M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Mme Corinne Bourcier et M. Martin Lévrier applaudissent.)

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la réforme des retraites de 2023, décalant l’âge de départ à 64 ans, a été perçue par beaucoup de nos concitoyens comme une contrainte ; 70 % d’entre eux s’y opposaient et les syndicats ont suscité une forte mobilisation des travailleurs.

La commission des affaires sociales avait modifié de nombreux articles de ce texte, pourtant, afin d’atténuer certaines de ses mesures et, surtout, de prendre en compte les carrières longues et pénibles, mais aussi la carrière hachée des femmes. Elle y avait ajouté le droit à des trimestres supplémentaires pour les aidants, les sapeurs-pompiers ou encore les emplois de travaux d’utilité collective (TUC). Ces améliorations ont permis que ce projet de loi soit adopté.

Faut-il aujourd’hui la remettre en cause ? En 2021, le COR et la Drees ont dessiné des perspectives de déficit de 10 milliards d’euros par an à partir de 2026, et de 20 milliards d’euros par an à partir de 2030. Ces prévisions étaient inférieures à celles de beaucoup d’économistes. Si rien n’est fait, le déficit va augmenter, car le nombre de retraités passera de 17 millions en 2020 à 21 millions en 2035. Et le nombre de cotisants par retraité diminue, passant de 1,7 en 2020 à 1,3 en 2050. Le coût des retraites atteint presque 15 % du PIB et représente un quart des dépenses publiques.

Il faut aussi rappeler que les cotisations versées par l’État employeur, dans le cadre de la convention d’équilibre permanent des régimes, représentent 74 % des salaires des fonctionnaires civils et davantage pour les régimes spéciaux ; pour les collectivités et les hôpitaux, elles représentent 31 % des salaires, contre 16,5 % dans le secteur privé.

Dans le secteur privé, cela dit, l’État subventionne également les exonérations de cotisations qui ont remplacé le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui avait été créé par le gouvernement de François Hollande – le bon sens corrézien ! – pour rendre nos entreprises plus compétitives. Grâce à ces exonérations, des entreprises ont été créées et le taux de chômage a été ramené de 9,6 % à 7,5 %.

Il faut poursuivre dans ce sens, mais le budget de notre pays, avec 3 000 milliards d’euros de dette et 5,5 % de déficit en 2023, peut-il subventionner davantage les retraites et les entreprises ? Nous voyons bien que non.

Mme Touraine, ministre du travail dans le gouvernement de François Hollande, et le parti socialiste lui-même, ont bien compris en 2015 les difficultés qui existaient pour équilibrer les retraites et ils ont voté une loi allongeant la durée de cotisation à 43 ans pour bénéficier d’une retraite complète : pour un début de carrière à 21 ans, le départ était fixé à 64 ans.

Les partenaires sociaux doivent être davantage intégrés dans les réflexions et les actions. Pour cela, nous devons revenir à ce que le Sénat avait adopté et rétablir les quatre critères de pénibilité supprimés en 2017, mais en les adaptant à la réalité. Nous devons garantir que les travailleurs seniors ne soient pas dans la précarité et puissent continuer un travail adapté, grâce à des CDI de fin de carrière, à du temps partiel compensé, à du tutorat, à des retraites anticipées ou progressives, et avec davantage de prévention au travail, une formation accentuée et, enfin, l’augmentation des petites retraites.

En France, 57 % des travailleurs âgés de 55 à 64 ans sont en emploi, contre 72 % en Allemagne. L’objectif est donc d’augmenter le nombre de cotisants de 10 %, afin d’équilibrer le régime des retraites en 2030.

Mes chers collègues, développer l’emploi des seniors sans précarité pour eux, afin d’équilibrer le régime et de maintenir les retraites par répartition, devrait être un objectif social commun pour nos enfants et l’avenir de la France. Cet objectif est visé par notre pays. Nous ne voterons donc pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Irrecevabilité

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement.

Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, en application de l’article 40 de la Constitution, selon lequel « [l]es propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique », le Gouvernement considère que la proposition de loi d’abrogation de la réforme des retraites portant l’âge légal de départ à 64 ans, présentée par Mme Monique Lubin et plusieurs de ses collègues, n’est pas recevable et ne peut donc pas être soumise à discussion.

Mme Annie Le Houerou. Refus de débattre !

Mme Émilienne Poumirol. Encore une fois !

M. le président. Mes chers collègues, conformément à l’article 45, alinéa 4, de notre règlement, le Gouvernement soulève à l’encontre de la présente proposition de loi une exception d’irrecevabilité fondée sur l’article 40 de la Constitution. En application de l’article 45 du règlement du Sénat, l’irrecevabilité est admise de droit et sans débat si elle est affirmée par la commission des finances.

