COM (2005) 191 final  du 13/05/2005

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 25/05/2005
Examen : 08/06/2005 (délégation pour l'Union européenne)


Élargissement

Communication de M. Robert del Picchia sur l'adaptation
de l'accord d'association entre l'Union européenne
et la Turquie pour tenir compte de l'élargissement

Texte E 2886

(Réunion du 8 juin 2005)

L'Union européenne et la Turquie sont liées par un accord d'association signé en 1963 et entré en vigueur en 1964. Cet accord a été élargi en 1973 et ainsi rendu applicable au Danemark, à l'Irlande et au Royaume-Uni, nouveaux États membres de l'époque. Il n'a cependant pas été modifié lors des élargissements ultérieurs, peut-être parce que l'État qui est devenu membre en 1981 était la Grèce. Il a cependant été convenu par un accord tacite que l'accord d'association s'appliquait aussi à la Grèce, à l'Espagne, au Portugal, à l'Autriche, à la Suède et à la Finlande. La Commission européenne indique d'ailleurs de manière sibylline que, « même si les procédures de ratification d'un protocole additionnel n'ont pas été menées à leur terme, il y a eu une association de fait et en droit entre ces États et la Turquie ».

Naturellement, la question de l'extension de l'accord d'association aux nouveaux États membres de l'Union européenne est devenue plus criante lors du dernier élargissement le 1er mai 2004, puisque la République de Chypre, État non reconnu par la Turquie, a adhéré à l'Union. Comme le précisait Yasar Yakis, Président de la Commission de l'harmonisation avec l'Union européenne du Parlement turc, lorsque la délégation l'a reçu le 8 mars dernier, le ministère turc du commerce extérieur a publié une circulaire d'élargissement de l'accord d'Ankara qui ne citait que neuf des dix nouveaux États membres. Cette circulaire, qualifiée par l'Ambassadeur turc « d'erreur technique », a amené les Chypriotes à demander l'adoption formelle d'un protocole à l'accord d'association pour tenir compte de l'élargissement. Une telle procédure est tout à fait normale et a été suivie à de nombreuses reprises pour les pays avec lesquels l'Union a conclu un accord.

La Commission européenne a donc négocié avec la Turquie un protocole additionnel à l'accord d'association, qui comprend un certain nombre d'ajustements techniques rendus nécessaires par les changements institutionnels et juridiques intervenus au sein de l'Union européenne. Ce protocole prend également en compte les nouvelles langues officielles, dont le grec. La proposition de signer et conclure ce protocole nous a été transmise au titre de l'article 88-4 de la Constitution : je vous propose d'approuver ce texte, qui est une conséquence directe et technique des élargissements successifs qu'a connus l'Union européenne. Ce protocole cite les parties prenantes à l'accord, y compris la République de Chypre, et constitue donc un pas vers la reconnaissance par la Turquie de la République de Chypre, ce qui ne peut être que positif sur la voie d'un règlement juste et équilibré de la question chypriote. Il semble cependant que les autorités turques assortiront leur signature d'une déclaration indiquant que ce protocole ne vaut pas reconnaissance de la République de Chypre.

À ce stade et comme le mentionnent les conclusions du Conseil européen de décembre dernier, la Turquie s'est engagée à signer le protocole avant l'ouverture effective des négociations d'adhésion, mais la question de sa ratification par le Parlement turc reste ouverte et aucune date n'est aujourd'hui fixée. De plus, ce protocole ne règle pas les nombreux problèmes techniques de l'Union douanière avec la Turquie : l'embargo de fait envers les navires chypriotes reste une question non résolue, les questions plus générales, liées par exemple à la propriété intellectuelle ou à la législation sur les produits pharmaceutiques, sont également en suspens. Les autorités européennes notent d'ailleurs depuis quelque temps un certain raidissement des positions turques, ce qui ne constitue pas un signal positif à l'approche des discussions qui vont s'ouvrir dans le cadre des négociations d'adhésion le 3 octobre prochain.

En conclusion, en ce qui concerne ce texte, il serait pour le moins insolite que des négociations d'adhésion s'engagent avec la Turquie au sein d'une Conférence intergouvernementale qui exigera l'unanimité des États membres, sans que la Turquie reconnaisse l'existence de l'un de ces États membres. La signature du protocole est un pas vers cette reconnaissance ; il doit être apprécié comme tel, sans que sa valeur soit surestimée, car il devient clair que, de part et d'autre, tout moyen sera maintenant utilisé pour obtenir une concession de l'autre partie.

Compte rendu sommaire du débat

M. Roland Ries :

La candidature de la Turquie est un sujet d'actualité sensible. Je reste étonné que, un an après le 1er mai 2004 et à l'approche de l'ouverture des négociations, celles-ci soient susceptibles de s'engager, sans que la Turquie reconnaisse officiellement la République de Chypre, État membre de l'Union.

M. Paul Girod :

Ces questions sont véritablement peu compréhensibles pour nos compatriotes !

M. Yann Gaillard :

Je suis sceptique sur l'opportunité de travailler sur ce sujet, tant que n'est pas réglé le devenir du traité constitutionnel.

M. Robert del Picchia :

Le texte qui nous est soumis aujourd'hui permet la participation des dix nouveaux États membres à l'Union douanière Union européenne-Turquie. Il est donc totalement distinct de l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Turquie. Si un certain nombre d'États membres sont tentés de faire un lien entre cet élargissement de l'Union douanière et l'ouverture des négociations d'adhésion, il faut garder à l'esprit que l'accord d'association est en vigueur depuis quarante ans et l'Union douanière depuis dix ans et qu'il ne s'agit dans ce texte que d'une prise en compte de l'élargissement que l'Union européenne a connu en 2004.