Table des matières


Mercredi 9 mai 2001

- Présidence de M. Denis Badré, président -

Mission commune d'information chargée d'étudier l'ensemble des questions liées à l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises - Table ronde sur l'expatriation des joueurs de football

La mission commune d'information chargée d'étudier l'ensemble des questions liées à l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises, a organisé une table ronde réunissant plusieurs personnalités du monde du football afin d'examiner les conséquences de l'expatriation des joueurs de football français en Europe.

A titre liminaire, M. Denis Badré, président, a souligné le rapprochement qui avait été fait, à plusieurs reprises, entre la situation de certaines professions hautement qualifiées dans le domaine de la finance et les sportifs de haut niveau, lors des précédentes auditions. Il a observé que l'ensemble de ces salariés étaient parfaitement mobiles en Europe et possédaient des compétences qu'ils pouvaient très facilement exercer hors de France. Il a remarqué que, dans ces conditions, la localisation de ces salariés dépendait grandement de l'environnement social et fiscal des différents pays européens.

M. Denis Badré, président, s'est interrogé en particulier sur le caractère positif, ou négatif, de ce phénomène d'expatriation, ainsi que sur l'opportunité du financement public de la formation professionnelle des joueurs, dans la mesure où cet investissement bénéficie de moins en moins aux clubs nationaux.

M. Denis Badré, président, a souhaité que les débats permettent de mesurer l'importance et la gravité du phénomène d'expatriation des joueurs de football, et d'esquisser d'éventuelles solutions.

M. Laurent Perpère, président délégué du Paris-Saint-Germain, a rappelé que les joueurs de football de haut niveau possédaient des compétences très pointues qui faisaient qu'ils étaient très recherchés. Il a souligné leur grande mobilité et leur forte employabilité qui les rapprochaient d'autres professions, comme les pilotes de ligne ou certains spécialistes des marchés financiers.

Il a considéré que, compte tenu de la faible durée de leur carrière professionnelle, les joueurs étaient amenés à maximiser leurs gains afin d'assurer leur avenir, ce qui les amenait à privilégier les clubs qui leur permettaient d'obtenir le revenu net le plus élevé.

M. Laurent Perpère a souligné qu'il s'agissait là du premier exemple de salarié européen. Il a observé que l'environnement français était extrêmement pénalisant pour les clubs nationaux compte tenu du niveau des prélèvements obligatoires. Il a expliqué que, lorsqu'un club comme le PSG versait à un joueur un revenu net de 100 francs, le coût total pour le club s'élevait à 330 francs, alors qu'il ne s'élevait qu'à 185 francs pour un club britannique.

M. Jean-Jacques Amorfini, vice-président de l'union nationale des footballeurs professionnels, a considéré que l'expatriation des joueurs de football avait été organisée par les clubs, qui pouvaient ainsi obtenir un bénéfice financier du fait du transfert. Il a expliqué que le départ de nombreux jeunes joueurs s'expliquait par les contrats et les plans de carrière qui leur étaient proposés par les clubs étrangers, alors que ces joueurs n'étaient considérés que comme des stagiaires dans les clubs français. Il a observé que ces joueurs étaient le plus souvent satisfaits de leur expatriation et notamment de l'environnement qu'ils pouvaient trouver, tant sur le plan de l'encadrement que de l'émulation.

M. Philippe Diallo, directeur de l'union des clubs professionnels de football, a rappelé que l'expatriation des sportifs exerçant des disciplines individuelles, comme le sport automobile et le tennis, était un phénomène déjà ancien. Il a souligné que cette tendance avait touché le football à l'issue de l'arrêt Bosman rendu le 15 décembre 1995 par la Cour de justice des Communautés européennes qui avait libéralisé le marché du travail dans le football et provoqué l'augmentation du nombre de transferts.

Il s'est interrogé sur le fait de savoir si le footballeur devait être considéré comme un salarié ordinaire, compte tenu des spécificités de la relation salariale entre le joueur et son employeur. Il a expliqué, en effet, que les rapports de force jouaient en faveur des salariés lorsque ceux-ci étaient talentueux.

Il a souligné la nécessité pour les instances sportives ainsi que pour les pouvoirs publics de définir des règles qui permettent de mettre un terme aux distorsions de concurrence entre les différents pays européens.

M. André Bodji, secrétaire général de l'union nationale des entraîneurs et cadres techniques du football, a remarqué qu'il existait deux catégories d'entraîneurs : les plus connus, qui étaient très recherchés, et les autres, qui pouvaient rencontrer des difficultés pour exercer leur profession.

M. Bernard Simondi, secrétaire général de l'union nationale des entraîneurs et cadres techniques du football, a estimé que la situation des entraîneurs n'était pas fondamentalement différente des celles des joueurs du fait de l'insuffisance de l'offre par rapport à la demande en entraîneurs reconnus au niveau européen.

M. Jacky Soulard, directeur du centre de formation du Football-club de Nantes, a expliqué que les clubs formateurs rencontraient les plus grandes difficultés à conserver leurs joueurs étant donné le caractère directement employable de ceux-ci.

