M. Emmanuel Capus. Excellent !

situation du logement

M. le président. La parole est à M. Adel Ziane, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Adel Ziane. Depuis 2017, les crises se multiplient dans notre pays : « gilets jaunes », retraites, émeutes urbaines, monde agricole… Toutefois, une crise a atteint un point de non-retour : celle du logement, et en particulier du logement social.

Soixante-dix ans après l’appel de l’abbé Pierre que vous évoquiez à l’instant, votre responsabilité est immense et vos réponses ne sont pas à la hauteur.

Pas à la hauteur, au moment où le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre a présenté des chiffres dramatiques : 12 millions de personnes fragilisées par la crise du logement, 4 millions de personnes mal ou non logées, 1 million de personnes dans un habitat indigne et plus de 300 000 personnes sans domicile en France.

Pas à la hauteur, au moment où nous n’avons toujours pas de ministre du logement – peut-être prochainement ?

Pas à la hauteur, enfin, quand M. le Premier ministre, dans son discours de politique générale, aura à peine consacré trois minutes à ce sujet extrêmement important, pour nous proposer finalement – suscitant une consternation partagée par l’ensemble des acteurs concernés, à savoir les maires des plus grandes villes de France, qui vous ont adressé une lettre ouverte, les associations de locataires et de solidarité ou les spécialistes de l’immobilier – de modifier le calcul de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) pour y intégrer les logements locatifs intermédiaires (LLI), tour de passe-passe statistique qui cassera le thermomètre de la mixité sociale et dont l’incidence sera quasiment nulle, voire négative, sur la production de logements sociaux dans notre pays.

Ma question est simple : comptez-vous abandonner cette proposition et enfin mettre en œuvre une politique volontariste et ambitieuse en matière de logement ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K et sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, votre question n’est pas tout à fait à la hauteur du moment. (Protestations et marques dironie sur les travées du groupe SER.) Elle ne l’est pas, car, à vous entendre…

M. Rachid Temal. Et la démocratie ?

M. Christophe Béchu, ministre. La démocratie, c’est le respect !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous ne sommes pas à l’Assemblée, ici !

M. Christophe Béchu, ministre. À vous entendre, une crise frapperait notre pays, nous serions sur un îlot de déstabilisation et de difficultés, quand dans tous les pays, aujourd’hui, la hausse des taux d’intérêt et l’augmentation des coûts de construction et des matériaux ont entraîné une baisse de la production.

M. Rachid Temal. Et la loi SRU !

M. Christophe Béchu, ministre. En Allemagne, où vos amis sont en responsabilité, la baisse des mises en chantier est comparable à celle de la France. Idem en Chine ou aux États-Unis ! Partout !

M. Christophe Béchu, ministre. Alors dire que nous aurions un problème français, sincèrement, c’est passer à côté d’une forme de responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées du groupe SER.)

De plus, vous pointez du doigt le Gouvernement dont la réponse ne serait pas à la hauteur ! Monsieur le sénateur, les mesures que nous avons prises, si elles n’ont pas enrayé la crise, ont permis de la juguler dans un domaine où le recul est moins important qu’ailleurs, précisément le logement social. La baisse de la construction dans le logement social est deux fois moins importante, et c’est le secteur du très social qui a le moins reculé. (Mme Dominique Estrosi Sassone sexclame.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Formidable ! Tout va bien !

M. Christophe Béchu, ministre. Avec le plafonnement du taux du livret A à 3 % et avec les programmes de rachat décidés par CDC Habitat – pour le compte du Gouvernement – et par Action Logement, nous avons limité cette baisse.

Ensuite, à vous entendre, il y aurait une forme de ségrégation sociale conduisant à considérer que tout ce qui n’entre pas dans le périmètre SRU n’est pas digne d’intérêt.

Plusieurs sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Mais non !

M. Rachid Temal. Démagogie !

M. Christophe Béchu, ministre. Or la moitié des logements locatifs intermédiaires (LLI) attribués l’année dernière ont bénéficié à des personnes sous les plafonds de ressources applicables aux logements locatifs sociaux (LLS).

