COM(2023) 229 FINAL  du 18/04/2023

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2014/59/UE et le règlement (UE) n 806/2014 en ce qui concerne certains aspects de l'exigence minimale de fonds propres et d'engagements éligibles - COM(2023)229

Le cadre de gestion des crises bancaires au sein de l'UE a été refondu en 2013 et 2014, dans la suite de la crise financière mondiale de 2007-2008 sur la base des normes internationales alors convenues. Il comprend quatre textes :

- le règlement (UE) n° 575/2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement (règlement sur les exigences de fonds propres - CRR) ;

- la directive 2013/36/UE concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (directive sur les exigences de fonds propres - CRD) ;

- la directive 2014/59/UE relative au redressement et à la résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (directive relative à la résolution des banques - BRRD) ;

- le règlement (UE) n° 806/2014 établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d'investissement dans la cadre d'un mécanisme de résolution unique et d'un Fonds de résolution bancaire unique (règlement mécanisme de résolution unique - MRU).

A. Les exigences minimales de fonds propres et d'engagements éligibles (MREL) ont été renforcées en 2019 et 2022

En 2019, de nouvelles mesures ont été prises pour achever l'Union bancaire, en particulier pour réduire les risques pesant sur la stabilité bancaire. Principalement fondées sur la norme internationale relative à la capacité totale d'absorption des pertes dite TLAC, publiée en novembre 2015 par le Conseil de stabilité financière pour les établissements d'importance systémique mondiale, elles ont également modifié l'exigence minimale de fonds propres et d'engagements éligibles (MREL), prévue par la directive BRRD et le règlement MRU.

Ainsi modifié, ce cadre imposait des arrangements internes aux groupes pour transférer des pertes d'entités du groupe à l'entité de résolution (généralement la société mère), sans soumettre ces entités à une procédure de résolution, grâce aux engagements éligibles souscrits, directement ou indirectement par l'entité de résolution (MREL interne).

Une nouvelle modification est intervenue en 2022 en matière de traitement prudentiel des établissements d'importance systémique mondiale. Le règlement (UE) 2022/2036 a en effet établi des méthodes en matière de souscription indirecte d'instruments éligibles pour satisfaire la MREL interne.

Un mécanisme de déduction des instruments souscrits indirectement par des entités intermédiaires a ainsi été mis en place pour garantir l'effectivité des transferts internes des pertes. Cette « approche de la déduction fondée sur la totalité des instruments détenus » fait obligation aux entités intermédiaires de déduire de leur propre capacité de MREL interne les instruments éligibles aux fins de la MREL interne qu'elles détiennent et qui ont été émis par d'autres entités appartenant au même groupe de résolution.  Il est prévu en outre que les entités intermédiaires qui satisfont à la MREL interne sur une base consolidée sont exemptées de l'obligation de déduire les instruments qu'elles détiennent qui ont été émis par des entités incluses dans le périmètre de consolidation.

B. Des modifications ciblées concernant le champ d'application des exigences de MREL interne et le traitement des entreprises vouées à la liquidation.

Chargée d'évaluer l'incidence du dispositif sur les différents types de structures bancaires, la Commission européenne, sur la base d'une analyse d'impact quantitative fondée sur les données communiquées par le Conseil de résolution unique (CRU), propose d'apporter des modifications ciblées à la directive BRRD et au règlement MRU en ce qui concerne le champ d'application des exigences de MREL interne et le traitement des entreprises vouées à la liquidation.

1. Une MREL interne sur base consolidée susceptible d'être assignée dans certains cas à des filiales d'entités de résolution

La proposition maintient l'approche de la déduction fondée sur la totalité des instruments détenus retenue par le règlement de 2022 et ne permet donc pas de limiter les déductions au montant de MREL interne des filiales émettrices. Toutefois, elle ajuste le mécanisme à la marge pour :

- permettre aux entités intermédiaires faisant partie d'une « structure holdco » (comprenant une société opérationnelle entre une société mère holding et ses filiales) ou d'une « structure opco » (dans laquelle la société mère n'est pas une holding) dans laquelle les exigences prudentielles sont déjà fixées sur une base consolidée, de satisfaire à la MREL interne sur une base consolidée dès lors que l'autorité de résolution en est d'accord ;

- exclure du champ d'application du mécanisme de déduction les entités vouées à la liquidation.

L'objectif affiché de ces modifications applicables au 1er janvier 2024 est d'améliorer le fonctionnement et la proportionnalité du mécanisme de déduction, d'accroître la résolvabilité des banques et de garantir que ce mécanisme ne fausse pas la concurrence entre les différentes structures de groupe bancaire.

L'autorité de résolution conserve toutefois le pouvoir discrétionnaire d'assigner à des filiales d'entités de résolution une MREL interne sur base consolidée, quel que soit le type de structure du groupe bancaire à laquelle appartient l'entité intermédiaire.

Cette possibilité est toutefois encadrée par trois conditions cumulatives :

- pour les structures « holdco », l'entité intermédiaire est un établissement ou une entité relevant de la BRRD ou du règlement MRU et est la seule filiale directe d'une entité de résolution qui est une compagnie financière holding mère dans l'Union ou une compagnie financière holding mixte mère dans l'UE ;

- tant l'entité de résolution que l'entité intermédiaire devront être établies dans le même État membre et faire partie du même groupe de résolution ;

- l'autorité de résolution considère que le respect de la MREL sur base consolidée n'aura pas d'incidence négative notable sur la résolvabilité du groupe de résolution auquel appartient la filiale ni sur l'application, à celle-ci ou à d'autres entités du groupe, des pouvoirs de dépréciation et de conversion.

2. Suppression de la MREL, sauf exceptions, pour les entités vouées à la liquidation

Des modifications de cohérence sont en outre apportées à la directive BRRD et au règlement MRU  : il est prévu l'exclusion des entités vouées à la liquidation -dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité- du champ du mécanisme de déduction pour ce qui concerne les instruments indirectement souscrits aux fins de la MREL interne. Ces modifications permettront de réduire la charge réglementaire des autorités de résolution qui n'auront plus à fixer de MREL pour ces entités, mais pourront, dans des cas exceptionnels, leur imposer une MREL. Lorsqu'une décision de MREL a été adoptée pour ces entités, un régime de déclaration obligatoire est prévu. Dans les autres cas, les autorités de résolution n'auront plus à autoriser les mesures de réduction de l'encours d'engagements éligibles.

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La proposition de directive est fondée sur l'article 114 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), comme les textes qu'elle modifie.

Il est à noter que l'approche consolidée très limitée qu'elle retient en matière d`exigence minimale de fonds propres et d'engagements éligibles ne permettra pas aux banques françaises systémiques d'alléger leurs fonds propres, et de réduire les coûts élevés de ces exigences prudentielles qui pèsent sur leur compétitivité.

Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 13/06/2023