COM(2023) 416 FINAL  du 05/07/2023

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


I. PROPOSITION DE DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL RELATIVE À LA SURVEILLANCE ET À LA RÉSILIENCE DES SOLS (DIRECTIVE SUR LA SURVEILLANCE DES SOLS) - COM(2023) 416

Dans le cadre du paquet législatif sur les ressources naturelles, la Commission européenne a présenté, le 5 juillet 2023, une proposition de directive sur la surveillance et la résilience des sols, qui prévoit d'établir un cadre juridique afin de permettre à l'Union européenne de parvenir à un bon état des sols d'ici à 2050. Cette initiative avait été annoncée lors de la publication de la stratégie de l'UE pour la protection des sols à l'horizon 2030. Il s'agit de répondre à la pression croissante qui s'exerce au sein de l'Union sur les sols et de prévenir leur dégradation. Le texte vise aussi à mettre en oeuvre les engagements internationaux de l'Union, en particulier ceux qui ont été pris lors de la COP biodiversité qui s'est déroulée à Montréal en 2022.

Selon les données fournies par la Commission européenne, environ 60 à 70 % des sols de l'UE sont actuellement en mauvais santé, et cette situation qui concerne tous les États membres a des conséquences sur les services rendus par les écosystèmes, et par conséquent sur les défis environnementaux et climatiques que doit relever l'Union européenne.

Or en l'état actuel, il n'existe pas de législation européenne spécifique concernant la protection des sols et la prévention de leur dégradation. Des dispositions éparses sur les sols figurent cependant dans plusieurs directives européennes. Les sols sont également pris en compte dans différentes politiques sectorielles de l'Union européenne, notamment en raison du caractère transversal de la politique environnementale.

Il convient de noter que cette absence d'une législation européenne propre résulte principalement de l'échec du processus d'adoption d'une directive définissant un cadre pour la protection des sols, présentée en septembre 2006 par la Commission européenne.

· Quelles sont les dispositions proposées par la Commission européenne ?

La proposition de directive s'articule autour de trois instruments :

- la mise en place d'un système harmonisé de surveillance de la santé des sols au sein de l'Union qui s'appuierait sur des données partagées ;

- la définition de la gestion durable des sols et de ses bonnes pratiques ;

- une évaluation des risques en termes de santé humaine et d'environnement concernant les sols potentiellement contaminés.

La proposition prévoit ainsi un cadre commun de surveillance de sols et d'évaluation de l'état des sols dans l'ensemble de l'Union, fondé sur des « districts » de gestion des sols, qui seraient établis par les États membres et qui constitueraient l'unité de gouvernance de base pour la gestion des sols et l'application des mesures envisagées. Par ailleurs, il reviendrait aux États membres de désigner une autorité compétente pour s'assurer de la mise en oeuvre des exigences de la directive pour chaque district.

Dans un premier temps, il serait donc demandé aux États membres d'assurer une surveillance de la santé des sols selon des « descripteurs »1(*) du sol, des critères et des indicateurs relatifs à l'état des sols, et en fonction de méthodes de mesures définies, qui pourraient être adaptées pour tenir compte des spécificités nationales. L'évaluation de la santé des sols devrait être réalisée par les États membres tous les cinq ans, selon une approche commune de la définition proposée d'un sol en bonne santé, qui pourrait aussi être adaptée en fonction des caractéristiques de certains sols. Dans ce cadre, il est prévu également la création d'un portail numérique de données sur la santé des sols par la Commission européenne et l'Agence européenne pour l'environnement.

Le texte établit les pratiques de gestion durable des sols qui doivent permettre de maintenir ou d'améliorer la santé des sols. Ces pratiques seraient mises oeuvre progressivement, tiendraient compte des programmes, plans, objectifs et mesures européens, tout en y associant les gestionnaires des sols, les propriétaires fonciers et les autorités concernées. Les États membres devraient mettre en place des mécanismes de reconnaissance des efforts réalisés par les propriétaires fonciers et les gestionnaires fonciers sur la base du volontariat. Le texte ne fixe aucun objectif contraignant ni d'objectif intermédiaire pour lutter contre la dégradation des sols et obtenir un bon état de santé pour tous les sols à l'horizon 2050.

La Commission européenne propose enfin que les États membres identifient les sites potentiellement contaminés, procèdent à une analyse de sol et définissent une procédure d'évaluation des risques selon une méthode prévue à l'annexe VI de la proposition. Tous les sites contaminés identifiés devraient faire l'objet d'une évaluation spécifique afin de déterminer s'ils présentent des risques inacceptables pour la santé humaine ou pour l'environnement. Le texte prévoit que l'autorité responsable prenne les mesures nécessaires pour ramener le risque à un niveau acceptable. Chaque État membre serait également tenu de procéder à un enregistrement des sites potentiellement contaminés et contaminés, qui serait rendu public et mis en ligne.

· La proposition de directive respecte-t-elle les principes de subsidiarité et de proportionnalité ?

La proposition est fondée sur l'article 192, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) qui prévoit la mise en oeuvre des objectifs de la politique environnementale de l'Union européenne, en particulier la préservation, la protection et l'amélioration de la qualité de l'environnement. Même si les sols ne sont pas identifiés en tant que tels comme étant une compétence partagée entre l'Union et les États membres, leur protection et la prévention de leur dégradation relèvent bien des objectifs de la politique environnementale de l'Union. L'action de l'Union européenne doit ainsi se concentrer sur l'état des sols ou du sous-sol, sans empiéter sur le droit de la propriété qui constitue une compétence propre des États membres.

La pollution des sols revêt de fait une dimension transfrontière, pouvant avoir des incidences importantes pour l'environnement et ne peut être réduite à des problèmes nationaux. Par conséquent, la prévention de la dégradation des sols nécessite une harmonisation au niveau européen. L'absence de politique globale et de cadre juridique spécifique au niveau européen relatifs à la surveillance des sols peut ainsi constituer un frein à la réalisation des objectifs environnementaux fixés dans le cadre du Pacte vert pour l'Europe. Or les législations et réglementations mises en oeuvre par les différents États membres sur cette question diffèrent sensiblement. Le texte soumis au Sénat a pour ambition de fixer un cadre commun de surveillance et d'évaluation de la santé des sols ainsi que de répertorier les sols contaminés dans l'ensemble de l'Union. Il ne fixe pas d'objectif juridiquement contraignant aux États membres et leur laisse une marge d'appréciation significative dans la mise en application des différentes mesures et leur adaptation aux spécificités nationales et locales. Par ailleurs, le choix d'une directive plutôt que d'un règlement garantit la flexibilité nécessaire à sa mise en oeuvre par les États membres.

Enfin ce texte répond aux demandes formulées par le Sénat dans sa résolution adoptée le 23 juillet 20212(*), sur proposition de la commission des affaires européennes, concernant, d'une part, la relance du processus d'élaboration d'une directive européenne sur la protection des sols et la prévention de leur dégradation par les activités industrielles et minières, et d'autre part, l'inclusion dans ce texte d'une injonction aux États membres d'établir une cartographie nationale des risques sanitaires et environnementaux liés aux pollutions des sols.

Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 Paramètre décrivant une caractéristique physique, chimique ou biologique de l'état de santé du sol

* 2 Résolution européenne demandant la relance du processus d'élaboration d'une directive européenne sur la protection des sols et la prévention de leur dégradation par les activités industrielles et minières n° 147 (2020-2021), à la suite du rapport n° 698 (2020-2021) de Mme Gisèle JOURDA et M. Cyril PELLEVAT, fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 17 juin 2021


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 13/09/2023