COM(2023) 234 final  du 03/05/2023

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


I. Un texte relatif à la justice et aux affaires intérieures : proposition de directive relative à la lutte contre la corruption (COM(2023) 234)

I) La corruption, un fléau qui affaiblit la démocratie européenne

La présente proposition de directive, qui a été présentée le 3 mai dernier avec une communication conjointe de la Commission européenne et du Haut-représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), vise à mettre en oeuvre une véritable stratégie européenne contre la corruption1(*).

A) L'Union européenne n'est pas épargnée par la corruption

Pour rappel, la corruption comprend deux dimensions indissociables :

la corruption active, qui désigne le fait de proposer une faveur, un don ou un avantage quelconque à une personne afin que cette dernière accomplisse un acte ou s'abstienne d'agir dans le cadre de ses fonctions ;

la corruption passive, qui correspond au fait, pour la personne investie de la fonction déterminée, d'accepter le don ou l'avantage proposé.

Elle peut aussi prendre la forme de trafic d'influence, de favoritisme ou d'abus de fonctions.

La corruption n'est ni nouvelle (sous l'Antiquité, elle faisait ainsi partie intégrante des techniques de campagne lors des élections aux magistratures de la république romaine) ni spécifique à l'Union européenne. Au contraire, selon les indicateurs internationaux, qui demeurent toutefois partiels, la corruption est moins présente dans les États membres de l'Union européenne que dans le reste du monde2(*).

Toutefois, en matière de lutte contre la corruption, les efforts doivent être permanents. De plus, la corruption demeure un phénomène massif dans l'Union européenne : son coût annuel pour les économies de l'Union européenne représenterait 120 milliards d'euros3(*). Et, comme le rappelait un rapport récent de l'agence de coopération policière Europol, la corruption « érode l'État de droit, affaiblit les institutions et entrave le développement économique »4(*).

B) La lutte contre la corruption est une obligation internationale et européenne

À la suite de l'Organisation des Nations Unies (ONU) et de la Convention contre la corruption5(*), plusieurs organisations internationales ont fait de la lutte contre la corruption une priorité (Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) ; Groupe d'États contre la corruption (GRECO) constitué au sein du Conseil de l'Europe).

· Les règles de prévention et de lutte contre la corruption demeurent partielles dans l'Union européenne

Dans le cadre international précité, la prévention et la lutte contre la corruption constituent un défi à relever conjointement par les États membres et par l'Union européenne. Néanmoins, l'efficacité de ces politiques nécessite une stratégie d'ensemble, alliant mesures préventives (règles transparentes de financement politique ; règles déontologiques pour les publics à risque ; codes de conduite dans les entreprises ; déclarations d'intérêts et de patrimoine pour les responsables publics ; réglementation du lobbying...), sanctions efficaces (établissement d'infractions pénales et de sanctions adaptées) et application effective des textes (ce qui suppose une indépendance des autorités anticorruption et des moyens suffisants pour agir). À cet égard, la France dispose d'un « arsenal juridique assez complet ».

Cependant, force est de constater simultanément :

- que les réponses des États membres demeurent inégales : à titre d'exemple, certains États membres ne disposent toujours pas, à l'heure actuelle, de stratégie nationale anticorruption (Belgique ; Danemark ; Espagne ; Luxembourg ; Pays-Bas ; Slovénie) ;

- que le cadre juridique anticorruption dans l'Union européenne demeure parcellaire, malgré divers textes en vigueur concernant les fonctionnaires de l'Union européenne ou des États membres6(*), ou le secteur privé7(*). Rappelons également l'action anticorruption de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) et du Parquet européen, dont la mission est de protéger les intérêts financiers de l'Union européenne contre toute infraction pénale, ainsi que celle de l'agence européenne de coopération policière Europol, qui lutte contre les réseaux criminels transnationaux. C'est pourquoi la prévention et la lutte contre la corruption font désormais partie des critères examinés dans les procédures d'évaluation européennes des États membres mises en place, d'une part, à l'occasion du Semestre européen et, d'autre part, dans les rapports annuels de la Commission européenne au titre du cycle d'examen de l'État de droit ;

- que les institutions de l'Union européenne, en dépit de quelques procédures internes, manquent d'un dispositif crédible visant à prévenir et à lutter contre la corruption. Les révélations, en décembre dernier, du scandale du « Qatargate », plusieurs parlementaires européens ayant accepté de défendre des positions favorables au Qatar et au Maroc dans des votes au Parlement européen contre rémunération, ont semé le trouble. L'instruction judiciaire est toujours en cours mais les informations rendues publiques ont jeté un voile de suspicion sur l'ensemble des élus de l'Union européenne et conduit en urgence la Présidente du Parlement européen, Mme Roberta Metsola, à annoncer un « plan en 14 points » pour améliorer la transparence de son assemblée.

Toutefois, l'ensemble de ces constats appelle une réponse politique et institutionnelle concernant l'ensemble des institutions, organes et agences de l'Union européenne, afin d'y renforcer les dispositifs existants de prévention et de lutte contre la corruption.

II) La proposition de directive souhaite conforter l'efficacité des outils anticorruption existants

A) Un texte recherchant la simplification et l'actualisation du droit existant (articles 1er, 2 et 27)

1) Un effort de simplification

Conformément à la stratégie affirmée dans la communication conjointe précitée, la proposition de directive a un premier objectif : harmoniser les modalités de la lutte contre la corruption dans l'Union européenne en réunissant les dispositions relatives aux agents publics et au secteur privé dans un seul acte juridique, sur la base de définitions actualisées (article premier).

Son adoption impliquerait donc la suppression de la convention de 1997 sur les fonctionnaires et de la décision-cadre 2003/568/JAI relative au secteur privé (article 27).

2) Une volonté d'élargir le champ d'application des dispositifs anticorruption

La proposition aurait un champ d'application plus large que le droit en vigueur.

Pour y parvenir, elle reprend les définitions de la convention de l'ONU contre la corruption.

Ainsi, loin de viser les seuls « fonctionnaires », elle serait applicable aux « agents publics » (déclinés ensuite en sous-catégories : « agent de l'Union (européenne) », « agent national », « agents de haut niveau »).

De plus, cette définition internationale vise non seulement toutes les catégories d'agents publics tels que nous les concevons en France (agents titulaires, stagiaires, fonctionnaires, personnels contractuels..., qu'ils soient employés par les États membres ou leurs collectivités territoriales, mais également ceux travaillant pour l'Union européenne et pour les organisations internationales) mais également l'ensemble des membres des organes de contrôle et d'audit (ex : Cour des comptes), des magistrats (nationaux des États membres ; siégeant dans les juridictions européennes ; siégeant dans des juridictions internationales), l'ensemble des parlementaires (siégeant dans les parlements des États membres ou au Parlement européen), ainsi que les membres des gouvernements et chefs d'État des États membres et les « têtes » de l'exécutif européen (commissaires européens ; président du Conseil européen)...

Cette définition englobe donc en réalité, au sens français, l'ensemble des responsables publics et des agents publics.

B) Une proposition qui tire les leçons du cycle annuel d'examen de l'État de droit en mettant l'accent sur la prévention de la corruption (article 3)

Le deuxième objectif de la proposition est de relever les exigences minimales de la prévention de la corruption. Les États membres doivent ainsi prendre les mesures appropriées :

- pour encourager les travaux de recherche sur la corruption et les programmes d'éducation contre cette dernière ;

pour assurer « le plus haut degré de transparence et de responsabilité de l'administration et des responsables publics afin de prévenir la corruption ». À cet égard, ils doivent adopter des règles efficaces pour garantir à la fois le libre accès aux informations d'intérêt public, la détection et la gestion des conflits d'intérêts, la vérification du patrimoine des agents publics et la régulation des mobilités entre le secteur public et le secteur privé (contre le phénomène de « pantouflage ») ;

- pour veiller particulièrement à assurer l'intégrité des « agents de haut niveau », des membres des forces de l'ordre et des magistrats ;

- pour évaluer, au moins une fois par an, les dispositifs précités, et, sur la base de cette évaluation, mener des actions de sensibilisation, le cas échéant, en impliquant la société civile (associations anticorruption...).

C) L'institution d'organismes spécialisés pour prévenir et lutter contre la corruption (articles 4 à 6)

La proposition de directive prend acte du fait que, dans certains États membres, la stratégie de lutte contre la corruption repose sur divers services répressifs, autorités et juridictions, qui peuvent avoir à assumer d'autres missions simultanément, qui peuvent être de facto en situation de subordination par rapport au pouvoir politique en place et qui ne disposent pas toujours des moyens nécessaires à l'accomplissement de leurs tâches8(*).

Elle demande donc aux États membres de désigner un ou plusieurs organes spécialisés, d'une part, dans la prévention de la corruption et, d'autre part, dans la lutte contre cette dernière.

Elle exige que ces organes soient fonctionnellement indépendants du Gouvernement et connus du public, qu'ils puissent assurer le libre accès du public aux informations pertinentes relatives à leur activité, et qu'ils soient en capacité de prendre des décisions transparentes afin de garantir l'intégrité et la responsabilisation de leurs destinataires.

En complément, elle impose aux États membres de faire bénéficier leurs autorités nationales combattant la corruption, des moyens humains et financiers nécessaires à « l'accomplissement efficace » de leurs missions et d'assurer la formation de leurs agents publics sur les formes et les risques de la corruption. À cet égard, elle précise que des formations « anticorruption » spécialisées doivent être organisées régulièrement en faveur des membres des forces de l'ordre et des magistrats qui mènent les enquêtes, poursuites... contre des délits et crimes entrant dans son champ d'application.

D) La définition d'infractions pénales et l'établissement d'un quantum de peines minimal au niveau européen (articles 7 à 23)

1) Une mise à niveau des infractions pénales au niveau européen

La proposition de directive confirme, en la clarifiant, la définition de la corruption posée par la convention de 1997 et la décision-cadre de 2003 précitées, et le principe de sa sanction pénale.

La corruption active est ainsi définie comme « la promesse, la proposition ou l'octroi, directement ou par interposition d'un tiers, d'un avantage de quelque nature que ce soit » à un agent public ou à une personne travaillant pour une entité du secteur privé, pour lui ou pour un tiers, afin qu'il/elle « accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte», en violation de ses obligations (ou, pour l'agent public, dans l'exercice de ses fonctions). La corruption passive est caractérisée si l'agent public ou la personne précitée recherche ou sollicite cet avantage.

Pour être caractérisées, ces infractions doivent être intentionnelles.

La proposition de directive étend en outre la liste des infractions pénales relevant du manquement au devoir de probité au niveau européen : ainsi, le « détournement», le « trafic d'influence », « l'abus de fonctions », « l'entrave au bon fonctionnement de la justice », et « l'enrichissement lié aux infractions de corruption » seraient désormais qualifiés pénalement. Sont également visées toutes incitations à commettre ces infractions, toute tentative d'infraction et tout acte de complicité. Il s'agit d'une avancée majeure.

Ce faisant, la proposition s'inspire du droit pénal français. Elle reprend également des infractions définies dans la Convention contre la corruption de l'ONU, telles que l'« abus de fonctions » qui n'a pas d'équivalent en droit national ou le « détournement » qui, en droit pénal français, n'est visé que partiellement.

2) Une forte exigence de répression de la corruption par une échelle de peines sévère

De là, la proposition de directive « guide » le choix des peines applicables par les États membres aux infractions liées à la corruption en fixant un quantum des peines minimales, tout en rappelant que ces peines doivent être « efficaces, proportionnées et dissuasives ». En pratique, ce montant serait fixé à une durée de 4 ans d'emprisonnement (enrichissement lié à une infraction de corruption) ou 5 ans t (corruption dans le secteur privé ; détournement ; trafic d'influence) voire 6 ans (corruption dans le secteur public ; entrave au bon fonctionnement de la justice).

Elle prévoit également les peines complémentaires pouvant être établies par les juridictions compétentes des États membres (amendes ; interdiction d'exercer une fonction publique ; privation des droits civiques, proportionnée à la gravité de l'infraction commise... ).

La proposition de directive confirme ensuite l'application de ces infractions pénales aux personnes morales et précise que la responsabilité d'une personne morale pourrait être engagée dès lors qu'une infraction liée à la corruption aurait été commise par l'un de ses dirigeants ou mandataires pour son compte ou en raison des lacunes avérées des procédures de contrôle interne.

Elle détermine également les peines auxquelles ces personnes morales pourraient être condamnées si leur culpabilité dans une affaire de corruption était reconnue. Enfin, la proposition de directive fixe les circonstances susceptibles d'aggraver ou d'atténuer la sanction pénale de ces infractions et établit des délais de prescription assez étendus afin de garantir l'effectivité des poursuites.

E) Les garanties procédurales et les modalités de coopération entre autorités compétentes

En premier lieu, la proposition de directive demande aux États membres de prévoir la possibilité de lever les privilèges ou immunités d'enquête et de poursuites accordés à leurs responsables publics et agents publics pour les infractions visées selon une procédure objective, impartiale, efficace et transparente, préétablie par la loi, fondée sur des critères clairs, et conclue dans un délai raisonnable.

En deuxième lieu, la proposition de directive rappelle que les États membres doivent faire bénéficier les services et autorités en charge de la lutte contre la corruption de moyens d'investigation leur permettant d'agir efficacement et énonce les conditions de saisine des juridictions des États membres sur les infractions énoncées. La juridiction d'un État membre serait compétente pour juger une telle infraction :

- si cette infraction a été commise en totalité ou en partie sur le territoire de cet État membre ;

- si l'accusé est un citoyen ou un résident habituel de cet État membre ;

- si l'infraction a été commise au bénéfice d'une personne morale établie dans cet État membre.

Et, dans l'hypothèse où l'infraction serait manifestement susceptible de relever de la compétence des juridictions de plusieurs États membres, la proposition leur enjoint de coopérer pour déterminer celle qui aurait alors la charge de mener la procédure pénale. En cas de nécessité, dans ce cadre, Eurojust serait saisi du dossier9(*).

En troisième lieu, la proposition de directive impose aux États membres d'appliquer le régime de protection des « lanceurs d'alerte » prévu par la directive (UE) 2019/193710(*) et, plus généralement, d'assurer la protection et le soutien des personnes ayant coopéré aux enquêtes et poursuites judiciaires.

En quatrième lieu, la proposition de directive pose un principe de coopération entre les autorités compétentes des États membres, l'agence européenne de coopération policière (Europol), l'agence européenne de coopération judiciaire (Eurojust), le Parquet européen, l'Office européenne de lutte antifraude (OLAF) et la Commission européenne pour lutter contre les infractions liées à la corruption, sans préjudice des règles existantes de coopération transfrontière et d'assistance mutuelle en matière de procédure pénale.

Enfin, la directive (UE) 2017/1371 relative à la lutte contre la fraude aux intérêts financiers de l'Union européenne serait actualisée pour prendre en considération ces nouveaux dispositifs (article 28).

*

Les États membres devraient transposer la présente proposition de directive dans leur droit national au plus tard dix-huit mois après son entrée en vigueur (article 29).

***

III) La proposition de directive est-elle conforme au principe de subsidiarité ?

Les bases juridiques choisies sont-elles pertinentes ? Oui. La proposition de directive est fondée simultanément sur les articles 83, paragraphes 1 et 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et sur l'article 82, paragraphe 1, du même traité.

L'article 83, paragraphe 1, autorise le Parlement européen et le Conseil, statuant par voies de directives conformément à la procédure législative ordinaire, à établir des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et de sanctions dans des domaines de criminalité particulièrement graves revêtant une dimension transfrontière « résultant du caractère ou des incidences de ces infractions ou d'un besoin particulier de les combattre sur des bases communes », parmi lesquels « la corruption ».