M. Laurent Perpère a considéré qu'il était indispensable d'adopter des règles spécifiques afin de préserver l'activité des clubs qui procèdent à des efforts importants de formation. Il a souligné, par ailleurs, la nécessité d'harmoniser les règles de gestion des clubs au niveau européen, afin d'éviter que certains puissent procéder à des surenchères du fait du caractère peu rigoureux de leur propre gestion.

M. Denis Provost, conseiller fiscal de l'union nationale des footballeurs professionnels, a rappelé que la carrière de footballeur était caractérisée par sa brièveté, l'irrégularité des revenus et les difficultés de reconversion. Il a observé que ces spécificités justifiaient des adaptations par rapport au droit fiscal. Il a souligné que le droit actuel ne comprenait que de légers aménagements concernant en particulier la possibilité de choisir une imposition sur le revenu étalée sur plusieurs années, ainsi que la possibilité de déduire les dépenses de reconversion qualifiante.

M. Jacques Donzel, conseiller technique au cabinet de Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, a insisté sur la nécessité de préserver la capacité des clubs à former de jeunes joueurs. Il a rappelé que cet investissement était considérable, puisqu'il était souvent nécessaire de former 10 à 12 jeunes pour découvrir un jeune talent et qu'il fallait prévoir des parcours de reconversion pour les autres. Il a observé que, si le football souffrait de la concurrence européenne, il n'était pas pour autant envisageable de mettre en place un régime fiscal complètement dérogatoire du fait de l'incompréhension que cela ne manquerait pas de provoquer chez les autres contribuables. Il a expliqué que le Gouvernement avait par conséquent privilégié la voie de l'étalement de la fiscalité et des charges sociales plutôt que celle de l'allégement.

M. Jacques Donzel a réaffirmé la nécessité de préserver l'unité et la spécificité du mouvement sportif français et d'éviter la banalisation du sport comme activité économique.

M. André Ferrand, rapporteur, s'est interrogé sur les modalités de rémunération des joueurs, ainsi que sur les raisons qui pouvaient amener certains joueurs étrangers à venir exercer dans notre championnat.

M. Léon Fatous a souhaité savoir quel était le nombre d'entraîneurs en France. Il a demandé également des précisions sur les modalités de financement de transfert des joueurs.

M. Laurent Perpère a expliqué que la rémunération des joueurs était composée du salaire, d'avantages en nature comme la mise à disposition d'un véhicule, de primes de victoire ou de qualification, ainsi que d'une prime à la signature. Il a précisé qu'il n'existait pas de contrat d'image pris en charge par les clubs et que, contrairement à d'autres pays, les joueurs ne bénéficiaient pas systématiquement d'une quote-part sur le montant des transferts.

Il a remarqué que les joueurs étrangers étaient relativement peu nombreux et qu'ils considéraient souvent le passage par un club français comme une étape avant de rejoindre un grand club européen.

Il a observé que l'âge de départ des jeunes joueurs français vers l'étranger avait tendance à décroître, puisque ce phénomène concernait maintenant des joueurs âgés de 15 ans. Il a expliqué que la réforme envisagée avait pour objet de préserver la relation entre le joueur et le club formateur jusqu'à 23 ans.

M. Frédéric Potet, journaliste au service des sports du journal Le Monde, a considéré qu'il était contradictoire de regretter le départ des jeunes joueurs français, alors même que les clubs recrutaient de très jeunes joueurs africains.

M. Jacky Soulard a remarqué qu'il existait une différence notable entre ces deux phénomènes, puisque les clubs français proposaient des formations aux jeunes joueurs africains, au contraire des grands clubs européens concernant les jeunes joueurs français.

M. Jacques Donzel a estimé que le phénomène des départs précoces était particulièrement inquiétant. Concernant les réformes à entreprendre, il a cité le projet de fonds d'épargne reconversion qui devrait permettre aux joueurs de mieux négocier leur fin de carrière. Il a souligné, par ailleurs, que les aspects fiscaux ne suffisaient pas à expliquer les distorsions de concurrence en Europe qui trouvaient également leur origine dans les différences de moyens financiers des clubs, ainsi que dans le montant des droits de retransmission télévisée.

M. André Bodji a considéré qu'il était également nécessaire de réfléchir à des aménagements de la situation sociale et fiscale des entraîneurs. Il a précisé que l'organisation qu'il représentait comptait 260 membres, avant d'observer que les grands clubs comptaient plusieurs entraîneurs auxquels s'ajoutaient les entraîneurs de 300 clubs amateurs.

En conclusion, M. Denis Badré, président, a remarqué que le succès de l'équipe nationale et des joueurs français trouvait son origine dans le primat donné à la formation. Il a souligné la nécessité d'établir des règles respectueuses des joueurs qu'il convenait de considérer avant tout comme des personnes. Il a observé qu'à la différence de certaines activités économiques confrontées à une concurrence mondiale, l'activité des clubs devait faire face à une concurrence essentiellement européenne.

Jeudi 10 mai 2001

- Présidence de M. Denis Badré, président -

Audition de M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la mission commune d'information chargée d'étudier l'ensemble des questions liées à l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises, a procédé à l'audition de M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

En introduction, M. François Huwart s'est félicité de ce que la mission d'information du Sénat, en se saisissant de la question large de l'expatriation, ait souhaité éclairer le pays sur les difficultés, réelles ou supposées, qui pouvaient en découler, soulignant qu'à un moment où l'essentiel de la croissance économique française dépendait de sa capacité à exporter, il convenait de s'interroger sur les avantages que la France pouvait tirer, au plan national, d'une forte présence à l'étranger, qu'il s'agisse des hommes, des entreprises ou des capitaux.

