Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 09/02/1999
Examen : 17/10/2001 (délégation pour l'Union européenne)
Texte rendu caduc par communication du Gouvernement en date du 29 août 2005


Institutions communautaires

Communication de M. Yann Gaillard
sur le projet de statut des députés au Parlement européen
(E 1209)

(Réunion du 17 octobre 2001)

Le texte relatif au projet de statut des députés au Parlement européen, déposé voici près de trois années, est toujours en cours d'élaboration. Lors de l'examen de sa version initiale, en mars 1999, nous avions adopté, à son sujet, une proposition de résolution présentée par Michel Barnier, devenue résolution du Sénat après son instruction par notre commission des lois.

Les critiques que nous formulions contre ce texte étaient nombreuses. Je vous rappellerai les trois difficultés les plus importantes que nous avions relevées :

I. La réglementation des incompatibilités

· Le projet énumérait un certain nombre d'incompatibilités, entre le mandat de député européen et d'autres fonctions ou mandats, notamment ceux de « député au Parlement d'un Etat membre » et de « président de l'exécutif d'une collectivité locale ou régionale, y compris maire d'une ville de plus de 100.000 habitants ». Ce faisant, il revenait sur la compatibilité des mandats de parlementaires européen et national expressément affirmée par l'Acte relatif à l'élection au suffrage universel direct des représentants au Parlement européen du 20 septembre 1976. A cette époque, au moment de la création du Parlement européen, il faut rappeler que la compatibilité des mandats semblait parfaitement légitime pour permettre l'information des parlements nationaux.

· Par ailleurs, le texte obligeait les Etats membres à soumettre à l'avis du Parlement européen leurs projets nationaux de réglementations en matière d'incompatibilités et rendait inopérante l'application de celles-ci en cours de mandature européenne.

Nous avions alors considéré que le régime des incompatibilités concernant les parlementaires relevait en France d'une loi organique et que l'adoption du texte en l'état porterait atteinte « aux pouvoirs et attributions des institutions de la République et, notamment du Parlement », selon la formule utilisée par le Conseil constitutionnel.

En outre, il nous semblait qu'interdire l'application immédiate de normes nationales empiétait également sur les pouvoirs des Parlements nationaux et que le respect du principe de subsidiarité se trouvait contredit par l'étendue du champ des incompatibilités envisagé par le texte.

En conséquence, nous invitions le gouvernement à obtenir, au cours des négociations ultérieures, la suppression de ces dispositions contestables.

II. L'organisation d'un régime indemnitaire unique

Le projet prévoyait, à juste raison, l'instauration d'un régime indemnitaire unique pour les députés européens, mais il autorisait les parlementaire déjà élus avant l'entrée en vigueur de ce nouveau dispositif à opter pour la poursuite du régime antérieur fondé sur le système applicable aux élus nationaux.

Nous avions trouvé étrange qu'un régime se proclamant « unique » organise lui-même une rupture manifeste de l'égalité entre les élus, selon la date de leur première élection.

III. L'imposition d'un régime fiscal

Enfin, le projet envisageait le régime fiscal applicable à ces indemnités (en l'espèce, l'impôt au profit des communautés), avec l'objectif, louable, d'assurer un traitement net égal pour chaque parlementaire. Mais nous avions estimé, alors, cette disposition excessive dès lors que le domaine de la fiscalité directe ne relevait pas de la compétence de l'Union européenne.

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Qu'en est-il aujourd'hui ?

Tout d'abord, le texte dont nous avions été originairement saisis à été divisé en deux : d'une part, un « projet de statut des députés », qui contient l'ensemble de leurs droits et obligations, d'autre part, un « projet d'acte relatif à l'élection des membres du Parlement au suffrage universel direct », dit « procédure électorale uniforme », prévoyant les règles d'élection et d'incompatibilités applicables aux députés européens.

