COM(2023) 424 FINAL  du 12/07/2023

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Ø Proposition de directive modifiant la directive 2012/29/UE établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision cadre 2001/220/JAI du Conseil (COM (2023) 424)

I) L'Union européenne dispose d'un cadre juridique pour garantir certains droits procéduraux des victimes de la criminalité

En application du programme de Stockholm, adopté par le Conseil européen des 10 et 11 décembre 2009, la directive 2012/29/UE1(*) a établi un cadre juridique européen qui prévoit des normes minimales assurant les droits et la protection des victimes de crimes dans l'Union européenne.

Sont concernées comme « victimes » au sens de ce texte, non seulement les personnes physiques ayant subi un préjudice (y compris une atteinte à leur intégrité physique, mentale ou « émotionnelle » ou une perte matérielle) qui a été directement causé par une infraction pénale, mais également les membres de la famille d'une personne dont le décès résulte d'une infraction pénale et ayant subi un préjudice de ce fait.

En pratique, cette directive impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour :

-mettre en oeuvre le droit à l'information des victimes : droit de recevoir les informations utiles relatives à la procédure pénale les concernant ; droit de recevoir ces informations dès leur premier contact avec une autorité compétente ; droit de recevoir un récépissé de leur plainte ; droit de recevoir, sans retard inutile, des informations relatives à l'affaire ; droit à l'interprétation et à la traduction ;

-prendre en charge le soutien aux victimes : droit d'accès des victimes aux services d'aide spécialisés ; mise à disposition d'informations et de conseils pertinents, d'un soutien moral et psychologique... ;

-participer à la procédure pénale : droit des victimes d'être entendues pendant la procédure pénale et de produire des éléments de preuve ; droit de demander le réexamen d'une décision de ne pas poursuivre ; droit à l'aide juridictionnelle ; droit au remboursement des frais ; droit à la restitution des biens qui ont été saisis au cours de la procédure pénale ; droit d'obtenir qu'il soit statué sur l'indemnisation par l'auteur de l'infraction dans le cadre de la procédure pénale ; droit des victimes résidant dans un autre État membre de déposer plainte et d'être entendues pendant la procédure pénale ;

-assurer la protection des victimes : droit à une protection pour la victime et les membres de sa famille ; droit d'éviter tout contact entre la victime et l'auteur de l'infraction ; droit à la protection de la vie privée de la victime ; droits spécifiques des enfants victimes.

En outre, la directive prévoit le principe d'une évaluation individualisée des victimes afin d'identifier leurs besoins spécifiques en matière de protection et le principe de la formation des praticiens (magistrats ; policiers ; gendarmes...) aux besoins des victimes, afin de leur permettre de traiter ces dernières « avec impartialité, respect et professionnalisme ».

La plupart de ces dispositions préexistaient en droit français. La transposition de la directive 2012/29/UE en droit français par la loi n°2015-9932(*) a principalement consisté à les regrouper dans un sous-titre dédié du code de procédure pénale (Sous-titre III du titre préliminaire du Livre Ier du code de procédure pénale intitulé « Des droits des victimes » (articles 10-2 à 10-6)).

Ce cadre général est complété par la directive 2011/99/UE3(*), qui garantit l'effectivité dans l'Union européenne des mesures de protection adoptées en matière pénale au bénéfice d'une personne physique (contre toute « infraction commise par une autre personne, susceptible de mettre en danger, de quelque manière que ce soit, sa vie ou son intégrité physique »).

Il est aussi précisé par des textes répondant aux besoins spécifiques de certaines catégories de victimes. Ainsi :

-la directive 2011/36/UE4(*), qui est en cours de révision5(*), prévoit des actions de prévention contre la traite des êtres humains et des mesures de protection des personnes qui en sont victimes ;

-la directive 2011/93/UE6(*), qui est aussi en cours de révision7(*), prévoit des mesures de soutien des enfants victimes d'abus sexuels.

