COM(2023) 420 FINAL  du 05/07/2023

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Proposition de directive modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets -COM (2023) 420 final

La Commission européenne a présenté, le 5 juillet 2023, une initiative qui propose de modifier la directive-cadre relative aux déchets1(*) pour deux des secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre et les plus consommateurs de ressources : le textile et l'alimentation. Cette proposition de directive s'inscrit dans le cadre du Pacte vert pour l'Europe qui tend notamment à promouvoir la transition vers une économie circulaire et une réduction des déchets produits dans l'Union. Elle vise à mettre en oeuvre le nouveau plan d'action pour l'économie circulaire2(*), présenté le 11 mars 2020, et la stratégie de l'UE pour des textiles durables et circulaires3(*), publiée le 30 mars 2022.

Les mesures proposées par la Commission doivent permettre d'accélérer la lutte contre le gaspillage alimentaire et le développement de la collecte séparée des déchets textiles qui doit devenir obligatoire dans tous les États membres à partir du 1er janvier 2025, en application de l'article 11 de la directive-cadre relative aux déchets. En effet, l'évaluation de la directive actuelle a montré que les États membres se sont insuffisamment préparés à la réalisation de ce dernier objectif, en l'absence d'incitation pour promouvoir le traitement des textiles en fin de vie. L'étude d'impact a aussi souligné des pratiques très hétérogènes en fonction des différents États.

Ainsi les déchets textiles produits en Europe représentent plus de 12 millions de tonnes par an dont 5 millions pour les vêtements et les chaussures, soit 12 kg par habitant et par an dans l'Union. Or la collecte séparée des textiles est encore très largement insuffisante, de l'ordre de 30 % seulement, ce qui conduit la plupart du temps à leur incinération ou à leur mise en décharge. En outre, la consommation croissante de vêtements liée au phénomène de mode éphémère ou « fast fashion » contribue à l'augmentation des quantités de déchets textiles produits dans l'UE.

Le gaspillage alimentaire constitue aussi un problème important au niveau européen, en particulier en termes économiques et environnementaux, avec 59 millions de tonnes de déchets alimentaires générés en 2020, ce qui représente 131 kg par personne et par an. Les ménages européens sont responsables de ce gaspillage à hauteur de 53 %. Or malgré la prise de conscience de cette problématique et l'engagement des États membres sur ce sujet, le volume de déchets alimentaires ne diminue pas non plus. La directive-cadre relative aux déchets impose pourtant aux États membres de prendre des mesures pour prévenir la production de déchets alimentaires et s'efforcer d'atteindre un objectif indicatif de réduction des déchets alimentaires à l'échelle de l'Union de 30 % d'ici à 2025 et de 50 % d'ici à 2030.

1. Le contenu de la proposition législative de la Commission

L'objectif de la proposition de directive est de réduire la production de déchets textiles et alimentaires, favoriser le réemploi et la préparation du réemploi, ainsi que d'encourager le développement du recyclage en volume et en qualité, dans le cadre de la directive-cadre relative aux déchets qui fixe déjà un certain nombre d'objectifs et d'obligations.

Pour ce faire, le texte s'articule autour de cinq axes :

- la mise en oeuvre du principe pollueur-payeur et de la responsabilité du producteur ;

- l'augmentation de la circularité des produits dans le cadre de leur éco-conception favorisée par la modulation des contributions ;

- le financement de la collecte séparée, du tri, du réemploi et du recyclage ;

- le développement des marchés d'occasion et des entreprises basées sur l'économie circulaire ;

- la lutte contre le trafic illégal des déchets textiles.

La proposition introduit cinq nouvelles définitions dans la directive-cadre relative aux déchets dont celles de « producteur de produits et accessoires textiles et de chaussures », de « plateforme en ligne » et d'«organisation compétente en matière de responsabilité du producteur ». Elle prévoit la mise en place dans tous les États membres d'un régime de responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les textiles et chaussures qui s'applique aussi aux plateformes de vente en ligne. L'annexe qui définit les textiles relevant du champ de la filière REP devrait être mise à jour par un acte délégué adopté par la Commission européenne. Les pays européens devraient également tenir un registre des producteurs de produits et accessoires textiles et de chaussures.

