M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie Mercier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, venue de l’Assemblée nationale, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’ajoute à une liste assez longue d’initiatives de nos collègues députés.

Initialement, cette proposition de loi visait à généraliser la pratique du testing pour lutter contre les discriminations, notamment dans l’accès à l’emploi, au logement, aux prêts bancaires ou aux services publics. Pour ce faire, elle entendait créer un service au sein de la Dilcrah.

Oui, mes chers collègues, les discriminations perdurent dans notre pays et nul ne doute que nous partageons tous cette volonté de les combattre plus efficacement, quelle que soit la nature de celles-ci.

Comme les auditions l’ont montré, confier à la Dilcrah la réalisation de tests individuels ne convainc pas les acteurs du secteur.

Le Défenseur des droits dispose déjà d’une expertise en la matière et nous ne voyons pas la nécessité de multiplier les interlocuteurs des potentielles victimes, alors que celui-ci a désormais acquis une certaine notoriété auprès de nos concitoyens. Nous saluons donc la suppression de la référence aux tests individuels par notre rapporteur.

En outre, la création d’un énième comité à l’article 2, le comité des parties prenantes, n’est pas satisfaisante. Sur ce point, rien ne remplace le rôle des pouvoirs publics et le dialogue social conduit par les partenaires sociaux !

Par ailleurs, nous ne mesurons pas non plus la pertinence de la procédure prévue à l’article 3, lorsque le résultat d’un test statistique révèle de potentielles pratiques discriminatoires. Faire intervenir successivement la Dilcrah, le comité des parties prenantes, les partenaires sociaux et l’administration du travail prendrait des mois, pour des résultats pour le moins incertains, sans mentionner que le déclenchement de ce processus serait particulièrement fastidieux, singulièrement pour les très petites entreprises (TPE) et les petites moyennes entreprises (PME).

De surcroît, le texte prévoit des sanctions très lourdes. Par hypothèse, il est probable que ces dernières soient peu appliquées…

Au-delà de la technicité de ces diverses mesures, je souhaite élargir mon propos en y ajoutant quelques éléments de contexte.

En France, aujourd’hui, les entreprises peinent à embaucher. Je vous rappelle, mes chers collègues, que, si les entreprises rencontraient déjà des problèmes de recrutement en 2022 et en 2023, ceux-ci continuent de s’accroître en 2024, quelle que soit la taille de l’établissement !

Il nous semble que le rôle du législateur n’est pas de leur imposer encore davantage de contraintes, à l’instar de la directive européenne en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD). Il est à tout le moins de les soulager dans les innombrables normes qu’on leur impose.

Quid des entreprises qui pratiquent de plus en plus l’auto-testing ? Notre rôle, comme celui des pouvoirs publics, n’est-il pas d’encourager ces initiatives, d’accompagner les comportements vertueux, plutôt que de menacer de faillite les entreprises concernées ?

Aussi le groupe Les Républicains est-il pleinement satisfait des modifications apportées au texte par notre rapporteur, dont je veux saluer le discernement rigoureux et la qualité du travail mené.

Pour l’ensemble de ces raisons, je ne doute pas que la majorité de notre groupe votera en faveur de la proposition de loi, dans la version issue des travaux de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ferai une réponse générale à vos interventions avant que nous n’abordions l’examen des amendements. Il ressort des discussions que nous souhaitons tous lutter contre les discriminations ; celles-ci sont de différents ordres.

C’est parce que nous aimons profondément notre pays qu’il faut le regarder tel qu’il est ! Ainsi, les discriminations perdurent et touchent tout le monde. Cependant, elles frappent plus durement une partie des Français.

Pourquoi avoir voulu confier la réalisation de tests individuels à la Dilcrah, ainsi que le prévoyait l’article 1er, sinon parce que cette faculté n’entravait en rien la compétence de la Défenseure des droits en la matière ? D’ailleurs, la Défenseure des droits propose elle-même un certain nombre de fiches pour aider d’autres acteurs – personnes discriminées, mais aussi avocats ou associations – à pratiquer de tels tests.

Il s’agissait donc d’un soutien supplémentaire, permettant d’aller un peu plus loin, parce que nous avons besoin d’apporter des preuves de ces discriminations, qui sont reconnues par le code pénal, afin d’offrir réparation aux personnes discriminées. Tel était l’esprit de l’article 1er.

