COM (2005) 280 final  du 30/06/2005

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 22/07/2005
Examen : 16/12/2005 (délégation pour l'Union européenne)


Justice et affaires intérieures

Agence des droits fondamentaux

Texte E 2918 - COM (2005) 280 final

(Procédure écrite du 16 décembre 2005)

Le texte E 2918 vise à créer une agence des droits fondamentaux de l'Union européenne.

La décision d'élargir le mandat de l'actuel Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes afin de le transformer en agence des droits fondamentaux a été prise au Conseil européen de Bruxelles de décembre 2003, après avoir reçu le soutien du Parlement européen en 2000. La Commission, dans une communication du 25 octobre 2004, a précisé les orientations relatives à la création de cette agence. Celle-ci a fait l'objet d'une communication de Marie-Thérèse Hermange devant la délégation le 21 décembre 2004 et a conduit à l'adoption de conclusions.

La proposition est fondée sur la base de l'article 308 du traité instituant la Communauté européenne qui permet au Conseil, statuant à l'unanimité, de « prendre les dispositions appropriées » dans les cas où « une action de la Communauté apparaît nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, l'un des objets de la Communauté, sans que le présent traité ait prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet ». Le choix de cette unique base juridique est contesté par le service juridique du Conseil qui, dans un avis du 26 octobre 2005, estime que « la création d'une agence par le législateur communautaire ne nécessite pas en soi le recours à l'article 308 » s'il existe des dispositions du traité « constituant la base juridique spécifique pour l'action communautaire en question ». Il préconise donc, en raison du caractère transversal de cette agence, que sa création repose d'abord sur d'autres articles du traité instituant la Communauté européenne pour ses missions d'assistance aux institutions européennes et aux Etats membres ainsi que d'analyse des droits fondamentaux dans les pays tiers et, en complément, sur l'article 308 afin de lui permettre d'exercer au mieux l'étendue de ses compétences.

Les missions de l'agence

L'agence des droits fondamentaux aura pour mission de veiller à ce que les institutions européennes et les États membres s'acquittent de leurs obligations en matière de droits de l'homme, reconnus par la Charte des droits fondamentaux, lorsqu'ils préparent ou mettent en oeuvre le droit communautaire. Elle sera ainsi chargée de collecter et d'analyser des informations comparables relatives aux droits de l'homme, et d'émettre des conclusions et des avis à l'intention de l'Union et des États membres, soit de sa propre initiative soit à la demande d'une institution de l'UE. Elle devra également publier des rapports thématiques liés aux politiques de l'Union et un rapport annuel qui diffusera les bonnes pratiques en matière de droits fondamentaux. L'agence organisera des réunions d'experts et aura une mission de sensibilisation du public en matière de droits fondamentaux.

Le texte prévoit également d'étendre le champ des activités de l'agence aux matières relevant des compétences de l'Union européenne en lui donnant la possibilité d'intervenir dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale. Il se fonde à cet effet sur les articles 30, 31 et 34 du traité sur l'Union européenne. Dans son avis du 26 octobre 2005, le service juridique du Conseil s'y est toutefois montré défavorable, faisant valoir que « le traité UE ne prévoit aucune compétence pour l'adoption d'une telle mesure ».

Le mandat de l'agence

Fondé sur les droits de l'homme tels qu'ils sont visés, d'une part, à l'article 6§2 du traité sur l'Union Européenne relatif aux droits reconnus par la Convention européenne des droits de l'homme et, d'autre part, dans la Charte des droits fondamentaux, le mandat de l'agence a été clairement limité au champ d'application du droit communautaire. L'agence sera chargée d'analyses thématiques, déterminées dans un cadre pluriannuel, et non d'analyses par pays. Elle ne pourra pas étudier des réclamations individuelles. Toutefois, le texte devrait autoriser l'agence, si le Conseil le lui demande, à présenter un rapport sur un Etat membre dans le cadre de la procédure prévue à l'article 7 du traité sur l'Union Européenne relatif aux sanctions en cas de violation grave des droits de l'homme par un État membre. Dans ses conclusions adoptées en décembre 2004, la délégation avait jugé « inopportun de lui confier un rôle en regard de l'article 7 du traité sur l'Union européenne » ; allant dans le même sens, le service juridique du Conseil estime, de son côté, que « confier une telle mission à l'Agence irait au-delà de la compétence communautaire ».