· Pour ce qui concerne le premier volet, « Statut des députés », que la présidence belge souhaite inscrire au Conseil Affaires générales du 29 octobre prochain, plusieurs dispositions continuent de n'être pas satisfaisantes : le texte maintient le choix entre régime indemnitaire unique ou national ; il prévoit toujours un régime fiscal exclusivement communautaire, quoique assorti de dérogations bénéficiant à certains Etats membres, ce qui ne répond plus à l'objectif d'égalité de traitement affiché ; il souhaite imposer sur la même base fiscale les retraites, ce qui ne se justifie plus lorsque le député est redevenu un citoyen comme les autres...

Bref, ce document n'est pas satisfaisant en l'état. Le gouvernement français, très conscient de ces imperfections, s'attache à ce que la négociation évolue dans un sens plus favorable à la clarté et l'équité du texte et je crois donc inutile de rappeler nos propres observations.

· Pour ce qui concerne le second volet de « la procédure électorale uniforme » et notamment le régime des incompatibilités, le texte, dans sa dernière version en date de décembre 1999, paraît plus acceptable que le document initial :

- il ne fait plus mention d'un contrôle a priori du Parlement européen sur les projets nationaux d'incompatibilité, ce qui règle l'une des questions qui nous avait préoccupés ;

- s'il prévoit toujours une liste d'incompatibilités entre le mandat de député européen et d'autres mandats ou fonctions, notamment celui de parlementaire national, il n'envisage plus le cas de président d'un exécutif local. Le texte est ainsi rédigé : Article 7.2. : « A partir de la première élection au Parlement européen qui suit l'entrée en vigueur du présent Acte, la qualité de membre du Parlement européen est incompatible avec celle de membre d'un parlement national », deux dérogations étant accordées, à titre temporaire, respectivement aux membres des parlements irlandais et britanniques ;

- enfin, il autorise chaque Etat membre à étendre les incompatibilités applicables sur le plan national, ce qui respecte le principe de subsidiarité.

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La rédaction de ce dispositif me paraît donc désormais acceptable, d'autant que la situation française a elle-même été modifiée entre temps.

Lorsque nous avions étudié ce dispositif, en mars 1999, la France n'avait pas affirmé le principe d'une incompatibilité entre mandat de parlementaire européen et national même si, de facto, les partis politiques considéraient qu'il n'était pas possible de les exercer simultanément et incitaient leurs élus à opter pour l'un ou l'autre.

Depuis lors, nous avons adopté la loi organique relative aux incompatibilités entre mandats électoraux n° 2000-294 du 5 avril 2000, qui dispose, dans son article 2 (article LO 137-1 du code électoral) : « Le mandat de député est incompatible avec celui de représentant au Parlement européen ».

Dans cette nouvelle configuration, il paraît illogique que coexistent l'autorisation de cumul figurant dans l'Acte relatif à l'élection au suffrage universel direct des représentants au Parlement européen du 20 septembre 1976 et l'interdiction désormais posée par notre législation nationale. C'est pourquoi il me semble préférable d'accepter la mise en conformité des dispositifs communautaire et français permise par la rédaction proposée par le présent texte qui lèvera toute ambiguïté.

Dans ces conditions, nous pouvons considérer que, pour ce qui concerne le régime applicable à l'élection des membres du Parlement européen, le texte, dans sa rédaction actuelle, ne nous pose plus de difficultés.

Compte rendu sommaire du débat

M. Hubert Haenel :

Je vous précise que si la loi organique française ne mentionne d'incompatibilité qu'à l'égard des députés, celle-ci s'applique ipso facto aux sénateurs, couvrant ainsi la qualité de parlementaire au sens large.

Si vous en êtes d'accord, nous pouvons donc considérer que notre réserve d'examen est levée pour ce qui concerne le texte de procédure électorale uniforme, et nous en remettre à la vigilance du Gouvernement pour la poursuite des négociations relatives au statut des députés.