COM (2001) 386 final  du 11/07/2001

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 04/10/2001
Examen : 11/06/2004 (délégation pour l'Union européenne)
Document retiré par la Commission le 17 mars 2006


Justice et Affaires intérieures

Conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi salarié ou de l'exercice d'une activité économique indépendante

Texte E 1813 - COM (2001) 386 final

(Procédure écrite du 11 juin 2004)

Cette proposition de directive, présentée par la Commission européenne en 2001, s'inscrit dans le cadre de la mise en place d'une politique européenne d'immigration. A cet égard, il convient de rappeler que le traité d'Amsterdam a communautarisé les questions d'asile et d'immigration et que cette « communautarisation » a été renforcée par le traité de Nice. D'après le Conseil européen de Tampere, d'octobre 1999, cette politique européenne d'immigration doit comprendre trois volets : la lutte contre l'immigration clandestine, le partenariat avec les pays d'origine et la politique d'intégration des étrangers légalement installés sur nos territoires. À Laeken, le Conseil européen a estimé que les progrès dans ces domaines s'étaient avérés moins rapides et substantiels que prévu et il s'est engagé à adopter une politique commune en matière d'asile et d'immigration qui respecterait l'équilibre fixé à Tampere. Le Conseil européen de Séville, des 21 et 22 juin 2002, a souligné à nouveau sa détermination à accélérer la mise en oeuvre du programme de Tampere. Sous présidence grecque, le Conseil est parvenu à un accord politique sur deux directives relatives à l'admission des ressortissants de pays tiers, l'une sur le droit au regroupement familial, l'autre sur le statut des résidents de longue durée. Sous présidence italienne, la directive relative au titre de séjour délivré aux ressortissants de pays tiers qui sont victimes de la traite des êtres humains et qui coopèrent avec les autorités compétentes a également fait l'objet d'un accord. En outre, l'examen de la proposition de directive sur les conditions d'entrée et de séjour aux fins d'étude a été entamé et la Commission européenne vient de présenter une proposition sur l'admission des chercheurs. À Thessalonique, les 19 et 20 juin 2003, le Conseil européen a adopté des conclusions visant à poursuivre le débat sur l'immigration, l'intégration et l'emploi sur la base de la communication de la Commission présentée début juin. Par ailleurs, la Commission européenne devrait présenter prochainement une étude sur les liens entre immigration légale et illégale, qui lui a été demandée par le Conseil européen de Bruxelles pour le printemps 2004.

Si cette proposition s'inscrit dans le volet relatif à l'immigration légale, elle présente une importance particulière. En effet, l'objectif de cette proposition est d'harmoniser les législations nationales en matière d'admission et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi salarié ou de l'exercice d'une activité économique indépendante. Le texte définit les conditions dans lesquelles des ressortissants de pays tiers peuvent entrer et séjourner dans les États membres en qualité de travailleurs salariés ou indépendants. Il vise également à déterminer des normes concernant les procédures de délivrance, par un État membre à des ressortissants de pays tiers, de titres leur permettant d'entrer et de séjourner sur son territoire et d'y exercer des activités salariées ou indépendantes. La proposition accorde une importance significative au principe d'une autorisation de travail et à la possibilité d'invoquer l'état du marché de l'emploi, au profit, notamment, des citoyens de l'Union. Elle vise à assurer un niveau renforcé de sécurité juridique pour les salariés des pays tiers et la garantie d'un certain nombre de droits, modulés en fonction de la durée de leur séjour. Elle prévoit l'obligation d'un contrat de travail fondé sur l'égalité de traitement avec les ressortissants nationaux et la création d'un titre unique intitulé « permis de séjour-travailleur » qui autorise à la fois l'entrée sur le territoire et le séjour, ainsi que l'accès au marché de l'emploi. En outre, des dispositions spéciales ont été prévues pour certaines catégories particulières de travailleurs, tels que les travailleurs transfrontaliers et les personnes transférées à l'intérieur de leur entreprise.

Cette proposition a fait l'objet de longues et laborieuses discussions devant le groupe de travail compétent du Conseil jusqu'en 2003. En définitive, le Conseil « Justice et Affaires intérieures » des 27 et 28 novembre 2003 n'a pu que constater les importantes divergences et les réserves des États membres sur ce texte. Depuis lors, cette proposition n'a plus été discutée au sein du Conseil.

La proposition de la Commission soulève, en effet, d'importantes difficultés, tant sur la forme, que sur le fond. On peut ainsi mentionner, parmi ces difficultés, la question de la base juridique, qui ne paraît pas évidente ; l'absence de véritable distinction entre le visa, le permis de séjour et l'autorisation de travail ; les interrogations sur l'analyse sur laquelle reposerait l'opposabilité de la situation du marché de l'emploi ; et, enfin, les réserves suscitées par cette proposition au regard du principe de subsidiarité. Sur ce dernier point, on peut relever que plusieurs États membres, dont la France, estiment que, en l'état, la proposition de la Commission est contraire au principe de subsidiarité, car elle ne se contente pas de fixer les règles générales, mais elle tend à réglementer dans le détail les différentes procédures. Comme le disait l'ancien ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, lors de son audition devant la délégation le 13 mars 2003 : « La France entend veiller au strict respect du principe de subsidiarité et s'opposer à la mise en place d'un dispositif trop rigide qui ne répondrait pas aux besoins des États membres ». Mais surtout, l'objectif visé par la Commission suscite d'importantes divergences de vues entre les États membres. Cette directive pose, en effet, la question de la mise en place d'une politique européenne de l'immigration économique, qui est considérée par certains États, tels que l'Allemagne ou l'Autriche, comme ne relevant pas des compétences de l'Union européenne. En ce sens, on peut la rapprocher de la question de la mise en place éventuelle d'un système de quotas au niveau européen, qui avait été proposée par la présidence italienne avec le soutien de la Commission européenne, mais qui avait reçu un accueil mitigé lors du Conseil européen de Thessalonique de juin 2003. En définitive, à l'issue de ce Conseil, les chefs d'État et de gouvernement avaient simplement demandé à la Commission de présenter une étude sur ce sujet au cours de l'année 2004.

Étant donné que les discussions sur cette proposition semblent bloquées pour une durée indéterminée, la délégation a décidé de ne pas intervenir plus avant dans son examen. En cas de relance des négociations, la délégation s'est bien entendu réservée le droit d'intervenir à nouveau à son propos.