COM(2023) 262 FINAL  du 17/05/2023

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Proposition de directive du conseil modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les règles de TVA applicables aux assujettis qui facilitent les ventes à distance de biens importés et la mise en oeuvre du régime particulier applicable aux ventes à distance de biens importés de territoires tiers ou de pays tiers et du régime particulier pour la déclaration et le paiement de la TVA à l'importation- COM(2023) 262

1°) Contexte et objectifs de la proposition

Dans le contexte de l'explosion du commerce électronique, cette proposition de directive du 10 février 2022 modifie la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (dite «directive TVA») pour simplifier, moderniser et harmoniser les règles applicables et supprimer en conséquence, pour les opérateurs économiques concernés, le seuil de franchise douanière auparavant fixé à 150 euros afin qu'ils puissent bénéficier du « guichet unique pour les importations » (dit « IOSS »1(*) selon son acronyme anglais).

Ce régime s'applique aux opérateurs important des marchandises en provenance d'un pays tiers, destinées à un consommateur situé au sein de l'Union européenne et non soumises à accises.

Ce régime optionnel, facultatif, permettait jusqu'à présent de simplifier les obligations déclaratives et le paiement de la TVA sur les ventes à distance de biens importés d'une valeur inférieure ou égale à 150 euros. Le guichet unique dit IOSS permet aux entreprises qui y adhèrent de ne plus avoir à s'immatriculer dans chaque État membre de consommation afin de déclarer et payer la TVA due. Pour chaque envoi, la TVA est déclarée et payée auprès d'un seul État membre via l'IOSS.

Le présent texte propose de supprimer ce seuil de 150 euros, ce qui réduira les charges administratives et les coûts liés aux importations de biens d'une valeur supérieure à ce seuil, dans le cadre plus large d'une réforme douanière via le « paquet TVA » applicable au commerce électronique, portée par la proposition de la Commission relative à la TVA à l'ère numérique de décembre 20222(*), en application de son plan d'action de 2020 « pour une fiscalité équitable et simplifiée à l'appui de la stratégie de relance ».

La suppression de ce seuil de 150 euros élargit ce régime particulier ainsi que le régime dit du « fournisseur présumé ». En vertu de ce régime, un opérateur économique inscrit à l'IOSS disposera de toutes les informations nécessaires pour calculer le montant correct de la TVA due sur l'ensemble de ses ventes à distance de biens importés. Cette mesure contribuera donc à prévenir toute sous-évaluation de ces ventes : le montant correct de TVA sera perçu lors de la livraison des biens, au moment même où le paiement de l'opération de commerce électronique est accepté.

Ainsi, le guichet unique dit IOSS pourra servir à déclarer et à payer la TVA due sur toutes les ventes à distance de biens importés dans l'UE, quelle que soit leur valeur, à l'exception des produits soumis à accise, qui restent exclus du régime.

L'usage du guichet unique sera ainsi généralisé, non seulement à l'ensemble des plateformes, mais aussi aux places de marché, « fournisseurs présumés » de certaines ventes à distance de produits importés, qui disposeront en conséquence de tous les éléments nécessaires pour calculer le montant correct de TVA due, ce qui réduira les risques de sous-évaluation.

Selon les services de la Commission européenne (DG TAXUD, direction générale Fiscalité et Union Douanière), l'extension de ce régime, permettant la perception d'emblée de la TVA, dont le montant correct sera prélevé et versé à l'administration fiscale compétente dès la vente, représente une simplification et une modernisation majeures, de nature à soutenir la stratégie de croissance durable de l'Union européenne et à lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, tout en réduisant les coûts pour les entreprises, les particuliers et les administrations fiscales, en cohérence avec le plan d'action relatif à l'union douanière3(*).

Selon une étude externe commandée par la Commission européenne, les ventes à distance depuis des pays ou territoires tiers de biens d'une valeur de plus de 150 euros, y compris les produits soumis à accise, représenteraient environ 10 % à 20 % de la valeur totale des ventes à distance du commerce électronique au sein de l'UE.

Selon l'analyse d'impact réalisée en 2022, entre 2023 et 2032, 8,7 milliards d'euros d'économies devraient être réalisées grâce à la suppression des obligations d'enregistrement à la TVA. Des avantages pour l'environnement, la société et les entreprises liés à l'automatisation, ainsi que des avantages liés au fonctionnement du marché intérieur (conditions de concurrence plus équitables) et à l'efficacité du contrôle fiscal sont également attendus.