En complément, l'article 83, paragraphe 2, les autorise à établir des règles minimales pour définir les infractions pénales et les sanctions relatives au domaine concerné.

Enfin, l'article 82, paragraphe 1, pose le principe de la reconnaissance mutuelle des jugements entre juridictions compétentes des États membres et prévoit que le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent adopter les mesures permettant de faciliter la coopération judiciaire pénale entre les autorités judiciaires ou équivalentes des États membres dans le cadre des poursuites pénales et de l'exécution des décisions.

La proposition de directive est-elle nécessaire et apporte-t-elle une valeur ajoutée ?

Si l'absence d'étude d'impact sur une réforme aussi importante pour la démocratie européenne doit être vivement déplorée - de surcroît, dans un contexte où un certain nombre d'États membres ainsi que les institutions européennes semblent avoir encore des difficultés à mettre en pratique les législations anticorruption, il convient de reconnaître que la Commission européenne a effectué un travail d'analyse sur la situation de la corruption dans l'Union européenne au début de l'année 2023. Elle a en effet commandé une étude11(*) afin de faire un point d'étape sur cette question sensible. Cette étude préconise un alignement plus étroit des législations nationales des États membres et des règles de l'Union européenne, en particulier en adoptant une définition commune de la corruption, et en améliorant les procédures d'enquêtes et les poursuites judiciaires relatives à des faits de corruption entre les États membres.

De là, la réforme proposée est évidemment nécessaire. Le bilan effectué supra souligne, à l'évidence, que la corruption est un risque bien réel pour les États membres et pour les institutions de l'Union européenne mais aussi que les divergences d'approche entre États membres menacent d'aligner les exigences de la lutte anticorruption sur le comportement des États ou organes les plus laxistes voire défaillants.

En définissant au niveau européen la corruption et le trafic d'influence, en s'assurant de la responsabilité pénale des personnes morales, en fixant des exigences minimales quant au quantum des peines et en facilitant la coopération européenne des autorités et juridictions compétentes, la présente réforme démontre sa valeur ajoutée contre la criminalité transfrontalière.

Bien sûr, certaines dispositions nécessiteront des adaptations du droit français (introduction du délit de « détournement », qui n'existe pas stricto sensu en droit français ; instauration d'une circonstance aggravante spécifique lorsque les actes de corruption sont le fait d'« agents de haut niveau » alors que le droit français considère que l'implication d'un agent public ou d'un responsable public est par elle-même, source d'aggravation de la peine ; fixation d'une durée de prescription variant entre huit et quinze ans suivant l'infraction de corruption concernée alors que la prescription est fixée à six ans pour tous les délits en droit français) mais c'est bien pourquoi elle doit être transposée en droit national dans les dix-huit mois de son entrée en vigueur.

Elle est aussi respectueuse des traités, en laissant une marge nationale d'appréciation aux autorités nationales compétentes dans la fixation des sanctions comme dans les modalités de leur coordination...

Ainsi, il semble que le Sénat ne puisse que soutenir le principe de cette réforme.

Enfin, cette réforme est-elle proportionnée aux objectifs visés ?

La réponse est encore positive. En effet, comme démontré supra, l'importance de la corruption dans l'Union européenne est, certes, moins flagrante que dans les autres régions du monde, mais elle demeure préoccupante.

D'autant que la corruption est souvent le premier visage de la criminalité organisée, qui peut, par ses effets, s'emparer de secteurs économiques, voire d'entités géographiques et « acheter » des responsables politiques européens, nationaux ou locaux. Fragilisant ainsi l'État de droit et menaçant la démocratie. L'exemple récent des ports d'Anvers, de Hambourg/Bremerhaven et de Rotterdam, développé dans un rapport récent d'Europol12(*), souligne ce danger.

La lutte contre la corruption doit donc être une priorité européenne. Les dispositifs proposés par la présente réforme pour prévenir et éradiquer la corruption (création d'autorités spécialisées ; quantum de peines...) sont, à ce titre, proportionnés aux objectifs poursuivis, d'autant qu'ils respectent parfaitement la répartition prévue entre États membres et Union européenne par les traités.

En revanche, plusieurs interrogations suscitées par la réforme proposée nécessiteront un examen au fond de la réforme, et, le cas échéant, l'adoption d'un rapport d'information ou d'une proposition de résolution européenne (PPRE) et d'un avis politique :

-comme déjà indiqué supra, certaines dispositions de la proposition sont inédites en droit français ou incompatibles avec l'état actuel de ce dernier. L'enjeu pour la France, qui dispose de l'une des législations nationales les plus complètes en la matière, sera donc de s'assurer au cours des négociations européennes à venir sur ce dossier que l'adoption de ce texte n'aura pas pour effet d'abaisser ses propres exigences en matière de prévention et de lutte contre la corruption ;

-la prévention et la lutte contre la corruption sont intrinsèquement liées à l'efficacité des règles éthiques qui doivent encadrer strictement le financement des partis politiques, le patrimoine des élus, ou encore la représentation d'intérêts. Après plusieurs reports, la Commission européenne a présenté en ce sens un projet d'organe d'éthique européen, le 8 juin dernier, qui pour l'essentiel harmoniserait les actions des institutions de l'Union européenne dans ce domaine par l'établissement de lignes directrices. Il n'est pas certain que cette proposition soit à la hauteur des enjeux.

Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a donc décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 JOIN(2023) 12 final.

* 2 Étude « Strengthening the fight against corruption : assessing the EU legislative and policy framework », élaborée par les cabinets EY (I. Gaglio ; J. Guzzon ; K. Bartz ; L. Marcolin ; R. Kryeziu) et RAND Europe (E. Disley ; J. Taylor ; S. Hulme) pour la direction générale « Affaires intérieures » de la Commission européenne, 15 décembre 2022.

* 3 Estimation fondée sur les analyses de diverses institutions et organes (Chambre de commerce internationale ; Transparency international ; Pacte mondial des Nations unies ; Forum économique mondial).

* 4 Rapport d'évaluation de la menace que constituent la grande criminalité et la criminalité organisée (SOCTA) 2021.

* 5 Résolution 58/4 de l'Assemblée générale des Nations unies du 31 octobre 2003.

* 6 Acte du Conseil du 26 mai 1997 établissant la convention établie sur la base de l'article K.3 paragraphe 2 point c) du traité sur l'Union européenne, relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l'Union européenne.

* 7 Décision-cadre 2003/568/JAI du Conseil du 22 juillet 2003 relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé.

* 8 Le rapport sur l'État de droit 2022 souligne que l'une de ces trois difficultés au moins peut être constatée à Chypre, en France, en Italie, au Luxembourg, au Portugal, en Roumanie, en Slovaquie et en Slovénie.

* 9 Décision 2009/948/JAI du 30 novembre 2009 sur la prévention et le règlement des conflits de juridiction dans les procédures pénales.

* 10 Directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019. Elle protège les personnes qui signalent des violations du droit de l'Union européenne.

* 11 Voir référence en note de bas de page n° 2.

* 12 Rapport conjoint d'Europol et du comité de suivi de la sécurité des ports d'Anvers, de Rotterdam et d'Hambourg/Bremerhaven (2023), « Réseaux criminels dans les ports de l'Union européenne, risques et défis pour l'application de la loi ».


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 01/06/2023

Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : Proposition de résolution européenne relative à la prévention et à la lutte contre la corruption dans l'Union européenne (2023-2024) : voir le dossier legislatif


Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la lutte contre la corruption, remplaçant la décision-cadre 2003/568/JAI du Conseil et la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l'Union européenne, et modifiant la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil

COM(2023) 234 final - Texte E17812

Compte rendu de la réunion de la commission des affaires européennes du 14 février 2024

Éthique et corruption - Examen du rapport, de la proposition de résolution européenne et de l'avis politique

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Mes chers collègues, à la suite du scandale du « Qatargate », les institutions européennes ont - dans l'urgence - proposé plusieurs réformes relatives à l'éthique et la prévention de la corruption. Au nom de notre commission, nous avons décidé, avec Didier Marie et Claude Kern, mes corapporteurs, de mener à ce sujet un travail d'auditions approfondi pendant plusieurs mois et de présenter nos observations et conclusions dans un rapport, une proposition de résolution européenne (PPRE) et un avis politique que nous allons vous présenter aujourd'hui.

M. Claude Kern, rapporteur. - Comme vient de le souligner le président, nous avons souhaité mener depuis plusieurs mois une réflexion sur les règles éthiques applicables et les moyens de lutter plus efficacement contre la corruption dans l'Union européenne, sur le fondement de trois textes présentés récemment par la Commission européenne, à savoir : la proposition de directive relative à la lutte contre la corruption, présentée le 3 mai dernier, qui tend à renforcer les standards européens ; la communication de la Commission européenne proposant la création d'un organisme éthique européen qui serait compétent pour les institutions européennes, présentée le 8 juin dernier ; et la proposition de directive, présentée le 12 décembre dernier, qui tend à encadrer les activités de représentation d'intérêts, c'est-à-dire de lobbying, pratiquées pour le compte de pays tiers.

Ces initiatives importantes, dont on peut déplorer le caractère très tardif, font suite à un véritable appel à la mobilisation lancé par la présidente von der Leyen dans son discours sur l'état de l'Union, en septembre 2022, et qui avait été, avouons-le, peu repris à l'époque. Je la cite : « Aujourd'hui, je voudrais attirer l'attention sur la corruption, sous tous les visages. Qu'elle prenne le visage d'agents étrangers qui tentent d'influencer notre système politique. Ou celui de sociétés ou fondations écrans qui détournent les fonds publics. Si nous voulons être crédibles quand nous demandons aux pays candidats de renforcer leur démocratie, nous devons aussi éradiquer la corruption sur notre sol. »

Pourquoi un tel activisme de la Commission européenne ?

En effet, la corruption n'est ni nouvelle ni spécifique à l'Union européenne. On peut même souligner que, selon les indices développés par l'organisation Transparency international, l'Union européenne est l'ensemble politique le moins corrompu de la Planète avec onze de ses vingt-sept États membres parmi les vingt pays du monde les moins corrompus - le Danemark est premier de ce classement, la France vingtième ex æquo avec l'Autriche.

La lutte contre la corruption est, de plus, une obligation internationale et une exigence européenne. Rappelons, à titre d'exemple, l'action du Groupe d'États contre la corruption du Conseil de l'Europe (Greco), qui fait référence.

L'Union européenne elle-même, au fil des ans, a bâti un édifice de lutte contre la corruption avec des cadres juridiques spécifiques concernant les atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne, le blanchiment des capitaux et le gel et la confiscation des avoirs criminels.

De plus, elle dispose de nombreux organes pour coordonner et soutenir les enquêtes des États membres : l'agence de coopération policière, Europol, l'agence de coopération judiciaire, Eurojust, ou encore le Parquet européen qui enquête et mène des poursuites sur les atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne.

Enfin, notre pays peut se féliciter d'avoir un système efficace, avec la pénalisation de la corruption et, plus généralement, des atteintes à la probité, comme le trafic d'influence, et avec des dispositifs de prévention rigoureux : je citerai, par exemple, les obligations de déclarations d'intérêts et de patrimoine des responsables publics contrôlées par une autorité indépendante, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Nous avons également une stratégie nationale anticorruption mise en oeuvre par l'agence française anticorruption (AFA). Par ailleurs, la coopération opérationnelle entre services compétents est satisfaisante. On peut évoquer, à titre d'exemple, le réseau européen d'éthique public mis en place par la HATVP ou la coordination de Tracfin, la cellule de renseignement financier, avec ses homologues européens.

Mais la situation est fragile : selon la Commission européenne, le montant annuel de la corruption en Europe est estimé à 120 milliards d'euros.

Dans sa stratégie sur l'Union de la sécurité, ainsi que dans celle qui vise à lutter contre la criminalité organisée pour la période 2021-2025, l'Union européenne a reconnu la vulnérabilité spécifique, à l'égard des faits de corruption, des secteurs de la santé, des transports, de la construction, du traitement des déchets, de l'aérospatial et de la défense, de l'agriculture et de l'agroalimentaire, du travail et de la protection sociale.

En outre, la situation des États membres est variable à l'égard de la prévention et de la lutte contre la corruption. Les rapports annuels de la Commission européenne sur l'État de droit sont à cet égard des outils très utiles pour illustrer les différences de procédures et, parfois, de volonté politique des États membres sur ce dossier. Ainsi, l'Allemagne est très opposée à ces directives, ce qui ne laisse pas de nous interroger. Si, en 2023, la France a reçu une évaluation plutôt favorable, elle a été cependant incitée à veiller à ce que les règles relatives à l'encadrement du lobbying soient appliquées de manière cohérente, « y compris au plus haut niveau de l'exécutif ».

Il faut plus généralement constater que l'absence de transparence dans la relation avec les représentants d'intérêts est mise au jour comme la principale fragilité des législations nationales dans treize États membres : Autriche ; Belgique ; Croatie ; Espagne ; Hongrie ; Italie ; Lettonie ; Luxembourg ; Pays-Bas ; Pologne ; République tchèque ; Roumanie ; Slovaquie. D'autres États membres sont incités fermement à lutter contre la corruption à haut niveau, comme la Bulgarie, la République tchèque, la Grèce, l'Espagne, la Hongrie, Malte ou la Pologne.

L'Union européenne a donc décidé d'intervenir toujours plus dans les affaires des États membres, rappelant, pour se justifier, que la transparence et l'intégrité étaient des principes nécessaires à la démocratie, aux droits de l'Homme et à l'État de droit, valeurs de l'Union européenne affirmées à l'article 2 du traité sur l'Union européenne (TUE). Les politiques nationales de lutte contre la corruption sont donc scrutées au niveau européen dans les rapports sur l'État de droit et dans le cadre du Semestre européen. En outre, dans le cadre du régime de conditionnalité État de droit, la Commission européenne peut recommander au Conseil d'imposer des mesures budgétaires aux États membres qui seraient en infraction avec le droit de l'Union européenne applicable en la matière.

En complément, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), soit lors d'une action en manquement de la Commission européenne, soit à l'occasion d'une question préjudicielle, peut rappeler un État membre à l'ordre. Elle n'a pas hésité à le faire, fin 2021, à l'égard de la Roumanie en jugeant qu'une législation du pays sur la corruption telle qu'interprétée par sa Cour constitutionnelle faisait courir un « risque systémique d'impunité ».

Cependant, le fonctionnement des institutions européennes elles-mêmes n'est pas non plus sans fragilité au regard des règles éthiques, ce qui pose des difficultés à l'heure où l'Union européenne a gagné de nombreuses prérogatives depuis 2019, dans le numérique, pour la transition verte, mais aussi dans le développement d'une politique de l'État de droit. En effet, comment la Commission européenne pourrait-elle demeurer crédible lorsqu'elle formule ses recommandations sur l'État de droit aux États membres si son propre fonctionnement n'est pas conforme à ce principe ?

Bien sûr, au sein de ces institutions, des règles et des codes de conduite déontologiques existent, ainsi que des instances internes pour veiller à leur application, mais, disons-le, ces règles et ces instances doivent aujourd'hui être mises à niveau contre les risques de corruption et d'ingérence étrangère. La Cour des comptes de l'Union européenne avait d'ailleurs demandé cette mise à niveau en 2019.

Signalons également le rôle précieux de « lanceuse d'alerte éthique » de la Médiatrice de l'Union européenne, Mme Emily O'Reilly, qui a enquêté avec courage sur certains manquements des institutions européennes : on peut citer son enquête démontrant l'absence de contrôle des « pantouflages » entre institutions européennes et secteur privé ou encore sa décision du 20 décembre dernier concluant à une « mauvaise administration », du fait de l'absence de transparence de la direction générale de la santé de la Commission européenne sur ses relations avec l'industrie du tabac.