B) Les limites de ce cadre juridique

En 2020, à l'occasion de la publication de la « stratégie de l'Union européenne relative au droit des victimes (2020-2025) », la Commission européenne avait constaté que l'Union européenne avait « déjà adopté un ensemble législatif solide pour protéger les droits des victimes » mais que ces dernières devaient toujours faire face :

- à des difficultés d'accès à la justice, liées pour l'essentiel à un manque d'information : en résumé, trop souvent, les victimes ne connaissent pas leurs droits ;

-à un soutien et à des dispositifs de protection insuffisants ;

-à un risque de « victimisation secondaire » (= représailles de l'auteur du crime à l'encontre de la victime, avec, le cas échéant, de nouvelles violences à son encontre ou envers sa famille) ;

-au caractère particulièrement éprouvant de la procédure pénale pour les victimes les plus vulnérables (enfants ; personnes handicapées...).

Ce constat a ensuite été repris dans l'évaluation de la directive 2012/29/UE, rendue publique le 28 juin 2022 par la Commission européenne8(*). Tout en soulignant l'impact globalement positif du texte et sa cohérence, la Commission européenne a alors estimé qu'il pouvait être complété, en particulier pour prolonger la prise en charge médicale et psychologique des victimes et introduire des mesures de protection physique en leur faveur.

La stratégie précitée prônait également un renforcement des règles européennes. En pratique, elle recommandait, à titre principal :

-une communication plus efficace des autorités compétentes vers les victimes et la mise en place d'un environnement sûr leur permettant de dénoncer les infractions qui leur ont porté préjudice ;

-l'amélioration du soutien et de la protection aux victimes les plus vulnérables ;

-la facilitation de l'accès des victimes à l'indemnisation ;

-le renforcement de la coopération entre les acteurs concernés et celui de la dimension internationale des droits des victimes.

II) Objectifs et dispositions de la proposition de refonte de la directive concernant les droits des victimes

Comme son titre l'indique, la proposition de directive COM(2023) 424 final vise à amender la directive 2012/29/UE afin de renforcer les droits des victimes et non à s'y substituer.

La proposition tend d'abord à améliorer l'accès des victimes aux informations sur la procédure pénale à laquelle elles participent et à faciliter leur dépôt de plainte, en demandant aux États membres :

-de mettre en place des lignes téléphoniques d'urgence et ouvertes en permanence ( hotlines ), gratuites et respectueuses de la confidentialité des échanges, et, le cas échéant, un site internet répondant aux mêmes exigences, afin de faciliter les démarches des victimes ;

-de garantir aux victimes la possibilité de signaler facilement le crime dont elles ont fait l'objet aux autorités compétentes, par l'utilisation de technologies de l'information et de la communication faciles d'usage.

Concernant des situations spécifiques, la proposition demande aux États membres de s'assurer que les détenus peuvent signaler des crimes commis en milieu pénitentiaire, de prévoir que les procédures de signalement sont adaptées aux enfants (ex : enregistrement vidéo de leur témoignage afin de ne pas les amener à comparaître au cours de la procédure pénale...) et d'interdire aux autorités compétentes enregistrant le signalement d'un crime par un ressortissant de pays tiers en situation irrégulière dans l'Union européenne, de transmettre aux services migratoires les informations relatives au statut de cette personne avant la fin de son évaluation individualisée.

La proposition de directive souhaite également renforcer le soutien et la protection des victimes tout au long de la procédure pénale en cause. Pour cela, elle demande aux États membres :

-de confirmer que les victimes ont le droit d'être accompagnées et soutenues par un tiers au cours d'un procès et qu'elles peuvent contester les décisions prises par les juridictions compétentes au sujet de la mise en oeuvre de leurs droits (droit à la protection ; droit à la traduction et à l'interprétation...) ;

-de prévoir une protection physique des victimes les plus exposées à un risque de violences pendant la procédure pénale par une présence (continue ou temporaire) de membres des services de police ou de gendarmerie et/ou par l'adoption de décisions de la juridiction compétente interdisant ou limitant certains comportements dangereux de l'auteur de l'infraction ;

