COM (2005) 609 final  du 30/11/2005
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 15/01/2008

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 15/12/2005
Examen : 03/04/2007 (délégation pour l'Union européenne)


Politique commerciale

Réforme du système douanier communautaire

Textes E 3026 et E 3027
COM (2005) 608 final et COM (2005) 609 final

(Procédure écrite du 3 avril 2007)

Les textes E 3026 et E 3027, présentés par la Commission européenne le 30 novembre 2005, constituent un « paquet » législatif visant à moderniser le fonctionnement du système douanier communautaire. Ce projet de réforme s'inscrit dans le cadre de la stratégie de Lisbonne et sa mise en oeuvre a vocation à bénéficier tant aux autorités publiques qu'aux opérateurs économiques.

Le premier texte est une proposition de règlement qui a pour but de remanier le code des douanes communautaire, en en simplifiant et rationalisant les procédures. Le second est une proposition de décision dont l'objectif est de créer un environnement électronique douanier communautaire et d'abandonner tous les supports papier en usage. Ces deux propositions sont indissociables dans la mesure où c'est le bon fonctionnement du système douanier électronique qui permettra l'application des nouvelles procédures inscrites dans le Code des douanes modernisé.

I - LE CONTENU DE CES PROPOSITIONS

1) La proposition de règlement établissant un Code des douanes communautaires modernisé

Le nouveau code, tel que présenté par la Commission, se caractérise par une structure plus cohérente, comportant moins d'articles et des règles plus simples. Il compte désormais 200 articles au lieu de 253.

Le code des douanes actuellement en vigueur date de 1992 et n'a pas fait l'objet d'une révision générale depuis cette date. Les procédures prévues par le code reposent ainsi encore largement sur des documents imprimés, en dépit du fait que les États utilisent déjà l'informatique pour faciliter le contrôle des flux de marchandises. D'abord et avant tout, le texte E 3026 propose donc que les déclarations et les échanges des données par voie électronique deviennent la règle au sein de l'Union européenne.

La réalisation de cet objectif doit permettre de concrétiser deux concepts, introduits par la Commission, dans sa proposition de réforme :

le dédouanement centralisé, qui autorisera un opérateur économique communautaire à effectuer ses déclarations douanières sous forme électronique à partir de son lieu d'établissement, quel que soit l'État membre par lequel entrent ou sortent les marchandises ;

le guichet unique, qui donnera aux opérateurs la possibilité de fournir en une seule fois toutes les informations requises par l'administration des douanes, ainsi que d'autres autorités publiques intéressées à la circulation des marchandises (policières, sanitaires, environnementales...), grâce à une interface inter-administrative unique (dénommée en anglais « single window »). Parallèlement, la Commission souhaite que les marchandises puissent être contrôlées par l'ensemble des autorités concernées en un lieu unique et à un moment unique, selon le principe dit de « one stop shop ».

La proposition intègre également les modifications introduites par le règlement (CE) n° 648/2005 renforçant la sécurité et la sûreté des marchandises qui traversent les frontières communautaires. Ce règlement instaure notamment, à l'échelle de la Communauté, un système informatisé de gestion des risques. Le risque s'entend ici comme la probabilité qu'une marchandise soit en contravention avec la loi. Grâce au système, les autorités compétentes des États membres devraient être en mesure de partager et d'échanger leurs informations pour apprécier plus sûrement quelles sont les marchandises qui sont susceptibles de ne pas être conformes aux dispositions légales. Le statut d'« opérateur économique agréé », destiné à des opérateurs commerciaux fiables et bénéficiant à ce titre de formalités douanières moins contraignantes, est également repris et étendu par le texte E 3026.

Concrètement, le système tel que proposé par la Commission permettra à un opérateur de faire l'ensemble de ses déclarations auprès du bureau de douane du lieu où il est établi. Ce bureau procédera ensuite, en fonction des informations fournies, à une analyse de risques des marchandises concernées. Sur la base de cette analyse, il notifiera au bureau de douane frontalier où se présenteront les marchandises à l'entrée ou à la sortie, de procéder à un contrôle physique, ou ordonnera directement la mainlevée des marchandises.