2°) Base juridique

Ce texte modifiant la directive TVA est fondé sur l'article 113 du TFUE.

3°) Conformité au principe de subsidiarité

Par définition, la réforme du régime de fonctionnement, de déclaration et de paiement de la TVA, ainsi que la lutte contre la fraude à la TVA ne peuvent être réglées que par une directive européenne.

Le guichet unique visé par ce texte est un outil de simplification pour la déclaration et le paiement de la TVA commun à tous les États membres. Dès lors, des actions nationales fragmentées et non coordonnées risqueraient de fausser les échanges. Il est préférable, pour harmoniser les conditions de concurrence et mieux lutter contre la fraude, que les règles de TVA soient appliquées de manière uniforme au niveau de l'UE, plutôt que de devoir se conformer à différentes obligations en matière de déclaration ou d'enregistrement au niveau national.

La nature même de la fraude repose en effet sur la disparité entre les régimes applicables et implique que chaque État membre ne puisse lutter au moyen de sa seule législation.

Les objectifs de simplification, de modernisation, d'harmonisation et de lutte contre la fraude ne peuvent donc être atteints qu'au niveau de l'Union par la directive TVA.

Le principe de subsidiarité est donc respecté.

La simplification proposée n'allant pas au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser les objectifs des traités, en particulier le bon fonctionnement du marché unique, respecte en outre le principe de proportionnalité.

Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.

Ø Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant la facilité pour l'Ukraine - COM(2023) 338

La création d'une facilité pour l'Ukraine, représentant un montant de 50 milliards d'euros (en prix courants) au cours de la période 2024-2027, est l'une des principales mesures présentées par la Commission européenne dans sa proposition de révision du cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027. Elle serait financée par des prêts garantis au-delà des plafonds du CFP et par un nouvel instrument spécial, toujours au-delà des plafonds du CFP, intitulé « la réserve pour l'Ukraine », destinée à financer toutes les dépenses autres que celles destinées aux prêts (aide non remboursable, subventions, provisionnement de garanties...).

Sur le fondement des articles 2124(*) et 3225(*) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), la proposition de règlement COM(2023) 338 final définit ce nouvel instrument que la Commission propose d'établir pour répondre à la fois aux besoins de redressement à court terme ainsi qu'à la reconstruction et à la modernisation à moyen terme de l'Ukraine.

Cette nouvelle facilité s'articulerait autour de trois piliers :

· un premier pilier couvrant le soutien financier apporté à l'Ukraine à la fois sous forme d'une aide non remboursable et sous forme de prêts ;

· un deuxième pilier conçu comme un cadre d'investissement pour l'Ukraine en vue d'attirer des investissements privés et publics en faveur du redressement et de la reconstruction de ce pays. Il compléterait l'ensemble des instruments financiers existants (financements mixtes et garanties) ;

· un dernier pilier destiné à fournir une assistance technique et d'autres mesures d'appui, y compris la mobilisation de l'expertise en matière de réformes, les subventions aux municipalités ou d'autres formes d'aide bilatérale. Ce pilier couvrirait également les bonifications d'intérêts pour les prêts accordés à l'Ukraine au titre du premier pilier.

Afin que l'aide prévue par le premier pilier puisse être versée, le gouvernement ukrainien préparera, en étroite concertation avec la Commission européenne, un plan présentant à la fois sa vision pour le redressement du pays, sa reconstruction et sa modernisation, ainsi que les réformes qu'il entend entreprendre dans le cadre du processus d'adhésion à l'Union. Ce plan, qui sera ensuite approuvé par l'Union européenne, comportera des conditions, assorties d'un calendrier de réalisation, liées à des exigences essentielles (stabilité macrofinancière, contrôle budgétaire, gestion des finances publiques...) ainsi qu'à des réformes sectorielles et structurelles ou encore à des investissements.

Des conditions6(*) devront être respectées pour permettre le décaissement des fonds, selon un calendrier qui sera également préétabli.

Selon l'exposé des motifs, ce nouvel instrument vise à doter l'Union d'une base juridique lui permettant « d'exercer un effet de levier financier à la mesure de son ambition politique, conformément à son engagement à long terme. Adossé à un plan proposé par l'Ukraine et approuvé avec elle qui sert de cadre global pour les réformes et les investissements, l'instrument proposé va au-delà de ce que peuvent offrir les instruments existants, tels que l'assistance macrofinancière ou l'IVCDCI7(*) - Europe dans le monde ».