Enfin, le scandale dit du « Qatargate », qui a éclaté en décembre 2022 et révélé que plusieurs parlementaires européens auraient accepté de monnayer leurs votes au profit de pays tiers, en l'espèce le Maroc et le Qatar, a semé le doute dans l'esprit de nos concitoyens sur l'intégrité des élus et a, de ce fait, constitué un électrochoc.

C'est dans ce cadre qu'avec Didier Marie et Jean-François Rapin, nous avons mené un travail approfondi d'auditions sur la situation de nos États membres et de l'Union européenne par rapport aux défis de la prévention et de la lutte contre la corruption. Ce travail nous conduit aujourd'hui à vous proposer un rapport, une PPRE adressée au Gouvernement et un avis politique adressé à la Commission européenne, dont la rédaction est similaire.

Soyons clairs, dans ce contexte, nous ne souhaitons pas nous dresser en donneurs de leçons par rapport aux institutions européennes, mais nous sommes soucieux de l'avenir de l'Europe. C'est pourquoi nous ne voulons pas que sa seule réponse aux fragilités évoquées soit l'inaction et le déni. Sur la base de cette évaluation réaliste de la situation, mes corapporteurs vont maintenant vous présenter les textes en discussion et nos préconisations pour mieux prévenir et mieux combattre la corruption dans l'Union européenne.

M. Didier Marie, rapporteur. - Mes chers collègues, je voudrais maintenant insister sur la nécessité de mieux prévenir la corruption dans l'Union européenne.

À cet égard, la proposition de directive de lutte contre la corruption, dans ses articles 3 et 4, demande aux États membres d'adopter de véritables mesures de prévention harmonisées - campagnes de sensibilisation et de formation, transparence des décisions administratives, encadrement strict des appels d'offres des marchés publics, ou encore établissement de règles claires de prévention des conflits d'intérêts -, et de désigner un ou plusieurs organes spécialisés pour assurer le respect de ces mesures. Disons-le tout de suite, ces dispositions ont surtout vocation à contraindre les États membres les plus en retard à bouger sur ce dossier. La France, elle, remplit déjà ces obligations ; elle va même au-delà, grâce à sa stratégie nationale, et à l'action de l'AFA et de la HATVP.

Ces exemples nous amènent à demander dans notre résolution que les organes spécialisés dans cette prévention soient bien indépendants. Sinon, les dispositions prévues seront sans effet.

Je veux ensuite m'arrêter sur la proposition de création d'un organisme éthique de l'Union européenne, qui constituait une promesse de la Commission von der Leyen au début de son mandat, mais qui n'a été présentée que le 8 juin dernier, en réaction au « Qatargate ».

En pratique, la création de cet organisme serait rendue effective par un accord interinstitutionnel signé par neuf institutions européennes -Parlement européen ; Conseil européen ; Conseil de l'Union européenne ; Commission européenne ; Cour de justice de l'Union européenne ; Banque centrale européenne ; Cour des comptes de l'Union européenne ; Comité économique et social ; Comité des régions. Cet organisme servirait de forum d'échanges de bonnes pratiques entre ces institutions dans le domaine de la transparence et de l'intégrité, et proposerait des lignes directrices déontologiques pour leurs membres - mais pas pour leurs personnels -, le tout sur la base du consensus. Concernant la composition de l'organisme, un représentant de chaque institution concernée y siégerait pour cinq ans et cinq experts participeraient à ses débats, mais avec un statut d'observateur. Enfin, les moyens administratifs alloués à la structure seraient très faibles : 600 000 euros de budget annuel et un secrétariat dirigé par la Commission européenne composé de 2 équivalents temps plein (ETP), aidés en tant que de besoin par les chefs de service compétents des institutions participantes. L'organisme serait même hébergé dans les locaux de la Commission, qui invoque des contraintes budgétaires pour justifier ces choix.

Parlons franchement, ce qui est présenté par la Commission européenne comme un premier pas vers un renforcement des règles européennes de transparence et d'intégrité est une déception. Dans le fond, comme l'a avoué la vice-présidente Jourová lorsque nous avons échangé avec elle, toutes ces institutions européennes veulent rester souveraines pour décider de leurs règles, par exemple en matière de « pantouflage » ou de conflits d'intérêts. Toutes invoquent les principes d'équilibre et d'autonomie institutionnels pour justifier le fait que l'organe éthique envisagé ne pourrait rien leur imposer, mais à notre sens, cet argument juridique cache surtout une faible volonté d'aboutir. Seul le Parlement européen, en première ligne dans l'affaire du « Qatargate », milite pour un organe éthique qui aurait des pouvoirs de contrôle.

Nous partageons cette position, surtout que, depuis 2019, à traité constant, les institutions européennes ont vu leurs prérogatives s'accroître sensiblement pour assurer les transitions numérique et écologique, répondre en urgence aux déstabilisations liées à la guerre en Ukraine et développer une politique de l'État de droit. Dans le même temps, les règles de transparence et d'intégrité de ces institutions, qui étaient déjà présentées comme largement perfectibles en 2019 dans le rapport précédemment évoqué de la Cour des comptes de l'Union européenne, n'ont, elles, pas évolué.

À l'heure actuelle, dans son rapport annuel sur l'État de droit, la Commission européenne évalue la situation de la justice, les actions de lutte contre la corruption ou encore l'équilibre des pouvoirs dans chaque État membre, et émet des recommandations à ce titre. Pour qu'une telle évaluation soit crédible, les institutions européennes doivent à tout le moins respecter elles-mêmes strictement les principes de transparence et d'intégrité résultant des valeurs proclamées à l'article 2 du traité sur l'Union européenne.

Nous sommes convaincus de la nécessité impérative de maintenir la confiance des citoyens dans les institutions européennes et de garantir que ces dernières leur rendent des comptes sur leur fonctionnement ; nous sommes donc favorables à la mise en place d'un organe éthique indépendant et plus ambitieux, que nous souhaitons, pour des raisons de clarté, appeler « comité d'éthique de l'Union européenne », formulation plus lisible que celle d'« organisme éthique interinstitutionnel ».

Dans notre rapport, sur la base d'une étude juridique poussée établie pour le Parlement européen, ainsi que de la jurisprudence récente de la Cour de justice de l'Union européenne, nous constatons que les principes d'équilibre et d'autonomie institutionnels ne s'opposent pas à l'application pleine et entière des principes de transparence et d'intégrité issus de l'État de droit. Ce constat est avéré tant pour les États membres que pour les institutions européennes. Je vous renvoie à l'arrêt Commission contre Pologne du 5 juin 2023, dans lequel la CJUE affirmait que « l'article 2 du TUE contient des valeurs qui relèvent de l'identité même de l'Union en tant qu'ordre juridique commun, valeurs qui sont concrétisées dans des principes contenant des obligations juridiquement contraignantes ».

Par ailleurs, la doctrine Meroni, dégagée par la Cour depuis 1958, permet aux institutions européennes de déléguer certaines de leurs prérogatives à un organisme tiers. Il n'y a donc pas d'obstacle juridique à la création d'un comité d'éthique avec des pouvoirs d'enquête.

Pour des raisons de cohérence, nous proposons que le comité d'éthique soit compétent pour examiner les règles déontologiques applicables aux membres de ces institutions, mais aussi à leurs agents publics. Les statuts de la fonction publique européenne ne s'y opposent pas ; il suffirait d'y ajouter une référence au comité.

Le comité d'éthique devrait pouvoir s'autosaisir d'une difficulté éthique et enquêter à son sujet, avant de rendre un avis à l'institution concernée, qui demeurerait seule en droit de prendre des décisions de conformité. Cet organisme pourrait également, comme la HATVP en France, contrôler les déclarations d'intérêts des membres des institutions européennes concernées, ainsi que le registre commun où doivent s'enregistrer les représentants d'intérêts qui souhaitent rencontrer les membres des institutions européennes. Ce registre existe déjà, mais son contrôle semble très léger aujourd'hui. Enfin, ce comité indépendant pourrait être chargé d'évaluer chaque année le respect effectif de l'État de droit par les institutions européennes, dans un rapport qui pourrait être joint à celui de la Commission européenne sur les États membres.

Afin que le comité d'éthique assume ces pouvoirs en toute indépendance, nous proposons d'inverser les règles retenues pour sa composition : nous recommandons que les cinq experts indépendants, désignés d'un commun accord par les institutions, en soient les membres permanents ; les représentants des institutions participantes devraient venir se joindre à leurs débats en tant que de besoin, avec un statut d'observateur. Nous suggérons aussi que la Médiatrice de l'Union européenne puisse siéger intuitu personæ au comité.

Le financement du comité d'éthique serait rendu possible par des redéploiements de budgets et d'effectifs. Ainsi, la dizaine d'agents européens qui travaillent aujourd'hui au secrétariat du registre commun de transparence pourraient être détachés auprès du comité. Par ailleurs, pour mener ses enquêtes, celui-ci devrait pouvoir s'appuyer sur les services existants de la Médiatrice de l'Union européenne, de la Cour des comptes de l'Union européenne et de l'Office européen de lutte antifraude (Olaf).

En complément, nous souhaitons saluer les réformes éthiques internes menées au sein du Parlement européen tout au long de 2023 pour tirer les leçons du « Qatargate », avec, par exemple, l'adoption d'un nouveau format de déclarations d'intérêts plus précis pour les députés européens, une transparence nouvelle sur leurs réunions avec des lobbyistes, ou encore des restrictions nouvelles dans l'accès aux locaux du Parlement, en particulier pour les anciens députés faisant du lobbying.

Enfin, nous estimons que la prévention de la corruption passe aussi par un meilleur encadrement des règles de financement des partis politiques européens et nous rappelons les observations de notre résolution européenne du 21 mars 2022, adoptée sur le rapport de Jean-François Rapin et Laurence Harribey et marquant notre opposition à l'assouplissement proposé du financement de ces partis européens par des partis installés dans des pays du Conseil de l'Europe. Le Sénat s'interrogeait aussi, dans cette résolution européenne, sur la pertinence du maintien de l'autorisation du financement de ces partis par des personnes morales, donc par des entreprises, ONG ou fondations susceptibles de travailler pour le compte de pays tiers.

Voilà nos principales propositions quant à la prévention de la corruption. Jean-François Rapin va maintenant évoquer la proposition de la Commission européenne visant à encadrer le lobbying exercé pour le compte de pays tiers, ainsi que les mesures opérationnelles contre la corruption.

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - De fait, toujours pour prévenir la corruption, la Commission européenne a également décidé d'encadrer les activités de représentation d'intérêts pour le compte de pays tiers. C'est l'objet de la proposition de directive COM (2023) 637 final.

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, l'Union européenne et les États membres ont pris conscience de l'ampleur des ingérences étrangères - russes, mais aussi chinoises, par exemple - qui ont pu perturber le fonctionnement de nos institutions démocratiques. Au Sénat, après les travaux de notre ancien collègue André Gattolin sur de telles ingérences dans le milieu universitaire et ceux qui ont été menés sur les agissements du réseau social TikTok, je rappelle qu'une nouvelle commission d'enquête sur les ingérences étrangères va mener ses investigations au cours des prochains mois. Nos réflexions pourront l'éclairer utilement.

Le texte de la Commission européenne concerne la fourniture d'un service de représentation d'intérêts dans l'UE à une entité d'un pays tiers, cette dernière notion recouvrant à la fois le gouvernement central et les pouvoirs publics d'un tel pays, mais aussi les structures publiques ou privées qui en relèvent, ainsi que toute activité de représentation d'intérêts directement exercée par une telle entité. En revanche, le dispositif proposé exclut les activités diplomatiques officielles et les activités de conseil juridique dans le cadre d'un contentieux.

La réforme consiste à instituer une procédure d'enregistrement unique pour les personnes exerçant une activité de représentation d'intérêts pour le compte d'un pays tiers, qui comprendrait une inscription de la personne concernée sur le registre national de l'État membre où elle a son lieu d'établissement principal, ainsi que la transmission des informations nécessaires à son identification et à celle de ses clients, dont certaines seraient rendues publiques. Ensuite, si ces informations étaient complètes, l'inscription serait effectuée par l'autorité nationale compétente dans un délai de cinq jours et l'entité se verrait alors délivrer un numéro d'identification unique. La procédure d'enregistrement vaudrait alors pour les vingt-sept États membres. Enfin, il faut noter que la proposition de directive est un texte d'harmonisation maximale : son article 4 interdit aux États membres de maintenir ou conserver des dispositions légales plus souples, mais également plus strictes, que son dispositif.

Le principe d'une régulation européenne des représentants d'intérêts doit assurément être soutenu. Cependant, la réforme proposée comporte plusieurs défauts structurels.

En premier lieu, le texte est fondé sur une base juridique insuffisante, à savoir les dispositions de l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), relatif au développement du marché intérieur. En effet, la réforme est relative à une activité spécifique dont l'objectif est d'influencer les décisions politiques nationales et européennes et, par conséquent, notre fonctionnement démocratique. La base juridique de la proposition de directive devrait donc a minima être complétée par une référence à l'article 2 du TUE relatif à la démocratie et aux valeurs de l'Union européenne.

En deuxième lieu, la proposition ne tient pas compte de la réalité de l'activité de représentation d'intérêts. En pratique, les cabinets et lobbyistes professionnels exercent des activités de représentation d'intérêts à la fois pour le compte de pays tiers et pour des acteurs européens, publics et privés. En scindant artificiellement cette activité en deux, le texte risque de créer deux régimes juridiques distincts et, ce faisant, des charges inutiles pour les États membres, telle l'obligation de mise en oeuvre d'une procédure d'enregistrement spécifique aux délais très serrés, cinq jours contre deux mois en France aujourd'hui.

En troisième lieu, la proposition est fondée sur le choix d'une uniformisation des législations nationales, choix d'autant plus contestable qu'elle ne consiste pas en un alignement vers le haut des règles européennes sur celles des États membres les plus avancés, tels que l'Allemagne, l'Irlande ou la France, qui dispose d'un répertoire national des représentants d'intérêts contrôlé par la HATVP.

Or ces États membres conserveront certainement des exigences légales distinctes pour réguler les autres activités de représentants d'intérêts. En outre, les 27 ont mis en place des modalités de contrôle, plus ou moins rigoureuses, du lobbying. De fait, les représentants d'intérêts vont comparer ces différences et seront enclins à s'établir et s'enregistrer dans l'État membre le moins exigeant.

Voilà pourquoi nous demandons, dans notre proposition de résolution européenne, que soit affirmé le principe de l'enregistrement des représentants d'intérêts agissant pour le compte de pays tiers sur un registre national - ce n'est pas encore le cas dans tous les États membres -, mais aussi que soit supprimée la disposition de l'article 4 qui empêche les États membres de conserver des dispositions plus ambitieuses. Nous souhaitons également une harmonisation des critères exigés, sur la base des règles applicables en France, et nous entendons promouvoir le principe de l'échange d'informations entre autorités nationales compétentes dans le cadre du réseau européen d'éthique publique des autorités européennes instauré autour de la HATVP. Nous y rappelons enfin la nécessité d'intégrer les institutions européennes et leur registre des lobbyistes dans le champ de ce dispositif.

Enfin, il me revient de présenter rapidement les mesures opérationnelles nécessaires pour mieux lutter contre la corruption, une fois qu'elle a été détectée, si les dispositifs de prévention ne sont pas suffisants à l'empêcher.