J’en viens au comité des parties prenantes, prévu par l’article 2, qu’un certain nombre d’entre vous ont évoqué. Pourquoi l’avoir voulu ? Parce que nous avons besoin de consensus, nous avons besoin d’interroger la méthode, de pouvoir débattre. Faute de consensus sur la méthode, les publications feront l’objet de contestations.

Dans ce souci d’éviter de tels écueils et de construire un édifice plus solide, le comité des parties prenantes aurait avant tout permis de provoquer une prise de conscience et de conduire une discussion avec les entreprises, mais pas seulement. J’entends le focus qui est fait sur les entreprises, mais ce ne sont pas les seules entités qui ont vocation à être testées, puisque la proposition de loi vise tout aussi bien l’accès aux administrations, aux droits bancaires et au logement.

Si les réponses n’avaient pas été satisfaisantes alors que les tests étaient positifs, le name and shame, c’est-à-dire la publication des noms, pour faire prendre conscience du manque de mobilisation de certains, devenait un outil utile.

J’ai entendu un certain nombre de remarques sur la Dilcrah selon lesquelles elle serait juge et partie. Mais ce ne serait pas du tout le cas ! La Dilcrah permettrait d’apporter un soutien supplémentaire, mais elle ne s’occuperait pas du volet judiciaire a posteriori. Dans le fond, nous nous mobilisons simplement pour donner davantage de moyens à la lutte contre les discriminations, qui sont aujourd’hui plurielles et minent notre cohésion nationale.

Les administrations et les opérateurs de l’État ont, bien sûr, vocation à être testés. C’est uniquement en regardant notre pays tel qu’il est, alors que nous l’aimons profondément, que nous réussirons à faire évoluer les choses.

La question de la sanction est nécessaire. Une sanction administrative est indispensable, car, même si je crois à la bonne volonté des uns et des autres, dans la réalité, les discriminations perdurent. Il s’agit donc d’apporter une réponse, certes administrative, face aux entreprises et aux administrations qui ne mettraient pas en place des mesures correctrices, selon la gradation prévue dans le texte initial.

L’avantage du texte était aussi de sécuriser le name and shame pour éviter les recours contre la publication des résultats. Un certain nombre de dérogations ont déjà été prévues. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a ainsi permis la mise en place de l’index de l’égalité femmes-hommes.

Enfin, s’agissant du comité des parties prenantes, dont la commission a largement débattu, la présence des parlementaires permettait de lui conférer une légitimité plus forte.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne sais pas si mon ardente défense de l’esprit initial du texte fera évoluer les positions de certains d’entre vous, mais je tiens à vous dire que le Gouvernement sera toujours aux côtés de l’ensemble des mouvements, partis et associations qui luttent contre les discriminations, lesquelles sont un véritable fléau. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques
Article 2 (Supprimé)

Article 1er

I. – Un service, placé sous l’autorité du Premier ministre, est chargé d’œuvrer à la connaissance et à la prévention des situations de discrimination.

Ce service :

1° et 2° (Supprimés)

3° Réalise ou finance la mise en œuvre de tests de discrimination de nature statistique, selon des orientations établies par le Gouvernement après consultation du Défenseur des droits ;

4° et 5° (Supprimés)

6° Élabore chaque année un rapport d’activité, rendu public, qui présente notamment les données quantitatives et qualitatives sur l’état des discriminations en France obtenues par l’intermédiaire de tests mentionnés au 3° ainsi que les bonnes pratiques en matière de non-discrimination.

II. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de consultation des organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel pour l’élaboration de la méthodologie des tests mentionnés au 3°.

III. – (Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 16, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Remplacer les mots :

et à la prévention des situations de discrimination

par les mots :

, à la prévention et à la correction des situations de discrimination, notamment en matière d’accès à l’emploi, au logement et aux biens et services publics ou privés

II. – Alinéa 3

Rétablir les 1° et 2° dans la rédaction suivante :

1° Informe, conseille et oriente les personnes souhaitant réaliser des tests individuels de discrimination ;

2° Peut réaliser, dans des conditions déterminées par décret, à la demande de toute personne s’estimant victime d’une discrimination mentionnée aux articles 225-1, 225-2 ou 432-7 du code pénal ou aux articles L. 1146-1 ou L. 2146-2 du code du travail, des tests individuels de discrimination selon les modalités définies à l’article 225-3-1 du code pénal ;

III. – Alinéa 5

Rétablir les 4° et 5° dans la rédaction suivante :

4° Assiste, à leur demande, les personnes morales faisant l’objet des tests mentionnés au 3° du présent article pour corriger les situations de discrimination mises en évidence par ces tests ;

5° Rend publics les résultats des tests statistiques de discrimination dans les cas prévus à l’article 3 ;

IV. – Alinéa 8

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

III. – Les 1° et 2° du I sont applicables à titre expérimental pendant une durée de trois ans à compter de la publication du décret prévu au II.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Cet amendement vise à rétablir l’article 1er dans sa rédaction initiale, dont j’ai défendu le fond et l’esprit dans mon intervention lors de la discussion générale.