Après avoir observé que la mobilité internationale des biens, des capitaux et des hommes, comme l'ouverture des économies, ne pouvaient que s'accélérer, il a rappelé que, depuis 1950, les échanges mondiaux avaient été multipliés par 18, les investissements directs par 2.500, tandis que le produit intérieur brut mondial ne s'était accru que de 5 %. Il a précisé que le montant des investissements directs à l'étranger dans le monde a atteint en 1999 des niveaux records (865 milliards de dollars, 27 % de plus qu'en 1998), et qu'ils pourraient être une nouvelle fois dépassés en 2000, une première estimation de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED), annonçant un chiffre de l'ordre de 1.100 milliards de dollars. Il a estimé que cette évolution, portée par les fusions et acquisitions, était la manifestation d'une recomposition internationale des grandes entreprises.

M. François Huwart a ensuite évoqué la présence des entreprises françaises à l'étranger. Il a souligné que les flux de la France vers l'étranger avaient connu en 1999 une progression record, enregistrant leur quatrième année de progression consécutive avec une augmentation de 148 % par rapport à 1998. Il a indiqué que le montant des investissements français à l'étranger s'était établi à près de 665 milliards de francs, plaçant ainsi la France au troisième rang mondial, derrière le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Il a noté que l'expatriation d'un cadre français, comme l'investissement direct à l'étranger, étaient des phénomènes ambivalents, observant que si certains pouvaient être une ressource perdue, il préférait dire que c'était un atout pour le rayonnement international de la France.

Il a estimé à ce propos que la présence commerciale de la France et le nombre de nos expatriés étaient très largement liés. Il a ainsi relevé qu'au niveau global, la relation était, en moyenne, quasiment de 1 pour 1 : chaque expatrié correspondant, à peu près, à un million de francs exportés. Il y a noté, à titre d'exemple, qu'avec 141 000 Français en Belgique, les exportations françaises dans ce pays étaient de 132 milliards de francs et qu'au Soudan, avec 500 Français, on constatait un peu plus de 500 millions exportés.

Il a interprété ces résultats comme signifiant que les facteurs liés à la proximité géographique, aux affinités culturelles et linguistiques et à la richesse du pays, qui favorisaient les exportations, étaient aussi largement ceux qui dictaient l'expatriation. Il a jugé que cela montrait également que les deux phénomènes étaient très largement imbriqués, observant que les entreprises françaises en s'implantant à l'étranger, drainaient avec elles des expatriés, qui, eux-mêmes, contribuaient au développement de services pour la communauté française. Il a indiqué qu'à l'inverse, la présence d'une communauté riche pouvait être un facteur de succès pour une entreprise désireuse de s'implanter, celle-ci pouvant plus facilement s'entourer de conseils sur les particularités du marché et recruter sur place des cadres français bien intégrés au tissu local.

Evoquant les communautés françaises à l'étranger, M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, a indiqué que, compte tenu de la population immatriculée dans les consulats et de l'estimation de la population non immatriculée, on pouvait considérer que 1.900.000 Français vivaient à l'étranger. Il a souligné que ce chiffre était en constante augmentation (+ 9 % entre 1997 et 1999), observant cependant que moins de 3 % des Français vivent à l'étranger -46 % d'entre eux bénéficient de la double nationalité- dont plus de la moitié résident en Europe occidentale.

Il a estimé que plusieurs facteurs tels que la persistance d'entraves juridiques, fiscales, sociales à l'expatriation mais également les difficultés à surmonter les différences culturelles et linguistiques, expliquaient cette faible présence française humaine à l'étranger qui, d'une certaine manière, pouvait être considérée comme un handicap à notre rayonnement international. Il a indiqué que 55 % des Français déclaraient ne pas parler une seconde langue, alors que 30 % des Allemands étaient dans le même cas. Il a fait observer que le Gouvernement français avait pris conscience de cette difficulté et mis en place les mécanismes qui devraient permettre rapidement l'enseignement d'une seconde langue, et ce dès le plus jeune âge de scolarisation des enfants.

M. François Huwart a ensuite évoqué le nouveau dispositif relatif aux volontaires à l'international, qui prendra le relais des coopérants du service national (CSN), permettant aux jeunes filles et garçons, qui le souhaitent, de connaître une première expérience professionnelle à l'étranger. Il a estimé que ce dispositif constituait un atout pour ces jeunes dans la poursuite de leur carrière et permet à certains d'entre eux de se découvrir une vocation d'expatrié. Il a indiqué que 14.700 jeunes filles et garçons s'étaient portés candidats, dont 65 % de filles. Il a relevé que le démarrage était plus progressif pour les entreprises, très intéressées par cette nouvelle formule, mais qui avaient encore beaucoup recours aux CSN durant cette année charnière entre les deux dispositifs.