À cet égard, je rappellerai deux constats importants : d'une part, l'infraction de corruption est souvent invisible et sert presque toujours à commettre une autre infraction grave, du blanchiment de capitaux au trafic de drogue ; d'autre part, la corruption est massivement pratiquée par les réseaux de criminalité organisée. Selon Europol, 60 % de ces réseaux en font usage.

D'où la nécessité de réprimer sévèrement la corruption et les autres atteintes à la probité, telles que le trafic d'influence, les détournements de fonds publics ou l'entrave à la justice. C'est le sens des principales dispositions de la proposition de directive relative à la lutte contre la corruption, qui, pour la première fois, définit ces infractions au niveau européen et prévoit des sanctions dissuasives, là encore parfaitement compatibles avec le droit français.

Nous vous proposons de soutenir ces dispositions, qui sont parmi les plus importantes qu'ait proposées la Commission von der Leyen. Quel dommage qu'elles aient été présentées en fin de mandat, ce qui oblige les négociateurs européens à se presser !

Nous faisons, sur ce point, deux observations de fond dans notre proposition de résolution.

Tout d'abord, après avoir constaté que la proposition de directive étend les possibilités de poursuivre les personnes morales au pénal pour corruption, non seulement lorsque l'un de leurs dirigeants a entrepris des actions de corruption en leur nom, ce qui est déjà possible aujourd'hui, mais également lorsque les faits de corruption ont été permis par un « défaut de surveillance ou de contrôle » de la part de ces personnes morales, nous demandons solennellement que ce nouveau cadre européen maintienne les règles équilibrées qui existent aujourd'hui en France pour rechercher la responsabilité pénale des collectivités territoriales - qui sont des personnes morales - et de leurs élus : pour rappel, la responsabilité pénale des collectivités territoriales est limitée aux infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégations de service public. Quant aux élus locaux, en vertu des dispositions du code pénal issues de la loi du 10 juillet 2000, dite loi Fauchon, en cas de délit non intentionnel, ils ne peuvent être mis en cause que s'il est établi qu'ils ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'ils ne pouvaient ignorer.

Ensuite, les délais de prescription prévus dans la version initiale du texte - dix et quinze ans pour les principales infractions - sont excessivement longs au regard de tous ceux qui existent en Europe ; nous demandons leur alignement à six ans, durée prévue en droit français pour de telles infractions. Ce délai s'est en effet révélé pertinent dans les affaires de délinquance financière.

La lutte contre la corruption nécessite des mesures opérationnelles plus fermes, visant à en éradiquer les causes, qui tiennent, le plus souvent, à l'action des réseaux de criminalité. Nous préconisons ainsi un soutien renforcé aux services de police et de douane, ainsi qu'aux procureurs chargés de combattre ces réseaux, et nous souhaitons une mise en oeuvre rapide des initiatives de coopération européenne annoncées, telles que l'Alliance européenne des ports présentée le 24 janvier dernier, qui vise à permettre à la police, aux douanes, aux compagnies maritimes et aux autorités portuaires d'établir des stratégies communes pour chasser le trafic de drogue des enceintes portuaires et y détruire les chaînes de corruption que les trafiquants ont instaurées à Anvers, Rotterdam ou Hambourg. Nous demandons que cette alliance concerne aussi les grands ports français, en particulier Le Havre, Marseille, Calais et Dunkerque, afin que ceux-ci ne subissent pas un déplacement de l'activité des trafiquants.

Parmi les mesures opérationnelles efficaces contre les corrupteurs, on compte aussi les règles permettant de suivre l'argent de la corruption et de le confisquer. À cet égard, nous approuvons l'accord européen intervenu en trilogue, le 12 décembre dernier, pour actualiser les règles de gel et de confiscation des avoirs criminels, et celui qui est intervenu le lendemain pour rendre plus efficace le cadre européen de lutte contre le blanchiment de capitaux. Nous affirmons aussi notre soutien à la candidature de Paris pour accueillir la nouvelle autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Par notre proposition de résolution européenne, nous souhaitons également saluer et conforter l'action du Parquet européen, qui enquête et poursuit les atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne. Cette institution résulte en partie des travaux de nos prédécesseurs au sein de cette commission. Or, depuis sa mise en place effective, au cours de 2021, le Parquet européen a démontré toute son utilité : au 31 décembre 2022, il avait ouvert 1 117 enquêtes et, à l'heure actuelle, 1 933 dossiers sont en cours de traitement, pour un préjudice total qui s'élève à 19 milliards d'euros. En outre, sa compétence va s'étendre très prochainement à la Pologne et, très probablement, à la Suède et à l'Irlande - rappelons que ce dispositif repose sur une adhésion spontanée des États membres.

S'il n'est pas un parquet anticorruption, le Parquet européen peut avoir à traiter de dossiers de blanchiment et de corruption. Au 31 décembre 2022, 116 de ses enquêtes concernaient des affaires de blanchiment, 87 des faits de corruption. Malheureusement, le Parquet européen n'a pas été associé à l'élaboration de la réforme. Nous avons pu échanger hier avec Frédéric Baab, le procureur européen désigné par la France, qui nous a fait part de ses préoccupations sur une éventuelle limitation des prérogatives du Parquet européen dans l'hypothèse où la proposition de directive de lutte contre la corruption serait adoptée sans modification.

C'est pourquoi nous vous proposons d'amender le projet de proposition de résolution qui vous a été adressé en amont de notre réunion de ce jour pour y manifester notre souci de laisser intactes les prérogatives du Parquet européen. Il s'agirait de faire débuter l'alinéa n° 184 de notre proposition par la phrase suivante : « Demande que le dispositif résultant des négociations de la proposition de directive COM (2023) 234 final relative à la lutte contre la corruption préserve l'intégralité des compétences actuelles du Parquet européen. »

Il en est ainsi décidé.

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Enfin, nous estimons que la lutte contre la corruption doit également être une priorité de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), dans la mesure où elle fait partie de l'acquis communautaire. Ainsi, les pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne devront, eux aussi, respecter intégralement les règles européennes en la matière s'ils souhaitent devenir un État membre de l'Union.

Le sujet que nous vous avons présenté aujourd'hui peut sembler pointu, mais il n'est pas sans conséquence ; en tout cas, il nécessite d'être clarifié, à quelques mois des élections européennes, pour nous permettre, sinon d'éviter tout à fait que des dérives comme le « Qatargate » se reproduisent, du moins de disposer d'outils pour améliorer la situation.

M. Jacques Fernique. - Merci à nos rapporteurs pour ce travail impressionnant, qui leur a permis de formuler des propositions pertinentes, ainsi que des critiques judicieuses. Je suis stupéfait par le montant annuel de la corruption en Europe, estimé au moins à 120 milliards d'euros, voire beaucoup plus si l'on y ajoute tout ce qui est lié au trafic de drogue et au blanchiment de capitaux afférent. Il est nécessaire de secouer des institutions européennes qui n'ont pas trop envie de se remettre en question : il ne faudrait pas que tout change pour que rien ne change !

J'approuve votre proposition de création d'un vrai comité d'éthique indépendant, doté des moyens financiers et logistiques nécessaires pour assurer un véritable contrôle ; il est en particulier très judicieux de faire des experts indépendants les chevilles ouvrières de ce comité, à l'inverse de la proposition de la Commission, où ils auraient un statut d'observateurs. Doter le comité de compétences d'enquête et d'une faculté d'autosaisine est également pertinent.

Concernant le contrôle des représentants d'intérêts, vous souhaitez revenir sur les nombreuses restrictions que d'aucuns voudraient mettre à l'information des autorités nationales de contrôle. Quels arguments sont avancés pour justifier de telles restrictions ?

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - La proposition émise par la Commission européenne tient compte, à l'évidence, de la grande disparité des législations nationales relatives à l'encadrement des représentants d'intérêts, en particulier de celles des États membres les moins volontaristes dans ce domaine.

M. Jacques Fernique. - Cela revient à dire que l'on est gangréné par la corruption et qu'on veut le rester !

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - De nombreux États membres n'ont pas la même perception de la corruption que nous. Lors de nos auditions, il nous a été rapporté qu'un maire élu dans une commune d'un État membre que je ne citerai pas est perçu comme ayant raté son mandat s'il n'est pas riche au terme de celui-ci ! Nous partons donc de très loin pour normaliser la situation et il n'est pas question pour nous d'accepter de revenir sur nos règles, qui sont exigeantes et ont fait la preuve de leur efficacité.

M. Jacques Fernique. - L'idée est donc d'opérer une uniformisation par le haut, plutôt sur les standards allemands, français et irlandais. Il s'agit, si j'ai bien compris, d'éviter une forme de « dumping », dans laquelle on pourrait choisir son lieu d'enregistrement pour obtenir un label constituant une porte d'entrée pour agir dans toute l'Union européenne.

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - En effet, il n'est pas question d'offrir un « golden visa » à la corruption.

M. Jacques Fernique. - Même si nous ne voulons pas passer pour des donneurs de leçons, force est de constater que cette proposition de résolution, tout comme l'avis politique et le rapport d'information qui l'accompagnent, sont combatifs sur cet enjeu démocratique.

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Effectivement, nous ne voulons pas passer pour des donneurs de leçons, mais nous souhaitons présenter des propositions fortes, afin de dépasser « le consensus mou » qui semble aujourd'hui exister entre les institutions européennes sur le sujet, bien loin des demandes de nos concitoyens.

Les règles éthiques applicables ne sont pas les mêmes selon les institutions européennes. Quant aux organismes de contrôle internes, ils se contrôlent eux-mêmes ! Un cas exemplaire est celui de l'Olaf qui, aux termes de son statut, est indépendant pour enquêter contre les fraudes au budget européen ou pour mener des investigations sur d'éventuels manquements administratifs dans les institutions européennes : en réalité, il travaille à titre principal pour la Commission européenne, en la conseillant ou en la représentant dans certaines instances. Son directeur est nommé par la Commission européenne et, de ce fait, il contrôle peu, contrôlant seulement le Parlement européen ou les agences européennes, où il ne compte aucun donneur d'ordre. Ce sont ces questions que nous avons essayé de régler.

L'organe d'éthique qui a été proposé par la Commission européenne est juste une tentative de synthèse a minima entre les souhaits des uns et des autres. Les 600 000 euros de budget qui lui seraient attribués, les locaux et les deux temps pleins mis à disposition montrent simplement que la Commission avait un besoin de communication politique démontrant son engagement dans la lutte contre la corruption. A contrario, nous avons souhaité saluer la réaction du Parlement européen à l'issue du « Qatargate », qui a présenté tout de suite quatorze mesures pour renforcer la prévention de la corruption dans son fonctionnement interne.

Il était temps : un article paru récemment dans plusieurs organes de presse européens, dont Le Monde, indiquait qu'environ un quart des députés européens avait été impliqué dans des faits délictueux, certains après avoir été contactés par des lobbyistes ou avoir subi des pressions de leur part

M. Claude Kern, rapporteur. - Sur place, on constate que les lobbyistes sont souvent d'anciens parlementaires.

Mme Pascale Gruny. - Lorsque j'étais députée européenne, aucun lobbyiste ne m'a jamais rien proposé. Il faut dire qu'on approche ceux qui veulent bien accepter la corruption !

M. Didier Marie, rapporteur. - Dans un certain nombre d'États membres de l'est de l'Union européenne, la culture de l'intégrité n'est pas la même que chez nous et les écarts sont plus grands que ce que l'on imagine. Le procureur français auprès du Parquet européen que nous avons vu hier nous expliquait que, dans l'un de ces pays, un maire faisant une demande de subvention européenne pouvait en détourner la moitié à son profit, et que cette pratique était courante. Sauf exception, on n'imagine pas, en France, un élu envisager de commettre un tel délit.

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Il nous a également expliqué qu'il pouvait exister d'autres formes de corruption liées aux subventions européennes, contre lesquelles lutte le Parquet européen. Les montants correspondant à l'ensemble des atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne, poursuivies aujourd'hui par ce dernier, s'élèvent à 19 milliards d'euros dans des affaires pouvant impliquer la mafia chinoise ou italienne.

M. Olivier Henno. - Je voudrais formuler plusieurs observations qui m'apparaissent comme autant de paradoxes. La numérisation des échanges monétaires n'a pas réduit la corruption, contrairement à ce que l'on aurait pu croire. Par ailleurs, je suis surpris que la notion d'exemplarité, intrinsèque à la démocratie, compte si peu au sein des institutions européennes. Enfin, et c'est une inquiétude pour les peuples européens, la transparence et l'intégrité constituent - outre le fait, bien sûr, de pouvoir choisir ses dirigeants - la plus-value de la démocratie. Au moment où les peuples ont parfois des doutes sur cette plus-value, il est d'autant plus important d'inviter chacun au respect de ces principes.

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Je suis d'accord. On n'imagine pas un seul instant en France, qu'un vote envisagé au Sénat puisse être modifié à la suite de la réception par plusieurs sénateurs « d'une valise de billets ». Or, dans certains pays, parfois proches, cette pratique constitue presque la règle.

M. Claude Kern, rapporteur. - J'ai vécu une expérience en Azerbaïdjan, lors d'une observation d'élections. Le président espagnol de notre mission d'observation a clairement été corrompu, moyennant la réception d'une valise de 1,4 million d'euros, pour modifier les conclusions de notre rapport sur le déroulement du scrutin. Il est d'ailleurs actuellement en prison.

M. Didier Marie, rapporteur. - Dans le même esprit, ce que l'on a appelé la « diplomatie du caviar » a valu l'exclusion temporaire de la délégation du pays qui en était l'auteur du Conseil de l'Europe. En outre, plusieurs personnes ont été condamnées.

On détecte mieux la corruption quand on se donne les outils pour le faire. Le plus dangereux est d'entendre que, dans certains pays, la corruption n'existe pas. Or, les tentatives de corruption par des acteurs économiques ou par des pays tiers sont des pratiques courantes. Seuls des procédures et des organismes dédiés à la lutte contre la corruption, comme ceux qui ont été instaurés en France avec l'AFA et la HATVP, peuvent réduire les opportunités de corruption et les délits.

Il y aura toujours des corrupteurs, on ne pourra pas les empêcher de corrompre, et le corrompu, sans barrière difficilement franchissable face à lui, se laissera corrompre. Il ne faut pas compter exclusivement sur l'honnêteté intellectuelle et la probité des acteurs publics, même si elles suffisent pour une grande majorité d'entre eux. D'où l'importance du cadre juridique.

On ne peut pas en conclure que la vice-présidente de la Commission européenne, Mme Vìra Jourová, et les services de la Commission européenne facilitent la corruption en ne faisant rien. Il faut constater en revanche un fonctionnement en « silo » de chaque institution, qui conduit leurs services à négliger les risques de corruption et à ne pas se donner les moyens de lutter contre ces phénomènes. C'est pourquoi nous préconisons la mise en oeuvre d'un véritable comité d'éthique de l'Union européenne, à l'instar des organes de prévention de la corruption qui ont été instaurés en France, il faut le dire, parfois après des scandales. Nous en avons tiré les conséquences. Ce comité doit être vraiment indépendant, pour éviter toute forme de pression sur son action.

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Les échanges d'informations et de bonnes pratiques entre autorités de lutte contre la corruption sont aussi essentiels, à l'exemple de ceux mis en place par Tracfin, la cellule de renseignement financie,r avec ses homologues européennes, ou par les services de police nationaux des États membres avec Europol, pour dépister les réseaux mafieux.

Mme Marta de Cidrac. - Merci pour ce rapport très fourni. Je ne peux que souscrire à vos conclusions et propositions.