-de permettre aux victimes d'exercer les démarches liées à leurs droits via des communications électroniques ;

-de favoriser l'indemnisation des préjudices subis par les victimes, d'une part, en supprimant l'exception prévue aujourd'hui à l'article 16 de la directive 2012/29/UE qui subordonne cette indemnisation à une autre décision judiciaire, conformément au droit national de l'État membre concerné et, d'autre part, en posant le principe d'une indemnisation immédiate de la victime par l'État membre concerné, à charge pour ce dernier d'en obtenir ultérieurement le remboursement par l'auteur de l'infraction ;

-de garantir le droit au recours des victimes dont les droits prévus par la directive 2012/29/UE ont été violés.

La proposition de directive tend enfin à faciliter l'accès des victimes les plus vulnérables aux services d'aide spécialisés. Pour cela, elle demande aux États membres, à titre principal :

-d'assurer l'égal accès des victimes qui sont également des personnes handicapées, aux dispositifs de communication électronique et aux mesures de soutien aux victimes ;

-de prévoir un soutien psychologique aux victimes les plus vulnérables « aussi longtemps que nécessaire » pendant la procédure pénale ;

-de s'assurer que les services de soutien aux victimes prennent contact avec ces victimes et qu'ils demeurent opérationnels en cas de crise (ex : crise sanitaire ; crise migratoire ; catastrophe naturelle...) ;

-de prévoir l'évaluation individualisée des besoins de ces victimes par les autorités compétentes dès leur premier contact et d'évaluer également les risques présentés par l'auteur de l'infraction (ex : possession d'armes ; alcoolisme...). Cependant, les modalités de cette évaluation demeureraient fixées par la législation de chaque État membre ;

-de garantir la compatibilité des obligations prévues par la directive 2012/29/UE concernant la protection des victimes de crimes avec celles de la proposition de directive sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique9(*), qui est en cours de négociation et au sujet de laquelle le Sénat a adopté une résolution européenne10(*).

III) La proposition de directive est-elle conforme au principe de subsidiarité ?

La base juridique choisie est-elle pertinente ? Oui, incontestablement. L'article 82, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui est visé, autorise le Parlement européen et le Conseil à établir des règles minimales en particulier pour garantir les droits des personnes dans la procédure pénale et ceux des victimes de la criminalité. Ayant fondé juridiquement la directive 2012/29/UE, cet article justifie aussi logiquement sa proposition de « refonte ».

La proposition de directive est-elle nécessaire et apporte-t-elle une valeur ajoutée ?

La réponse à cette question - positive - nécessite cependant une observation de principe. En effet, dans sa rédaction actuelle, le dispositif de la directive 2012/29/UE est unanimement reconnu comme cohérent et positif, en particulier dans son évaluation précitée en juin 2022 par la Commission européenne, bien que cette évaluation ait souligné plusieurs lacunes, telles qu'une méconnaissance trop fréquente de leurs droits par les victimes ainsi que des faiblesses dans la protection physique des victimes les plus exposées ou dans le soutien psychologique des victimes.

Or, la plupart de ces lacunes semblaient pouvoir être corrigées sans initiative législative, par des protocoles de coopération entre acteurs nationaux de la protection des victimes et entre États membres. Eurojust aurait d'ailleurs pu contribuer sans doute utilement à ces améliorations.

Toutefois, malgré cette remarque, on peut affirmer qu'un texte consolidant les droits des victimes de crimes à l'échelon européen, par exemple en leur permettant de bénéficier plus aisément d'une protection physique pendant la procédure pénale lorsqu'elles ont été menacées ou d'être indemnisées plus rapidement, va dans le bon sens.

En outre, cette proposition étant une directive, elle sera inévitablement soumise à une phase de transposition dans le droit national de chaque État membre. Ces derniers sont donc en mesure d'adapter les mesures proposées et les parlements nationaux peuvent exercer leur pouvoir de contrôle sur leur contenu.