Analysant ensuite la qualité du réseau de soutien au développement international des entreprises, M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur a indiqué qu'il constatait à chacune de ses visites combien la présence française en réseau, à travers les agents de la DREE en service dans plus de 160 postes d'expansion économique dans le monde, était appréciée. Il a estimé que cette administration était pour lui un symbole de modernité de l'Etat, citant, à titre d'exemple, la mise en place d'un site internet commun à tous les pays concernés par l'élargissement de l'Union européenne qui permettait, avec d'autres outils, une forte réactivité aux crises comme celle de la fièvre aphteuse.

Après avoir souligné que ce réseau était aujourd'hui en pleine évolution, il a indiqué que les marchés en pleine croissance des pays émergents constituaient l'une de ses priorités et que dans le cadre des négociations de l'Organisation mondiale du Commerce, quinze correspondants multilatéraux avaient été nommés afin de jouer un rôle actif de recueil d'informations et de diffusion.

En conclusion, il a donné son sentiment sur les conséquences réelles de la présence française à l'étranger. Il a estimé que celle-ci tend à stimuler les échanges, observant que l'exemple allemand montrait combien une forte présence à travers le monde de ressortissants germaniques ayant gardé des liens forts avec leur pays, permettait une forme de « drainage des énergies ». Il a estimé qu'il fallait donc favoriser le maintien de ce lien fort entre les expatriés et la France. Il a relevé que les autorités consulaires et les postes d'expansion économique y contribuaient, tout comme les chambres de commerce françaises à l'étranger et les conseillers du commerce extérieur, dont il a souligné le rôle. Il a jugé que ce réseau était un atout du rayonnement et du développement de l'économie française dans la concurrence mondiale.

M. André Ferrand, rapporteur, a remarqué que nombre de chefs d'entreprises auditionnés par la mission estimaient que, si les pouvoirs publics parvenaient à mettre la France au même niveau que ses partenaires en matière de fiscalité et de formalités administratives, celle-ci serait sans doute, compte tenu de ses nombreux atouts, un des pays les plus compétitifs des économies développées. Il a relevé que pénaliser ainsi les entreprises françaises dans la compétition internationale revenait à les faire « courir un sprint avec des semelles de plomb ».

M. François Huwart a indiqué que la France disposait, en effet, de nombreux atouts dans la compétition internationale et, en particulier, d'infrastructures performantes et d'une main-d'oeuvre qualifiée. Il a, en outre, rappelé que la France était pour les investissements internationaux un territoire attractif en raison de la forte croissance de l'économie française. Il a concédé que l'on pouvait sans doute mieux faire notamment en matière fiscale, mais que la perception qu'ont les entreprises étrangères des performances de la France était globalement positive. Il a relevé que l'Allemagne, qui était mieux placée que la France en matière d'accueil des investissements étrangers, avait des handicaps comparables à la France en matière de fiscalité, de charges sociales ou de droit du travail.

M. André Ferrand, rapporteur, a demandé quelles étaient, selon lui, les mesures qu'il convenait de prendre pour renforcer l'attractivité du territoire français.

M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, a indiqué qu'une amélioration de la fiscalité des entreprises était sans doute souhaitable. Il a fait observer que l'essentiel des investissements étrangers en France provenait de pays membres de la Communauté européenne. Il a indiqué que les mesures à prendre pour attirer ce type d'investissements étaient différentes de celles en direction d'investissements directs en provenance d'autres pays. Il a souligné que ce type d'investissement concernait, en effet, essentiellement les secteurs à forte valeur ajoutée dans lesquels les entreprises étrangères venaient s'installer en France pour bénéficier du gain de productivité lié à la qualité de la main-d'oeuvre. Il a, par ailleurs, indiqué que pour ce qui était des mesures fiscales, la secrétaire d'Etat au budget, Mme Florence Parly, qui devrait être prochainement auditionnée par la mission d'information, devrait apporter, dans ce domaine, des précisions utiles.

M. Léon Fatous a souhaité savoir quel était le nombre d'Allemands et d'Italiens expatriés à l'étranger par comparaison au nombre de Français. Citant l'exemple des entreprises Renault implantées en Amérique Latine, il a fait observer que les opinions sur les avantages et les inconvénients de la présence d'entreprises françaises à l'étranger étaient très divergentes, certains dénonçant les effets pervers d'investissements considérés comme des délocalisations, d'autres jugeant la présence française à l'étranger encore insuffisante.

M. François Huwart a indiqué que la proportion d'Allemands expatriés à l'étranger était de 4 %, celle des Italiens de 10 %, contre 3 % pour la France. Il a considéré que la présence des investissements français à l'étranger était une bonne chose pour l'économie française, qu'elle contribuait au développement de nos exportations et ce faisant à la croissance française. Il a rappelé que le développement international des entreprises avait créé en France l'année dernière près de 35.000 emplois.

Evoquant les auditions de la mission d'information, M. André Ferrand, rapporteur, a souligné qu'il était très difficile d'obtenir une estimation fiable du nombre de ressortissants français.

M. Denis Badré, président, s'est interrogé sur la façon dont les pouvoirs publics pouvaient rendre la formule du volontariat international aussi attrayante que l'était celle des coopérants du service national.

M. François Huwart a rappelé que 14.700 jeunes avaient déjà proposé leur candidature pour le volontariat civil, ce qui illustrait une montée en puissance tout à fait satisfaisante du dispositif. Il a estimé que l'élargissement du profil des candidats permettrait sans doute d'obtenir autant de candidats que lorsque le service militaire était obligatoire, observant que le volontariat constituait pour les jeunes un excellent moyen d'accéder à un emploi.