En région parisienne, sur 4 500 attributions, le revenu mensuel moyen pour un couple avec deux enfants était de 3 600 euros : à un tel niveau, on ne se situe pas dans les classes supérieures et on a le droit de se voir proposer une solution de logement. (Mme Audrey Linkenheld sexclame.)

M. Christophe Béchu, ministre. Nous avons la volonté de construire des parcours résidentiels, de trouver comment soutenir au mieux les maires bâtisseurs et de reconstituer un continuum d’offres. Telle est la solution à laquelle nous devons aboutir, en nous y attelant tous ensemble, au-delà des anathèmes, au-delà des chiffres. Il importe de prendre la mesure du problème, qui est plus large : pour le résoudre, il faut l’État, il faut les collectivités locales et il faut les banques ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

M. Didier Marie. L’État est absent !

M. le président. La parole est à M. Adel Ziane, pour la réplique.

M. Adel Ziane. Pas de gêne, pas de réponse alambiquée, mais surtout pas de déni, monsieur le ministre ! Voilà un point extrêmement important, puisque, depuis le début du précédent quinquennat, donc depuis 2017, nous assistons à la baisse des aides aux locataires, aux bailleurs sociaux, à l’accession à la propriété. La production de logements sociaux est en chute libre : elle a été divisée par deux entre 2023 et 2024. Il n’y a ni soutien financier de l’État, ni objectifs de construction.

M. Rachid Temal. C’est vrai !

M. Adel Ziane. Les réponses existent : relance de la production de logements sociaux, accession à la propriété. Ces réponses, urgentes, vous ont été soumises par tous les acteurs du secteur que vous avez convoqués lors du Conseil national de la refondation Logement.

Monsieur le ministre, il faut enfin prendre à bras-le-corps la question du logement, cœur de la cohésion sociale de notre pays. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

crise du logement

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, avec respect et avec sincérité, je vais vous exprimer un coup de colère. (Murmures sur de nombreuses travées.)

Un coup de colère, parce que je suis élu d’un département dans lequel le seuil des 100 000 demandeurs de logement a été dépassé.

Un coup de colère, parce que 12 millions de personnes fragilisées par la crise du logement, ce sont 12 millions de sinistrés.

Oui, il s’agit d’une bombe sociale à retardement !

La vérité, c’est que, dès 2017, vos politiques n’ont été qu’un « J’accuse… ! » du logement social, pour libérer de toute contrainte le marché privé : baisse des APL dès l’élection du président Macron ; ponction de 1,3 milliard d’euros dans les caisses des bailleurs sociaux ; loi Élan pour obliger à vendre des logements sociaux à la découpe et faire disparaître les petits bailleurs ; loi Kasbarian-Bergé pour faciliter les expulsions ; et vous voilà désormais décidés à démanteler la loi SRU.

Monsieur le ministre, le bilan est dramatique : il n’y a plus de politique publique du logement en France. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)

M. Pascal Savoldelli. De nombreux emplois sont menacés chez les acteurs du secteur et la majorité des habitants de notre pays sont livrés à eux-mêmes face à la spéculation.

Monsieur le ministre, ma question est simple : 56 % d’augmentation des loyers dans le parc privé, stop ou encore ? Quelque 2 000 enfants à la rue, stop ou encore ? À quand l’état d’urgence du logement ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – M. Christian Bilhac applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Savoldelli, avec respect, avec dignité, je vais répondre à votre cri de colère, dont je mesure totalement la sincérité. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. La question était donc à la hauteur ?

M. Christophe Béchu, ministre. Mais cette même sincérité doit conduire à regarder les choses en face.

Pour le logement, nous n’avons pas une solution, nous avons des solutions. Notre pays compte 3,5 millions de logements vacants, pas forcément dans les zones tendues.

Il est des endroits où l’on continue de construire, indépendamment de toute couleur politique. Il en est d’autres où les habitants font à ce point pression pour ne pas avoir de voisins que cela a conduit à une diminution du nombre des permis de construire et, par anticipation, à une partie des difficultés que nous connaissons aujourd’hui.