Le constat de l'existence de règles différentes au sein des institutions européennes soulève de nouveau la question de la nécessité d'une réforme de l'Union européenne. En effet, pourquoi chaque organisation européenne a-t-elle ses propres règles ? Vos réflexions seront très utiles à cet égard. J'ose espérer que notre gouvernement entendra et soutiendra cette proposition de résolution.

Par ailleurs avez-vous réfléchi à ce qu'il se passera ensuite, selon la réponse qui sera apportée à vos travaux ? Le risque serait qu'à l'issue de leur présentation, le Gouvernement et les institutions de l'Union européenne se contentent d'afficher quelques mesures et que tout redevienne ensuite comme avant. Que pourrait faire notre commission des affaires européennes pour faire vivre ses propositions dans le débat européen?

Enfin, savez-vous si nos représentants auprès des institutions européennes soutiendront vos travaux ? Avez-vous déjà des échos de l'accueil qui en est fait au sein des autorités françaises ou d'autres États membres ?

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Du côté français, nous avons perçu des réactions plutôt positives, par exemple de Didier Migaud, président de la HATVP, ou du ministère de la justice. Tout le monde s'accorde sur la nécessité d'agir. Cependant, du côté de la Commission européenne, les réactions ont été plus réservées.

Le Gouvernement soutiendra-t-il pour autant nos suggestions ? Je l'ignore. Tout dépendra des négociations qui se joueront à l'échelle du Conseil européen. Nous tâcherons de fixer prochainement la date d'une rencontre avec le nouveau ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Nous pourrons alors évoquer ce dossier essentiel avec lui.

La stratégie que nous essayons de proposer est assez proche du modèle français, qui peut susciter des oppositions. Le Gouvernement pourrait donc, s'il la soutient, se heurter aux objections d'autres États membres qui n'accepteraient pas un tel niveau de rigueur. Cependant, il pourrait difficilement ne pas le faire, car nous y serons attentifs.

M. Didier Marie, rapporteur. - Le risque, alors que la fin de la mandature approche et que plusieurs textes arrivent à leur aboutissement, est que l'on manque de temps pour étudier ce texte. Or il ne faut pas d'accord « au rabais ». Le gouvernement français est en phase avec ce que nous disons. Le modèle français est très vertueux, mais n'est pas partagé par tout le monde.

M. Claude Kern. - C'est juste. Le texte sur l'organe d'éthique européen a été revu à la baisse à la suite de l'intervention de plusieurs États membres qui n'en voulaient pas, dont nos voisins allemands.

La commission autorise la publication du rapport d'information et adopte, à l'unanimité, la proposition de résolution européenne ainsi modifiée, disponible en ligne sur le site du Sénat, ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

sur la lutte contre la corruption

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le traité sur l'Union européenne, en particulier ses articles 2, 3, 5, 6, 9, 10, 11, 13,

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en particulier ses articles 15, 295 et 298,

Vu l'article 41 de la Charte européenne des droits fondamentaux de l'Union européenne,

Vu la Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC), adoptée le 31 octobre 2003,

Vu la Convention de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, en date du 21 novembre 1997,

Vu la Convention pénale et la Convention civile sur la corruption du Conseil de l'Europe, respectivement adoptées le 27 janvier 1999 et le 4 novembre 1999,

Vu l'Acte du Conseil, du 26 mai 1997, établissant la convention établie sur la base de l'article K.3 paragraphe 2 point c) du traité sur l'Union européenne, relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l'Union européenne,

Vu la décision-cadre 2003/568/JAI du Conseil du 22 juillet 2003 relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé,

Vu la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2017 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal,

Vu la directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE et l'accord intervenu en trilogue sur le paquet « blanchiment » le 13 décembre 20231(*),

Vu la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l'Union européenne et l'accord intervenu en trilogue, le 12 décembre 2023, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au recouvrement et à la confiscation des avoirs (proposition COM(2022) 245 final),

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la lutte contre la corruption, remplaçant la décision-cadre 2003/568/JAI du Conseil et la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l'Union européenne, et modifiant la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil du 3 mai 2023, COM(2023) 234 final,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2023 établissant des exigences harmonisées dans le marché intérieur en matière de transparence de la représentation d'intérêts exercée pour le compte de pays tiers et modifiant la directive (UE) 2019/1937, COM(2023) 637 final,

Vu la communication COM(2020) 605 final de la Commission européenne relative à la stratégie de l'Union européenne pour l'union de la sécurité, en date du 24 juillet 2020,

Vu la communication COM(2021) 170 final relative à la stratégie de l'Union européenne visant à lutter contre la criminalité organisée (2021-2025), en date du 14 avril 2021,

Vu le discours sur l'état de l'Union 2022 de Mme Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, prononcé le 14 septembre 2022, appelant à « éradiquer la corruption sur notre sol »,

Vu la communication conjointe de la Commission européenne et du Haut-représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) sur la lutte contre la corruption, présentée le 3 mai 2023, JOIN(2023) 12 final,

Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, à la Cour de justice de l'Union européenne, à la Banque centrale européenne, à la Cour des comptes de l'Union européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions portant proposition relative à un organisme éthique interinstitutionnel du 8 juin 2023, COM(2023) 311 final,

Vu le rapport spécial n° 13 (2019) de la Cour des comptes de l'Union européenne : » Les cadres éthiques de l'Union européenne des institutions de l'Union européenne auditées : des améliorations sont possibles »,

Vu le rapport du groupe de suivi d'Europol sur l'action des réseaux criminels dans les ports de l'Union européenne du 30 mars 2023,

Vu les décisions de la Médiatrice de l'Union européenne, en particulier celles en date du 16 mai 2022, du 12 juillet 2022 et du 20 décembre 2023,

Sur le renforcement de la culture de l'intégrité et des règles de prévention de la corruption dans l'Union européenne

Sur le renforcement de la prévention de la corruption dans l'Union européenne

Considérant que l'article 3 de la proposition de directive COM(2023) 234 final relative à la lutte contre la corruption impose aux États membres et aux institutions de l'Union européenne d'établir et de mettre en oeuvre des mesures effectives de prévention de la corruption suivantes : formations et campagnes de sensibilisation auprès des publics les plus exposés ; transparence des décisions administratives ; obligation pour les agents publics de rendre compte de leurs actions ; encadrement strict des appels d'offres des marchés publics ; établissement de règles claires de prévention des conflits d'intérêts ; pénalisation des infractions liées à la corruption,

Soutient les exigences bienvenues de cet article, tendant à demander aux États membres de prendre des mesures de prévention de la corruption, tant dans le secteur public que dans le secteur privé ; rappelle à cet égard que la France a déjà mis en place un plan national contre la corruption et que, dans ce cadre, les missions de prévention de la corruption sont déjà assurées avec rigueur, d'une part, par la Haute autorité de transparence de la vie publique (HATVP), chargée de la déontologie des agents publics, de la collecte, de la publication et de l'examen des déclarations d'intérêts et de patrimoine des responsables publics et de l'encadrement des activités de représentation d'intérêts et, d'autre part, par l'agence française anticorruption (AFA), responsable de l'élaboration des lignes directrices anticorruption, d'actions de sensibilisation et de formation et d'une mission d'appui aux acteurs publics et privés pour mettre en place des dispositifs anticorruption ;

Demande le maintien du critère d'indépendance imposé par l'article 4 de la proposition aux organismes spécialisés dans la prévention de la corruption, afin de garantir des standards élevés dans ce domaine dans l'ensemble des États membres ; affirme que ce critère d'indépendance est respecté, tant par le statut de la HATVP, autorité administrative indépendante dirigée par un collège de treize membres nommés pour une durée de six ans non renouvelable et non révocables, que par celui de l'AFA, organe placé auprès du ministre de la justice et du ministre du budget dirigé par un magistrat de l'ordre judiciaire nommé pour une durée de six ans renouvelable et jouissant de l'autonomie fonctionnelle ;

Partage l'affirmation de principe, posée à l'article 4, paragraphe 1, selon laquelle les organes chargés de la prévention de la corruption devraient « rendre accessibles au public les informations pertinentes sur l'exercice de leurs activités » mais demande de compléter le paragraphe 2 afin de prévoir que cette même obligation ne s'applique aux organes et autorités chargés de la répression des infractions liées à la corruption, que sous réserve de ne pas compromettre l'efficacité de leurs enquêtes et poursuites.

Sur le principe de la création d'un comité d'éthique de l'Union européenne

Considérant que les États membres et les institutions européennes doivent, en vertu de l'article 2 du traité sur l'Union européenne, respecter la démocratie, les droits de l'Homme et l'État de droit,

Considérant que cette obligation suppose, pour chaque institution et organe de l'Union européenne, de garantir l'intégrité de ses membres et personnels, la transparence de ses décisions, et une capacité à rendre des comptes sur son action,

Considérant que cette obligation s'impose d'autant plus fortement que, depuis 2019, dans le cadre des traités en vigueur, les compétences de l'Union européenne ont été considérablement étendues, afin d'assurer la double transition numérique et écologique, afin de consolider l'autonomie stratégique de l'Union à la suite de la pandémie de covid-19 et de l'invasion de l'Ukraine et afin de faire respecter l'État de droit,

Considérant que le rapport spécial n° 13 de la Cour des comptes de l'Union européenne précité constatait, dès 2019, que si des règles éthiques avaient bien été mises en place dans les institutions de l'Union européenne, ces dernières souffraient de nombreuses faiblesses et ne respectaient pas les standards de l'OCDE, en particulier concernant les stratégies éthiques à suivre, les procédures de vérification du respect des règles édictées, l'examen des déclarations de leurs membres, les dispositifs d'alerte éthique ou encore l'évaluation des activités pouvant être exercées par leurs membres après la cessation de leurs fonctions,

Considérant que ces fragilités ont été soulignées également par la Médiatrice de l'Union européenne dans plusieurs enquêtes menées en 2022 et 2023, notamment relatives à l'acceptation, par un ancien directeur général des services de la Commission européenne, de voyages aériens gratuits offerts par un pays tiers avec lequel il négociait un accord au nom de l'Union européenne, à l'absence de transparence d'une direction générale de la Commission européenne sur leurs relations avec l'industrie du tabac, ou aux contrôles lacunaires du « pantouflage » pratiqué par les personnels des services de la Commission européenne,

Considérant que ces carences ont été confirmées au Parlement européen par l'enquête des autorités belges sur l'affaire dite du « Qatargate », concernant plusieurs parlementaires européens soupçonnés d'avoir monnayé leurs votes au profit d'États tiers,

Considérant que, conformément à un engagement de la présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, pris dès 2019, la Commission a proposé, le 8 juin dernier, la création d'un organisme éthique au niveau européen, sur la base d'un accord interinstitutionnel prévu à l'article 295 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)2(*), concernant les institutions de l'Union européenne visées à l'article 13 du traité sur l'Union européenne (TUE) (Parlement européen ; Conseil européen ; Conseil de l'Union européenne ; Commission européenne ; Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Banque centrale européenne (BCE), Cour des Comptes de l'Union européenne, Comité économique et social européen, Comité des régions), la Banque européenne d'investissement (BEI) étant de surcroît invitée à y participer,

Considérant que cet organisme serait mis en place pour, d'une part, garantir un échange de bonnes pratiques entre les institutions précitées, et, d'autre part, leur permettre d'établir, sur une base consensuelle, des lignes directrices éthiques minimales,

Estime que, dans son principe, la création d'un organisme éthique européen est pertinente, en tant qu'instance complémentaire des règles éthiques et codes de conduite internes à chaque institution et organe de l'Union européenne, ainsi que des actions de prévention et de contrôle des autorités nationales compétentes, de la Médiatrice de l'Union européenne, de la Cour des Comptes de l'Union européenne, de l'Office de lutte antifraude (OLAF) et du Parquet européen ;

Souligne également que ce projet forme une réponse globale à la corruption avec la proposition de directive de lutte contre la corruption, présentée le 3 mai 2023, et avec la proposition de directive établissant, dans le marché intérieur, des règles harmonisées sur la transparence des représentants d'intérêts travaillant pour des pays tiers et amendant la directive (UE) 2019/1937, présentée le 12 décembre 2023 ;

Observe, tout comme la Médiatrice de l'Union européenne, que l'expérience récente a démontré que l'autorégulation des institutions de l'Union européenne dans le domaine éthique était réelle mais insuffisante pour garantir leur transparence et l'intégrité de leurs membres ;

Confirme la pertinence du choix de l'accord interinstitutionnel comme instrument juridique, déjà utilisé pour mettre en place un registre de transparence commun au Parlement européen, au Conseil de l'Union européenne et à la Commission européenne en 2021 ;

Ajoute cependant que l'opportunité de cet instrument se mesure à l'indépendance de l'organisme éthique envisagé, à la crédibilité de ses missions et à sa dotation en ressources humaines et en moyens financiers adaptés ;

Regrette la date - très tardive - de présentation d'une telle initiative par la Commission européenne ; relève en effet que ce calendrier conduit aujourd'hui les négociateurs européens à rechercher à tout prix un accord sur ce projet avant les prochaines élections européennes, au risque de convenir d'un compromis dépourvu d'ambition et à faible valeur ajoutée ;

Recommande enfin que l'organisme éthique envisagé soit dénommé « comité d'éthique de l'Union européenne » afin d'en assurer la lisibilité.

Sur le champ de compétences prévu pour le comité d'éthique de l'Union européenne

Sur les compétences prévues par l'accord interinstitutionnel et le principe d'autonomie institutionnelle

Considérant que l'article 6 (3) du projet d'accord précise que le fonctionnement de l'organisme n'empièterait pas sur les compétences des parties et n'aurait pas d'incidence sur leurs pouvoirs d'organisation interne respectifs,

Considérant ainsi que le Conseil de l'Union européenne, sur la base de l'avis de son service juridique, estime que les délégations des États membres siégeant en son sein ne doivent pas entrer dans le champ de compétences du comité, puisqu'elles sont déjà soumises aux règles déontologiques fixées par leurs législations nationales respectives,

Considérant que, pour sa part, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) se propose de participer aux travaux du comité en tant qu'observateur, estimant que les règles éthiques qu'édicterait ce comité ne peuvent s'appliquer aux juges qui la composent, en raison de l'indépendance nécessaire à l'exercice du pouvoir judiciaire,

Considérant qu'en l'état du projet, les lignes directrices éthiques définies par le comité concerneraient les seuls membres des institutions et organes européens précités mais pas leurs personnels, au motif que leur statut les soumet déjà à des règles éthiques propres,

Observe que la Commission européenne considère la création d'un organisme éthique européen seulement chargé de constituer un forum d'échanges de bonnes pratiques éthiques et d'émettre des lignes directrices éthiques consensuelles pour les institutions de l'Union européenne participantes, comme un « premier pas » notable vers un renforcement des standards éthiques européens ; rappelle pourtant que le Parlement européen a démontré l'urgence de la mise en place d'un organisme éthique européen indépendant et chargé de pouvoirs d'enquête, afin de restaurer la crédibilité de l'Union européenne ;

Encourage, en matière d'éthique, l'échange de bonnes pratiques et l'émission de lignes directrices consensuelles qui peuvent d'ores et déjà se faire sans nécessairement instaurer un nouvel organisme, d'autant plus que les lignes directrices des codes de conduite éthiques mis en place au sein de chaque institution et organe participants - transparence, intégrité, indépendance, dignité, loyauté, discrétion, honnêteté... - convergent déjà largement et peuvent donc aisément faire l'objet d'une harmonisation ;

Constate pourtant, à la suite de la Cour des Comptes de l'Union européenne, de la Médiatrice de l'Union européenne et du Parlement européen, l'urgence du renforcement des cadres éthiques des institutions européennes ;

Demande donc la mise en place d'un comité d'éthique européen avec des prérogatives de contrôle renforcées et facilement identifiables.

