COM (2000) 561 final  du 05/10/2000
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 26/02/2001

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 26/10/2000
Examen : 08/11/2000 (délégation pour l'Union européenne)


Politique commerciale

Communication de M. Jean Bizet sur le texte relatif
à l'accès des pays les moins avancés au marché communautaire

Je souhaite également attirer l'attention de la délégation sur la proposition E 1575, dont l'objet est d'accorder un accès complètement libre au marché communautaire pour les productions des pays dits « les moins avancés ». Voici en quelques mots de quoi il s'agit.

L'Organisation mondiale du commerce (OMC) a arrêté en 1996 un plan d'action destiné à améliorer l'accès des pays en développement les moins avancés (PMA) aux marchés des pays industrialisés. Ce plan recommande notamment aux pays industrialisés d'octroyer aux produits originaires des PMA un accès en franchise de droits.

La Communauté a donné une première suite à ce plan en accordant à tous les pays les moins avancés les avantages commerciaux prévus dans la Convention de Lomé.

Par ailleurs, l'accord de Cotonou, qui a été conclu en juin dernier, prévoit que la Communauté permettra, au plus tard à la fin de l'année 2005, un accès en franchise de droits pour l'essentiel des produits originaires de l'ensemble des PMA.

La Commission propose d'aller au-delà de ces engagements en accordant dès à présent à tous les produits des PMA (excepté les armes et les munitions) une franchise des droits de douane sans limitation quantitative.

Cette proposition est généreuse dans son principe, mais on peut s'interroger sur la cohérence d'ensemble de la démarche de la Commission. En effet, pour trois productions agricoles - la banane, le riz et le sucre -, la suppression totale des droits de douane ne serait pas sans conséquence. Or, précisément, des réformes des organisations de marché sont en cours de discussion pour ces trois produits. Il ne paraît pas de bonne méthode de lancer ainsi, en parallèle, des réformes qui ont été préparées sur certaines bases, et une initiative commerciale qui pourrait modifier ces bases.

Je vous propose donc de suggérer que le cas de ces trois produits soit au moins provisoirement réservé. La Commission a annoncé qu'elle allait présenter une étude d'impact concernant les effets d'une libéralisation totale pour ces trois produits. Il paraît nécessaire d'attendre en tout état de cause les résultats de cette étude avant qu'une décision ne soit prise. Un certain souci d'affichage politique ne doit pas conduire à prendre à la hâte des décisions qui pourraient se révéler ingérables, d'autant que des risques de fraude à grande échelle ne peuvent être écartés.

Par ailleurs, parmi les pays les moins avancés figurent deux pays - l'Afghanistan et la Birmanie - dont le comportement en matière de droits de l'homme est particulièrement condamnable. On peut se demander dans quelle mesure il est judicieux sur le plan politique d'accorder unilatéralement des avantages commerciaux à ces deux pays.

Il me semble que nous pourrions faire état de ces différentes réserves ou interrogations dans une lettre au Gouvernement.

A l'issue de cette communication, la délégation a décidé d'adresser une lettre au ministre délégué chargé des Affaires européennes.

Annexe : copie de la lettre adressée à M. Pierre Moscovici.


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DÉLÉGATION
POUR
L'UNION EUROPÉENNE

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Paris, le 10 novembre 2000

LE PRÉSIDENT

 

Monsieur le Ministre,

Lors de sa réunion du 8 novembre, la délégation pour l'Union européenne a examiné le texte européen E 1575 (COM (2000) 561) tendant à accorder aux produits originaires des Pays les Moins Avancés un régime de franchise de droits de douane sans aucune limitation quantitative. Ce texte, allant au-delà des engagements contenus dans l'accord de Cotonou, est destiné en particulier à s'appliquer, à l'issue d'une courte période de transition, aux secteurs du sucre, de la banane et du riz.

Des réformes des organisations communes de marché étant actuellement en cours d'examen pour ces trois produits, cet aspect de la proposition E 1575 nous est apparu au moins prématuré. Une ouverture complète du marché communautaire aux productions des PMA dans ces secteurs semble en effet susceptible d'entraîner des conséquences économiques et budgétaires importantes, de nature à modifier les bases mêmes des discussions sur les réformes des OCM.

La délégation m'a chargé, en conséquence, de vous exprimer son souhait que le cas de ces trois produits soit réservé jusqu'à ce que les discussions sur les réformes des OCM aient abouti ; elle souhaite également qu'une étude d'impact détaillée soit présentée, prenant en compte les risques de détournement et de fraude inhérents au dispositif proposé.

La délégation a observé par ailleurs que, parmi les pays auxquels s'appliquerait cette nouvelle facilité commerciale, figurent deux pays - l'Afghanistan et la Birmanie - dont le comportement en matière de droits de l'homme est particulièrement condamnable, ce qui peut faire douter de l'opportunité politique de leur accorder unilatéralement des avantages commerciaux.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, les assurances de ma vive considérable et de mes sentiments les meilleurs.

Monsieur Pierre MOSCOVICI

Ministre délégué chargé des Affaires européennes

37 Quai d'Orsay

75700 PARIS