COM(2023) 194 FINAL  du 14/04/2023

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Décision du Parlement européen et du Conseil relative au mécanisme de protection civile de l'Union (COM (2023) 194)

1) Le mécanisme de l'Union européenne en matière de protection civile incarne la solidarité européenne face aux catastrophes naturelles et d'origine humaine

A) La protection civile, une mission première pour les États membres

La protection civile, également appelée en France sécurité civile, « a pour objet la prévention des risques de toute nature, l'information et l'alerte des populations ainsi que la protection des personnes, des biens et de l'environnement contre les accidents, les sinistres et les catastrophes par la préparation et la mise en oeuvre de mesures et de moyens appropriés relevant de l'État, des collectivités territoriales et des autres personnes publiques ou privées. »1(*)

B) ...qui bénéficie de l'appui de l'Union européenne

La protection civile est en effet une compétence d'appui de l'Union européenne, reconnue à l'article 196 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Ce dernier précise que « L'Union (européenne) encourage la coopération entre les États membres afin de renforcer l'efficacité des systèmes de prévention des catastrophes naturelles ou d'origine humaine et de protection de celles-ci. »

Dans ce cadre, « l'action de l'Union vise :

a) à soutenir et à compléter l'action des États membres aux niveaux national, régional et local portant sur la prévention des risques, sur la préparation des risques, sur la préparation des acteurs de la protection civile dans les États membres et sur l'intervention en cas de catastrophes naturelles ou d'origine humaine à l'intérieur de l'Union ;

b) à promouvoir une coopération opérationnelle rapide et efficace à l'intérieur de l'Union entre les services de protection civile nationaux ;

c) à favoriser la cohérence des actions entreprises au niveau international en matière de protection civile. »

En conséquence, « le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, établissent les mesures nécessaires pour contribuer à la réalisation des objectifs visés [objectifs a,b et c ci-dessus], à l'exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres. » 

C) Le mécanisme européen de protection civile

Le mécanisme européen de protection civile a vu le jour en octobre 20012(*). Refondu en 20073(*), puis en 2013, par la décision 1313/2013/UE du 17 décembre 2013, et en 20194(*), « il constitue l'expression visible de la solidarité européenne en ce qu'il garantit une contribution concrète, en temps utile, à la prévention des catastrophes, à la préparation de celles-ci et aux mesures de réaction qui peuvent être prises lorsqu'une catastrophe survient ou menace de survenir. »5(*)

Le mécanisme européen de protection civile en 2021 et 2022

En 2021, le mécanisme a été activé à 114 reprises pour faire face :

-à la pandémie de covid19 dans l'Union européenne et dans le monde ;

-aux inondations en Belgique ;

-aux feux de forêt dans les États membres du pourtour méditerranéen mais aussi dans les Balkans occidentaux et en Autriche ;

-aux rapatriements organisés depuis l'Afghanistan à la suite du retour des talibans au pouvoir à Kaboul ;

-à un tremblement de terre et à un ouragan à Haïti.

En 2022, la guerre en Ukraine a déclenché la plus importante opération d'urgence du mécanisme européen de protection civile depuis sa création : ce dernier a ainsi fourni aux Ukrainiens des millions de kits de premier secours, des équipements d'hébergement, des moyens de lutte contre les incendies, des générateurs, du carburant... Le mécanisme vient également en aide aux ressortissants ukrainiens réfugiés dans les États membres frontaliers (Pologne ; Slovaquie...), et coordonne les évacuations sanitaires depuis la zone frontalière vers des hôpitaux européens.

En pratique, le mécanisme tel qu'actualisé en 2013 est fondé sur une coopération entre la Commission européenne, les États membres et plusieurs pays tiers6(*) dans le champ de la prévention des crises, ainsi que de la préparation et de la réaction. Il comprend également un soutien financier.

1) Concernant la prévention :

La Commission européenne se voit chargée d'actions de prévention, telles que l'amélioration de la connaissance sur les risques (naturels, industriels, technologiques...) et le partage des bonnes pratiques et des informations à ce sujet, l'élaboration d'un inventaire des risques, l'organisation d'échanges d'expérience sur la gestion des risques...

Les États membres sont, quant à eux, soumis à plusieurs obligations liées à la gestion des risques (établissement d'évaluations des risques ; élaboration d'une planification de la gestion des risques et information de la Commission européenne sur leur capacité de gestion).

2) Concernant la préparation :

La Commission européenne gère le centre de coordination de la réaction d'urgence (ERCC), opérationnel 24h/24h et 7 jours sur 7, pour répondre aux demandes d'aide des États membres, ainsi qu'un système commun de communication et d'information d'urgence (CECIS). Elle contribue à la mise en place de systèmes européens de détection, d'alerte précoce et d'alerte : en pratique, le service Copernicus de gestion des urgences fournit des informations géospatiales précises et actualisées pour repérer les catastrophes, en délimiter la répartition géographique et planifier les opérations de secours.