Sur le principe d'autonomie institutionnelle et sur la nécessité de respecter l'État de droit 

Rappelle que l'article 13 du TUE stipule que « chaque institution [de l'Union européenne] agit dans la limite des attributions qui lui sont conférées par les traités conformément aux procédures, conditions et fins prévues par ceux-ci » ; souligne néanmoins que ce principe d'autonomie et d'équilibre institutionnels doit aller de pair, au titre du même article 13, avec la nécessaire « promotion », par ces institutions, « des valeurs de l'Union européenne » ainsi qu'avec la toute aussi nécessaire « coopération loyale » entre elles ;

Constate plus généralement que ces institutions doivent agir dans le respect de la démocratie, des droits de l'Homme et de l'État de droit, valeurs de l'Union européenne consacrées à l'article 2 du traité sur l'Union européenne (TUE) dont sont issus les principes d'intégrité et de transparence ; souligne que la Cour de justice de l'Union européenne a récemment confirmé le caractère contraignant des obligations découlant des principes concrétisant ces valeurs : « l'article 2 du TUE ne constitue pas [...] une simple énonciation d'orientations ou d'intentions de nature politique, mais contient des valeurs qui relèvent de l'identité même de l'Union en tant qu'ordre juridique commun, valeurs qui sont concrétisées dans des principes contenant des obligations juridiquement contraignantes (...) »3(*) ;

Rappelle aussi que, par une interprétation très « constructive » de la répartition des compétences entre les États membres et l'Union européenne fixée par les traités, les institutions européennes ont établi un cycle annuel de l'État de droit qui amène désormais la Commission européenne à évaluer l'indépendance de la justice, la liberté de la presse, l'efficacité de la lutte contre la corruption et même le fonctionnement des assemblées parlementaires dans chaque État membre, et à émettre des recommandations à leur intention ;

Considère que la crédibilité de l'examen, par ces institutions, du parfait respect du principe de l'État de droit par chaque État membre, est subordonnée à leur propre conformité à ce principe ; relève par ailleurs la possibilité, pour chaque institution précitée, de déléguer à cet effet certaines de ses prérogatives au comité d'éthique européen, en application de la « doctrine Meroni » établie par la CJUE en 19584(*), dès lors que cette délégation est explicite, qu'elle concerne des pouvoirs mentionnés dans les traités, et que les prérogatives du comité sont précisément définies ; ajoute qu'une telle délégation ne remettrait pas en cause l'équilibre institutionnel prévu par les traités, dès lors que le comité n'interviendra pas dans le processus normatif européen et que ses décisions seront toujours soumises au contrôle de la CJUE ;

Souligne en conséquence la possibilité, sur ces bases juridiques, de prévoir l'institution d'un comité d'éthique européen disposant de pouvoirs de contrôle.

Sur la nature des pouvoirs du comité d'éthique de l'Union européenne

Juge utile que le comité d'éthique de l'Union européenne collecte et tienne à jour les informations pertinentes sur les normes éthiques applicables aux institutions participantes ;

Recommande d'affirmer plus explicitement le rôle du comité dans la sensibilisation aux enjeux éthiques et dans la formation des membres et personnels des institutions participantes ;

Demande que soient octroyées au comité précité, d'une part, la faculté de s'autosaisir d'une question sur l'application des règles éthiques en vigueur, soit à la suite d'informations publiques, soit sur requête individuelle et, d'autre part, une compétence d'enquête afin de lui permettre d'examiner la réalité des faits ; estime que, sur cette base, le comité doit alors être en capacité de formuler des avis - non publics - pour contribuer à la résolution des situations individuelles problématiques et, si nécessaire, des recommandations publiques5(*) ayant valeur d'orientations générales éthiques à destination de l'autorité investie du pouvoir de nomination dans l'institution concernée, qui resterait seule décisionnaire ;

Souhaite que, dans le cadre de cette procédure, les personnes signalant une violation du droit de l'Union européenne bénéficient des garanties prévues par la directive (UE) 2019/19376(*), en particulier du maintien de leur anonymat ;

Précise que, dans un souci d'efficacité et de rationalité administrative, l'attribution d'un pouvoir d'enquête au comité n'impliquerait pas nécessairement la constitution d'un nouveau corps d'enquête, une telle enquête pouvant être menée grâce au soutien opérationnel de la Médiatrice de l'Union européenne, de la Cour des comptes de l'Union européenne et de l'Office européen de lutte antifraude ;

Estime nécessaire de confier au seul comité le rôle de collecter, conserver, rendre publiques et contrôler les déclarations d'intérêts et, lorsqu'elles existent, de patrimoine, des membres des institutions européennes participantes, par analogie avec le dispositif déclaratif existant en France et la mission de publicité et de contrôle des déclarations assurée par la HATVP ;

Appelle à étendre l'obligation de déclaration d'intérêts aux directeurs et directeurs généraux des services des institutions participantes ;

Invite à envisager l'extension de l'obligation de déclaration de patrimoine à l'ensemble des membres et personnels encadrants des institutions précitées, au début et à la fin de leurs fonctions ;

Relève que la Médiatrice de l'Union européenne dénonce les conséquences négatives du caractère massif du « pantouflage » parmi les anciens députés européens, membres et personnels de la Commission européenne, sur la qualité et la transparence de l'élaboration des normes européennes ; soutient par conséquent la nécessité de confier au comité le soin de contrôler les mobilités des membres et personnels des institutions et organes participants vers le secteur privé ou vers des structures institutionnelles chargées de représenter les intérêts de pays tiers ;

Recommande de confier au comité d'éthique européen le soin d'assurer le secrétariat du registre commun de transparence prévu par l'accord interinstitutionnel du 20 mai 2021 et de contrôler les obligations des représentants d'intérêts qui présentent une demande d'enregistrement sur ce registre ou qui y sont enregistrés ; considère, qu'à cette fin, les personnels des institutions concernées aujourd'hui en charge de la tenue de ce registre pourraient faire l'objet d'un détachement auprès du comité ;

Estime enfin souhaitable que, dans le cadre du suivi annuel de l'État de droit, le comité d'éthique européen établisse et présente un rapport sur le respect de l'État de droit par les institutions de l'Union européenne elles-mêmes, dans l'accomplissement de leurs missions respectives, en particulier concernant leur respect des règles de transparence, de lutte contre les conflits d'intérêts ainsi que de prévention et de lutte contre la corruption ;

Demande que les manquements aux obligations prévues par l'accord interinstitutionnel fassent l'objet par l'institution concernée, de sanctions adaptées à leur gravité et suggère que le comité d'éthique européen réfléchisse à l'harmonisation des sanctions prévues par chaque institution ; rappelle enfin que tout constat d'une infraction pénale par le comité à l'occasion de son travail d'enquête, doit donner lieu à l'information de l'autorité judiciaire compétente.

Sur les institutions relevant du champ de compétences du comité d'éthique

Confirme que les délégations nationales au sein du Conseil de l'Union européenne n'ont pas à relever du champ de compétences du comité d'éthique européen dès lors qu'elles sont soumises au corpus des règles éthiques de leur État membre ;

Juge opportun que le Président du Conseil européen et le Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères puissent faire l'objet d'avis et recommandations de la part du comité d'éthique européen ;

Prend acte du souhait de la CJUE de ne siéger au comité qu'en simple observateur dans la mesure où elle devra effectivement juger les recours éventuels contre les recommandations du comité d'éthique européen et qu'elle ne peut donc être juge et partie ; appelle simultanément la Cour à actualiser ses règles internes et à maintenir la présence d'un référent déontologique en son sein, afin de respecter les standards éthiques les plus élevés ;

Demande l'extension de la compétence du comité d'éthique européen aux personnels des institutions de l'Union européenne participantes, ce qui impliquera une légère adaptation conséquente de leur statut.

Sur l'indépendance du comité d'éthique de l'Union européenne

Considérant qu'aux termes de la communication de la Commission européenne, le comité d'éthique européen serait composé d'un membre titulaire et d'un membre suppléant par institution et organe participants, désignés pour une durée de cinq ans, à charge pour les membres titulaires d'exercer sa présidence par rotation annuelle,

Considérant que siégeraient également au sein du comité, avec statut d'observateur, cinq experts indépendants, recrutés d'un commun accord par les parties en raison de leur expérience, de leur indépendance et de leurs qualités professionnelles, pour une durée de trois ans renouvelable une fois,

Considérant que le comité d'éthique européen serait installé dans les locaux de la Commission européenne, qu'il bénéficierait d'un budget annuel de 600 000 euros et qu'il disposerait d'un secrétariat dirigé par la Commission européenne et composé de deux agents à temps plein et, en tant que de besoin, des chefs d'unité compétents des institutions et organes participants,

Considérant les nombreuses agences nouvelles créées par l'Union européenne depuis 2019,

Relève que la Commission européenne entend doter le comité d'éthique de l'Union européenne de moyens réduits, concordant avec la faiblesse des missions qu'elle propose de lui attribuer ainsi qu'avec les contraintes budgétaires actuelles de l'Union européenne ;

Déplore que le comité d'éthique se trouverait de fait totalement dépendant des locaux et des moyens logistiques de la Commission européenne, et, ce faisant, bien loin des standards d'indépendance exigés des États membres par cette même Commission, en particulier dans sa proposition de lutte contre la corruption ; observe, en conséquence, que la crédibilité de ce comité serait très faible ;

Réaffirme son attachement à la maîtrise de ses engagements budgétaires par l'Union européenne et estime possible, par redéploiement des budgets prévus dans le Cadre financier pluriannuel 2021-2027 pour le programme « cohésion, résilience et valeurs » et pour l'administration publique européenne, de dégager un financement adéquat pour garantir le fonctionnement satisfaisant du comité d'éthique ;

Propose d'inverser les règles de composition du comité envisagées par la Commission européenne afin de garantir sa liberté d'action en désignant :

- en tant que membres permanents de ce comité, cinq experts recrutés d'un commun accord par les institutions participantes sur la base de leur expérience, de leurs qualités professionnelles et de leur indépendance ;

- un représentant titulaire de chaque institution participante, secondé par un représentant suppléant, avec statut d'observateur, amené à siéger lorsque son institution est concernée ;

Salue les alertes utiles lancées par la Médiatrice de l'Union européenne sur les manquements aux règles éthiques européennes qui constituent également des cas de mauvaise administration, estime que la Médiatrice de l'Union européenne doit pouvoir siéger au sein du comité intuitu personae ;

Recommande une harmonisation à cinq ans de la durée des fonctions des experts et des représentants de chaque institution au sein du comité ;

Demande que les membres du comité ne soient pas révocables pendant la durée de leurs fonctions et que leur mandat ne soit pas reconductible ;

Estime nécessaire, dans ce cadre, que le comité confie systématiquement l'examen des requêtes individuelles à ceux de ses membres qui siègent en tant qu'experts indépendants, afin d'assurer la rigueur du processus et l'absence de conflit d'intérêts ;

Préconise que le comité, dès son entrée en fonction, adopte son règlement intérieur, incluant les modalités d'application des principes d'indépendance, d'intégrité, de dignité et de transparence par ses membres, et désigne, en son sein, un référent déontologue, chargé de traiter les questions éthiques susceptibles de se poser à ses membres ;

Recommande de supprimer le lien de subordination prévu dans le projet d'accord interinstitutionnel entre le secrétariat du comité et la Commission européenne ; souhaite que le secrétariat soit dirigé par l'un des agents permanents du comité, doté de l'autorité hiérarchique suffisante pour coordonner les missions confiées aux chefs d'unité des institutions participantes ; estime que ce secrétariat devrait également pouvoir bénéficier du concours de fonctionnaires détachés de ces institutions et organes, comme l'autorise le statut des personnels de l'Union européenne7(*) ;

Recommande en outre l'attribution au comité de locaux autonomes.

Sur les relations entre le comité d'éthique européen et les autres autorités compétentes

Demande la mise en place d'échanges d'information permanents et confidentiels entre le comité d'éthique de l'Union européenne et les autorités nationales compétentes, sur le modèle de ceux institués en France au profit de la HATVP, afin de permettre au comité de vérifier la véracité et la pertinence des déclarations d'intérêts qui lui sont transmises8(*) ;

Recommande que le comité, dès sa création, rejoigne le « Réseau européen d'éthique publique (ENPE) », institué par la Haute autorité de transparence de la vie publique (HATVP) pour assurer une coopération efficace entre autorités responsables de l'éthique publique dans les États membres9(*) ;

Souhaite la mise en place d'une coopération institutionnalisée entre d'une part, la Médiatrice de l'Union européenne, la Cour des comptes de l'Union européenne et l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), et, d'autre part, le comité, afin que ce dernier puisse bénéficier de leur appui dans ses investigations, dans le respect de leurs compétences respectives10(*) ;

Préconise une réforme structurelle de l'OLAF, à la fois chargé de la lutte antifraude à l'échelon européen et des enquêtes administratives internes dans les organes et agences de l'Union européenne, afin de le rendre juridiquement et fonctionnellement indépendant de la Commission européenne, en lui retirant ses missions de représentation de la Commission européenne et de préparation des normes pour cette dernière, en prévoyant la nomination de son directeur par commun accord entre le Conseil, la Commission et le Parlement européen, et en lui permettant de déclencher des actions antifraudes et des enquêtes administratives de son propre chef ou en réponse à une demande individuelle ;

Appelle à prévoir que, s'il constate l'existence d'une infraction pénale susceptible de constituer une atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne lors de l'examen d'un dossier, le comité d'éthique puisse en saisir le Parquet européen sans délai.

Sur les autres réformes indispensables

Sur les réformes éthiques internes du Parlement européen décidées à la suite du « Qatargate »

Considérant, qu'en décembre 2022, les révélations du scandale dénommé « Qatargate », relatif à des allégations de corruption visant certains députés européens qui auraient accepté de « monnayer » leurs voix au profit de pays tiers soucieux d'influencer certains votes de l'assemblée, ont fragilisé l'action du Parlement européen et semé le doute sur l'intégrité de l'ensemble des responsables publics dans toute l'Union européenne,

Salue en conséquence les efforts du Parlement européen pour mettre à niveau ses standards éthiques, par l'adoption des « 14 points » définis par sa Présidente Roberta Metsola en janvier 2023 ;

Se félicite en particulier de l'accès facilité aux informations sur l'activité des députés européens, de la transparence accrue des déclarations d'intérêts des parlementaires et de l'instauration d'un régime interne protecteur au profit des lanceurs d'alerte.