Dès le début de l'agression de l'Ukraine par la Fédération de Russie, l'Union européenne a apporté un soutien très significatif à l'Ukraine. Des prêts très avantageux ont été octroyés par l'intermédiaire de l'assistance macrofinancière d'urgence (1,2 milliard d'euros en 2022), de l'assistance macrofinancière exceptionnelle (6 milliards d'euros en 2022) et du programme d'assistance macrofinancière Plus (AMF+, pour un montant de 18 milliards d'euros en 2023). En outre, un train de mesures d'un milliard d'euros combine des fonds au titre de l'IVCDCI - Europe dans le monde et de prêts de la Banque européenne d'investissement (BEI) soutenus par le budget de l'Union.

Les droits de douane ont été supprimés dans le cadre de la zone de libre-échange approfondi et complet (DCFTA) et l'Union européenne a inclus l'Ukraine dans son programme pour le marché unique dans le but de soutenir ses petites et moyennes entreprises. Un plan d'action prioritaire révisé pour une meilleure mise en oeuvre de la zone de libre-échange entre l'Union et l'Ukraine au cours de la période 2023-2024 a été adopté dans le but d'accélérer l'intégration de l'Ukraine au marché unique. L'Union a également ouvert à l'Ukraine la possibilité de présenter des projets communs avec ses États membres pour le développement de points de passage frontaliers dans le cadre du mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE) et pris des mesures pour faciliter la participation des personnes déplacées ukrainiennes au programme Erasmus pour jeunes entrepreneurs.

L'exposé des motifs de la proposition de règlement avance ainsi que « les dommages causés à l'Ukraine par la guerre d'agression menée par la Russie sont d'une ampleur telle que l'Ukraine nécessitera un soutien important et durable qu'aucun État membre à lui seul ne pourrait fournir. L'Union dispose d'une position unique pour fournir une aide extérieure à l'Ukraine qui soit à la fois inscrite dans le long terme et fournie en temps utile, de manière coordonnée et prévisible. L'Union peut mobiliser sa capacité d'emprunt pour prêter à l'Ukraine à des conditions avantageuses et couvrir le coût des taux d'intérêt; elle peut aussi allouer des subventions et des garanties dans une perspective pluriannuelle ». La proposition de la Commission précise également que « l'objectif consistant à préparer les pays candidats et les candidats potentiels à l'adhésion à l'Union peut également être mieux pris en compte au niveau de l'Union ».

Ces différents éléments, cohérents avec la stratégie déployée jusqu'ici par l'Union européenne et notamment avec l'octroi à l'Ukraine du statut de pays candidat, permettent de justifier l'intérêt de ce nouvel instrument au regard du respect du principe de subsidiarité.

En outre, pour pouvoir entrer en vigueur, ce nouvel instrument suppose une révision du cadre financier pluriannuel, elle-même subordonnée à une ratification par les parlements nationaux, qui auront donc à approuver cette décision.

Compte tenu de ces éléments et justifications, et notamment du nécessaire examen par le Parlement français du projet de loi de ratification de l'éventuelle révision du cadre financier pluriannuel qui conditionne le déploiement de cette facilité pour l'Ukraine que propose de créer la Commission, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 « Import One Stop-Shop »

* 2 Proposition de Règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) n 904/2010 en ce qui concerne les modalités de coopération administrative en matière de TVA nécessaires à l'ère numérique COM(2022) 703 final du 8 décembre 2022

* 3 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen, « Faire passer l'union douanière à l'étape supérieure: un plan d'action », Bruxelles, COM(2020) 581 final.

* 4 Cet article stipule notamment que « l'Union mène des actions de coopération économique, financière et technique, y compris d'assistance en particulier dans le domaine financier, avec des pays tiers autres que les pays en développement. Ces actions sont cohérentes avec la politique de développement de l'Union et sont menées dans le cadre des principes et objectifs de son action extérieure. Les actions de l'Union et des États membres se complètent et se renforcent mutuellement ».

* 5 Cet article stipule que le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, et après consultation de la Cour des comptes, adoptent par voie de règlements les règles financières qui fixent notamment les modalités relatives à l'établissement et à l'exécution du budget et à la reddition et à la vérification des comptes, ainsi que les règles qui organisent le contrôle de la responsabilité des acteurs financiers, et notamment des ordonnateurs et des comptables.

* 6 Réforme de l'administration publique, bonne gouvernance, État de droit, bonne gestion financière (systèmes de gestion et de contrôle adaptés, lutte contre la corruption et la fraude), rapprochement avec l'acquis de l'Union...

* 7 Instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 13/07/2023