La parole est à M. le vice-président de la commission des finances.

Mme Émilienne Poumirol. M. Kanner avait demandé la parole avant !

M. Stéphane Sautarel, vice-président de la commission des finances. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en tant que vice-président de la commission des finances, je vous annonce que notre commission va se réunir dès à présent pour se prononcer sur cette question. Je sollicite à cet effet une suspension de séance de quinze minutes.

Rappels au règlement

M. le président. Avant de suspendre la séance, je donne la parole à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Kanner. Un rappel au règlement est prioritaire sur tout autre élément de procédure, monsieur le président…

La messe est dite, mesdames les ministres ! Il y a bien deux poids et deux mesures dans votre appréciation.

Voilà quelques semaines, ici même, M. Mouiller présentait une proposition de loi dont l’adoption créerait une charge publique, puisqu’elle portait sur les retraits agricoles. Ce texte était assorti du même gage exactement que celui que nous avons présenté. Et là, pas d’article 40 ! Deux poids, deux mesures, vous disais-je…

Voilà quelques jours, le 2 avril dernier, vous avez promulgué une loi visant à pérenniser les jardins d’enfants gérés par une collectivité publique ou bénéficiant de financements publics, assortie également du même gage. Là encore, le texte a été adopté, mais il a même été promulgué !

Donc, oui, il y a deux poids, deux mesures, et cette proposition de loi, que nous avons portée et qu’a défendue Mme Canalès, rapporteure, tout comme Mme Lubin, son auteure, en pâtit.

Mesdames les ministres, vous voulez, avec le soutien de la majorité sénatoriale, nous donner des leçons, mais, quand on a 3 100 milliards d’euros de dettes, quand on a un déficit qui dépassera, en 2024, 5 % du PIB, quand on présente un budget insincère, quand on refuse au Parlement un projet de loi de finances rectificative (PLFR), quand on lui refuse même un débat au titre de l’article 50-1 de la Constitution sur la situation budgétaire du pays, on n’a pas de leçons à donner, permettez-moi de vous le dire.

Vous avez décidé d’arrêter ce débat. Pourtant, il aurait pu être intéressant, susciter des échanges avec nos amis, nos partenaires, nos collègues de la droite… Le climat se dégrade, notamment à l’encontre des parlementaires, mais sachez que nous saurons nous en souvenir et pour longtemps. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. MM. Joshua Hochart et Christopher Szczurek applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour un rappel au règlement.

Mme Céline Brulin. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 32 bis de notre règlement.

Certes, l’invocation de l’article 40 par le Gouvernement impose une réunion de la commission des finances. Elle pourrait même, je pense, compte tenu du sujet, susciter une réunion de la commission des affaires sociales.

Néanmoins, je rappelle que ce texte est débattu dans le cadre de l’espace réservé d’un groupe et que le Sénat tout entier a accepté d’inscrire cette proposition de loi dans cet espace réservé. Je pense que l’examen de ce texte est nécessaire, ne serait-ce que pour tirer un premier bilan de la réforme des retraites. Effectivement, celle-ci fait débat, ce qui est parfaitement légitime. L’amélioration de la retraite des femmes, nos collègues ont dit tout à l’heure ce qu’il en était ; l’amélioration du taux d’emploi des seniors, qui devait accompagner cette réforme des retraites, nous voyons aujourd’hui ce qu’il faut en penser ; la revalorisation des petites pensions atteint 30 euros en moyenne, loin de ce qui avait été annoncé.

Alors, madame la ministre, vous nous donnez des leçons de responsabilité et de sérieux budgétaire sur un ton péremptoire. (Mme la ministre déléguée sen défend.) Pardon, mais ce gouvernement n’est pas en mesure de donner de leçons à qui que ce soit ici en la matière ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

J’alerte la majorité sénatoriale, qui est elle-même délégitimée par cette intervention du Gouvernement,…

Mme Céline Brulin. … puisque, je le répète, c’est le Sénat qui a accepté de mettre ce débat à l’ordre du jour.

Nous avons adopté ensemble, ici, un certain nombre de propositions de loi à l’unanimité, par exemple celle qui est devenue la loi du 30 décembre 2023 visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie ou encore la proposition de loi visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien. Nous avions aussi débattu de la proposition de loi visant à protéger les collectivités territoriales de la hausse des prix de l’énergie en leur permettant de bénéficier des tarifs réglementés de vente de l’énergie. (Plusieurs sénateurs des groupes UC et Les Républicains frappent leur pupitre pour signifier à loratrice que son temps de parole est écoulé.)