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Kanner, Durain, Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer les mots :

et à la prévention des situations de discrimination

par les mots :

, à la prévention et à la correction des situations de discrimination, notamment en matière d’accès à l’emploi, au logement et aux biens et services publics ou privés

Mme Corinne Narassiguin. Nous proposons par cet amendement de rétablir la version initiale du seul alinéa 1 de l’article 1er. Contrairement au Gouvernement, nous ne souhaitons pas donner à la Dilcrah la possibilité de faire des tests individuels. En revanche, nous voulons que cet article réintègre la « correction » des situations de discrimination. Nous sommes attachés à ce terme : sa présence est loin d’être anodine ; elle est même cruciale.

En effet, l’esprit de la proposition de loi est de faire changer les comportements et cesser toutes les discriminations qui découlent de ces derniers. Il est donc impératif que les tests statistiques permettent d’engager des mesures de correction.

Par ailleurs, nous souhaitons rétablir la mention spécifique de l’accès à l’emploi et au logement dans l’alinéa 1, deux domaines prioritaires en matière de lutte contre les discriminations. Cette précision, qui peut paraître superfétatoire, est d’une grande importance symbolique. Je rappelle que le rapport de l’Observatoire des inégalités de la fin de 2023 démontrait que l’origine était une forte cause de discrimination et un handicap dans l’accès à l’emploi et au logement. Il est donc important que ces termes figurent dans l’article 1er.

M. le président. L’amendement n° 7, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots :

, notamment en matière d’accès à l’emploi public ou privé, au logement et aux biens et services publics ou privés

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement ressemble beaucoup à celui que vient de défendre brillamment Mme Narassiguin.

Si les orientations des tests sont définies de manière unilatérale par le Gouvernement, nous craignons que l’adoption du texte en l’état – ce que nous ne souhaitons pas – n’entraîne une incompétence négative du législateur.

En effet, le texte prévoit de renvoyer au Gouvernement la fixation des orientations – une question essentielle –, qui échapperaient alors à tout contrôle du pouvoir législatif. Pour réduire la marge de manœuvre du Gouvernement, nous prévoyons de spécifier dans la loi, comme l’a expliqué ma collègue, que ces tests devraient notamment porter sur les discriminations en matière d’accès à l’emploi ou au logement, auxquels j’ajoute les biens et services publics ou privés.

Il faut que les tests portent toujours sur l’accès à l’éducation, un aspect clé. Certains domaines doivent toujours faire l’objet de tests afin de lutter contre les pratiques discriminatoires particulièrement importantes.

À cette fin, l’amendement prévoit donc de rétablir une disposition qui a été adoptée en séance publique à l’Assemblée nationale, mais supprimée par la suite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Je détaillerai précisément l’avis de la commission, notamment sur l’amendement du Gouvernement visant à rétablir l’article 1er dans son intégralité.

En ce qui concerne les tests individuels, comme nous l’avons tous relevé, l’ensemble des personnes auditionnées étaient opposées à ce que la compétence soit confiée à la fois à la Dilcrah et au Défenseur des droits. La Dilcrah pourrait peut-être mener des tests individuels, mais elle n’aura pas les moyens d’aller au bout de la démarche. Le Défenseur des droits héritera donc forcément, à un moment ou à un autre, du dossier. Est-il alors pertinent de faire cet aller-retour ? La Défenseure des droits l’a dit, elle a la compétence et les moyens d’agir – peut-être faudrait-il simplement lui apporter un soutien financier – et d’aller jusqu’au bout.

J’y insiste, il a été unanimement considéré qu’il n’était pas opportun de prévoir le rétablissement des tests individuels à l’article 1er.

S’agissant des tests statistiques, nous sommes, je le répète, favorables à leur généralisation ; sinon, nous aurions supprimé l’article 1er. Ces tests ont le mérite d’objectiver les situations.

