COM (2006) 791 final  du 12/12/2006

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 17/01/2007
Examen : 19/04/2007 (délégation pour l'Union européenne)


Institutions européennes

Droit de vote des citoyens de l'Union aux élections
au Parlement européen

Texte E 3393 - COM (2006) 791 final

(Procédure écrite du 19 avril 2007)

Aux termes de l'article 19 du traité instituant la Communauté européenne, tout citoyen résidant dans un État membre dont il n'est pas ressortissant bénéficie dans ce pays des droits de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen. La directive 93/103/CE détermine les modalités d'exercice de ces droits et préconise plusieurs mesures en vue d'éviter le double vote ou la double candidature :

? L'électeur communautaire non ressortissant doit produire une déclaration formelle indiquant qu'il exercera uniquement son droit de vote dans l'État de résidence (article 9). S'il est également candidat dans cet État, la déclaration précisera qu'il ne l'est pas dans un autre (article 10) ;

? Parallèlement, l'État membre de résidence est tenu d'informer l'État membre d'origine d'une inscription d'un ressortissant de ce dernier sur les listes électorales ou d'une déclaration de candidature, afin que celui-ci puisse prendre les mesures adéquates (article 13). Un accord informel entre les États membres et la Commission régit ce système d'échange d'information ;

? Le citoyen communautaire souhaitant être candidat aux élections au Parlement européen dans son État de résidence doit certifier par attestation délivrée par l'État d'origine qu'il n'est pas déchu du droit d'éligibilité au sein de celui-ci (article 10, paragraphe 1). En effet, un citoyen déchu de ce droit dans l'État membre d'origine ne peut l'exercer dans l'État membre de résidence à l'occasion des élections au Parlement européen (article 6, paragraphe 1). A défaut d'attestation, la candidature est déclarée irrecevable (article 6, paragraphe 2).

L'absence d'harmonisation des législations électorales nationales n'est pas, selon la Commission, sans poser de difficultés pour la mise en oeuvre du système d'échange d'information, le risque de double vote ou de double candidature n'étant pas totalement écarté. Au-delà des contingences administratives (problèmes de translittération des noms, absence de format de transmission commun), les informations collectées sont en effet jugées insuffisantes ou trop tardives (aucun délai d'envoi n'a été défini) et peuvent conduire a contrario à priver le citoyen communautaire de l'exercice de son droit de vote dans les deux États. Ces erreurs sont amenées à croître au regard d'une mobilité de plus en plus poussée au sein d'une Europe élargie.

En outre, le principe d'un certificat d'éligibilité n'est pas sans présenter quelques inconvénients (absence de délivrance en temps utile, difficulté à déterminer l'autorité compétente) que la Commission estime pour partie responsables du faible taux de candidature de citoyens communautaires au sein de l'État membre de résidence.

Prenant acte de ces dysfonctionnements, le texte E 3393 propose de modifier la directive de 1993 en supprimant le système actuel d'échange d'information et l'attestation d'éligibilité. La déclaration formelle précisant que le citoyen n'exercera ses droits de vote et d'éligibilité que dans l'État de résidence serait, quant à elle, maintenue. Les États seraient parallèlement tenus d'appliquer des sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives » en cas de non respect de cette déclaration ou d'inexactitudes. La Commission suggère également l'organisation de contrôles ex post concentrés sur les cas où il existe « une plus grande probabilité de double vote ou de double candidature » (article 1.5 de la proposition de directive).

Par ailleurs, la déclaration formelle devrait inclure une mention indiquant que l'intéressé n'est pas déchu de son droit d'éligibilité et se substituerait ainsi au certificat d'éligibilité. L'État membre de résidence serait alors tenu d'opérer les vérifications nécessaires auprès de l'État membre d'origine. Les sanctions prévues plus haut s'appliqueraient également en cas de fausse déclaration.

La Commission souhaite que la directive ainsi modifiée puisse s'appliquer au prochain scrutin européen prévu en juin 2009 et demande à cet effet que la transposition ait lieu au plus tard le 30 juin 2008.

S'il allège pour partie la charge administrative liée au système d'échange d'informations, le texte n'est pas, toutefois, sans soulever certaines interrogations :

? Les modifications préconisées suppriment tout contrôle préalable en matière de double vote ou de double candidature, au risque d'affecter à terme la bonne tenue du scrutin. Les contours des vérifications ex post sont, par ailleurs, insuffisamment détaillés ;

? Les États membres de résidence se voient transférés l'essentiel du contrôle des inscriptions, des candidatures et de l'éligibilité des citoyens ;

? La nécessité de nouvelles mesures législatives pour renforcer le contrôle visant la déchéance du droit d'éligibilité ou créer des sanctions pénales (même si le droit français intègre déjà la pénalisation du vote multiple) rendent le délai de transposition préconisé par la Commission difficile à tenir. A titre d'exemple, le droit français en vigueur n'est pas adapté aux nouvelles modalités de contrôle de l'éligibilité. L'article 12 de la loi n°77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen laisse 24 heures pour contester une candidature. Aux termes de la proposition de directive, la confirmation officielle par l'État membre d'origine d'une éventuelle inéligibilité devrait donc aboutir dans ce délai, sous peine de déclarer recevable une candidature qui ne le serait pas.

Les négociations entamées au sein du groupe ad hoc sur les droits fondamentaux et la citoyenneté ont permis aux autorités françaises d'exprimer ces réserves et de plaider en faveur d'une plus grande précision des règles encadrant les mécanismes d'échanges d'information introduits par le texte. La réunion du 19 mars dernier a permis à la France de proposer une harmonisation des informations mentionnées au sein de la déclaration formelle et l'adoption de supports numériques (cédéroms) pour la transmission de celles-ci. Les objections françaises visent en outre les contrôles ex post ciblés dont les contours demeurent trop peu détaillés pour garantir une réelle efficacité. Une majorité d'États membres est néanmoins partisane d'une suppression pure et simple de ce type de vérification.

Sur la question du contrôle ex ante de l'éligibilité, le Gouvernement souhaiterait également fixer un délai maximum pour la réponse de l'État membre d'origine (trois jours) et prévoir de façon générale un interlocuteur unique au sein de chaque État membre.

S'il n'y a pas lieu de s'opposer au principe même du texte, il convient de s'interroger sur ses modalités d'application. La délégation a décidé de s'associer aux demandes de précisions formulées par les autorités françaises ainsi qu'à leurs réserves sur le délai de transposition retenu.