M. André Ferrand, rapporteur, a souligné qu'on considérait généralement que les performances du commerce extérieur français résultaient de l'efficacité de son dispositif de soutien au développement international des entreprises. Il a fait observer que cette analyse était discutable, dans la mesure où les résultats du commerce extérieur français étaient essentiellement liés aux performances des grandes entreprises, et que l'action des pouvoirs publics dans ce domaine s'adressait essentiellement aux PME. Il a relevé qu'à l'inverse, la relative stagnation de la part des PME dans les échanges extérieurs conduisait à s'interroger sur les performances de notre dispositif. Il a ensuite souligné que nombre d'entreprises jugeaient l'action des directions régionales du commerce extérieur peu lisible et leur capacité à assurer la cohérence des différents acteurs locaux en faveur du commerce extérieur relativement faible. Il s'est également interrogé sur la proportion de l'activité des postes d'expansion économique qui étaient effectivement consacrée au soutien au développement international des entreprises par rapport à celle consacrée aux activités régaliennes. Evoquant la situation inégale des chambres de commerce et d'industrie implantées à l'étranger, il a enfin considéré que l'attitude des pouvoirs publics à l'égard de ce réseau n'était pas satisfaisante.

M. François Huwart a considéré que le développement international des PME était en effet une priorité de son ministère et a souligné que le réseau français d'appui au commerce extérieur était à la fois très riche, mais aussi très complexe et sans doute pas assez lisible. Il a relevé que l'initiative du ministère de l'économie et des finances consistant à instituer dans chaque région un interlocuteur économique unique, répondait aux souhaits des entreprises de pouvoir accéder à l'ensemble des informations utiles, quel que soit l'interlocuteur auquel elles s'adressent. Il a indiqué que les plans d'aide régionale au développement international tendant à coordonner dans des secteurs d'excellence l'action des fédérations professionnelles des régions et des directions régionales du commerce extérieur, devraient également contribuer à une plus grande cohérence de l'action des pouvoirs publics.

Il a ensuite souligné l'augmentation des crédits du Centre français du commerce extérieur (CFCE) et de l'Agence pour la promotion internationale des technologies et des entreprises françaises (CFME-ACTIM) en cours d'exercice et leur prochain regroupement au sein d'un site unique. Il a fait observer que la réforme de l'assurance prospection avait pour objectif d'améliorer l'accès des PME à cet outil essentiel pour amorcer le développement international des petites structures. Il s'est enfin félicité de l'action à l'étranger des chambres de commerce et d'industrie et des conseillers du commerce extérieur, qui, par leur connaissance du terrain, apportaient un complément utile à l'action des pouvoirs publics. Il a, en conclusion, estimé que la multiplicité des acteurs publics en faveur du commerce extérieur contribuait à la complexité du dispositif de soutien au développement international des entreprises, mais aussi à sa richesse. Il a considéré, en conséquence, qu'il fallait tirer profit de cette richesse en assurant une pleine cohérence des moyens mis en oeuvre. Il a jugé que les nouveaux moyens de communication devraient, de ce point de vue, permettre une meilleure circulation de l'information à l'intérieur du réseau afin d'assurer une meilleure cohérence des mesures prises.

Audition de M. Jacques Creyssel, directeur délégué au Mouvement des entreprises de France, et de M. Jean-Pierre Philibert, directeur des relations avec les pouvoirs publics au sein de cette organisation

La mission a ensuite entendu M. Jacques Creyssel directeur délégué au Mouvement des entreprises de France (MEDEF), accompagné de M. Jean-Pierre Philibert, directeur des relations avec les pouvoirs publics au sein de cette organisation.

A titre de remarque liminaire, M. Jacques Creyssel a tout d'abord regretté que la compétitivité et l'attractivité de la France ne fassent pas partie des préoccupations centrales des décideurs politiques, à l'heure de l'euro et de l'internet, contrairement à ce qui se passait chez nos voisins européens où ce thème trouvait place dans tous les discours.

Il a insisté sur l'absence d'outils statistiques permettant de doter la France d'informations objectives sur l'état de sa compétitivité, à l'instar de ce qui se passait en Belgique où la loi prévoyait des rencontres avec les partenaires sociaux consacrées à la question, citant également les indicateurs de compétitivité publiés en Angleterre et aux Pays-Bas par les instances gouvernementales.

Rappelant les résultats de l'étude commandée par le MEDEF sur « l'Attractivité du site France », M. Jacques Creyssel a souligné que les investissements étrangers tendaient à diminuer, malgré les atouts que représentaient la qualité de la main-d'oeuvre et les infrastructures françaises.

Puis, sur la base de ce constat, il a évoqué quatre pistes de réflexion.

En ce qui concerne la fiscalité, M. Jacques Creyssel a fait savoir qu'aux termes d'un classement multicritères fondé sur 7 indicateurs fiscaux, la France restait, tous indicateurs confondus, le plus mal placé des 14 pays européens considérés.

