Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que nous arrivons à la fin de l’examen du texte sur le bien-vieillir en France, le groupe RDPI se satisfait que nos discussions aient été l’occasion de débats de qualité et qu’elles aient pu redonner à cette proposition de loi une forme plus intelligible en réduisant le nombre de ses articles.

Nous nous réjouissons des diverses avancées obtenues, notamment pour les aides à domicile, avec la carte professionnelle ou encore les aides à la mobilité.

Nous sommes également satisfaits de l’adoption de différents amendements du groupe RDPI, qui ont enrichi le texte, que ce soit sur le service public départemental de l’autonomie ou encore sur la prise en compte des spécificités des territoires ultramarins dans les aides à la mobilité.

Néanmoins, nous regrettons que les rapporteurs n’aient pas entendu nos arguments sur plusieurs sujets, notamment sur le rétablissement des dispositions relatives au pouvoir du juge des tutelles de nommer un tuteur ou un curateur de remplacement pour les personnes âgées, ou encore sur le statut des Ehpad. Nous espérons que la commission mixte paritaire trouvera un accord sur ces questions.

Madame la ministre, nous aurions aussi aimé avoir des chiffres plus précis sur le financement de cette proposition de loi.

Je souhaite également évoquer le sujet de l’outre-mer. Lors de la discussion générale, madame la ministre, vous m’aviez répondu que vous vous engagiez à agir avec ambition pour répondre aux enjeux plus spécifiques du vieillissement en outre-mer. Je vous remercie pour ces paroles, car il est urgent d’agir pour ces territoires où le vieillissement sera particulièrement rapide, et où le parc d’Ehpad est lui-même vieillissant, voire, pour certains établissements, vétuste et même délabré, loin de répondre aux normes en vigueur.

Vous l’aurez compris, sur la question du grand âge, beaucoup reste à faire ; mais cette proposition de loi comporte des avancées utiles pour préparer notre société au vieillissement, touchant à la fois à la coordination nationale des politiques publiques, à une lutte plus efficace contre la maltraitance, ainsi qu’à un meilleur accompagnement des professionnels du secteur. Nous voterons donc sans hésitation ce texte.

Madame la ministre, nous attendons néanmoins que la promesse du Gouvernement de présenter une loi sur le grand âge d’ici à la fin de l’année se concrétise, et nous serons alors des partenaires exigeants sur le sujet. Il nous faudra continuer d’avancer sur plusieurs volets, et d’abord sur la gouvernance, pour arriver à piloter efficacement à l’échelon national des actions d’une politique très départementalisée.

Nous devrons ensuite continuer d’agir sur le financement des politiques publiques sur le grand âge. Il nous faut en effet trouver 10 milliards d’euros par an d’ici à 2030, malgré les financements toujours plus importants que le Gouvernement a consacrés à la branche de la sécurité sociale dédiée à l’autonomie créée en 2020 – en témoigne encore l’affectation de 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG) à son financement, soit 2,4 milliards d’euros supplémentaires par an, pour atteindre 42 milliards d’euros de dépenses en 2026.

Nous devons également redonner de l’attractivité au secteur, qui en manque cruellement depuis des années, et, enfin, rester vigilants sur le contrôle des Ehpad pour que les scandales récents ne se reproduisent plus. À ce titre, je suis heureuse de faire partie de la mission d’information sur le contrôle des Ehpad, qui entamera ses travaux dans quelques semaines.

Vous l’aurez compris, le groupe sénatorial de la majorité présidentielle est volontariste pour avancer sur le sujet du grand âge. Vous pouvez donc compter sur nous pour être à vos côtés, madame la ministre.

Nous devons continuer de montrer à nos aînés ainsi qu’à celles et ceux qui les soutiennent que nous nous occupons d’eux au quotidien et que nous pouvons œuvrer ensemble en faveur de leurs droits.

Comme le disait Montaigne, « la vieillesse n’est pas une maladie, mais le plus grand des mérites ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Ahmed Laouedj applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Corinne Féret. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous l’avons dit la semaine dernière : certaines dispositions de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France, prises isolément, vont plutôt dans le bon sens.

Il manque cependant une vision globale, celle qu’aurait dû contenir la grande loi annoncée depuis six ans par le Président Macron, texte que nous attendons toujours.

Ce texte aborde le sujet essentiel du vieillissement et nous questionne sur la capacité de notre société à y faire face. Il est plus qu’urgent de répondre à la peur de celles et de ceux qui vieillissent, qui craignent de se trouver isolés et de ne pas avoir les moyens d’affronter la perte d’autonomie.