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Céline Brulin. Hier encore, nous avons débattu d’une proposition de loi visant à concilier la continuité du service public de transports avec l’exercice du droit de grève ; pour notre part, nous l’avons combattue, mais il était légitime qu’elle soit examinée dans cet hémicycle.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Céline Brulin. J’espère que nous saurons tous, d’une même voix, défendre ce droit d’initiative parlementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER ; Mme Monique de Marco applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour un rappel au règlement.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 38 bis de notre règlement, relatif à l’organisation de nos travaux.

Le Gouvernement invoque l’article 40 de la Constitution pour déclarer irrecevable la présente proposition de loi.

Le président de la commission des finances sait pourtant que, dans le cadre d’un espace réservé, l’interprétation de l’article 40 est souple, afin de permettre le débat sur des textes proposés par les groupes minoritaires. Nous défendons ici, au-delà de la « niche » de nos collègues socialistes, le droit d’initiative parlementaire, prévu à l’article 45 de la Constitution.

Jusqu’à présent, au Sénat, les propositions de loi étaient protégées de l’épée de Damoclès de l’article 40. Si celles des groupes minoritaires sont désormais déclarées irrecevables, nous ne pourrons plus débattre au Sénat de textes tels que la proposition de loi d’André Chassaigne devenue la loi du 17 décembre 2021 visant à assurer la revalorisation des pensions agricoles les plus faibles ou comme la proposition de loi de Philippe Mouiller visant à garantir un mode de calcul juste et équitable des pensions de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles.

Si l’on applique strictement l’article 40, alors le Parlement peut directement s’autodissoudre. Nous connaissons l’état des rapports de force au Sénat, donc nous connaissons déjà l’issue d’un vote sur l’abrogation de la réforme des retraites. Dès lors, pourquoi voulez-vous empêcher le débat et le vote du Sénat ? (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour un rappel au règlement.

Mme Laurence Rossignol. J’ai entendu beaucoup de critiques, depuis le début de ce débat, sur le fait que nous ayons déposé cette proposition de loi. La première relevait en particulier le fait que ce texte était « politique ». Mais, chers collègues, faisons-nous au moins le crédit de dire que nous faisons beaucoup de propositions de loi politiques et que celles-ci ne viennent pas uniquement de nos travées, puisque bon nombre d’entre elles sont issues du côté droit de l’hémicycle. Assumons donc de faire de la politique ! Ne serait-ce que, pour ce qui nous concerne, pour pouvoir nous adresser aux 70 % de Français qui étaient opposés à cette réforme, à ceux qui étaient dans la rue, et qui, depuis un an, digèrent très difficilement ce qui s’est passé l’année dernière.

Madame la ministre, vous avez brandi l’article 40. Enfin, ce gouvernement dialogue avec le Parlement et prend une initiative ! Depuis trois mois que le Premier ministre a été nommé, vous n’avez adopté en Conseil des ministres et soumis au Parlement, je crois, qu’un seul projet de loi : celui qui portait sur la Nouvelle-Calédonie. Nous avons débattu du texte relatif à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), mais il datait du gouvernement précédent.

Ainsi, puisque le Gouvernement n’assume pas sa fonction d’initiative des projets de loi, nous déposons des propositions de loi et nous les faisons dans l’intérêt des Français, dans l’intérêt des salariés, et ceux-ci en ont bien besoin ! Qu’il s’agisse de votre réforme des retraites, de la réforme que vous préparez sur l’assurance chômage, ou de celle que le ministre de la fonction publique prépare contre la fonction publique, il y a vraiment besoin, dans ce pays, de faire de la politique pour parler aux couches populaires ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour un rappel au règlement. (Marques dexaspération sur les travées du groupe SER.)

M. Emmanuel Capus. Je souhaite à mon tour faire un rappel au règlement en application de l’article 36, et je vise pour cela l’article 45 du règlement ; certains oublient qu’il faut viser une disposition précise du règlement lors d’un rappel au règlement…

Je veux rassurer mes collègues : nous venons de terminer le débat. Il ne faut pas dire qu’il n’y aura pas de débat, puisque nous venons de l’avoir et que chaque orateur s’est exprimé ! (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

Je partage l’avis de Daniel Chasseing : la réforme des retraites était indispensable pour sauvegarder les retraites des Français. Il ne faut pas dire n’importe quoi en prétendant que le débat serait interdit : nous venons de l’achever et il ne reste qu’à voter sur un article unique, sur lequel aucun amendement n’a été déposé. Dire aux Français qu’on nous prive de débat, c’est n’importe quoi !

Sur le fond, il ne faut pas dire non plus n’importe quoi. (Vives protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.) Le Gouvernement demande simplement que la commission des finances examine la recevabilité de ce texte. Mes collègues commissaires et moi-même allons nous réunir et nous verrons ce que décide la commission. Ne soyez pas défaitistes à ce point ! La commission des finances regardera si ce texte crée une dépense, ou non. S’il en crée, il sera déclaré irrecevable. Sinon, nous reprendrons l’examen de son article unique, qui supprime la réforme des retraites et tous les avantages que celle-ci avait octroyés à un ensemble de Français.