M. Jacques Creyssel a ensuite insisté sur l'aggravation de la concurrence fiscale qui résulterait, en 2003, de la finalisation de la réforme fiscale initiée par le Chancelier Schröder. Mettant l'accent sur le caractère global de cette réforme, il a cité, entre autres, la baisse des taux, la suppression de la taxation locale sur les moyens de production et l'abandon de l'impôt sur la fortune comme autant de mesures propres à replacer l'Allemagne aux premières places européennes, en termes de compétitivité.

M. Jacques Creyssel a ensuite estimé que le renforcement de l'attractivité de la France passait par l'amélioration du dialogue social. Il a considéré que la réduction du temps de travail, le mécanisme de double Smic qui contribuait au renchérissement du travail non qualifié, ainsi que l'absence de dialogue social dans les entreprises, constituaient, pour les investisseurs en puissance, un facteur d'autant plus répulsif que ces matières relevaient traditionnellement, chez nos voisins, de l'espace contractuel et non de la loi, omniprésente en France dans le domaine social.

Il a présenté la recherche, l'innovation et la propriété intellectuelle comme une troisième source de préoccupation pour s'inquiéter de la chute du nombre des dépôts de brevets français, de l'insuffisance du nombre de scientifiques, ainsi que de l'absence de liens entre la recherche et l'entreprise, considérant qu'il était urgent de réagir, alors que la France perdait pied dans des domaines de plus en plus nombreux en matière d'innovation et de propriété intellectuelle. Il a jugé nécessaire de remédier à l'absence d'incitation fiscale au développement de nouvelles entreprises et appelé notre pays à encourager la prise de risque, les débats sur les stock options ne devant pas éluder la question centrale de la compétitivité.

Il a enfin insisté sur un aspect assez rarement développé, la compétitivité du droit français. Constatant la perte de vitesse de notre système juridique, de plus en plus supplanté par le droit anglo-saxon, M. Jacques Creyssel a souhaité voir évoluer notre droit, principalement dans le sens d'une dépénalisation. Il a fait valoir combien, malgré une performance accrue de nos entreprises, la compétitivité de notre système public, en recul, aggravait le déficit d'attractivité  de la France par rapport à ses voisins beaucoup moins portés vers la sanction pénale, en particulier en matière de droit des affaires et de droit social.

M. Jean-Pierre Philibert est alors intervenu pour confirmer ces propos en indiquant avoir vu émerger de plus en plus fréquemment ce critère chez des candidats à l'investissement en France, qui évaluaient notre droit des affaires sous l'angle de la liberté contractuelle et sous celui de la sécurité juridique. Il a jugé obsolètes nos outils juridiques en matière économique, rappelant que la loi de 1966 sur les sociétés, qui régissait encore la matière, comportait un nombre très important de délits qu'il a qualifiés de « délit-obstacle », le droit de la concurrence souffrant d'ailleurs du même mal, malgré les améliorations résultant de l'adoption de la loi Galland.

Il a estimé, par ailleurs, que le droit social était lui aussi trop réglementé et trop pénalisé à la fois, l'ordre public social étant devenu extensif, citant, à titre d'exemple, des délits tels que la non convocation, dans les délais réglementaires, du comité d'entreprise et déplorait l'excessive judiciarisation des conflits sociaux.

Au cours du débat qui s'est ensuite engagé, M. Jacques Creyssel, répondant aux questions du rapporteur sur les mesures fiscales les plus opportunes, a appelé de ses voeux une réforme globale, par opposition aux petites réformes qui ont montré leurs limites. Il a également insisté sur la nécessité d'appliquer dans le temps les mesures décidées, afin de restaurer la confiance et de permettre l'anticipation. Il a estimé que le choix des mesures les plus favorables ne pouvait se faire que par comparaison avec les systèmes fiscaux voisins, soulignant toutefois que la France supportait en moyenne 450 milliards de francs de prélèvements obligatoires de plus que ses voisins.

Enfin, il a regretté l'absence totale de principes régissant le droit de la fiscalité en France, soulignant que la Cour de Karlsruhe avait pu annuler l'impôt sur la fortune en Allemagne en se fondant sur un principe constitutionnel, l'absence de caractère confiscatoire de la fiscalité. Il a également cité le principe du droit américain empêchant la rétroactivité fiscale, « règle du grand-père », sans équivalent dans notre pays, appelant de ses voeux une réforme globale permettant de définir les droits des contribuables.

Répondant au rapporteur, M. Jacques Creyssel a souligné combien le MEDEF, en menant sa propre réforme, avait su se faire le reflet du terrain et comment il avait travaillé pour devenir une force de proposition agissante, et non un syndicat de patrons uniquement réactif. Il a souhaité que le MEDEF réussisse à faire entrer la société civile au sein des instances décisionnelles de notre pays.

En réponse au président qui l'interrogeait sur ce qui constitue la nationalité effective d'une entreprise aujourd'hui, M. Jacques Creyssel a répondu qu'heureusement, 98% des entreprises françaises ne se posaient pas cette question. Il a toutefois souligné que l'attachement des grandes entreprises françaises au territoire national restait très important, même quand 85% du chiffre d'affaires se faisait à l'étranger, tout en soulignant l'internationalisation croissante des conseils d'administration qui constitue cependant une évolution normale dans toutes les grandes entreprises internationales. Il a nuancé ses propos en indiquant que l'attachement à la France diminuait plus rapidement en cas de rachat de l'entreprise par des intérêts étrangers et que, lors des fusions notamment, le siège social pouvait très bien se retrouver dans un pays tiers, citant l'exemple d'EADS.

