COM (2003) 195 final  du 22/04/2003
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 16/06/2003

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 26/05/2003
Examen : 10/06/2003 (délégation pour l'Union européenne)
Proposition de conclusion adoptée le 21 avril 2004.


Politique commerciale

Accord avec les États-Unis sur la reconnaissance mutuelle
des certificats de conformité des équipements marins

Texte E 2288 - COM (2003) 195 final

(Procédure écrite du 10 juin 2003)

La Commission européenne et les États-Unis ont négocié un accord sur la reconnaissance mutuelle des certificats de conformité des équipements marins, qui a pour objectif essentiel de faciliter les échanges de ces équipements entre l'Union européenne et les États-Unis. Cet accord permettra à un fabricant d'avoir accès à plusieurs marchés, dès lors que ses produits rempliront une seule série de dispositions réglementaires. Il devrait permettre aux industriels de réduire les coûts liés aux essais et à la certification, ainsi que les délais de mise sur le marché pour les produits déjà certifiés.

Un tel accord, reposant sur l'équivalence des dispositions techniques communautaires et américaines, est possible du fait que les deux parties fondent leurs réglementations sur les normes internationales applicables en ce domaine et notamment sur les conventions de l'Organisation maritime internationale.

L'obligation de reconnaissance mutuelle s'applique aux produits énumérés dans l'annexe II de l'accord :

- engins de sauvetage : signaux fumigènes, feux à main, signaux manuels, radeaux de sauvetage rigides, dispositifs de largage, systèmes d'évacuation marins...

- produits de protection contre l'incendie : matériaux non combustibles, cloisonnements intégrité au feu, portes coupe-feu, tentures, rideaux et autres éléments textiles, mobilier rembourré, clapets coupe-feu...

- équipements de navigation : compas magnétiques, gyrocompas, sondeurs à écho, systèmes de navigation et de contrôle de route, enregistreurs de données de voyage, réflecteurs radar...

Des produits peuvent être retirés ou ajoutés à cette annexe par le comité mixte créé par l'accord. Ce comité mixte est responsable de la mise en oeuvre de l'accord et il établit, tient à jour et modifie la liste des produits et dispositions jugées équivalentes permettant la reconnaissance mutuelle. Chaque partie dispose d'une voix au comité qui prend ses décisions à l'unanimité. La Communauté européenne y sera représentée par la Commission, assistée d'un comité spécial désigné par le Conseil et consulté par la Commission.

Comme l'accord est basé sur la reconnaissance mutuelle et l'équivalence des dispositions réglementaires, il prévoit l'obligation pour les parties de se notifier les modifications apportées à leur réglementation et de procéder à des consultations. Dans ce cas, le comité mixte juge du maintien de l'équivalence ; une clause de prudence est ici insérée, car si le comité mixte ne parvient pas à prendre une décision, la reconnaissance mutuelle concernant ce produit peut être suspendue, sans que l'une des parties puisse s'y opposer.

Par ailleurs, l'accord permet à une partie de contester, sur la base de « raisons objectives », la compétence technique d'un organisme d'évaluation de la conformité de l'autre partie. Du côté américain, seule la « United States Coast Guard » (USCG) est actuellement habilitée à évaluer les équipements marins et à délivrer des certificats de conformité.

La Commission européenne a tenté d'évaluer le volume du commerce des équipements marins entre la Communauté et les États-Unis, mais elle estime que les données sont partielles. Il semble cependant, sans qu'elle l'indique nettement, que le solde commercial dans ce secteur est d'ores et déjà défavorable à l'Union. Les trois secteurs les plus importants cités par la commission sont :

en millions d'euros en 2000

Importations dans l'Union européenne

Exportations de l'Union européenne

Solde

Appareils de radionavigation

150

36

- 114

Boussoles

116

97

- 19

Instruments et appareils pour la navigation aérienne et spatiale

251

203

- 48

Considérant la difficulté de rassembler les statistiques par équipement concerné, la Commission s'est attachée à comparer les flottes marchandes communautaire et américaine. En nombre de navires et en tonnage, la flotte communautaire est environ le double de celle des États-Unis. Cette différence est encore plus marquée pour les navires pour passagers qui nécessitent des investissements plus élevés en matière d'engins de sauvetage et d'équipements de protection contre l'incendie.

en 2000

Union européenne

États-Unis

Nombre total de bateaux

10 973

5792

dont navires pour passagers

744

33

Tonnage brut total de la flotte

62 572 051

11 110 901

dont navires pour passagers

2 129 766

107 612

Après cette constatation, la Commission indique de manière laconique : « Ce déséquilibre peut être considéré comme un désavantage pour les fabricants communautaires d'équipements marins. Cependant, il convient d'apprécier la situation au regard de l'accès au marché dans son ensemble ». Les industriels français consultés évoquent également ce « déséquilibre d'intérêts » entre un marché américain réduit et un marché européen important.