Sur l'encadrement de l'activité des représentants d'intérêts

Précise que la proposition de directive COM(2023) 637 final définit l'activité de représentation d'intérêts comme celle ayant pour but d'influencer l'élaboration ou la mise en oeuvre des politiques ou de la réglementation européennes, ou les processus décisionnels des institutions européennes, par l'organisation de réunions, d'évènements ou de conférences, par la sollicitation d'auditions ou d'échanges avec les acteurs clefs des dossiers européens ou encore par des campagnes de communication ciblées ;

Salue la mise en place, en 2021, du registre de transparence commun entre le Parlement européen, le Conseil de l'Union européenne et la Commission européenne afin de recenser les représentants d'intérêts souhaitant exercer une action d'influence auprès de ces institutions et les inciter à une réelle transparence, en leur imposant, en particulier, de rendre publics les intérêts qu'ils représentés par eux11(*) ;

Salue la transparence accrue sur les représentants d'intérêts au niveau européen depuis la mise en place du registre commun de transparence ; confirme la pertinence du code de conduite imposé aux représentants d'intérêts souhaitant s'inscrire et demeurer inscrits au registre afin d'entrer en contact avec des membres du Parlement européen, du Conseil de l'Union européenne et de la Commission européenne ; rappelle que ce code interdit aux intéressés d'essayer d'obtenir des informations ou des décisions de manière malhonnête, de porter préjudice aux institutions européennes et d'inciter les membres de ces institutions à enfreindre les cadres éthiques qui leur sont applicables ;

Estime nécessaire de confier le contrôle de ce registre à un organe indépendant, à savoir le comité d'éthique, tant la nature des actions de contrôle du registre dévolues au secrétariat de ce dernier reste lacunaire dans la mesure où elles ne sont pas publiques et où les moyens qui y sont consacrés semblent insuffisants ;

S'inquiète également, à la suite du Parlement européen, du risque d'instrumentalisation des actions de représentation d'intérêts par des pays tiers souhaitant affaiblir les décisions des États membres et de l'Union européenne ;

Prend acte de la présentation tardive de la proposition COM(2023) 637 final précitée par la Commission européenne, le 12 décembre 2023, dont l'objectif affiché est d'établir des règles européennes harmonisées en matière de transparence de la représentation d'intérêts exercée pour le compte de pays tiers ;

Appuie le principe d'un renforcement de l'encadrement des activités des représentants d'intérêts au niveau européen mais s'interroge sur la portée véritable du dispositif proposé, qui semble en réalité amoindrir les contrôles existants sans leur substituer de procédure crédible ;

Regrette à cet égard le risque de distorsion et de complexité juridique qui pourrait résulter de la présentation d'un texte spécifiquement consacré à la représentation d'intérêts pour le compte de pays tiers dès lors que les personnes, physiques ou morales, exerçant cette activité représentent généralement des intérêts issus des États membres et de pays tiers, et que leurs éventuels manquements aux règles éthiques des institutions sollicitées ou à la législation anticorruption des États membres peuvent profiter à des acteurs privés établis dans un État membre ;

Juge par ailleurs que l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, relatif au renforcement du marché intérieur, ne constitue pas une base juridique suffisante pour fonder une proposition qui vise également à réguler une activité ayant une influence directe sur les décisions des instances démocratiquement élues, puisqu'elle concernerait potentiellement les activités de représentation d'intérêts auprès des parlements et des gouvernements des États membres, qui ne ressortent pas de l'article 114 précité ;

Appelle, a minima, à compléter cette base juridique par une référence à l'article 2 du traité sur l'Union européenne, relatif aux valeurs de l'Union européenne ;

Conteste les nombreuses restrictions à l'information des autorités nationales de contrôle des représentants d'intérêts envisagées par l'article 16, qui limiteraient la portée de leurs demandes d'information12(*) sur l'activité des représentants d'intérêts agissant pour le compte de pays tiers ; considère ces limitations contraires à l'objectif d'intérêt général affiché, à savoir mieux suivre et mieux évaluer la réalité de l'activité de ces représentants d'intérêts ;

Estime disproportionnée l'obligation imposée aux autorités compétentes des États membres de communiquer entre elles par les plateformes numériques gérées par la Commission européenne, posée par la proposition de règlement COM(2023) 636 final jointe à la proposition de directive COM(2023) 637 final ;

Dénonce la latitude donnée à la Commission européenne par cette proposition, à la fois pour préciser par acte délégué13(*) la liste des informations que les représentants d'intérêts souhaitant s'inscrire sur le registre européen devraient fournir, pour collecter les données relatives à l'enregistrement des représentants d'intérêts agissant pour le compte de pays tiers dans chaque État membre et pour coordonner de fait l'activité des autorités nationales de contrôle des représentants d'intérêts, à travers la constitution d'un groupe consultatif14(*) dont l'utilité n'est pas prouvée ;

Demande que la proposition de directive vise explicitement les institutions de l'Union européenne, en particulier, le Conseil, le Parlement européen et la Commission européenne, ainsi que leur registre de transparence, au vu des lacunes de ces institutions constatées dans le contrôle des représentants d'intérêts ;

Désapprouve le dispositif prévu à l'article 4 de la proposition, qui tend de fait, non pas à harmoniser, mais à uniformiser la procédure d'enregistrement des représentants d'intérêts agissant pour le compte de pays tiers dans les États membres, en interdisant à ces derniers de prendre des dispositions plus strictes ou de maintenir un seul régime de contrôle pour l'ensemble des activités de représentation d'intérêts, d'autant plus que l'uniformisation envisagée se ferait « par le bas » et conduirait les représentants d'intérêts à préférer s'inscrire dans l'État membre « le moins disant » pour bénéficier , dès l'enregistrement effectif, d'une forme de « certificat européen » de représentation d'intérêts au profit de pays tiers ;

Constate que la transparence nécessaire sur les échanges avec les représentants d'intérêts travaillant pour le compte de pays tiers n'impose pas une telle uniformisation ;

Estime que chaque État membre, pour sauvegarder les intérêts essentiels de la Nation, doit conserver son libre choix dans la reconnaissance ou le refus de reconnaissance des représentants d'intérêts, particulièrement dans les domaines de la sécurité nationale et de la défense nationale ;

Plaide en conséquence, pour une refonte substantielle de la proposition de directive consistant en une harmonisation des procédures nationales applicables fondée sur les principes suivants : suppression de l'article 4 de la proposition qui prévoit une harmonisation maximale ; obligation d'enregistrement des représentants d'intérêts visés ; obligation de mise en place et de tenue d'un registre de transparence des représentants d'intérêts et mise en oeuvre des recommandations du rapport annuel sur l'État de droit sur la lutte contre la corruption dans chaque État membre ; harmonisation des critères applicables sur le modèle des règles françaises actuelles ; obligation de coopération loyale et d'échange d'informations entre autorités nationales compétentes sur les représentants d'intérêts dans le cadre du réseau européen existant initié par la HATVP; intégration pleine et entière des institutions de l'Union européenne et de leur registre de transparence dans le dispositif de la proposition.

Sur le nécessaire contrôle du financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes

Considérant que, conformément à l'article 10 du traité sur l'Union européenne et à l'article 12 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les partis politiques européens, ainsi que les fondations qui y sont rattachées, contribuent à la conscience politique européenne et à l'expression de la volonté des citoyens de l'Union européenne,

Considérant que l'accomplissement de cette mission suppose aujourd'hui de mieux encadrer le statut et le financement de ces formations politiques au regard du risque élevé d'ingérence étrangère et de vulnérabilité aux actions de corruption,

Considérant que ces formations politiques ne peuvent, en l'état du droit de l'Union européenne, accepter de financement, ni d'un État membre ou d'un pays tiers, ni d'une entreprise sur laquelle une telle autorité publique peut exercer une influence, ni d'une « entité privée implantée dans un pays tiers » ou de « personnes d'un pays tiers qui ne sont pas autorisées à voter aux élections au Parlement européen »,

Considérant que le financement des partis politiques par des personnes morales est totalement interdit dans certains États membres, dont la France,

Réaffirme que, pour remplir leur mission d'expression de la volonté des citoyens de l'Union européenne en bénéficiant de leur confiance, les partis politiques européens doivent faire la transparence sur leur financement et éviter tout financement qui constituerait une pression financière sur leur indépendance, position déjà exprimée dans sa résolution européenne n° 122 du 21 mars 202215(*) ;

Rappelle donc son opposition au dispositif de la proposition de règlement relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes COM(2022) 734 final qui autoriserait les partis politiques européens à bénéficier, dans la limite de 10 % des contributions totales versées par leurs membres, de contributions financières versées par des partis membres ayant leur siège dans un pays appartenant au Conseil de l'Europe, en ce qu'il favoriserait les ingérences étrangères dans leur fonctionnement et leur liberté d'action ;

S'interroge de nouveau sur l'opportunité de maintenir la possibilité pour les partis politiques européens d'être financés par des personnes morales, au regard de la nécessaire préservation de l'intégrité des élections européennes contre toute tentative de manipulation de ces dernières.

Sur la lutte contre la corruption

Sur la proposition de directive de lutte contre la corruption

Considérant que, selon l'indice de perception de la corruption (IPC) élaboré par l'organisation non gouvernementale Transparency International, onze États membres de l'Union européenne, dont la France, sont classés parmi les vingt pays au monde perçus comme les moins corrompus,

Considérant néanmoins que le coût annuel de la corruption pour les économies des États membres de l'Union européenne est évalué - selon une estimation prudente - à 120 milliards d'euros par la Commission européenne16(*),

Considérant que l'agence de coopération policière européenne, Europol, a démontré que 60 % des réseaux de criminalité organisée agissant dans l'Union européenne usaient de la corruption pour infiltrer le secteur public et les entreprises privées17(*),

Considérant que la communication COM(2023) 800 final valant rapport annuel 2023 sur la situation de l'État de droit dans l'Union européenne comprend plusieurs recommandations pour améliorer la prévention et la lutte contre la corruption et les conflits d'intérêts dans certains États membres, et pour encadrer les activités de représentation d'intérêts,

Considérant qu'en 2023, selon Eurobaromètre, 70 % des citoyens des États membres de l'Union européenne et 65 % des entreprises européennes estimaient que la corruption était répandue dans leur pays,

Souligne la pertinence d'une coopération politique, juridique et opérationnelle efficace entre États membres, au niveau international et au sein de l'Union européenne, pour prévenir la corruption et lutter contre elle ;

Affirme que la lutte contre la corruption doit être une priorité politique constante pour les États membres et l'Union européenne, la corruption sapant la confiance des citoyens envers les institutions démocratiques, affaiblissant l'autorité de l'État et abusant des libertés du marché intérieur ;

Prend note avec intérêt du suivi de l'État de droit, effectué par la Commission européenne, qui permet de « cartographier » utilement la situation de chaque État membre sur une base annuelle, au regard de l'organisation de son système judiciaire, de la lutte contre la corruption, de la liberté de la presse et du pluralisme des médias, et des questions institutionnelles ;

Relève que le quatrième rapport sur l'État de droit établi par la Commission européenne identifie explicitement les secteurs les plus exposés au risque de corruption : santé ; bâtiment ; urbanisme ; activités portuaires ; protection de l'environnement ; protection du patrimoine culturel ; énergie, et formule des recommandations à l'adresse des États membres concernant la prévention et la lutte contre la corruption dont il appelle ces derniers à tirer conséquences sans délai ;

Salue, dans ce contexte, la proposition de directive présentée par la Commission européenne pour harmoniser les infractions liées à la corruption et leur sanction au niveau européen ;

Appelle les co-législateurs européens à adopter cette réforme sans délai afin de démontrer leur volonté politique dans ce domaine ;

Regrette cependant que cette proposition de directive soit présentée par la Commission européenne actuelle parmi les dernières réformes de sa mandature, empêchant, de facto, son examen dans des délais satisfaisants ; dénonce également la médiocre qualité de la traduction en français de son texte anglais qui présente un niveau de langue incorrect et recourt à des termes insuffisamment précis pour un texte à portée normative, tels que ceux « d'agents de haut niveau », « d'appareil judiciaire » ou encore de « divulgation » des conflits d'intérêts ;

Déplore également l'absence d'analyse d'impact pour accompagner cette proposition, ce qui constitue un manquement regrettable aux exigences de transparence et de contrôle démocratique, qui résultent directement de l'État de droit ; rappelle de nouveau sa position de principe selon laquelle la Commission européenne doit prévoir systématiquement une telle analyse d'impact lorsqu'elle présente une nouvelle initiative normative et prendre en considération les délais d'élaboration de cette analyse dans son calendrier de travail ;

Reconnaît la validité de la base juridique retenue pour la proposition de directive, à savoir l'article 83, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui permet au Parlement européen et au Conseil statuant par voies de directives, « d'établir des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales dans des domaines de criminalité particulièrement graves », dont la corruption, mais propose de la compléter, pour mieux fonder les dispositions du texte relatives à la prévention de la corruption, par une référence aux dispositions de l'article 41 de la Charte européenne des droits fondamentaux, relatives au droit des citoyens à une bonne administration, et des articles 2 et 3 du traité sur l'Union européenne, relatives aux valeurs de cette dernière ;

Soutient le principe d'une harmonisation européenne des infractions liées à la corruption permettant d'intégrer la Convention des Nations-Unies contre la corruption (CNUCC) dans le droit de l'Union européenne ;

Souhaite que soit confirmée explicitement, à l'article 2, l'application de la proposition de directive au Président du Conseil européen, au Haut-représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux commissaires européens et aux parlementaires européens.

Sur les ressources affectées aux autorités nationales chargées de la détection et de la répression des infractions liées aux faits de corruption

Soutient le principe d'une dotation des autorités nationales compétentes en moyens adaptés à l'exécution de leurs missions de détection, de poursuite et de répression des infractions liées à la corruption mais souligne que l'article 5 de la proposition de directive ne saurait l'imposer dès lors qu'au terme des traités, une directive a pour objet de fixer aux États membres une obligation de résultat et non de moyens et qu'un contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne au titre de l'article 5 sur les moyens mis à disposition par les États membres serait abusif au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Sur la qualification et la sanction pénales des infractions liées aux faits de corruption

Estime que l'harmonisation de la définition des infractions liées à la corruption sur la base de la Convention précitée de l'ONU et leur qualification pénale, prévues par les articles 7 à 14 de la proposition, constituent une avancée notable dans la lutte contre la corruption, les divergences de législations nationales des États membres étant aujourd'hui exploitées par les réseaux criminels faisant usage de la corruption mais contribuant également à des distorsions de concurrence entre États membres au profit des moins exigeants ;

Insiste en particulier sur l'importance de l'identification, dans la proposition, de l'infraction de « trafic d'influence » qui doit permettre d'éviter de nouveaux « Qatargate » et de mieux combattre, à l'échelle européenne, les tentatives de corruption liées à des actions d'ingérence étrangères ;

Estime que « l'entrave au bon fonctionnement de la justice », visée à l'article 12, ne doit pas constituer une infraction pénale nouvelle mais être appréciée en fonction des infractions déjà définies dans la législation nationale des États membres , telles qu'en France : la transmission d'informations confidentielles sur une enquête relative à des faits de corruption, les menaces proférées à l'encontre des enquêteurs ou magistrats en charge des poursuites, le faux témoignage ou encore, la subornation de témoins, visées aux articles 434-7-1 à 434-23-1 du code pénal ;

Précise que le principe « non bis in idem », au terme duquel une personne ne peut être poursuivie deux fois pour le même fait, s'impose dans le cas d'un agent public poursuivi pour « enrichissement lié aux infractions de corruption », visé à l'article 13, s'il a fait l'acquisition, s'il détient ou s'il utilise intentionnellement des biens dont il sait qu'ils proviennent de la commission de l'une des infractions précitées, ou s'il a été au préalable impliqué dans la commission de cette infraction ;

Approuve le quantum de peines proposé pour sanctionner pénalement les personnes physiques ayant commis une infraction liée à des faits de corruption qui doit garantir que ces sanctions seront effectives, proportionnées et dissuasives ;

Appuie la reconnaissance au niveau européen de la responsabilité pénale des personnes morales pour des infractions liées à des faits de corruption, établie par l'article 16 de la proposition de directive, cette responsabilité étant reconnue en droit français à l'article 121-2 du code pénal, dès lors qu'une infraction a été commise pour le compte de cette personne morale et que l'auteur de l'infraction est l'un de ses dirigeants ou de ses représentants ;

Prend acte que cet article propose une extension de la responsabilité d'une personne morale aux cas où l'un de ses personnels aurait commis une infraction liée à des faits de corruption du fait d'un défaut de surveillance ou de contrôle de sa part, extension conforme aux engagements internationaux de la France, à l'exemple de la convention pénale sur la corruption du Conseil de l'Europe18(*) ;

Remarque que l'actuelle Commission européenne a introduit des assouplissements similaires facilitant l'engagement de la responsabilité pénale des personnes morales, dans le domaine de la criminalité environnementale19(*), et envisage de faire de même afin de lutter contre les trafics de migrants20(*) ;

Prend note avec intérêt de l'institution d'une clause de revoyure pour évaluer la pertinence de la réforme : considère cependant que le délai prévu de quarante-huit mois pour procéder à cette revoyure est trop long et préconise de le fixer à deux ans ;

Appelle surtout avec solennité le Gouvernement à préserver la responsabilité pénale « sous condition » des collectivités territoriales françaises et de leurs groupements, qui ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public21(*), et le régime de responsabilité pénale spécifique des élus locaux en cas de délit non intentionnel institué par la « loi Fauchon »22(*), qui ne permet leur mise en cause que « s'il est établi [qu'ils] ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité [qu'ils] ne pouvaient ignorer. »

Sur les circonstances aggravantes et atténuantes

Constate que, parmi les circonstances aggravantes des infractions liées à des faits de corruption figure à l'article 18, l'hypothèse dans laquelle l'auteur de l'infraction a obtenu un avantage considérable et celle dans laquelle un préjudice considérable résulte de l'infraction ; précise qu'un tel avantage ou préjudice doit dépasser 100 000 euros, conformément à la définition posée par l'article 7 de la directive (UE) 2017/137123(*).