La portée géographique

Les analyses de l'agence devraient porter sur les États membres de l'Union Européenne ainsi que les pays candidats et potentiellement candidats. Cependant, contrairement à l'avis que la délégation avait adopté, le texte prévoit la possibilité pour la Commission de demander à l'agence d'analyser la situation en matière de droits fondamentaux dans des pays tiers avec lesquels l'Union a conclu des accords d'association ou des accords contenant des dispositions sur le respect des droits de l'homme.

? Les relations avec les autres organes nationaux et internationaux compétents dans ce domaine

La création de l'agence pose la question du chevauchement entre les activités de cette dernière et celles des organismes nationaux et internationaux qui interviennent dans le domaine des droits fondamentaux. L'agence devra coordonner ses travaux, notamment avec ceux du Conseil de l'Europe. Le texte prévoit ainsi qu'un accord bilatéral sera conclu entre l'agence et le Conseil de l'Europe et qu'une personnalité désignée par ce dernier siègera obligatoirement au conseil d'administration de l'agence.

? L'organisation de l'agence

La structure de l'agence se répartira en quatre organes : un conseil d'administration, un bureau exécutif, un directeur, et un forum des droits fondamentaux, composé de représentants de la société civile et d'experts, destiné à faciliter les échanges d'informations.

En ce qui concerne le conseil d'administration, il sera composé d'une personnalité désignée par chaque État membre, d'une désignée par le Parlement européen, d'une désignée par le Conseil de l'Europe et de deux représentants de la Commission. Cette structure, qui reprend largement celle de l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes (seule la Commission disposerait d'un représentant supplémentaire), va à l'encontre du projet d'accord interinstitutionnel (AII) relatif à l'encadrement des agences, comme le souligne Marie-Thérèse Hermange dans son rapport sur les agences européennes (n°58). La Commission, dans son projet d'AII, prévoit en effet la parité des sièges entre la Commission et les États membres et n'estime pas souhaitable que le Parlement européen puisse désigner des membres au sein du conseil d'administration.

L'agence ne devrait pas être constituée d'un conseil scientifique, que la délégation avait pourtant appelé de ses voeux dans ses conclusions de décembre dernier. La mise en place d'un conseil scientifique, chargé de veiller à la qualité scientifique des analyses de l'agence, aurait pourtant permis de renforcer l'indépendance de cette institution.

? Le budget de l'agence

Le budget de l'agence devrait considérablement augmenter par rapport à celui de l'actuel Observatoire. Le texte prévoit qu'il devrait tripler d'ici à 2013 pour atteindre 29 millions d'euros à cette date.

Étant donné que la délégation s'était déjà prononcée sur la création d'une agence des droits fondamentaux par des conclusions, elle n'a pas jugé nécessaire d'intervenir plus avant.

Toutefois, elle a souhaité rappeler au Gouvernement les deux préoccupations exprimées par ses membres. D'une part, la délégation avait estimé que l'utilité de cette agence restait à démontrer. Or, cette observation préalable semble d'autant valable que le caractère juridiquement contraignant de la Charte paraît désormais en suspens. Le Sénat néerlandais s'oppose d'ailleurs fermement à la création de cette agence dont l'activité se chevauchera inutilement avec celle des organisations existantes en ce domaine. Le Luxembourg et l'Irlande ont également fait connaître leur insatisfaction face à la structure proposée par la Commission. D'autre part, la délégation regrette que les préoccupations qu'elle avait précédemment exprimées, tant au sujet de son mandat que de son organisation, n'aient pas été complètement prises en compte.