Celui qui vous parle en cet instant compte 36,94 % de logements sociaux dans sa ville d’Angers. Le rythme de construction observé au cours des dernières années y a été supérieur à celui de Nantes et de Rennes. (Mme Sylvie Robert sexclame.) C’est bien la preuve que tout ne dépend pas que des circonstances nationales.

M. Emmanuel Capus. Très bien !

M. Christophe Béchu, ministre. Oui, monsieur le sénateur, il faut une forme d’union sacrée, autour des élus, pour simplifier les normes responsables, pour partie, du renchérissement des coûts, pour réfléchir aux moyens de rendre du pouvoir d’achat immobilier aux classes moyennes, dans la mesure où l’entassement des demandes de logement est lié à la difficulté d’accès à la propriété.

C’est à la fois le sens du choc d’offre que le Premier ministre a pu annoncer et des travaux que nous lançons au sein du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, avec Bruno Le Maire, pour expertiser, en particulier, le crédit in fine et le crédit hypothécaire, dispositifs qui, dans des pays voisins, ont permis de soulager les contraintes et de favoriser la relance.

Le logement social est un sujet qu’il nous faut regarder en face.

Au congrès de l’Union sociale pour l’habitat (USH) ont été annoncées des mesures de soutien à hauteur de 1,2 milliard d’euros. Ici même, dans cet hémicycle, a été voté le dispositif « Seconde vie », relatif à ces logements qui ne sont pas mis sur le marché, car des travaux de rénovation énergétique y sont nécessaires.

Oui à l’union sacrée, oui à la mobilisation de crédits sans précédent – c’est le cas pour l’hébergement d’urgence –, oui à la relance avec l’ensemble des acteurs. Au mois de décembre dernier, les mises en chantier ont augmenté de 22 %, les dépôts de permis de construire, de 7 %.

La stabilisation des taux du livret A et de l’inflation nous laisse penser que nous sommes précisément dans la situation où nous pouvons, avec un choc d’offre, inverser la tendance.

Nous croyons au logement pour tous, qui est plus qu’une nécessité. Nous voulons une France de propriétaires, où ceux qui le peuvent doivent avoir l’espoir de le devenir. Nous souhaitons des logements sociaux en nombre suffisant partout sur le territoire. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.

M. Pascal Savoldelli. Faute de ministre du logement, c’est à vous que je m’adresse, monsieur le Premier ministre.

Oui, nous avons à déclarer l’état d’urgence nationale du logement, autour de cinq axes : moratoire sur les expulsions, encadrement des prix du foncier, plan pour les primo-accédants, relève du niveau de production et réquisition nationale des logements vides.

Pour cela, encore faudrait-il avoir une ou un ministre du logement. Monsieur le Premier ministre, l’abbé Pierre disait : « Gouverner, c’est d’abord loger son peuple. » Vous êtes le chef du Gouvernement : alors maintenant, vraiment, gouvernez ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

coopérations dans l’audiovisuel public

M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Laurent Lafon. Madame la ministre de la culture, vous avez déclaré la semaine dernière que, pour « préserver » l’audiovisuel public, il faut « rassembler les forces » en un « pôle puissant ».

Vos propos rappellent les travaux de l’un de vos prédécesseurs, Franck Riester, qui avait présenté en conseil des ministres un projet de loi autorisant la création d’une holding pour chapeauter l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel public.

Malheureusement, la crise de la covid-19 a arrêté à l’Assemblée nationale les débats sur ce texte et vos deux prédécesseures, Roselyne Bachelot et Rima Abdul-Malak, n’ont pas souhaité reprendre le projet, faisant preuve d’une certaine crainte et se montrant quelque peu timorées sur ce sujet des coopérations dans le secteur de l’audiovisuel public.

Le Sénat, qui préconise la mise en place d’une telle holding depuis 2015, a voté en juin dernier une proposition de loi, que j’avais déposée et dont Jean-Raymond Hugonet était le rapporteur, pour – enfin – autoriser la création de cette entité.

C’est pour nous le plus sûr moyen de renforcer l’audiovisuel public dans un secteur doublement concurrencé, par les acteurs du Net et par les plateformes américaines. Il est nécessaire, en effet, de rendre pérennes et définitives ces coopérations, au travers d’une gouvernance commune et d’actions concrètes non seulement dans les fonctions supports, mais aussi dans l’investissement en faveur des nouvelles technologies, en particulier l’intelligence artificielle.

