COM(2022) 216 final  du 11/05/2022

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


La présente proposition de directive, dite DEBRA (Debt equity bias reduction allowance) crée un mécanisme fiscal commun dans l'UE pour encourager le financement par fonds propres des entreprises. Elle participe des efforts menés depuis plusieurs années, tant par la France et plusieurs pays partenaires, qu'au niveau de l'UE et d'autres instances internationales, en faveur de la convergence fiscale en Europe, afin de maintenir les ressources fiscales dont les États ont besoin pour mener les politiques publiques et résorber les pratiques anticoncurrentielles, voire d'évasion, facilitées par les divergences importantes entre les législations fiscales nationales.

Cette proposition de directive fait suite à la communication adoptée le 18 mai 2021 par la Commission européenne sur « la fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle » [COM(2021)251 final], tendant à promouvoir un « système fiscal solide, efficace et équitable » pour les entreprises dans l'UE. Il s'agissait de proposer des mesures fiscales aptes à favoriser une reprise durable post-Covid.

Elle s'inscrit aussi dans le prolongement du plan d'action pour l'union des marchés de capitaux (UMC), présenté l'année précédente [COM(2020)590 final], également sous la forme d'une communication de la Commission européenne. Il s'agissait en effet également d'aider les entreprises européennes, afin de favoriser leur résilience et une reprise durable, à se recapitaliser et à recourir davantage aux fonds propres pour financer leur développement et leurs investissements.

Elle s'inscrit enfin dans la continuité du projet ambitieux dit « ACCIS » pour assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés, lancé par la Commission européenne dès 2011, puis relancé en 2016, s'adressant surtout aux grands groupes. Aux termes de la communication du 18 mai 2021, ce projet devrait être retiré et remplacé par une initiative destinée à réduire les charges administratives, supprimer les obstacles fiscaux au marché intérieur, limiter les possibilités d'évasion fiscale, et créer un environnement plus favorable aux entreprises au sein du marché unique, nommée BEFIT (Business in Europe : Framework for Income Taxation). Cette initiative ouvrirait la possibilité d'une déclaration unique d'impôt pour les sociétés dans l'UE pour un groupe.

Enfin, elle complète le dispositif dit ATAD (Anti Tax Avoidance Directive) de la directive (UE)2016/1164 du 12 juillet 2016, établissant des règles pour lutter contre les pratiques d'évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur, qui s'inscrit dans la lignée du projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique), dont l'action 4 visait à limite l'érosion de la base d'imposition due aux déductions d'intérêts et autres frais financiers.

En effet, le rapprochement des règles en matière d'impôt sur les sociétés vise à faciliter les formalités fiscales des entreprises présentes dans plus d'un État membre et à contribuer à lutter contre les pratiques d'optimisation fiscale dommageables à la concurrence au sein du marché intérieur.

En résumé, le dispositif proposé par le présent texte permet la prise en compte d'intérêts dits « notionnels », calculés sur la différence entre le montant des fonds propres nets d'une entreprise à la clôture de l'exercice et à l'ouverture de l'exercice. Le mécanisme proposé permettrait ainsi de déduire ces intérêts notionnels, dans la limite de 30% de l'EBITDA (acronyme anglais de bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) de l'entreprise et ce sur une durée de dix exercices consécutifs. Le mécanisme prévoit également un report des déductions inemployées, et ce, sans limite de temps (si les intérêts notionnels excèdent le résultat net imposable de l'entreprise) ; ou un report dans une limite de cinq exercices dès lors que les intérêts notionnels excèdent 30% de l'EBITDA de l'entreprise.

Cette possibilité de déduire des intérêts notionnels sur les accroissements de fonds propres nets s'accompagne en revanche d'une réduction de la déductibilité des charges financières nettes, qui sera limitée à 85% de celles-ci. Ainsi, si le montant non-déductible est supérieur à 15% des charges financières nettes, le report se fera en conformité avec les règles actuellement applicables (au titre de la directive dite ATAD précitée). En revanche, si le montant non-déductible est inférieur à 15%, alors la déduction des charges financières nettes sera plafonnée à 85%.

Bref, à rebours du modèle actuel, où, dans la plupart des pays européens, les entreprises sont fortement incitées à emprunter, au lieu de financer de nouveaux investissements par une augmentation de capital, les fonds propres devraient bénéficier d'un traitement fiscal similaire à celui des dettes, de sorte que les entreprises puissent envisager les deux options sur un pied d'égalité et choisir la source de financement la mieux adaptée à leur propre modèle d'affaires, sans distorsion fiscale à l'échelle de l'UE.

La suppression de l'incitation fiscale à l'endettement pourrait contribuer à la recapitalisation des entreprises, ce qui les rendrait plus robustes et plus résilientes face aux chocs, dans la conjoncture incertaine actuelle. Les fonds propres sont également particulièrement importants pour les entreprises innovantes à croissance rapide au cours de leur phase de démarrage ainsi que pour les entreprises qui souhaitent se développer au niveau européen et mondial.

D'autant plus que les transitions verte et numérique requièrent de nouveaux investissements dans des technologies innovantes. Plus de 50 % des investissements dans ce domaine au cours des prochaines années proviendront des nouvelles technologies, qui appellent des financements plus risqués. Les fonds propres auront un rôle important à jouer dans la promotion d'une transition durable vers une économie plus verte et dans la croissance globale et la stabilité économique de l'Europe.

Au total, cette directive vise à obtenir plus de croissance et plus d'emploi dans l'UE (de l'ordre de 0,3 % du PIB dans un premier temps selon l'étude d'impact de la Commission européenne)

Un taux de déduction plus favorable est proposé pour les PME, étant donné qu'elles ont plus de difficultés à accéder aux marchés d'actions que les grandes entreprises : le taux d'intérêt notionnel correspondra au taux d'intérêt sans risque à 10 ans pour la monnaie concernée et sera majoré d'une prime de risque de 1 % ou de 1,5 %, pour les PME.

Si cette proposition de directive était adoptée à l'unanimité par les États membres sous la présidence tchèque, qui vient d'ouvrir les négociations, il serait attendu que les États membres la transposent avant le 31 décembre 2023, et son entrée en vigueur pourrait ensuite avoir lieu pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024.

Quelles que soient les réserves techniques que puisse inspirer ce dispositif sur le fond, cette proposition de directive, fondée sur l'article 115 du TFUE, prévoit des mesures d'harmonisation qui visent à une fiscalité plus juste, à des échanges intra-européens plus faciles et à un renforcement du marché intérieur. Seule une solution commune rapprochant les systèmes d'imposition des sociétés peut être efficace en la matière, dans le cadre du marché intérieur. Dans ces conditions, le principe de subsidiarité parait respecté.

Le groupe de travail sur la subsidiarité a donc décidé ne pas intervenir plus avant au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 02/06/2022


MARCHÉ INTÉRIEUR, ÉCONOMIE, FINANCES ET FISCALITÉ

Texte E16805

Proposition de directive du Conseil établissant des règles relatives à un abattement pour la réduction de la distorsion fiscale en faveur de l'endettement et à la limitation de la déductibilité des intérêts aux fins de l'impôt sur les sociétés

COM (2022) 216 final

(Procédure écrite du 13 décembre 2022)

La commission a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre de l'article 88-4 de la Constitution.