Afin d'atteindre l'objectif de collecte séparée des textiles aux fins de réemploi et de recyclage au plus tard le 1er janvier 2025, les acteurs du secteur textile devraient ainsi mettre en place un système de collecte séparée pour les produits et accessoires textiles et les chaussures usagés selon des modalités prévues par le présent texte ainsi que pour les déchets issus de ces textiles. Il leur reviendrait également de désigner une organisation compétente en matière de responsabilité du producteur. Il est prévu de répartir les points de collecte sur l'ensemble du territoire des États membres en tenant compte d'un certain nombre de caractéristiques. Les entreprises sociales devraient être autorisées à conserver et à exploiter leurs propres points de collecte séparée.

Les transferts de textiles collectés, considérés comme des déchets, relèveraient de l'application du règlement sur les transferts de déchets.

S'agissant de la prévention du gaspillage alimentaire, la proposition fixe au niveau de chaque État membre des objectifs de réduction de déchets alimentaires à atteindre au plus tard le 31 décembre 2030, à savoir 10 % pour le secteur de la production et de la transformation et 30 % pour la distribution et la consommation par rapport à l'année de référence 2020 pour laquelle la Commission dispose de données, les États pouvant se référer à une année de référence antérieure à 2020 sous réserve de le notifier à la Commission européenne. Le texte prévoit d'ici à 2028 un réexamen des objectifs à atteindre.

L'ensemble de ces dispositions devraient s'appliquer au plus tard dix-huit mois après la promulgation du texte.

2. Cette proposition législative est-elle conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ?

Fondée sur l'article 192, paragraphe 1, du Traité de fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui vise à mettre en oeuvre la politique environnementale de l'Union, la proposition doit permettre de modifier de façon ciblée (textiles et alimentation) la directive-cadre relative aux déchets qui traite des différents aspects de la gestion des déchets et qui a été adoptée en vertu de cette même base juridique. La production de déchets alimentaires et textiles a un impact négatif sur l'environnement et nécessite à ce titre une action coordonnée et harmonisée de l'Union européenne. La gestion des déchets est une compétence partagée entre l'Union européenne et ses États membres mais l'adoption de règles communes en la matière doit aussi contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur.

Les modifications envisagées par le texte s'appuient sur les exigences européennes déjà existantes en matière de prévention des déchets alimentaires et de collecte des déchets textiles adoptées dans le cadre de la directive-cadre précitée, révisée en 2018. Les pays européens sont, en effet, déjà engagés dans des politiques de prévention des déchets alimentaires et de collecte séparée des textiles. Au regard des pratiques disparates entre les États membres, la Commission souhaite harmoniser les approches et renforcer les efforts au niveau européen afin d'accroître l'efficacité des mesures déjà adoptées et d'atteindre certaines obligations en matière de réduction des déchets alimentaires et de collecte des déchets textiles. Elle prévoit de nouveaux objectifs contraignants de réduction des déchets alimentaires d'ici à 2030 alors qu'ils n'étaient qu'indicatifs, lesquels pourraient être révisés en 2027 s'ils s'avèrent difficiles à atteindre, tout en laissant des marges de manoeuvre aux Etats membres pour déterminer les mesures les plus efficientes à prendre en fonction des spécificités nationales.

Sa proposition s'inspire du modèle et de la réglementation mis en place par la France en matière de prévention et de réduction des déchets textiles et alimentaires. Le secteur textile est ainsi soumis à la responsabilité élargie des producteurs depuis 2007 et les producteurs de produits textiles sont organisés de manière collective sous la responsabilité d'un éco-organisme compétent pour assurer leurs obligations. Des objectifs chiffrés de réduction du gaspillage alimentaire ont également été adoptés par notre pays dans le cadre de la loi pour une économie circulaire4(*) qui fixe un objectif ambitieux de réduction du gaspillage de 50 % d'ici à 2030 par rapport à 2015 pour l'ensemble des acteurs et consommateurs.

La proposition de directive apparaît conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 Directive n° 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives

* 2 Communication du 11 mars 2020 de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Conseil économique et social européen et au Comité des régions : « Un nouveau plan d'action pour une économie circulaire - Pour une Europe plus propre et plus compétitive » - COM(2020) 98 final

* 3 Communication du 30 mars 2022 de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Conseil économique et social européen et au Comité des régions : « Stratégie de l'Union européenne pour des textiles durables et circulaires » - COM(2022) 141 final

* 4 Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 29/09/2023