Madame la ministre, pour renforcer ces coopérations, il y a trois possibilités.

La première, ce sont les contrats d’objectifs et de moyens, tels que l’État les met en œuvre depuis plusieurs années et dont nous savons maintenant qu’ils sont inefficaces.

La deuxième, c’est la holding dont je viens de parler.

La troisième, c’est la fusion entre chacune des entités du secteur de l’audiovisuel public.

Madame la ministre, ma question est simple, elle est double : quel est le scénario que vous privilégiez pour créer ce pôle puissant que vous appelez de vos vœux et quel est votre calendrier ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le président Lafon, la réponse est dans votre question. (Murmures.)

M. Pascal Savoldelli. C’est vrai !

Mme Rachida Dati, ministre. Je souscris à tous vos arguments.

Je l’ai dit récemment, c’est vrai, tout comme je le disais d’ailleurs bien avant ma nomination comme ministre de la culture, nous avons besoin d’un audiovisuel public puissant. Telle est la réalité.

Sur ce sujet, je sais, pour avoir eu quelques échanges avec vous, que nous partageons plusieurs convictions. En témoigne, comme vous l’avez rappelé, l’adoption par le Sénat en juin dernier de votre proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle. Je m’appuierai évidemment sur ce texte, comme sur les nombreux autres travaux réalisés par le Sénat en la matière et que j’ai pu consulter. Je citerai notamment le rapport d’information de vos collègues Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, publié en 2022,…

M. Jean-François Husson. Excellent rapport !

Mme Rachida Dati, ministre. Excellent, en effet ! (Exclamations amusées.)

… ainsi que le rapport des anciens sénateurs André Gattolin et Jean-Pierre Leleux, publié en 2015 et tout aussi excellent.

Mme Rachida Dati, ministre. Le contexte actuel n’est pas sans risque et vous avez rappelé les enjeux, avec un environnement extrêmement perturbé par tous les bouleversements technologiques, par l’uniformisation des contenus, par les grandes plateformes internationales, par la désinformation à l’œuvre sur les réseaux, par l’irruption de l’intelligence artificielle.

Face à tous ces enjeux cruciaux, que vous aviez intégrés à vos travaux, il faut pouvoir, sans se dérober, apporter des réponses.

Pour ma part, je plaide pour un audiovisuel public qui rassemble toutes les forces. Telle est la teneur de votre proposition de loi. Parce que je sais qu’il y a des attentes très fortes, j’avancerai sur ce sujet en concertation avec vous.

Je le redis ici, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’appuierai, sans exclusive, sur le texte du président Lafon, sur votre expertise, sur celle de vos collègues députés.

J’agirai de même sur les autres grands sujets, que nous aborderons de manière à la fois très précise et totalement assumée. Sur le financement du service public de l’audiovisuel, en particulier, mes convictions sont connues puisque je les avais présentées bien avant ma nomination.

Mme Rachida Dati, ministre. Je rencontrerai à cet égard très bientôt les dirigeants des sociétés concernées, et nous nous reverrons évidemment pour lancer ces travaux ensemble.

Je le redis une nouvelle fois, nous ne nous déroberons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

avenir de l’audiovisuel public

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la culture.

Voilà quelques jours, madame la ministre, vous avez indiqué votre souhait d’incarner une culture populaire et ouverte sur tous les Français. Vous avez même ajouté, je cite de mémoire : « Ma vie s’est construite avec l’audiovisuel public. »

Dès lors, pourquoi ne pas commencer votre action par l’audiovisuel, qui attend une réforme depuis si longtemps ?

En effet, la loi de 1986, relative à l’ensemble de l’audiovisuel, est à bout de souffle.

L’absence de pluralisme et de réforme du service public menace le consensus national sur la nécessité de lui accorder plus de financements.

La réglementation de la production enrichit des fonds d’investissement américains, qui ont mis la main sur de nombreux producteurs français ; et j’en passe…

La débureaucratisation promise par M. le Premier ministre a-t-elle vocation à s’arrêter aux portes de l’audiovisuel français ? (M. le Premier ministre fait un signe de dénégation.)

