une certaine marge de manoeuvre pour harmoniser les valeurs agrégées conformément à des définitions communes, sans modifier de manière significative leurs méthodes de collecte des données ;

o Enfin, des données supplémentaires, dont la surveillance devra être mise en place « de façon graduelle » (annexe III), seraient à terme collectées par les États membres et la Commission, sans que la proposition de règlement ne fixe d'échéance pour débuter la collecte.

(iii) le partage de données sur les forêts, ces dernières devant être mises à disposition du public par les États membres et la Commission, notamment grâce à leur mise en ligne sur le site de la plateforme du système d'information forestière pour l'Europe (FISE).

Enfin, si la proposition de règlement prévoit la possibilité pour les États membres d'élaborer des plans intégrés à long terme pour les forêts, l'élaboration de ces derniers resterait facultative. La Commission envisageait initialement de rendre cet exercice obligatoire, avant de revoir sa position, à la lumière des consultations menées avec les États membres.

2. Cette proposition législative est-elle conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ?

Destinée à contribuer à la mise en oeuvre du pacte vert pour l'Europe, de la stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030 et de la nouvelle stratégie de l'UE pour les forêts à l'horizon 2030, la proposition se fonde sur l'article 192, paragraphe 1 du TFUE, relatif à la mise en oeuvre des objectifs de la politique de l'UE dans le domaine de l'environnement, qui comprennent notamment la préservation, la protection et l'amélioration de la qualité de l'environnement, ainsi que la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l'environnement, en particulier la lutte contre le changement climatique.

Au niveau européen, la mise en place d'un système de surveillance se justifie par la nécessité, dans un contexte marqué le changement climatique, d'une part de suivre les effets des politiques de l'Union sur les écosystèmes forestiers, et d'autre part d'agir en temps utile contre les perturbations qui menacent la santé et la résilience des forêts (incendies, tempêtes, attaques de scolytes, etc.)

Alors que la surveillance des forêts soulève des enjeux transfrontaliers, les systèmes de surveillance nationaux se révèlent inégaux et morcelés. Dès lors, l'intervention de l'Union présente une valeur ajoutée, en permettant l'établissement de normes communes pour la collecte et le suivi des données relatives à l'état des forêts européennes.

La proposition de règlement paraît au demeurant proportionnée, puisque le cadre de surveillance reposerait essentiellement sur le partage de données harmonisées provenant des systèmes nationaux de collecte de données existants, afin de limiter autant que possible les ajustements que les États membres devraient apporter à leurs méthodes de collecte.

Enfin, il convient de rappeler qu'en l'absence de base juridique dans les traités européens pour une politique forestière européenne, la gestion et la planification forestières constituent une compétence exclusive des États membres. À cet égard, les éléments relatifs à la préparation, par les États membres, de « plans intégrés à long terme » couvrant un ensemble d'aspects communs auraient pu se révéler problématiques ; néanmoins, dans la mesure où l'élaboration de tels plans intégrés demeure facultative et non obligatoire, la présente proposition paraît conforme au principe de subsidiarité.

Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 Règlement (CE) n° 2152/2003 du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 concernant la surveillance des forêts et des interactions environnementales dans la Communauté.

* 2 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au comité des régions, « Une nouvelle stratégie de l'UE pour les forêts pour 2030 », COM (2021) 572.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 15/12/2023