Enfin, cette réforme est-elle proportionnée aux objectifs visés ?

La réponse est encore positive. Le texte proposé ne constitue pas une uniformisation européenne de la protection des victimes mais un pas supplémentaire dans l'harmonisation de cette dernière.

Dans ce cadre, les victimes seraient mieux informées de la procédure, mieux protégées et pourraient contester toute violation de leurs droits, mais la procédure pénale de chaque État membre demeurerait inchangée et les législations nationales continueraient à régir les modalités pratiques d'accueil et d'accompagnement des victimes de même que l'organisation de leur évaluation individualisée.

Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 Directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil.

* 2 Loi n°2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne.

* 3 Directive 2011/99/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 relative à la décision de protection européenne.

* 4 Directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène.

* 5 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes, COM(2022) 732 final.

* 6 Directive 2011/93/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 relative à la lutte contre les abus sexuels et l'exploitation sexuelle des enfants, ainsi que la pédopornographie.

* 7 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur enfants, COM (2022) 209 final.

* 8 SWD(2022) 179 final.

* 9 COM(2022) 105 final.

* 10 Résolution européenne n°46 (2021-2022) du 26 novembre 2021.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 30/08/2023


Justice et affaires intérieures

Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2012/29/UE établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision cadre 2001/220/JAI du Conseil

COM(2023) 424 final- Texte E18061

1. L'Union européenne dispose d'un cadre juridique pour garantir certains droits procéduraux des victimes de la criminalité

En application du programme de Stockholm, adopté par le Conseil européen des 10 et 11 décembre 2009, la directive 2012/29/UE1(*) a établi un cadre juridique européen qui prévoit des normes minimales assurant les droits et la protection des victimes de crimes dans l'Union européenne.

Sont concernées comme « victimes » au sens de ce texte, non seulement les personnes physiques ayant subi un préjudice (y compris une atteinte à leur intégrité physique, mentale ou « émotionnelle » ou une perte matérielle) qui a été directement causé par une infraction pénale, mais également les membres de la famille d'une personne dont le décès résulte d'une infraction pénale et ayant subi un préjudice de ce fait.

En pratique, cette directive impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour :

mettre en oeuvre le droit à l'information des victimes : droit de recevoir les informations utiles relatives à la procédure pénale les concernant ; droit de recevoir ces informations dès leur premier contact avec une autorité compétente ; droit de recevoir un récépissé de leur plainte ; droit de recevoir, sans retard inutile, des informations relatives à l'affaire ; droit à l'interprétation et à la traduction ;

- prendre en charge le soutien aux victimes : droit d'accès des victimes aux services d'aide spécialisés ; mise à disposition d'informations et de conseils pertinents, d'un soutien moral et psychologique... ;

participer à la procédure pénale : droit des victimes d'être entendues pendant la procédure pénale et de produire des éléments de preuve ; droit de demander le réexamen d'une décision de ne pas poursuivre ; droit à l'aide juridictionnelle ; droit au remboursement des frais ; droit à la restitution des biens qui ont été saisis au cours de la procédure pénale ; droit d'obtenir qu'il soit statué sur l'indemnisation par l'auteur de l'infraction dans le cadre de la procédure pénale ; droit des victimes résidant dans un autre État membre de déposer plainte et d'être entendues pendant la procédure pénale ;

assurer la protection des victimes : droit à une protection pour la victime et les membres de sa famille ; droit d'éviter tout contact entre la victime et l'auteur de l'infraction ; droit à la protection de la vie privée de la victime ; droits spécifiques des enfants victimes.

En outre, la directive prévoit le principe d'une évaluation individualisée des victimes afin d'identifier leurs besoins spécifiques en matière de protection et le principe de la formation des praticiens (magistrats ; policiers ; gendarmes...) aux besoins des victimes, afin de leur permettre de traiter ces dernières « avec impartialité, respect et professionnalisme ».