Le projet conduira donc également à une redéfinition du rôle des bureaux de douane à l'intérieur du territoire et de ceux qui se trouvent aux frontières extérieures de l'Union européenne.

Les bénéfices attendus de la mise en place de ce système de dédouanement centralisé et de guichet unique sont à la fois une facilitation des transactions douanières, une réduction des coûts liés aux charges administratives et une sécurité juridique renforcée.

2) La proposition de décision relative à un environnement douanier sans support papier

Le texte E 3027 a pour objectif de rendre les systèmes douaniers électroniques des États membres compatibles entre eux et de créer ainsi un portail informatique unique et partagé. Le but de la Commission n'est pas « de remplacer les systèmes nationaux» mais de « créer un système de collecte et d'enregistrement de données qui soit identique dans tous les États membres ». Le portail unique sera accessible aux opérateurs économiques et facilitera les communications entre ceux-ci et les autorités douanières. Il améliorera également l'efficacité et la rapidité des échanges d'informations entre ces autorités. Avec le système d'interface unique, les autorités douanières de chaque État membre pourront avoir accès à toutes les informations enregistrées dans la Communauté. Un opérateur travaillant dans vingt-sept États membres n'aura donc plus besoin de s'enregistrer vingt-sept fois, mais bien une seule fois.

La proposition de décision détaille les mesures et le calendrier envisagés par la Commission pour accomplir cette ambition :

- dans un délai de trois ans à compter de la publication de la décision au Journal officiel de l'union européenne, soit vraisemblablement d'ici 2010 :

? mise en place de systèmes automatisés de dédouanement, interopérables ;

? mise en place d'une base de données répertoriant les opérateurs économiques ;

? création d'un site Internet fournissant aux opérateurs économiques des informations en matière douanière pour effectuer leurs transactions.

- dans un délai de cinq ans, soit d'ici 2012 :

? création d'un cadre régissant des points d'accès unique ;

? mise en oeuvre d'un environnement tarifaire intégré conforme aux normes communautaires.

- dans un délai de six ans, soit d'ici 2013 :

? mise en place d'un guichet unique informatisé.

Le coût des investissements nécessaires pour la Communauté est estimé à 161 millions d'euros ; ils seront financés par les programmes Douane 2007 et Douane 2013. Les États devraient contribuer pour un montant à peu près équivalent pour ce qui relève des éléments nationaux du futur dispositif.

*

Au total, au delà de l'amélioration de la compétitivité des entreprises opérant en Europe et du renforcement de la sécurité, le nouvel environnement douanier communautaire pourrait entraîner, d'après la Commission, une économie de l'ordre 2,5 milliards d'euros par an.

II - LES DIFFICULTÉS PRÉSENTÉES PAR CES DEUX TEXTES

L'initiative de la Commission pour réviser le Code des douanes communautaire et moderniser les procédures de contrôle est louable. Il est indéniable qu'elle présente de nombreux avantages. Néanmoins, les propositions de la Commission ont le défaut de la théorie et de ne pas, par conséquent, anticiper un certain nombre de difficultés pratiques. Par ailleurs, certaines des dispositions proposées apparaissent contestables.

1) Le dédouanement centralisé

Ce concept pose au moins trois difficultés :

- Parmi les atouts du projet de modernisation du code des douanes, mis en avant par la Commission, figurent l'amélioration de l'efficience des contrôles et le renforcement de la sécurité. La procédure de dédouanement centralisé peut susciter cependant quelques craintes en la matière. En effet, tel que la Commission l'envisage, le dédouanement centralisé s'effectuera « à distance », à partir d'un bureau de douane situé à l'intérieur du territoire de l'Union sur la base des informations fournies par un opérateur, sans contrôles physiques directs, si ce n'est ceux demandés sur le fondement de présomptions ressortant de l'analyse de risques. Ce dispositif permettra certainement d'augmenter la capacité des douanes à gérer le flux de marchandises, mais il n'apparaît pas a priori comme le meilleur moyen de renforcer la sécurité. Il semble facile d'imaginer des moyens de contournement de la réglementation et de faire pénétrer des marchandises illégales. C'est pourquoi il conviendrait de réserver dans un premier temps cette procédure aux « opérateurs économiques agréés » qui auront fait l'objet d'un audit douanier sérieux.