Sur les délais de prescription

Observe que les délais de prescription prévus pour les infractions liées à des faits de corruption, par l'article 21 de la proposition de directive à quinze ans (pour les infractions de corruption dans le secteur privé et d'entrave au fonctionnement de la justice) et à dix ans (pour les infractions de corruption dans le secteur public, de détournement, de trafic d'influence et d'abus de fonctions), sont excessivement longs ; appelle en conséquence à une harmonisation de ces délais sur la durée prévue par l'article 8 du code français de procédure pénale pour des infractions similaires (six ans).

Sur les autres priorités européennes de la lutte contre la corruption

Sur la nécessité d'une coopération européenne opérationnelle accrue pour mieux lutter contre la corruption

Considérant que, selon l'agence européenne de coopération policière (Europol), les produits de la criminalité organisée dans l'Union européenne sont estimés à 110 milliards d'euros, que 70 % des réseaux criminels agissant dans l'Union européenne recourent à des techniques de blanchiment et que 60 % d'entre eux usent de la corruption,

Considérant que la corruption est le plus souvent une infraction « silencieuse » accessoire à d'autres infractions pénales graves, telles que le trafic de drogue, le blanchiment de capitaux, le terrorisme ou l'espionnage,

Considérant l'influence croissante des réseaux de criminalité organisée dans certains États membres et leur emprise nouvelle sur les grands ports européens, au premier rang desquels Anvers, Rotterdam et Hambourg, par des actions massives de corruption des « métiers du port » afin d'y débarquer et d'y écouler des produits stupéfiants,

Considérant l'efficacité des services de détection et de répression de la corruption, en France, au premier rang desquels, l'Office central pour la répression de la grande délinquance financière de la police judiciaire et la cellule de renseignement financier Tracfin, rattachée au ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique,

Souligne le rôle pivot indispensable de l'agence Europol et de son centre de lutte contre la criminalité économique et financière, pour appuyer les enquêtes des services compétents des États membres par un soutien logistique, par des traitements de données ou encore par sa participation à des équipes communes d'enquête ;

Soutient la feuille de route de l'Union européenne en matière de lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée, présentée par la Commission européenne le 18 octobre 2023, qui prévoit en particulier de faciliter les enquêtes financières afin de « suivre » l'argent des réseaux criminels pour faciliter leur démantèlement ; dans ce cadre, approuve l'accord intervenu entre le Parlement européen et le Conseil, le 12 décembre dernier, sur la proposition de directive relative au recouvrement et à la confiscation d'avoirs24(*), qui doit permettre un renforcement des dispositifs de recouvrement des avoirs25(*) et l'extension du champ possible des confiscations26(*) ;

Appuie également la consolidation du cadre normatif européen sur la lutte contre le blanchiment des capitaux, intervenu le 13 décembre dernier en trilogue27(*), qui introduit un mécanisme renforcé de signalement des irrégularités et institue une nouvelle autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (ALBC) ; prend acte des pouvoirs conférés à cette autorité lui permettant de surveiller directement certains types d'établissements de crédit et d'établissements financiers, y compris les prestataires de services sur crypto-actifs, s'ils sont considérés comme étant à haut risque ou exercent des activités transfrontières, et soutient la candidature de la place de Paris pour accueillir le siège de cette autorité ;

Fait observer l'urgence d'une coopération européenne accrue entre les autorités politiques, judiciaires et les services opérationnels compétents pour briser les « chaînes de corruption » instaurées par les réseaux de trafic de drogue dans les grands ports européens ; demande le déploiement rapide de l'« alliance des ports européens » , qui doit répondre à cet objectif en permettant une évaluation réaliste de l'état des vulnérabilités et de la menace criminelle sur sites afin d'y renforcer la sécurité et d'y juguler l'influence des réseaux criminels ; attire l'attention sur la nécessité d'associer les ports français, dont Le Havre, Marseille, Dunkerque et Calais, à ce dispositif pour éviter que les trafics et les actions de corruption qui y sont liées s'y déportent.

Sur l'action du Parquet européen pour poursuivre les atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne

Considérant que le Parquet européen, institué par le Règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 201728(*) et en fonction depuis le 1er juin 2021, est un organe judiciaire européen indépendant qui a pour mission de poursuivre les atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne, qui peuvent prendre la forme de fraudes à la TVA ou aux dépenses liées à des marchés publics, de détournement de fonds européens, de blanchiment ou de faits de corruption,

Observe avec intérêt les premiers résultats encourageants de ce Parquet, qui, au 31 décembre 2022, avait ouvert 1 117 enquêtes, dont 116 sur des dossiers de blanchiment et 87 sur des faits de corruption ; appelle à porter une attention accrue aux procédures de passation de marchés publics, qui, selon le rapport d'activité 2022 du Parquet européen, sont particulièrement exposées au risque de corruption ;

Demande que le dispositif résultant des négociations de la proposition de directive COM(2023) 234 final relative à la lutte contre la corruption préserve l'intégralité des compétences du Parquet européen. Encourage les autorités compétentes des États membres et les institutions européennes à conforter leur coopération opérationnelle avec le Parquet européen contre la corruption, par des signalements systématiques, à l'image de l'arrangement de travail signé le 17 janvier 2024 entre le Parquet et la direction générale du Trésor français afin de combattre les éventuelles atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne dans la mise en place du plan national de relance et de résilience (PNRR), qui décline en France la Facilité européenne pour la Reprise et la Résilience (FRR)29(*).

Sur l'intégration de la lutte contre la corruption dans les priorités de la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne (PESC) et le respect de l'acquis du droit européen par les pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne

Observe avec satisfaction que la lutte contre la corruption est confirmée comme l'une des priorités de la PESC, ainsi que des politiques d'élargissement et de voisinage de l'Union européenne, dans la communication conjointe de la Commission européenne et du Haut-représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité en date du 3 mai 2023 ;

Prend acte des conclusions du Conseil européen des 14-15 décembre 2023 qui ont ouvert les négociations d'adhésion à l'Union européenne avec l'Ukraine, la Moldavie et, sous réserve de progrès dans la conformité aux critères d'adhésion, avec la Bosnie-Herzégovine ; rappelle que sont également candidats à l'adhésion, l'Albanie, la Géorgie, le Kosovo, la Macédoine du nord, le Monténégro, la Serbie et la Turquie ;

Souligne que la pertinence de l'élargissement de l'Union européenne doit être évaluée à l'aune des « critères de Copenhague », qui soumettent les pays candidats à la triple exigence d'institutions stables respectant la démocratie, l'État de droit et les droits de l'Homme, d'une économie de marché viable et d'une reprise de l'acquis communautaire, et est subordonnée à la capacité d'absorption de l'Union européenne ;

Constate, à la lumière des derniers rapports d'évaluation produits par la Commission européenne, que la lutte contre la corruption, qui constitue l'une des conditions pour des institutions démocratiques stables et respectueuses de l'État de droit, demeure un défi majeur pour ces pays ; encourage par conséquent ces pays candidats à reprendre l'acquis communautaire en matière de prévention et de lutte contre la corruption et à le mettre en oeuvre sans délai et demande aux institutions de l'Union européenne de les accompagner dans cette perspective, par un soutien politique, juridique et humain adapté.

Invite le Gouvernement à faire valoir cette position dans les négociations au Conseil.


* (1) 1 Propositions de règlement COM(2021) 420 final, COM(2021) 421 final et proposition de directive COM(2021) 423 final.

* (2) 2 « Le Parlement européen et le Conseil et la Commission procèdent à des consultations réciproques et organisent d'un commun accord les modalités de cette coopération. À cet effet, ils peuvent, dans le respect des traités, conclure des accords interinstitutionnels qui peuvent revêtir un caractère contraignant. »

* (3) 3 CJUE, grande chambre, Commission européenne/Pologne, 5 juin 2023, C-204/21.

* (4) 4 CJCE, 13 juin 1958, Meroni and co., Metallurgiche, società in accomandita semplice contre Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, 10-56.

* (5) 5 Dans le dispositif envisagé, les avis du comité étant relatifs à des situations individuelles demeureraient confidentiels alors que les recommandations, qui tireraient les leçons des situations individuelles précitées pour définir des lignes directrices applicables à l'ensemble des institutions européennes, devraient être rendus publiques.

* (6) 6 Directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union.

* (7) 7 Article 37 (Titre III, chapitre II, section 2) du statut (Règlement n°31 (CEE) 11 (CEEA) fixant le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique.

* (8) 8 Informations fiscales ; registres fonciers ; données détenues par les autorités nationales chargées de la mise en oeuvre des règles éthiques.

* (9) 9 Ce réseau comprend aujourd'hui les autorités de treize États membres : Autriche ; Belgique ; Chypre ; Croatie ; France ; Grèce ; Italie ; Lituanie ; Malte ; Portugal ; République tchèque ; Roumanie ; Slovaquie, Slovénie.

* (10) 10 En pratique, cette coopération pourrait être mise en place - à traités constants - par une modification des textes statutaires de ces autorités.

* (11) 11 Nom et forme de l'entité ; intérêts représentés ; nom de la personne responsable de l'entité ; nombre de personnes exerçant l'activité ; objectifs, domaines d'intérêts ; organisations dont la personne enregistrée est membre ; propositions réglementaires ou initiatives de l'Union européenne ciblées ; appartenance à des groupes d'experts de la Commission européenne ; nom des personnes autorisées à avoir accès au Parlement européen ; informations financières (personnes contribuant aux frais de fonctionnement de l'entité ; subventions européennes éventuelles ; coûts des éventuels intermédiaires ; recettes provenant de chaque client).

* (12) 12 Une autorité nationale de contrôle pourrait demander des informations à un représentant d'intérêts lorsqu'elle dispose d'informations selon lesquelles ce dernier n'aurait pas respecté la procédure d'inscription ou aurait fourni des informations inexactes lors de son enregistrement. Dans les autres cas, cette autorité nationale pourrait effectuer des demandes d'information, soit auprès d'un représentant d'intérêts ayant reçu, au cours de l'exercice précédent, un montant annuel supérieur à 1 million d'euros versé par une seule entité d'un pays tiers, soit auprès d'une représentant d'intérêts agissant pour un pays tiers qui aurait, au cours des cinq années précédentes, dépensé au moins 8,5 millions d'euros pour des activités de représentation d'intérêts dans l'Union européenne ou 1,5 million d'euros dans un État membre.

* (13) 13 « Un acte législatif peut déléguer à la Commission le pouvoir d'adopter des actes non législatifs de portée générale qui complètent ou modifient certains éléments non essentiels de l'acte législatif. »

* (14) 14 Ce groupe consultatif comprendrait des représentants de la Commission européenne et de chaque État membre. Pourraient aussi y siéger, en qualité d'observateurs, des représentants du Parlement européen et des États de l'Association européenne de libre-échange (AELE), à savoir, Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse.

* (15) 15 Résolution européenne du Sénat n°122 (2021-2022) du 21 mars 2022 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la transparence et au ciblage de la publicité à caractère politique, COM(2021) 731 final, et la proposition de refonte du règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes, COM(2021) 734 final.

* (16) 16 Exposé des motifs de la proposition de directive de lutte contre la corruption, p 1.

* (17) 17 Rapport d'évaluation de la menace représentée par la grande criminalité et par la criminalité organisée (SOCTA) du 12 avril 2021.

* (18) 18 L'article 18 de cette Convention appelle les États parties à permettre l'engagement de la responsabilité d'une personne morale lorsque l'absence de surveillance ou de contrôle a rendu possible la commission d'infractions (corruption active, trafic d'influence...) par l'un de ses salariés. Une telle responsabilité des personnes morales pour défaut de surveillance et de contrôle a également été instaurée par la recommandation de 2009 de l'OCDE adoptée à la suite de la convention OCDE de lutte contre la corruption d'agents publics étrangers de 1997.

* (19) 19 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la protection de l'environnement par le droit pénal et remplaçant la directive 2008/99/CE du 15 décembre 2021, COM(2021) 851 final.

* (20) 20 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant des règles minimales pour prévenir et combattre l'aide à l'entrée, au transit et au séjour non autorisés dans l'Union, et remplaçant la directive 2002/90/CE du Conseil et la décision-cadre 2002/946/JAI du Conseil, COM(2023) 755 final.

* (21) 21 Article 121-2 du code pénal.

* (22) 22 Ce régime de responsabilité pénale est désormais posé à l'article 121-3 du code pénal.

* (23) 23 Directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2017 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal.

* (24) 24 COM (2022) 245 final.

* (25) 25 Les bureaux de recouvrement des avoirs seront chargés du dépistage et de l'identification des capitaux d'origine criminelle, à l'appui des enquêtes de dépistage des avoirs menées par les autorités nationales et le Parquet européen. Ils effectueront également des tâches de dépistage et de confiscation des produits qui font l'objet d'une décision de gel ou de confiscation émise par un organisme d'un autre État membre.

* (26) 26 Les États membres doivent prendre des mesures pour permettre le gel des biens afin d'assurer la confiscation des instruments et des produits provenant d'une infraction pénale. Les autorités compétentes pourront désormais confisquer les avoirs criminels ayant été transférés à un tiers pour éviter la confiscation ainsi que les fortunes inexpliquées.

* (27) 27 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant l'Autorité de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et modifiant les règlements (UE) n°1093/2010, (UE) n°1094/2010 et (UE) n°1095/2010 du 20 juillet 2021, COM(2021) 421 final ; proposition de règlement relatif à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment des capitaux ou du financement du terrorisme du 20 juillet 2021, COM(2021) 420 final ; proposition de directive relative aux mécanismes à mettre en place par les États membres à prévenir l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme et abrogeant la directive (UE) n°2015/849 du 20 juillet 2021, COM(2021) 423 final.

* (28) 28 Règlement (UE) 2017/1939 du 12 octobre 2017 mettant en oeuvre une coopération renforcée concernant le Parquet européen.

* (29) 29 La FRR permet à l'Union européenne de lever des fonds pour aider les États membres à mettre en oeuvre des réformes et des investissements conforme aux priorités européennes. À cette fin, elle met à disposition 723,8 milliards d'euros (en prix courants) sous la forme de prêts (385,8 milliards d'euros) et de subventions (338 milliards d'euros). Au titre du PNRR, la France a sollicité un financement européen à hauteur d'environ 40 milliards d'euros.