La maîtrise de la dépense publique est-elle condamnée à ne pas concerner l’audiovisuel public, dernier adepte du « quoi qu’il en coûte » ?

Le principe de libre entreprise est-il obligatoirement destiné à ne pas s’appliquer à nos chaînes privées, entravées par des réglementations surabondantes qu’ignorent les plateformes américaines ?

En un mot, madame la ministre, les propositions que formule le Sénat de manière constante depuis 2015 sont-elles vouées à être toujours saluées, mais rarement appliquées, par des locataires de la rue de Valois d’autant plus applaudis lors de leur départ que leur bilan aura été minuscule ? (Mme la ministre de la culture sourit.)

La proposition de loi de mon collègue et ami le président Laurent Lafon, dont je fus le rapporteur, adoptée par le Sénat voilà quelques mois, constitue une base solide pour avancer.

Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser vos intentions et, surtout, votre calendrier dans ce domaine ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Rossignol. Demandez à Bolloré !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le sénateur Hugonet, je suis tentée de vous dire que je vais, pour vous répondre, reprendre les propos que je viens de tenir au président Lafon. (Murmures.)

M. Jean-François Husson. Mais en mieux !

Mme Rachida Dati, ministre. Je vais aller au plus simple : je reprendrai la proposition de loi votée par le Sénat.

Mme Rachida Dati, ministre. Dès que possible ! (Sourires.)

Vous avez raison, on applaudit parfois les bilans maigres et non les bilans réellement positifs – j’en sais quelque chose. (Murmures amusés. – M. Olivier Paccaud ironise.)

Évidemment, je vous consulterai. Évidemment, je travaillerai avec vous. Évidemment,… (Murmures prolongés.) Oui, j’en sais quelque chose, et c’est malheureusement la réalité ! Simplement, le sujet est trop sérieux et les enjeux trop lourds pour les différer encore une fois. Il faut effectivement un audiovisuel public très puissant. Sans réforme, rien ne sera possible.

Je n’ai pas non plus une bonne opinion des contrats d’objectifs et de moyens et je reconnais qu’ils n’ont pas si bien fonctionné que cela. Pour ce qui est du calendrier, je précise que nous allons démarrer ensemble, en nous efforçant de consulter l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel public.

Ces derniers ont, me semble-t-il, également avancé de leur côté sur cette volonté de réforme, sur le financement, mais aussi sur la gouvernance, notamment sur les coopérations renforcées. Je dirai même qu’ils ont avancé sur cette idée de gouvernance unique et, notamment, de fusion des réseaux de proximité, qui a un peu commencé à être mise en œuvre, sans complètement aboutir. Nous allons donc la poursuivre. La gouvernance et le financement sont des enjeux cruciaux, que nous mettrons en œuvre ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.

M. Jean-Raymond Hugonet. Nous avons entendu, madame la ministre, votre volonté d’ouvrir le débat quant à l’avenir de l’audiovisuel. Il y a urgence, car nous devons notamment nous pencher dès la fin de l’année sur l’avenir de son financement.

Autant le dire clairement, les conditions ne sont pas réunies aujourd’hui pour accorder un blanc-seing sous la forme d’une modification de la loi organique. Seule une réforme d’envergure garantissant le pluralisme et modifiant la gouvernance pourrait justifier une telle évolution.

Vous-même avez souligné l’excellence des travaux menés ici, au Sénat, dans ce domaine : nous sommes à votre disposition ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

protection de l’enfance

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marion Canalès. « La France n’est pas assez riche de ses enfants pour en négliger un seul. » Telle était, monsieur le Premier ministre, la première phrase du texte signé par le général de Gaulle à la Libération.

Entre 2017 et 2019, il n’y a pas eu de ministre chargé de la protection de l’enfance et voilà des semaines que nous attendons la composition définitive du Gouvernement.

Il a fallu une succession de drames pour que le Président de la République se rende compte, en 2019, que la protection de l’enfance exigeait un pilotage politique.

