COM(2023) 447 final  du 07/07/2023

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 18/07/2023


Énergie, climat, transports

Proposition de décision du Conseil sur le retrait de l'Union
du traité sur la Charte de l'énergie

COM(2023) 447 final - Texte 17997

Recommandation de décision du Conseil relative à l'approbation du retrait de la Communauté européenne de l'énergie atomique du traité sur la Charte de l'énergie

COM(2023) 446 final - Texte E17996

Le 7 juillet 2023, la Commission européenne a proposé le retrait de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) du traité sur la Charte de l'énergie (TCE). La proposition et la recommandation de décision de retrait font suite à l'échec du processus de modernisation du traité et à la volonté exprimée par une dizaine d'États membres d'en sortir. Ce traité est ainsi considéré par de plus en plus d'États membres comme un obstacle à la transition énergétique et à la réalisation des objectifs climatiques de l'Union.

· L'échec du processus de modernisation du traité

Signé en 1994 et entré en vigueur en 1998, le traité sur la Charte de l'énergie est un accord multilatéral de commerce et d'investissement qui établit un cadre juridique visant à promouvoir la coopération internationale dans le domaine de l'énergie. Il accorde notamment une protection juridique aux investisseurs et prévoit un mécanisme de règlement des différends entre pays hôtes et investisseurs.

Le traité regroupe cinquante-quatre parties contractantes réunies dans la Conférence sur la Charte de l'énergie dont l'Union européenne, les États membres de l'UE sauf l'Italie qui s'est retirée en 2015, le Japon, la Suisse, la Turquie et la plupart des pays des Balkans occidentaux et de l'ex-URSS, à l'exception de la Russie et de la Biélorussie.

Afin d'adapter la protection des investissements qui est source d'un nombre croissant de litiges et de s'inscrire dans les objectifs environnementaux fixés au niveau européen, un processus de modernisation du TCE a été engagé, en novembre 2018, sous l'impulsion de l'UE et de ses États membres. Une liste d'éléments à moderniser a alors été approuvée par la Conférence sur la Charte de l'énergie et en juillet 2019, un mandat de négociation a été confié à la Commission européenne par le Conseil. Ce mandat visait ainsi à accroître l'ambition environnementale du traité et à actualiser les dispositions relatives à la protection des investissements et au règlement des différends. Les négociateurs sont parvenus à un accord de principe le 24 juin 2022 dont l'adoption était prévue le 22 novembre 2022 dans le cadre de la Conférence sur la Charte de l'énergie. Or les propositions de modifications ont été jugées insuffisantes pour répondre aux enjeux de la lutte contre le changement climatique et de la transition énergétique par plusieurs États membres, et en particulier la France. Elles n'ont pas été adoptées par le Conseil en raison de l'abstention de quatre États membres (la France, l'Allemagne, l'Espagne et les Pays-Bas), qui avaient déjà annoncé leur intention de se retirer du traité. La Pologne, les Pays-Bas, la Slovénie, l'Irlande, le Danemark et le Portugal partagent également cette position ainsi que le Parlement européen qui a adopté, le 24 novembre 2022, une résolution dans laquelle il demande « un retrait coordonné du TCE et un accord visant à renoncer à l'application de la clause d'extinction entre les parties contractantes qui le souhaitent ». Les détracteurs du traité lui reprochent son incompatibilité avec l'Accord de Paris sur le climat et la trajectoire de décarbonation du secteur de l'énergie fixée par l'UE, en raison de la protection accordée aux investissements étrangers dans les combustibles fossiles.

· La nécessité d'un retrait de l'Union du traité sur la Charte de l'énergie

En l'absence du soutien d'une majorité qualifiée d'États membres à la modernisation du TCE, les dispositions actuelles, non révisées, continuent de s'appliquer à l'ensemble des parties contractantes entre elles et dans leurs relations avec les tiers.

Les nombreuses plaintes déposées par des investisseurs, majoritairement intra-européens, dans le cadre du mécanisme de règlement des différends portent sur des mesures, prises par les États membres, relatives au climat ou à l'environnement. Or ce mécanisme présente des risques de contentieux en matière d'élaboration des politiques et législations européennes et nationales dans le domaine de la transition énergétique. La Cour de justice de l'Union européenne a, en effet, jugé que la procédure d'arbitrage privé prévue par le traité n'est pas applicable au niveau intracommunautaire1(*), étant donné qu'elle porte atteinte à l'autonomie et au caractère propre du droit de l'Union. Les tribunaux internationaux d'arbitrage ne sont toutefois pas tenus de respecter cet arrêt.

Compte tenu de l'ensemble de ces considérations, il semble peu opportun que l'UE et Euratom demeurent parties au traité actuel. Il convient de noter que le retrait de la France du traité prendra effet le 8 décembre 2023.

· La notification du retrait par la Commission européenne

Pour être effectif, le retrait de l'Union du traité sur la Charte de l'énergie nécessite une décision du Conseil, après approbation du Parlement européen, fondée sur l'article 218, paragraphe 6, point a) v), du traité de fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), les États membres devant se prononcer à la majorité qualifiée. La Commission européenne doit ensuite notifier par écrit au dépositaire du TCE son retrait du traité.

Le retrait d'Euratom du TCE relève d'une décision de la Commission européenne, après approbation du Conseil, conformément à l'article 101, deuxième alinéa, du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique. L'adoption d'une telle décision est par conséquent nécessaire.

Compte tenu de ces éléments, la commission a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ces textes.


* (1) 1 CJUE, 2 septembre 2021, aff. C-741/19, République de Moldavie c/ Komstroy LLC.