En revanche, je voudrais m’inscrire en faux contre ceux qui pensent que la commission ne souhaitait pas aller jusqu’au bout de la démarche, c’est-à-dire jusqu’à la sanction. Simplement, nous estimons qu’il revient à l’administration du travail de corriger et de sanctionner les pratiques discriminatoires.

Certains collègues ont dit, notamment à propos de l’article 3, qu’il ne servait à rien de faire des tests s’il n’y avait pas de sanction. Je suis tout à fait d’accord, mais les sanctions existent déjà dans le code pénal : trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Il suffit de donner davantage de moyens à l’inspection du travail pour les appliquer. (M. Akli Mellouli sexclame.)

C’est la raison pour laquelle nous estimons inutile de prévoir une disposition législative en ce sens : il suffit d’appliquer le droit existant en donnant aux administrations les moyens de le faire.

En ce qui concerne l’amendement n° 1 du groupe socialiste, comme je viens de le dire, la commission a estimé que la compétence de la Dilcrah devait se limiter à la réalisation des tests et qu’il revenait à l’administration du travail d’accompagner l’organisation dans la transformation de ses pratiques.

J’en viens à l’énumération des situations de discrimination, qui figure également dans l’amendement n° 7 du groupe écologiste. Nous poursuivons le même objectif, mais la rédaction de la commission nous semble plus sûre. En ne prévoyant aucune énumération, elle n’oublie rien ! Insister sur les discriminations à l’embauche et au logement est une intention louable, car celles-ci représentent une grande partie du contingent des discriminations, mais il en existe d’autres.

Vous savez, mes chers collègues, qu’au Sénat nous n’aimons pas les rédactions qui comprennent le terme « notamment ». La formulation générique retenue par la commission présente l’avantage de n’exclure a priori du champ d’application aucune catégorie de discriminations, y compris celles auxquelles nous ne penserions pas forcément aujourd’hui.

J’insiste également sur le fait que les discriminations à l’emploi et à l’embauche sont bien évidemment couvertes par le terme générique retenu pour notre rédaction. De même, tous les services sont couverts, privés comme publics.

L’avis est donc défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 1 et 7 ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. L’avis est très favorable sur les amendements nos 1 et 7, car leur champ couvre tous les aspects de la vie quotidienne.

Pour compléter les propos de Mme la rapporteure, les discriminations ne portent pas aujourd’hui seulement sur l’accès à l’emploi : elles touchent aussi l’accès au logement et aux droits. C’est là tout l’intérêt de cet article tel qu’il était initialement rédigé, ce qui explique pourquoi notre amendement de rétablissement est pertinent.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 151 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l’adoption 22
Contre 302

Le Sénat n’a pas adopté.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 152 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 136
Contre 204

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par M. Rietmann, Mme Estrosi Sassone, MM. Perrin, Mouiller, Rapin, Gremillet et Pointereau, Mmes Gruny et Demas, MM. Lefèvre, Pellevat et de Legge, Mme Micouleau, M. Reynaud, Mmes Ventalon et Belrhiti, MM. Michallet, Somon, Burgoa, Belin et Saury, Mme Puissat, M. E. Blanc, Mmes Richer et Muller-Bronn, M. Tabarot, Mmes Dumont, Lopez et P. Martin, M. Sautarel et Mme Joseph, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

statistique

insérer les mots :

auprès de personnes morales de droit privé ou de droit public d’au moins 1 000 salariés ou agents publics

La parole est à M. Olivier Rietmann.

M. Olivier Rietmann. Il va de soi que, pour être considéré comme fiable et efficace, un test statistique doit s’appuyer sur un échantillon suffisamment large. C’est pourquoi cet amendement restreint l’usage des tests aux seules organisations de droit privé ou de droit public de plus de 1 000 personnes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Je suis favorable à cet amendement de bon sens de M. Rietmann.

En effet, les tests de discrimination sont avant des outils statistiques, ni plus ni moins. Les réaliser sur de trop petites organisations serait donc probablement inutile. Les résultats obtenus seraient trop précaires pour tirer des conclusions définitives sur la conformité des pratiques de l’organisation en matière de discrimination. Il est donc logique d’imposer une limite.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Sans surprise, monsieur le sénateur, l’avis est défavorable. Une telle mesure limiterait énormément la portée de cette proposition de loi et dénaturerait son esprit. On sait très bien que les entreprises de plus de 250 salariés ont des services de ressources humaines qui mettent en œuvre des politiques de lutte contre les discriminations. Le spectre doit rester le plus large possible.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.