Il a conclu en déplorant que la France soit de plus en plus mal placée dans la compétition lorsqu'il s'agit de la création ex nihilo de nouvelles unités de production.

Audition de M. François Villeroy de Galhau, directeur général des impôts

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la mission a entendu M. François Villeroy de Galhau, directeur général des impôts.

Après avoir souligné que la question de l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises n'était pas seulement de nature fiscale, mais également économique, M. François Villeroy de Galhau a formulé deux remarques liminaires.

D'une part, on se trouve confronté à un problème de mesure du phénomène, d'autant plus qu'il faut essayer de réconcilier, sur ce sujet essentiel, les chiffres et la psychologie.

Evoquant les résultats de la première enquête effectuée par les services de la Direction générale des impôts, rendue publique en juin 2000, qui avait abouti, en ce qui concerne l'impôt sur la fortune, à des chiffres de l'ordre de 350 départs par an pour les années 1997 et 1998, correspondant à une diminution de recettes de 140 millions de francs, M. François Villeroy de Galhau a indiqué que les premières tendances de l'enquête pour l'année 1999 laissaient entrevoir un certain ralentissement du phénomène, surtout en montant ; il est possible que le pic des délocalisations consécutif notamment au « plafonnement du déplafonnement » de 1995 soit en voie de résorption.

En matière d'impôt sur le revenu, il a fait savoir que l'on disposait de données convergentes : on compterait ainsi environ 24.000 départs de contribuables en 1999, comme en 1997 et 1998. Leurs caractéristiques sont très proches de la population des contribuables français, même si l'on constate un revenu moyen un peu plus élevé : on ne peut donc conclure sur l'impôt sur le revenu à une délocalisation « fiscale ».

Enfin, il a insisté sur les limites des statistiques dont peut disposer la Direction générale des impôts : il n'est pas possible de mesurer les flux inverses consécutifs à l'installation d'étrangers en France pour des raisons essentiellement juridiques ; on n'est pas en mesure d'appréhender la perte résultant, au regard de l'impôt sur la fortune, des contribuables qui s'expatrient avant d'y être soumis.

Abordant sa deuxième observation liminaire, M. François Villeroy de Galhau a fait remarquer que le débat avait tendance à se déplacer. A la seule question de l'expatriation, avait tendance à se substituer une approche plus large et plus offensive tendant à favoriser une politique délibérée de renforcement de la compétitivité du territoire national, voire ce que certains appellent désormais « l'impatriation ».

Puis, répondant aux questions que lui ont posées M. Denis Badré, président, et M. André Ferrand, rapporteur, M. François Villeroy de Galhau a replacé la politique fiscale du Gouvernement dans son contexte européen.

Il a, à cet égard, nuancé l'opposition que font certains entre la France et l'Allemagne, en soulignant que celle-ci avait su très bien présenter sa réforme fiscale : la baisse de l'impôt sur les sociétés dans ce pays a été largement financée par une modification de l'assiette de l'impôt résultant, en particulier, du changement des règles d'amortissement.

Il a ensuite affirmé que deux mesures récentes de la politique fiscale française allaient dans le sens recherché tant en ce qui concerne les entreprises que les ménages :

- la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés de 36,6 à 33,1/3 constitue une mesure forte, qui rapproche la France de la moyenne européenne, et qui a été peut-être insuffisamment notée ;

- l'allègement de l'impôt sur le revenu et de son taux supérieur représente, de son côté, une avancée appréciable : en définitive, la France reste, selon lui, attractive pour les familles de cadres supérieurs salariés avec enfants, dans la mesure où celles-ci bénéficient du quotient familial et de l'abattement de 20 %, qui n'ont pas d'équivalent à l'étranger.

A cet égard, il a insisté sur la nécessité de raisonner en termes de taux effectif d'imposition et pas simplement de taux de la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu, et a attiré l'attention sur l'importance d'une procédure de « benchmarking » réel de nature à situer la France par rapport à ses principaux concurrents.

D'une façon générale, M. François Villeroy de Galhau a indiqué qu'il fallait trouver une complémentarité entre l'harmonisation européenne et la réforme fiscale nationale. Il ne s'agit pas d'une alternative, mais de deux nécessités.

D'un côté, il a mis l'accent sur le risque d'une concurrence fiscale aboutissant à ce que chacun se spécialise dans un type de fiscalité et que, globalement, l'Europe s'aligne sur le moins disant fiscal, au risque, en particulier, de pénaliser les facteurs non mobiles au profit des facteurs mobiles. De l'autre, il fallait poursuivre un processus de réforme nationale notamment dans les deux directions déjà mentionnées, étant entendu qu'il pouvait y avoir débat sur le rythme du changement en cours.

Enfin, en réponse à de nouvelles questions de M. Denis Badré, président, et de M. André Ferrand, rapporteur, M. François Villeroy de Galhau a évoqué les problèmes de simplification des procédures, de stabilité de la règle fiscale et de retenue à la source.