La Commission européenne constitue des équipes d'experts susceptibles d'évaluer les besoins de l'État demandeur, de faciliter la coordination des secours, d'apporter un soutien logistique...Un réseau de centres d'excellence, d'universités et de chercheurs, met en place des programmes de formation et d'exercices à destination des personnels de sécurité civile et de services d'urgence.

Les États membres, sur une base volontaire, peuvent constituer des modules destinés à répondre à des demandes d'aide dans le cadre de l'ERCC et capables d'agir en interopérabilité.

En outre, une réserve européenne de protection civile, qui est une réserve constituée de ressources affectées au préalable et à titre volontaire par les États membres, est instituée. En cas de déploiement, elle agit sous le commandement et sous le contrôle de l'État ayant demandé son intervention.

Si la crise est de très grande ampleur et que les moyens conjugués de l'État membre demandeur et de la réserve européenne de protection civile ne permettent pas d'y répondre efficacement, le dispositif « RescEU », créé en 2019, peut intervenir. Il est constitué de ressources complémentaires (avions et hélicoptères bombardiers d'eau ; avion d'évacuation médicale ; équipements médicaux et hôpitaux de campagne ....) louées ou prises en crédit-bail par les États membres pour l'Union européenne. Ces moyens peuvent être déployés pour les opérations de réaction aux catastrophes dans le cadre du mécanisme, mais pas pour des opérations exclusivement nationales.

3) Concernant la réaction :

En cas de catastrophe survenant ou menaçant de survenir et susceptibles d'avoir des effets sur plusieurs états membres, l'État membre dans lequel la catastrophe survient ou menace de survenir doit en avertir sans tarder les autres États membres et la Commission européenne.

Cet État peut alors demander une aide aux autres États membres et à la Commission européenne par l'intermédiaire de l'ERCC. La demande d'aide expire à l'issue d'une période de 90 jours, sauf élément nouveau justifiant sa prolongation. Les moyens mis à sa disposition sont alors placés sous son commandement opérationnel.

Un pays tiers peut effectuer la même demande auprès de l'ERCC ou par l'intermédiaire de l'Organisation des Nations unies. Dans cette hypothèse, les moyens mis à disposition par l'Union européenne sont intégrés au dispositif dirigé par le bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (BCAH).

2) La proposition de décision a pour unique objectif de prolonger la période transitoire pendant laquelle la Commission européenne peut financer l'acquisition

A) Le mécanisme de protection civile comprend un soutien financier aux actions de protection civile des États membres

La décision sur le mécanisme de protection civile alloue un budget européen au soutien financier aux actions des États membres visant à assurer la prévention, la préparation (maintien des fonctions de l'ERCC ; préparation des équipes d'experts ; contribution aux systèmes européens de détection et d'alerte précoce...) et la réaction aux catastrophes (envoi des équipes d'experts ; mesures d'appui...).

En pratique, une enveloppe de 574 028 000 euros était disponible pour ces financements sur la période 2014-2020.

Pour 2021-2027, le montant du financement européen de la protection civile s'élève à 3,3 milliards d'euros, dont ,1,26 milliard d'euros « pérennes » dans le cadre du Cadre financier pluriannuel (CFP) et 2 ,06 milliards d'euros issus du plan européen de relance « Next generation EU »

En pratique, le soutien financier est accordé en fonction de clefs de répartition prévues dans la décision 1313/2013/UE précitée.

Montant de l'aide financière européenne aux actions de protection civile : règles de prise en charge

Aide financière à la disponibilité du dispositif « RescEU »

Entre 80 % et 90 % du coût total estimé pour assurer la disponibilité des capacités de « RescEU »

Aide financière en cas de déploiement de « RescEU » au sein de l'Union européenne

75 % des coûts opérationnels

Aide financière pour les ressources en moyens de transport

100 % des coûts effectifs

Aide financière en cas de déploiement de « RescEU » hors de l'Union européenne

100 % des coûts opérationnels

Par ailleurs, en 2019, la Commission européenne a été, par l'article 35 de la décision 1313/2013/UE, habilitée pendant une période transitoire de cinq ans à fournir un financement pour assurer la mise à disposition rapide de capacités nationales appropriées destinées à la réserve « REscEU ».

L'article 35 précité précise que jusqu'au 1er janvier 2025, une aide financière peut être fournie par l'Union européenne afin de couvrir 75 % des coûts nécessaires pour assurer un accès rapide aux capacités nationales du dispositif « RescEU ». À cette fin, des subventions directes peuvent être octroyées aux États membres.