La plupart de ces dispositions préexistaient en droit français. La transposition de la directive 2012/29/UE en droit français par la loi n° 2015-9932(*) a principalement consisté à les regrouper dans un sous-titre dédié du code de procédure pénale (Sous-titre III du titre préliminaire du Livre Ier du code de procédure pénale intitulé « Des droits des victimes » (articles 10-2 à 10-6)).

Ce cadre général est complété par la directive 2011/99/UE3(*), qui garantit l'effectivité dans l'Union européenne des mesures de protection adoptées en matière pénale au bénéfice d'une personne physique (contre toute « infraction commise par une autre personne, susceptible de mettre en danger, de quelque manière que ce soit, sa vie ou son intégrité physique »).

Il est aussi précisé par des textes répondant aux besoins spécifiques de certaines catégories de victimes. Ainsi :

la directive 2011/36/UE4(*), qui est en cours de révision5(*), prévoit des actions de prévention contre la traite des êtres humains et des mesures de protection des personnes qui en sont victimes ;

la directive 2011/93/UE6(*), qui est aussi en cours de révision7(*), prévoit des mesures de soutien des enfants victimes d'abus sexuels.

Les limites de ce cadre juridique

En 2020, à l'occasion de la publication de la « stratégie de l'Union européenne relative au droit des victimes (2020-2025) », la Commission européenne avait constaté que l'Union européenne avait « déjà adopté un ensemble législatif solide pour protéger les droits des victimes » mais que ces dernières devaient toujours faire face :

à des difficultés d'accès à la justice, liées pour l'essentiel à un manque d'information : en résumé, trop souvent, les victimes ne connaissent pas leurs droits ;

à un soutien et à des dispositifs de protection insuffisants ;

à un risque de « victimisation secondaire » (= représailles de l'auteur du crime à l'encontre de la victime, avec, le cas échéant, de nouvelles violences à son encontre ou envers sa famille) ;

au caractère particulièrement éprouvant de la procédure pénale pour les victimes les plus vulnérables (enfants ; personnes handicapées...).

Ce constat a ensuite été repris dans l'évaluation de la directive 2012/29/UE, rendue publique le 28 juin 2022 par la Commission européenne8(*). Tout en soulignant l'impact globalement positif du texte et sa cohérence, la Commission européenne a alors estimé qu'il pouvait être complété, en particulier pour prolonger la prise en charge médicale et psychologique des victimes et introduire des mesures de protection physique en leur faveur.

La stratégie précitée prônait également un renforcement des règles européennes. En pratique, elle recommandait, à titre principal :

une communication plus efficace des autorités compétentes vers les victimes et la mise en place d'un environnement sûr leur permettant de dénoncer les infractions qui leur ont porté préjudice ;

l'amélioration du soutien et de la protection apportés aux victimes les plus vulnérables ;

la facilitation de l'accès des victimes à l'indemnisation ;

le renforcement de la coopération entre les acteurs concernés et celui de la dimension internationale des droits des victimes.

2. Objectifs et dispositions de la proposition de refonte de la directive concernant les droits des victimes

Comme son titre l'indique, la proposition de directive COM(2023) 424 final vise à amender la directive 2012/29/UE afin de renforcer les droits des victimes et non à s'y substituer.

La proposition tend d'abord à améliorer l'accès des victimes aux informations sur la procédure pénale à laquelle elles participent et à faciliter leur dépôt de plainte, en demandant aux États membres :

de mettre en place des lignes téléphoniques d'urgence et ouvertes en permanence ( hotlines ), gratuites et respectueuses de la confidentialité des échanges, et, le cas échéant, un site internet répondant aux mêmes exigences, afin de faciliter les démarches des victimes ;

de garantir aux victimes la possibilité de signaler facilement le crime dont elles ont fait l'objet aux autorités compétentes, par l'utilisation de technologies de l'information et de la communication faciles d'usage.