- Les activités de contrôle étant variables selon les États membres, le dédouanement centralisé comporte le risque d'un détournement des flux commerciaux vers les plateformes portuaires et aéroportuaires à forte attractivité logistique, sociale, fiscale ou pratiquant des contrôles moins stricts. Deux risques en découlent : l'encombrement des points d'entrée ou de sortie qui seront privilégiés par les opérateurs et des répercussions économiques non négligeables dans les États délaissés suite à ce phénomène de délocalisation des flux. Une action d'harmonisation des conditions de contrôle apparaît par conséquent comme un préalable indispensable.

- La question de la répartition des coûts entre les États qui effectueront les contrôles et ceux qui percevront les droits de douane est également posée : la Commission n'apporte pas de réponse à cette interrogation.

2) Le guichet unique

En dépit des avantages que la réalisation du guichet unique comporte, il reste qu'il s'agit d'un chantier de très grande envergure dont l'achèvement ne peut être envisagé qu'à long terme. Le calendrier arrêté par la Commission pour la mise à disposition des moyens informatiques adéquats semble à cet égard beaucoup trop optimiste, pour ne pas dire irréaliste. Le projet méconnaît également les difficultés qui ne manqueront pas de se faire jour pour bâtir une coopération et une coordination étroites entre les différentes structures administratives concernées par le passage en douane des marchandises.

3) La comitologie

La proposition de révision prévoit en son article 35 une procédure de comitologie pour éventuellement simplifier les dispositions du code des douanes communautaire.

Si le recours à la procédure de comitologie se conçoit lorsque de simples mesures d'application sont en jeu, il semble plus délicat en revanche de consentir à la Commission des compétences d'exécution pour simplifier des dispositions adoptées par le Conseil et le Parlement. La simplification d'une mesure législative ne peut être en effet assimilée à une mesure d'application. Il conviendrait par conséquent de demander la suppression de l'article 35 de la proposition de règlement E 3026.

En dehors de cet article, la proposition de refonte du code renvoie également, à plusieurs reprises, à une procédure de comitologie pour préciser certaines dispositions. Le gouvernement français a indiqué au cours des négociations qu'il préférait que la procédure actuelle du comité de réglementation en vigueur pour l'adoption des dispositions d'application du code (DAC) soit maintenue. Elle permet notamment de saisir le Conseil d'une question lorsqu'une minorité de blocage est réunie et de faire ainsi évoquer au niveau adéquat les problèmes sensibles.

4) La gratuité du dédouanement

La proposition de code des douanes modernisé de la Commission prévoit en son article 32 que : « aucun frais n'est perçu par les autorités douanières pour l'accomplissement des contrôles douaniers ou tout autre acte requis par l'application de la législation douanière. Les autorités peuvent toutefois percevoir des frais ou récupérer des coûts pour des services spécifiques rendus. »

Le gouvernement français conteste cet article ; il estime en effet qu'il est de la compétence de chaque État membre de décider de la gratuité des services rendus. Il ne souhaite pas par ailleurs que le financement du dédouanement informatisé actuellement mis en oeuvre en France soit remis en cause : 60 % du dédouanement est aujourd'hui informatisé et financé par une redevance versée par les opérateurs en contrepartie du service rendu.

La France a donc fait savoir qu'elle souhaitait que la perception de frais ou la récupération de coûts soient valables pour tout acte accompli dans le cadre de l'application de la réglementation douanière et non pas seulement pour des « services spécifiques rendus ».

Eu égard à ces remarques, la délégation a décidé de ne pas intervenir plus sur ces deux textes.