B) Le dispositif de la proposition de décision

La présente proposition de décision a pour seul objectif de « faire en sorte que l'Union puisse continuer à fournir une aide d'urgence aux États membres dans la lutte contre les incendies de forêt grâce aux capacités développées dans le cadre de la « transition vers RescEU », jusqu'à ce que la flotte aérienne européenne permanente de lutte contre les incendies de forêt soit disponible. »

Concrètement, elle prévoit de prolonger la fin de la période transitoire visée à l'article 35 précité de la décision 1313/2013/CE, du 1er janvier 2025 au 31 décembre 2027. Cette date serait ainsi alignée sur la fin du Cadre financier pluriannuel (CFP) actuel.

En effet, la période initiale de cinq ans, qui paraissait suffisante en 2019 pour doter l'Union européenne de bombardiers d'eau ne semble plus réaliste, les appareils visés étant même, à l'heure actuelle, absents du marché. Les négociations avec le constructeur, qui portent sur un total de 22 appareils, en sont au stade final et ont pour objectif des premières livraisons à échéance 2026.

3) La proposition de décision est-elle conforme au principe de subsidiarité ?

Les bases juridiques choisies sont-elles pertinentes ? Oui, sans équivoque. L'article 196 du TFUE déjà évoqué, autorise l'Union européenne à intervenir, en appui des États membres dans le domaine de la protection civile, et le Parlement européen et le Conseil, à adopter des mesures visant à « soutenir et à compléter l'action des États membres aux niveaux national, régional et local portant sur la prévention des risques, sur la préparation des risques, sur la préparation des acteurs de la protection civile dans les États membres et sur l'intervention en cas de catastrophes naturelles ou d'origine humaine à l'intérieur de l'Union. »

La proposition de directive est-elle nécessaire et apporte-t-elle une valeur ajoutée ?

Là encore, la réponse est positive. Les incendies de forêt ont détruit 786 316 hectares dans l'Union européenne en 2022. Et, pour notre pays, au 31 août 2022, plus de 8 550 incendies avaient été recensés pour une surface brûlée proche de 70 000 hectares. Le bilan 2022 est ainsi 2,3 fois supérieur en nombre de feux et 6 fois supérieur en termes de superficie brûlée par rapport à la moyenne décennale.

Ces incendies ont démontré, d'une part, la nécessité de renforcer la capacité de la flotte aérienne française, qui est vieillissante et connaît des problèmes de maintenance7(*), et, d'autre part, l'intérêt d'une réserve européenne opérationnelle. D'ailleurs, la France participe, avec la Commission européenne, aux négociations en cours sur l'acquisition de nouveaux bombardiers d'eau (sur les 22 appareils faisant l'objet de ces négociations, la France doit en acquérir 2).

Simultanément, le mécanisme demeurerait inchangé, actionné sur demande d'un État membre et intervenant sous la direction de ses autorités compétentes.

Enfin, cette réforme est-elle proportionnée aux objectifs visés ?

La réponse est également positive. En effet, la prolongation envisagée est une mesure de prudence et de bon sens qui, en permettant de doter le dispositif « RescEU » de moyens aériens contre les feux de forêt, répond à l'intérêt général européen.

Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a donc décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 Article 1er de la loi n°2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de sécurité civile (abrogé par l'ordonnance n°2012-351 du 12 mars 2012), aujourd'hui article L. 112-1 du code de la sécurité intérieure.

* 2 Décision 2001/792/CE, Euratom du Conseil du 23 octobre 2001 instituant un mécanisme communautaire visant à favoriser une coopération renforcée dans le cadre des interventions de secours relevant de la protection civile.

* 3 Le mécanisme était alors prévu par la décision 2007/779/CE, Euratom du Conseil du 8 novembre 2007 instituant un mécanisme communautaire de protection civile et par la décision 2007/162/CE, Euratom du Conseil du 5 mars 2007 instituant un instrument financier pour la protection civile.

* 4 Décision (UE) 2019/420 du Parlement européen et du Conseil du 13 mars 2019 modifiant la décision 1313/2013/UE relative au mécanisme de protection civile de l'Union.

* 5 Exposé des motifs de la décision 1313/2013/UE précitée.

* 6 Albanie ; Bosnie-Herzégovine ; Islande ; Macédoine du nord ; Monténégro ; Norvège ; Serbie ; Turquie.

* 7 La flotte aérienne française de la sécurité civile est composée de 12 bombardiers d'eau Canadair (âgés de 25 ans en moyenne), de 5 avions polyvalents Dash 8, de 3 avions Beechcraft king (âgés de 38 ans en moyenne), de 33 hélicoptères EC145 (âgés de 17 ans en moyenne) et de 2 hélicoptères H145 D3 (âgés de 9 mois).


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 18/04/2023


Justice et affaires intérieures

Décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision n° 1313/2013/UE relative au mécanisme de protection civile de l'Union

COM(2023) 194 - Texte E17690

(Procédure écrite du 13 juillet 2023)

Compte tenu de sa nature purement technique, la commission a décidé de ne pas intervenir sur ce texte.