La fiche d'évaluation d'impact de la proposition donne quelques éléments d'information sur l'industrie des équipements marins dans l'Union européenne ; elle n'en donne malheureusement pas sur la situation américaine. Elle considère, sans fournir d'appréciation sur ce chiffre, qu'environ 20 % des activités de l'industrie des équipements marins pourraient être concernées par l'accord de reconnaissance mutuelle.

en 1999

Production d'équipements marins (en millions d'euros)

Part de l'exportation

Nombre de salariés

Allemagne

5 217

57 %

58 739

Royaume-Uni

3 827

58 %

47 374

Italie

1 966

37 %

23 035

Pays-Bas

1 960

44 %

25 636

France

1 606

39 %

18 875

Espagne

1 315

20 %

19 198

Autres pays de l'UE

3 340

36 %

44 205

Total Union européenne

19 231

46 %

237 062

Cet accord est considéré comme « novateur » par la Commission, dans la mesure où il représente le premier accord international concernant des marchandises que la Communauté conclurait sur la base de l'équivalence des exigences réglementaires. Les réglementations techniques des deux parties ne doivent pas nécessairement être identiques pour être équivalentes, il suffit qu'elles soient suffisamment comparables pour garantir que leurs objectifs respectifs soient atteints.

De plus, l'accord ne limite ni le droit des autorités compétentes des parties de prendre des mesures à l'encontre de produits présentant un danger pour la santé ou l'environnement, ni leur autonomie réglementaire en ce qui concerne la sécurité maritime et la prévention de la pollution des milieux marins.

Selon la Commission, les acteurs économiques du secteur sont favorables à l'accord, car il devrait en particulier permettre une plus grande ouverture du marché américain, dont les normes d'essai sont par exemple plus strictes que les normes internationales. De son côté, le dialogue transatlantique des consommateurs, enceinte réunissant des organisations de consommateurs européens et américains, est critique en règle générale à l'égard des accords de reconnaissance mutuelle et du concept d'équivalence de la réglementation technique. Cette enceinte objecte principalement que ce type d'accord peut conduire à un transfert de l'autorité réglementaire vers des entités étrangères qui fonctionnent peut-être suivant des règles différentes en ce qui concerne les conflits d'intérêt, la transparence et la responsabilité. Elle considère également que ce type d'accord peut aboutir à la privatisation de fonctions publiques, à la perte du contrôle réglementaire national, à une réduction des niveaux de participation des autorités nationales dans le processus de décision, à une augmentation des possibilités de fraude par l'industrie et à une réduction des niveaux de protection de la santé, de la sécurité et de l'environnement.

Le gouvernement est plutôt favorable à cet accord qui, selon lui, devrait avoir peu d'impact commercial pour la France. Un précédent accord de reconnaissance mutuelle en matière d'évaluation de la conformité a été conclu en 1998 avec les États-Unis et concerne les appareils de télécommunication, la sécurité électrique, la compatibilité électromagnétique, les bateaux de plaisance et les produits médicaux. Il a donné lieu à de nombreuses difficultés de mise en oeuvre au niveau des annexes techniques dont certaines ont dû être suspendues.

Cependant, le présent accord n'est pas simplement un accord commercial ; il contient également des dispositions de coopération réglementaire entre la Communauté et les États-Unis, ainsi qu'une volonté de travailler ensemble dans les instances internationales en vue de relever le niveau de la réglementation internationale en matière de sécurité maritime.

Concernant la procédure, la Commission a transmis la proposition de signature et de conclusion de l'accord le 23 avril 2003 au Conseil. L'accord avait été paraphé une première fois le 12 juin 2001, mais des demandes de modifications de la part des autorités américaines ont amené les parties à parapher à nouveau un accord, légèrement modifié, en février 2003. En tout état de cause, la volonté de la Commission européenne et de la présidence de l'Union d'inscrire ce texte pour adoption lors du Conseil du 17 juin semble peu justifiée s'agissant d'un accord de reconnaissance mutuelle négocié à partir de 1999 et prévu pour une durée illimitée.

Du point de vue commercial, on peut par ailleurs s'interroger sur la multiplication des accords de reconnaissance mutuelle qui soit posent des problèmes de mise en oeuvre, soit constituent des « coquilles vides ». De tels accords ont été conclus dans des secteurs divers avec l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada, le Japon et les États-Unis. Surtout, les évaluations lancées par la Commission européenne avec un consultant extérieur tardent à fournir une vue d'ensemble de l'impact réel de ces accords.

Cependant, cet accord semble aller dans le sens d'une coopération renforcée avec les États-Unis dans le domaine sensible de la sécurité maritime. Il n'a donc pas semblé nécessaire à la délégation d'intervenir plus avant sur ce texte.