COM(2022) 701 final  du 08/12/2022

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Proposition de directive concernant les règles en matière de TVA adaptées à l'ère numérique (COM (2022) 701)

Description du dispositif

La proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les règles en matière de TVA adaptées à l'ère numérique a été publiée le 8 décembre 2022.

Elle constitue le texte majeur du paquet « TVA à l'ère numérique » destiné à mettre à jour la législation européenne en matière de TVA et à lutter contre la fraude, en visant trois objectifs :

1°) généraliser la déclaration numérique à l'échelle de l'Union européenne ;

2°) responsabiliser les plateformes numériques, en harmonisant et en adaptant le régime européen de déclaration de la TVA à l'expansion des plateformes ;

3°) unifier le régime de déclaration de la TVA pour les ventes à distance de biens, en améliorant et en généralisant le système de « guichet unique ».

La principale directive TVA date des années 70 et il était d'autant plus nécessaire de la moderniser que la fraude explose, atteignant 93 milliards d'euros selon les estimations de la Commission européenne, montant désigné sous l'euphémisme d' « écart de TVA ».

C'est dire combien les modalités actuelles de déclaration, d'enregistrement et de traitement des données relatives à la TVA peuvent et doivent être améliorées.

En particulier, il est patent que les règles de TVA vieilles de 30 ans actuellement applicables aux échanges transfrontières ne sont plus adaptées aux activités économiques de l'ère numérique. La décision d'exonérer de TVA les transactions entre entreprises basées dans deux États membres différents était alors considérée comme provisoire.

Ce type de transactions a, depuis, offert à des sociétés peu scrupuleuses et à des groupes criminels organisés le moyen de percevoir la TVA avant de disparaître sans reverser l'argent aux autorités fiscales. Ce mécanisme de fraude intracommunautaire à l'opérateur défaillant (dit MTIC ou missing trader intra-community) ou "fraude carrousel" est à l'origine de la plus grande part de la fraude.

La proposition de directive a pour objet de numériser et d'unifier les régimes de déclaration au niveau de l'Union européenne, ces mesures ayant fait leurs preuves dans plusieurs États membres où elles ont eu un effet dissuasif et permis l'amélioration du contrôle fiscal, entraînant une augmentation des recettes estimée par les études d'impact à plus de 3 %, ce qui au niveau de l'UE se chiffrerait en plusieurs dizaines de milliards d'euros.

La réforme à laquelle procède la présente proposition de directive vise en priorité le système actuel de déclaration des opérations intracommunautaires (appelé «états récapitulatifs»1(*) dans la directive TVA de 1993) qui ne permet visiblement pas aux États membres de lutter efficacement contre la fraude massive liée à ces opérations.

Elle concerne aussi le régime des plateformes numériques d'hébergement de courte durée et de transports de passagers, qu'elle unifie au niveau européen.

Au total, selon l'étude d'impact publiée par la Commission européenne, cette approche devrait générer, entre 2023 et 2032, 172 à 214 milliards d'euros de bénéfices nets, dont la plus grande part serait issue de recettes de TVA supplémentaires et de la diminution drastique de la fraude, ainsi que 51 milliards d'euros d'économies.

Celles-ci se répartiraient ainsi :

· 41,4 milliards d'euros provenant de la généralisation de la numérisation de la déclaration de la TVA ;

· 0,5 milliard d'euros issus de la rationalisation et des clarifications apportées dans le domaine de l'économie des plateformes;

· 8,7 milliards d'euros provenant de la suppression d'obligations d'enregistrement à la TVA.

Des avantages pour l'environnement, la société et les entreprises liés à l'automatisation, ainsi que des avantages liés au fonctionnement du marché intérieur (conditions de concurrence plus équitables) et à l'efficacité du contrôle fiscal sont également attendus.

Conformément aux objectifs de développement durable, un système de TVA plus efficace et plus durable favorise la croissance économique, tandis que la déclaration numérique contribue à l'automatisation des entreprises et encourage l'innovation. Conformément au principe du «numérique par défaut», l'introduction de la déclaration numérique permet de limiter les factures papier et profite à l'environnement.

Base juridique

La proposition de directive se fonde sur l'article 113 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Celui-ci prévoit que le Conseil, statuant à l'unanimité conformément à une procédure législative spéciale, et après consultation du Parlement européen et du Comité économique et social européen, arrête les dispositions touchant à l'harmonisation de la réglementation des États membres dans le domaine de la fiscalité indirecte.

Respect du principe de subsidiarité

Compte tenu de la nécessité de modifier la directive TVA, les objectifs de la présente initiative ne peuvent pas être atteints par les États membres eux-mêmes.

La fraude massive à la TVA touche tous les États membres : des actions nationales fragmentées non coordonnées ne sont pas souhaitables. Son ampleur et sa persistance dans le temps indiquent que les instruments nationaux ne sont pas suffisants et exigent une action coordonnée au niveau de l'UE.

S'agissant de la perception et du contrôle de la TVA, la dimension intra-UE de la fraude à la TVA nécessite donc une intervention de l'UE en ce qui concerne les obligations de déclaration.

Quant aux plateformes, il existe d'importantes distorsions de concurrence entre les marchés en ligne et hors ligne dans les secteurs de la location de logements de courte durée et du transport de passagers, ainsi qu'une approche non harmonisée du lieu de prestation de certains services. Par conséquent, les institutions de l'UE doivent veiller à ce que les règles de TVA soient harmonisées en son sein.

Le cadre établi par la proposition de directive à l'échelle de l'UE pour la déclaration et le traitement de l'enregistrement à la TVA est proportionné, car il rendra le fonctionnement du marché unique plus durable. La suppression de la nécessité de procéder à des enregistrements multiples au sein de l'UE ne peut, par nature, être réalisée qu'au moyen d'une proposition de modification de la directive TVA. Le vecteur législatif proposé est dont tout à fait approprié.

Dans le domaine de l'économie des plateformes, la proportionnalité est assurée par la concentration du texte proposé sur les secteurs de l'hébergement et du transport de passagers, où les inégalités en matière de TVA constituent un problème majeur.

Dans ces conditions, le principe de subsidiarité parait respecté.

Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 Lorsqu'une entreprise vend des biens ou des services à une entreprise située dans un autre État membre, elle est tenue de présenter à son État membre un état récapitulatif exposant des informations détaillées sur l'entreprise destinataire de la livraison ou prestation et le montant total des livraisons ou prestations destinées à cette entreprise. Les informations sont partagées entre les États membres et sont utilisées pour contribuer à garantir le respect des règles.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 07/02/2023