De la même façon, vous avez attendu, monsieur le Premier ministre, qu’un autre drame humain se déroule dans mon département, le Puy-de-Dôme, avec le suicide d’une enfant placée âgée d’à peine 15 ans, pour prendre enfin les décrets d’application d’une loi votée voilà deux ans. Ce fut fait hier soir, à la hâte : l’encre n’est pas encore sèche et leurs contours nous sont toujours inconnus.

Face à l’inertie de votre gouvernement, les inquiétudes et colères, légitimes, se multiplient ; vous devez les entendre.

Aurons-nous, demain, un ministre de l’enfance et de la protection de l’enfance, un ministre doté des moyens financiers pour engager, enfin, ce plan Marshall de la protection de l’enfance qui est plus qu’urgent, avec tous les acteurs concernés, et pour « désinvisibiliser » ces 350 000 enfants placés et les professionnels qui les accompagnent sans relâche ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Je vous remercie, madame la sénatrice Canalès, d’avoir rappelé la mémoire de cette jeune fille, en ce jour qui marque précisément le deuxième anniversaire de la loi, dite Taquet, relative à la protection des enfants.

Il restait à prendre, c’est vrai, un certain nombre de décrets d’application. Le Premier ministre, entré en fonction voilà trois semaines, a signé celui que vous évoquiez. (Marques dironie sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Parce qu’avant ce n’était pas la même majorité ? Il y a eu une alternance ?

M. Hussein Bourgi. Il a fallu deux ans !

Mme Catherine Vautrin, ministre. Ce décret, nous le savons, est très important puisqu’il permet d’interdire concrètement le placement d’enfants dans des établissements commerciaux. Il convient de le souligner, tant ces enfants, confiés à l’aide sociale à l’enfance, mesdames, messieurs les sénateurs, sont ceux qui ont le plus besoin d’être accompagnés.

Je me permets de le rappeler, l’esprit de la loi Taquet était précisément de favoriser la parole de ces enfants, de leur permettre d’être écoutés. Beaucoup en ont parlé, cette majorité l’a fait. Elle apporte aujourd’hui des réponses, même si celles-ci sont toujours trop longues à venir quand il est question d’enfants.

Je voudrais en outre souligner le travail que nous menons avec les départements. Ce sont eux qui, au quotidien, sont aux côtés des professionnels, des enfants. Les départements ne manquent pas de nous interpeller parce que nous devons regarder la situation avec lucidité. Après le covid-19, les violences intrafamiliales ont augmenté. (M. Yannick Jadot acquiesce.) Elles appellent des réponses. C’est le sens de notre engagement. C’est aussi le sens du projet de loi de finances pour 2024, qui a permis de prévoir un accompagnement financier en la matière.

Mesdames, messieurs les sénateurs, regardons les progrès accomplis, mesurons le chemin qui reste à parcourir et mobilisons-nous ensemble. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – Mme Denise Saint-Pé applaudit également.)

Mme Laurence Rossignol. Qu’avez-vous à dire sur la nomination du ministre ? C’était la question !

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour la réplique.

Mme Marion Canalès. Il vous reste vingt-quatre heures pour décider si, oui ou non, il y aura un ministère de l’enfance et de la protection de l’enfance. (Mme Laurence Rossignol renchérit.)

La protection de l’enfance devait être l’enjeu du quinquennat : depuis, rien.

Rien lors de votre déclaration de politique générale, monsieur le Premier ministre.

Rien pour les 350 000 enfants placés, dont 10 000 bébés, certains atteints du syndrome de l’hospitalisme.

Rien pour la santé mentale de ces enfants, qui perdraient vingt ans d’espérance de vie et font trente-sept fois plus de dépressions et de tentatives de suicide.

Rien sur la reconnaissance de l’utilité sociale des professions de la protection de l’enfance.

Rien pour les départements en première ligne et qui font face à un resserrement de leurs finances.

Le propre de la puissance est de protéger, écrivait pourtant Blaise Pascal. Votre gouvernement semble toujours plus prompt à réprimer qu’à protéger. J’en veux pour preuve que les décrets d’application relatifs au code de la justice pénale des mineurs ont, eux, été pris en trois mois, quand il a fallu attendre deux ans pour ceux qui concernent la protection de l’enfance.