Mme Corinne Narassiguin. Nous sommes évidemment opposés à cet amendement, qui est tout le contraire d’un amendement de bon sens. Même s’il s’en donne l’apparence, il ne repose en réalité sur aucune logique scientifique.

Nous sommes arrivés à un consensus sur le chiffre de 1 000 personnes pour les sondages d’opinion, mais cela n’a rien à voir avec le sujet des tests de discrimination ! Comme vient de le souligner Mme la ministre, avec un tel chiffre, on réduirait le champ d’application à environ 1 500 entreprises sur les quelque 4 millions que compte la France. De plus, toutes les collectivités locales et l’ensemble des services de la fonction publique territoriale en seraient exclus, ce qui limite considérablement la portée du texte.

C’est ne pas comprendre la diversité de ces tests, qui ne s’appliquent pas uniquement à la population des employés de la personne morale, publique ou privée. Cela peut aussi bien concerner les candidats. On peut par exemple montrer que les candidats à un logement font l’objet de discriminations de la part d’une agence immobilière qui comprend dix salariés. On peut également montrer, en construisant correctement un test avec une bonne méthodologie, qu’une entreprise de seulement 200 salariés pratique un tri discriminatoire des curriculum vitae à l’embauche.

Cet amendement n’a donc aucun sens. S’il était adopté, il viderait totalement de sa substance la proposition de loi, en contradiction totale avec son esprit. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Cet amendement témoigne d’une incompréhension profonde de la logique d’échantillonnage et de population. Mon cher collègue, vous affirmez qu’il faut une taille suffisante…

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. C’est cela !

M. Éric Kerrouche. … pour obtenir un échantillon pouvant faire l’objet d’un test statistique, et vous fixez ce seuil à 1 000 personnes. Or ce n’est absolument pas ainsi que fonctionne un calcul statistique.

La question de l’échantillonnage repose uniquement sur la notion de population. Les choses sont très simples : un échantillon doit être représentatif de la population dont il est issu. Pourtant, vous semblez affirmer que seules les organisations de plus de 1 000 personnes permettent de constituer un échantillon représentatif. Pas du tout !

On peut réaliser des échantillons représentatifs à partir de 50, 100 ou 500 personnes, sans aucune difficulté. C’est de la statistique ! La seule véritable question est, je le redis, de savoir si l’échantillon est représentatif ou non par rapport à la population dont il est issu.

En effectuant ce raccourci méthodologiquement infondé, vous videz la proposition de loi de tout son sens et commettez, d’un point de vue statistique, une erreur que je qualifierai de magistrale. (Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Corinne Narassiguin applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Il n’est pas nécessaire que j’ajoute quoi que ce soit à ce qui vient d’être brillamment démontré par Mme Narassiguin et M. Kerrouche.

Nous voterons nous aussi contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour explication de vote.

M. Ian Brossat. Je ne reviendrai pas sur les arguments développés par mes collègues Corinne Narassiguin et Éric Kerrouche.

De fait, adopter cet amendement revient à vider totalement la proposition de loi de sa substance. Mais alors il faut l’assumer ! On ne peut pas, d’un côté, affirmer que nous sommes tous attachés à la lutte contre les discriminations, qui sont un phénomène massif, et, de l’autre, donc, vider totalement la proposition de loi de sa substance. Il faut être un minimum sérieux et avoir le courage d’assumer ses positions.

Voter un tel amendement tout en prétendant vouloir lutter contre les discriminations révèle une forme d’hypocrisie. C’est tout simplement impossible !

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Mes chers collègues, pourquoi l’État a-t-il lancé des campagnes massives de testing en 2019 et 2020 sur de très grandes entreprises ? Parce que cela était plus éclairant, tout simplement ! (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. Éric Kerrouche. Du point de vue de la méthode, c’est faux !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. À la suite du propos de Mme la rapporteure, je veux indiquer que cela n’a strictement rien à voir.

La question qui est soulevée aujourd’hui concerne les tests sur des comportements de la vie quotidienne. Je reprendrai l’exemple de l’agence immobilière : des comportements discriminants peuvent être relevés dans une entreprise de trois ou dix salariés, et il s’agit précisément de l’alerter sur ce point.

La grande campagne qui a été lancée s’inscrit dans le cadre du plan de lutte contre les discriminations, dont le champ d’application est plus large que celui des seules entreprises.