Concernant des situations spécifiques, la proposition demande aux États membres de s'assurer que les détenus peuvent signaler des crimes commis en milieu pénitentiaire, de prévoir que les procédures de signalement sont adaptées aux enfants (ex : enregistrement vidéo de leur témoignage afin de ne pas les amener à comparaître au cours de la procédure pénale...) et d'interdire aux autorités compétentes enregistrant le signalement d'un crime par un ressortissant de pays tiers en situation irrégulière dans l'Union européenne, de transmettre aux services migratoires les informations relatives au statut de cette personne avant la fin de son évaluation individualisée.

La proposition de directive souhaite également renforcer le soutien et la protection des victimes tout au long de la procédure pénale en cause. Pour cela, elle demande aux États membres :

de confirmer que les victimes ont le droit d'être accompagnées et soutenues par un tiers au cours d'un procès et qu'elles peuvent contester les décisions prises par les juridictions compétentes au sujet de la mise en oeuvre de leurs droits (droit à la protection ; droit à la traduction et à l'interprétation...) ;

de prévoir une protection physique des victimes les plus exposées à un risque de violences pendant la procédure pénale par une présence (continue ou temporaire) de membres des services de police ou de gendarmerie et/ou par l'adoption de décisions de la juridiction compétente interdisant ou limitant certains comportements dangereux de l'auteur de l'infraction ;

de permettre aux victimes d'exercer les démarches liées à leurs droits via des communications électroniques ;

de favoriser l'indemnisation des préjudices subis par les victimes, d'une part, en supprimant l'exception prévue aujourd'hui à l'article 16 de la directive 2012/29/UE qui subordonne cette indemnisation à une autre décision judiciaire, conformément au droit national de l'État membre concerné et, d'autre part, en posant le principe d'une indemnisation immédiate de la victime par l'État membre concerné, à charge pour ce dernier d'en obtenir ultérieurement le remboursement par l'auteur de l'infraction ;

de garantir le droit au recours des victimes dont les droits prévus par la directive 2012/29/UE ont été violés.

La proposition de directive tend enfin à faciliter l'accès des victimes les plus vulnérables aux services d'aide spécialisés. Pour cela, elle demande aux États membres, à titre principal :

d'assurer l'égal accès des victimes qui sont également des personnes handicapées, aux dispositifs de communication électronique et aux mesures de soutien aux victimes ;

de prévoir un soutien psychologique aux victimes les plus vulnérables « aussi longtemps que nécessaire » pendant la procédure pénale ;

de s'assurer que les services de soutien aux victimes prennent contact avec ces victimes et qu'ils demeurent opérationnels en cas de crise (ex : crise sanitaire ; crise migratoire ; catastrophe naturelle...) ;

de prévoir l'évaluation individualisée des besoins de ces victimes par les autorités compétentes dès leur premier contact et d'évaluer également les risques présentés par l'auteur de l'infraction (ex : possession d'armes ; alcoolisme...). Cependant, les modalités de cette évaluation demeureraient fixées par la législation de chaque État membre ;

de garantir la compatibilité des obligations prévues par la directive 2012/29/UE concernant la protection des victimes de crimes avec celles de la proposition de directive sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique9(*), qui est en cours de négociation et que le Sénat avait appelé de ses voeux dans une résolution européenne10(*).

Compte tenu de ces éléments, la commission a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte.


* (1) 1 Directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil.

* (2) 2 Loi n°2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne.

* (3) 3 Directive 2011/99/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 relative à la décision de protection européenne.

* (4) 4 Directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène.

* (5) 5 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes, COM(2022) 732 final.

* (6) 6 Directive 2011/93/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 relative à la lutte contre les abus sexuels et l'exploitation sexuelle des enfants, ainsi que la pédopornographie.

* (7) 7 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur enfants, COM (2022) 209 final.

* (8) 8 SWD(2022) 179 final.

* (9) 9 COM(2022) 105 final.

* (10) 10 Résolution européenne n°46 (2021-2022) du 26 novembre 2021.