Par conséquent, pas de panique : ayez confiance en vos collègues de la commission des finances. Celle-ci va se réunir et tout va bien se passer. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour un rappel au règlement.

M. Thomas Dossus. Mon cher collègue, il y a des sénateurs qui ne sont pas membres de la commission des finances et qui aimeraient bien s’exprimer sur les manœuvres du Gouvernement visant à fuir le débat.

Je ne reviens pas sur les conditions baroques du débat sur la réforme des retraites, il y a un an : le Gouvernement avait choisi un véhicule législatif qui contraignait extrêmement la discussion, ce qui nous a empêchés d’aller au bout de tout ce nous voulions dire sur le sujet.

Le Gouvernement a peur de s’exposer sur le fiasco de sa gestion budgétaire. Il a peur de débattre avec le Parlement, puisqu’il ne dépose pas de projet de loi de finances rectificative, alors même qu’il a besoin de faire des économies, après s’être largement planté dans ses prévisions budgétaires.

Aujourd’hui, il veut une nouvelle fois esquiver le débat au Parlement, esquiver le vote. C’est évidemment scandaleux. Soyons clairs : en laissant le Gouvernement mettre fin au débat sur une proposition de loi examinée dans le cadre d’une niche, nous exposons toutes les niches futures à ce genre de manœuvre. D’ailleurs, un certain nombre d’initiatives parlementaires, y compris venant des rangs de la droite – quasiment toutes, en fait –, auraient pu y être exposées. Nous allons ancrer une jurisprudence dangereuse pour l’initiative parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour un rappel au règlement.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vise l’article 45, alinéa 4, du règlement.

Voici l’énième acte d’autoritarisme de ce gouvernement, qui se dérobe en utilisant l’article 40 de la Constitution. Nous souhaitons aller jusqu’au bout du débat, jusqu’au vote, après une discussion, argument contre argument.

Il est tout de même curieux que votre gouvernement invoque l’article 40, mesdames les ministres. Nous avons été une majorité, ici, à qualifier votre budget d’insincère. Vous soulevez l’article 40 contre cette proposition de loi alors que vous vous êtes vous-même corrigés, sans même nous laisser intervenir, en décidant par décret de réduire les dépenses de 10 milliards d’euros. Et voilà que vous recourez abusivement à l’article 40, après avoir abusé, c’est peu de le dire, de l’article 49.3. Et vous l’avez fait aussi à l’Assemblée nationale.

Vous nous répétez qu’il faut dire la vérité aux Français, ne pas être dans la polémique ou l’opposition stérile. Je suis membre de la commission des finances – je vais participer à sa réunion – et je l’affirme : on peut créer de nouvelles dépenses fiscales ou élargir des niches fiscales existantes sans que l’article 40 soit invoqué, même lorsque l’État ou la sécurité sociale voient leurs recettes diminuer. Voilà la vérité : malgré l’article 40, des dizaines de milliards d’euros de crédits peuvent être reportés, de même qu’il est possible de mettre en réserve une partie des crédits budgétaires. J’ai assisté à la séance de questions d’actualité au Gouvernement cet après-midi : à la faveur d’une question posée au ministre Cazenave, j’ai appris qu’il y avait un matelas de 7 milliards d’euros pour imprévus ! (Mme la ministre déléguée minimise.)

Franchement, il faut aller au bout du débat et respecter cette initiative parlementaire. Il y a eu assez de manque de respect vis-à-vis de la population, qui était majoritairement opposée à cette réforme, et vis-à-vis des parlementaires. Allons au bout du débat, celui-ci sera apaisé, respectueux et tout le monde aura sa légitimité pour donner son avis. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des finances.

M. Stéphane Sautarel, vice-président de la commission des finances. Tous mes collègues l’auront bien compris, mais je le précise : je me prononçais non sur le fond, mais sur la forme. Le règlement prévoit, dans ce cas, un renvoi à la commission des finances. L’examen de la recevabilité de la proposition de loi relève non d’une décision personnelle du président ou du vice-président de la commission des finances, mais de la commission elle-même. (M. Patrick Kanner ladmet.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quinze minutes.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Irrecevabilité (suite)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application de l’article 45 du règlement du Sénat, l’irrecevabilité est admise de droit et sans débat si elle est affirmée par la commission des finances.

Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Stéphane Sautarel, vice-président de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des finances s’est réunie et a estimé que la proposition de loi était irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.

M. le président. En conséquence, la proposition de loi d’abrogation de la réforme des retraites portant l’âge légal de départ à 64 ans est déclarée irrecevable.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi d'abrogation de la réforme des retraites portant l'âge légal de départ à 64 ans