COM(2023) 148 FINAL  du 14/03/2023

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Proposition de règlement concernant l'amélioration de l'organisation du marché de l'électricité de l'Union (COM (2023) 148)

Le paquet pour la réforme du marché européen de l'électricité, publié le 14 mars 2023, comprend trois piliers : une proposition de règlement sur l'organisation du marché de l'électricité1(*), qui est accompagnée d'un document de travail en remplacement de l'étude d'impact, une proposition de règlement sur la protection contre les manipulations du marché de l'énergie2(*) et une recommandation sur le stockage d'électricité.

En réponse à la demande de certains États membres de mieux protéger les consommateurs de la volatilité des prix de l'électricité par le biais d'une réforme de l'organisation du marché de l'électricité, la Commission européenne a finalement proposé une évolution prudente de ce marché en privilégiant le développement de contrats de long terme. La réforme doit aussi préparer le marché aux défis des prochaines années vers la décarbonation du mix électrique.

La réforme proposée s'articule autour de trois objectifs principaux :

- accélérer le déploiement des énergies renouvelables, qui doivent tripler d'ici à 2030 si l'UE veut atteindre ses objectifs climatiques ;

- réduire l'impact de la volatilité des prix des combustibles fossiles sur les factures d'électricité ;

- protéger les consommateurs contre les éventuelles futures hausses de prix.

La proposition de règlement COM(2023) 148 final ne modifie pas les fondements de l'organisation du marché européen de l'électricité, qui continue à reposer sur le système actuel de tarification marginale (« merit order »). Les mesures sont essentielles ciblées sur le déploiement des contrats de long terme pour la production d'électricité à partir de combustibles non fossiles (énergies renouvelables et bas-carbone). Elles introduisent des solutions flexibles plus propres dans le système afin de concurrencer le gaz, telles que la participation active de la demande et le stockage.

1) Le rôle des investissements à long terme pour atténuer la volatilité des prix

La Commission souhaite ainsi faciliter le déploiement des accords d'achat d'électricité « AAE »3(*) - accords d'achat d'électricité de gré à gré entre deux acteurs privés (producteur et consommateur) à un prix décidé à l'avance - pour permettre une meilleure protection des investisseurs. Les États devront établir des régimes de garanties publiques pour couvrir les risques de crédit des acheteurs et permettre à davantage d'entreprises de souscrire à ces contrats. Les fournisseurs d'électricité au détail pourront, eux, avoir recours de façon appropriée à des « AAE » afin d'« atténuer leur risque de surexposition à la volatilité des prix ».

La Commission soutient également l'usage de contrats d'écart compensatoire « CfD »4(*) à prix garanti par l'État : dans ce mécanisme, le producteur d'électricité doit reverser les revenus engrangés si le cours au comptant est plus élevé, et a contrario se voit compensé en cas de baisse du marché. La proposition introduit néanmoins deux conditions : tous les dispositifs d'aide publique aux nouveaux investissements dans les renouvelables ou le nucléaire devront, d'une part, prendre la forme de contrats d'écart compensatoire bidirectionnels et, d'autre part, distribuer les recettes excédentaires aux consommateurs. Les CfD devraient aussi pouvoir financer les nouveaux investissements sur des projets d'ENR ou de nucléaire existants pour étendre les capacités de production ou la durée de vie d'une centrale.

Pour la France, l'un des enjeux clés de la réforme était d'intégrer l'énergie nucléaire dans ces mécanismes de contrat à long terme. En précisant que les CfD s'appliquent pour les nouveaux investissements financés par des fonds publics dans la production d'électricité à faible teneur en carbone, la Commission n'exclut pas le nucléaire de sa réforme et tend à le considérer au même titre que les énergies renouvelables.

2) De nouvelles exigences de transparence et de flexibilité

La proposition prévoit aussi des mesures pour faciliter l'intégration des énergies renouvelables et améliorer la prévisibilité de leur production. Ceci inclut des obligations de transparence pour les gestionnaires de réseau en ce qui concerne la congestion du réseau, mais aussi l'application de délais de négociation des prix qui seront plus proches du temps réel.

Pour améliorer la flexibilité du système électrique, la Commission indique que les États membres seront désormais tenus d'évaluer leurs besoins et auront la possibilité d'introduire de nouveaux régimes de soutien pour répondre à la demande et pour gérer le stockage.

3) De nouvelles règles de protection et d'autonomisation des consommateurs

Le texte tend aussi à fournir aux consommateurs un choix plus large de contrats, tout en mettant l'accent sur la flexibilité. Ils pourront bénéficier de contrats fixes sur le long terme, ou combiner contrats fixes et contrats dynamiques pour profiter de la variabilité des prix et utiliser l'énergie lorsqu'elle est moins chère. Il encourage aussi les accords de partage d'énergie entre petits consommateurs. Par ailleurs, la proposition interdit aux États membres d'interrompre la fourniture d'électricité aux personnes en situation de précarité énergétique.

En cas de crise, la proposition prévoit la possibilité pour les États membres d'étendre les prix de détails réglementés aux ménages et aux petites et moyennes entreprises. La Commission répond ainsi favorablement à la demande française d'autoriser des tarifs réglementés pour les ménages et les PME.

Sur la base de l'expérience acquise pendant la crise, la réforme étend également le principe d'« écrêtement des pics », un ensemble de mesures visant à réduire la consommation de gaz dans le secteur de l'électricité en diminuant la demande pendant les heures de pointe.

Pour proposer ces modifications, la Commission européenne se fonde sur l'article 194, paragraphe 2, du traité de fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui fournit la base juridique qui concerne spécifiquement le domaine de l'énergie. Cet article stipule que les mesures prises dans le domaine de l'énergie ne doivent pas porter atteinte au droit d'un État membre de déterminer les conditions d'exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d'énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique. Il ressort de l'examen du texte soumis au Sénat que ces dispositions ne sont pas remises en cause par la réforme proposée du marché de l'électricité. Ainsi l'énergie nucléaire est intégrée en tant que telle dans les mécanismes de financement de la production d'électricité bas-carbone que ce soit pour les nouvelles installations, ou pour la mise à niveau ou le prolongement de la durée de vie des réacteurs existants. La proposition semble garantir le respect de la souveraineté de chaque État membre en matière de bouquet énergétique national et prendre acte du rôle de l'énergie nucléaire dans l'atteinte des objectifs de décarbonation de l'UE.

Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2019/943 et (UE) 2019/942 ainsi que les directives (UE) 2018/2001 et (UE) 2019/944 visant à améliorer l'organisation du marché de l'électricité de l'Union, COM(2023) 148 final

* 2 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) n° 1227/2011 et (UE) 2019/942 afin d'améliorer la protection de l'Union contre les manipulations de marché sur le marché de gros de l'énergie, COM(2023) 147 final

* 3 Contrat de gré à gré en vertu duquel une personne physique ou morale accepte d'acheter de l'électricité à un producteur d'électricité sur la base du marché.

* 4 Contrat signé entre un exploitant d'installation de production d'électricité et une contrepartie, généralement une entité publique, qui prévoit à la fois une protection minimale en matière de rémunération et une limitation de la rémunération excédentaire.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 04/04/2023

Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : Proposition de résolution relative aux propositions de règlement du Parlement européen et du Conseil portant réforme du marché de l'électricité (2022-2023) : voir le dossier legislatif