Par ailleurs, tout en en soulignant l'intérêt économique, il a relevé deux questions que pourrait susciter la mise en place d'un régime fiscal spécial pour les non-résidents :

- la conciliation d'une telle mesure avec la position de la France au sein de l'Union européenne ;

- l'analyse juridique d'une telle mesure au regard de l'égalité devant l'impôt.

En dernier lieu, M. François Villeroy de Galhau a souligné, en matière d'impôt sur la fortune, qu'il fallait, quelles que soient les évolutions envisageables, concilier réalisme politique et efficacité économique, tout en faisant remarquer que, du point de vue de la théorie fiscale, le principe d'un impôt sur le patrimoine lui paraissait peu contestable, dans la mesure où il reflétait une capacité contributive.

Audition de M. Roger Fauroux, président du Haut conseil de l'intégration

La mission commune d'information a, en dernier lieu, auditionné M. Roger Fauroux, président du Haut conseil de l'intégration.

M. Denis Badré, président,
a tout d'abord souligné que les diverses fonctions assurées, durant sa carrière, par M. Roger Fauroux, le qualifiaient particulièrement pour exposer à la mission commune d'information sa vision des atouts et handicaps de la France dans un monde caractérisé par une mobilité croissante des hommes, des compétences et des facteurs de production.

M. Roger Fauroux a estimé que les entreprises françaises s'étaient adaptées de façon exemplaire au jeu de la mondialisation, le plus souvent aussi bien, voire mieux, que les entreprises des pays voisins, y compris dans les domaines marqués par une culture publique, comme le montre l'exemple de France Telecom. Nos handicaps résultent, en revanche, d'insuffisances dans la gestion de notre appareil public, notre administration fonctionnant mal au regard de la situation chez nos principaux partenaires.

Il a illustré son propos en évoquant l'impossibilité de mener à bien la réorganisation de deux directions du ministère de l'économie et des finances alors que, parallèlement, nos grandes entreprises sont capables de mener rapidement des opérations de fusion et de restructurations européennes de grande ampleur. Il a déploré les pesanteurs que notre pays ne parvenait pas à surmonter, ainsi que l'excessive centralisation aboutissant, par exemple, à imposer un arbitrage systématique du Premier ministre pour nombre de décisions, parfois mineures, compte tenu du poids et de l'attitude du ministère de l'économie et des finances.

Parmi nos handicaps, il a également cité notre système éducatif, qui ne parvient pas à se réformer, et qui semble beaucoup moins attractif pour les étudiants étrangers que celui de pays comme l'Allemagne. Il a aussi mentionné les insuffisances de la politique de la ville, qui contribuent à entretenir un sentiment d'insécurité peu propice à l'attractivité du territoire.

Il s'est dit convaincu que, malgré ces handicaps, la France ne se trouvait pas dans une situation excessivement défavorable s'agissant du solde entre les flux d'expatriation et ceux qui entrent sur son sol. Toutefois, le système fiscal lui a paru trop dissuasif pour les cadres supérieurs et les individus particulièrement actifs et entreprenants.

Revenant sur les exemples cités par M. Roger Fauroux, M. André Ferrand, rapporteur, a relevé que les organisations les plus efficaces étaient celles qui avaient su mettre en place une gestion décentralisée de leurs personnels et développer une plus grande autonomie en leur sein.

M. Roger Fauroux a considéré que la clef de l'efficacité reposait sur une plus large décentralisation et une meilleure gestion des ressources humaines de l'administration. Concernant la décentralisation, il a observé que les collectivités locales apparaissaient aujourd'hui mieux gérées que l'Etat. Il a souhaité que l'on franchisse une nouvelle étape dans la décentralisation, en l'appliquant à des secteurs qu'elle ne concernait pas aujourd'hui, notamment l'éducation nationale. Il a jugé, sur ce point, que le transfert aux régions des compétences relatives aux universités serait très positif et engendrerait une nécessaire émulation entre établissements. S'agissant de la gestion par l'Etat de ses ressources humaines, il a déploré le rôle limité auquel est réduit le ministère de la fonction publique. Evoquant la perte de prestige de l'Ecole nationale d'administration, perceptible par la diminution du nombre de candidatures, il a estimé qu'elle reflétait une dégradation de l'image de l'administration publique. Il a souligné le risque, à terme, d'un affaissement de l'Etat.

M. Denis Badré, président, a observé que les fréquentes critiques émises sur notre système éducatif n'empêchaient pas ce dernier de conserver, à l'étranger, l'image d'un appareil performant pour la formation des élites supérieures.

M. Roger Fauroux a reconnu que le mode de sélection des élites, dans le système éducatif français, entraînait un fort degré d'émulation, plutôt positif. Malheureusement, cette sélection s'opère désormais sur des bases trop étroites et n'aboutit qu'à reproduire les inégalités sociales, comme en témoigne la faible proportion de jeunes issus de l'immigration ayant pu accéder à des postes de responsabilités.

Répondant aux remarques de MM. Denis Badré, président, et André Ferrand, rapporteur, M. Roger Fauroux a regretté que notre système éducatif n'offre pas suffisamment de possibilités de promotion sociale aux jeunes issus de l'immigration. Il a relevé que, pourtant, la capacité intégratrice dont avait si bien su faire preuve notre pays par le passé, pourrait constituer, si elle s'affirmait davantage, un atout considérable pour la France dans le contexte de la mondialisation.