Nous sommes face à un défi majeur, auquel notre société doit répondre – et ce n’est évidemment pas cette proposition de loi qui permettra de le faire…

Conscients des légitimes attentes de nos concitoyens, les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont formulé de nombreuses propositions constructives, par voie d’amendement, qui n’ont pas trouvé d’écho favorable. Nous le regrettons. Surtout, les débats en séance ont permis de mettre en lumière certains points de vigilance.

C’est le cas de l’article 1er bis F, qui crée une obligation pour les Ehpad publics autonomes de coopérer dans le cadre d’un nouveau type de groupement, à savoir les groupements territoriaux sociaux et médico-sociaux (GTSMS). Si nous sommes tous convaincus de la nécessité que les établissements coopèrent au service des personnes à accompagner, il ne faudrait pas que la création de cette obligation aboutisse à la même situation que celle qui a suivi la mise en place des groupements hospitaliers de territoire (GHT).

Plus largement, c’est une évidence : avant de réfléchir à l’organisation territoriale, aux regroupements possibles et de fixer des obligations s’imposant à tous, il eût été préférable que notre pays se fixe un cap, une stratégie en matière d’autonomie et d’accompagnement des personnes âgées, et que nous évoquions le financement. Se réunir pour échanger, c’est bien, surtout s’il y a un projet réfléchi qui part du territoire ; cependant, sans moyens, nous risquons de ne pas aller très loin.

De même, nous regrettons la suppression de toute une série d’articles comme le 11 bis B, qui prévoyait de déroger au renouvellement par tacite reconduction de l’autorisation d’un ESSMS sur la recommandation de l’évaluation externe ou si le contrôle réalisé par une des autorités compétentes le mentionne dans ses conclusions.

À la suite de la publication du livre Les Fossoyeurs, de Victor Castanet, l’ensemble de la société française et ses responsables politiques ont été scandalisés par l’insuffisance des contrôles des Ehpad, notamment des établissements à statut privé à but lucratif. Or une minorité d’entre eux voient leur autorisation d’ouverture tacitement reconduite depuis des années, malgré les alertes des financeurs – agences régionales de santé et départements – lors des contrôles. Nous voulions que ce ne soit plus possible.

Nous aurions tout autant souhaité rétablir l’article 11 bis D, qui instaurait une mesure de régulation économique garantissant que les bénéfices réalisés par les Ehpad privés lucratifs soient en partie sanctuarisés et fléchés pour participer à l’amélioration de la qualité de l’hébergement des personnes âgées.

Il en est de même de l’article 11 ter, qui permettait d’automatiser le régime des sanctions à l’encontre des établissements qui ne respecteraient pas leurs obligations de qualité de soins et d’accompagnement à la suite des injonctions qui leur seraient adressées par les autorités compétentes.

Nous souhaitions enfin rétablir l’article 12 quinquies, en vue d’obliger les Ehpad privés et leurs gestionnaires à s’inscrire dans le cadre du statut de la société à mission, et ainsi renforcer les exigences de ces structures privées en matière d’engagements d’intérêt général et d’utilité sociale.

Le rétablissement de ces articles a malheureusement été rejeté par la majorité sénatoriale.

Certes, certaines mesures vont plutôt dans le bon sens, comme la création d’un service public départemental de l’autonomie et d’une carte professionnelle pour l’ensemble des intervenants au domicile des personnes âgées ou handicapées, sous condition, quel que soit leur statut.

Nous avançons également sur la prise en charge des frais de mobilité des professionnels, surtout après l’engagement pris de soutenir la branche de l’aide à domicile dans la revalorisation de son barème kilométrique, via la création d’un fonds de soutien à la mobilité des aides à domicile doté de 100 millions d’euros par an.

Toutefois, là encore, cela ne peut pas suffire. Les tensions existantes en matière de ressources humaines dans le secteur médico-social sont autant causées par le bouleversement du rapport au travail touchant l’ensemble de la société que par de lourdes difficultés structurelles : manque de reconnaissance, droit social inadapté, risques professionnels élevés, etc. À ces dernières, le texte n’apporte pas de réelles réponses, alors que plus de 70 % des établissements du secteur rencontrent des difficultés de recrutement.

Les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont donc, logiquement, décidé de s’abstenir, bien conscients que tout ce qui avait été promis à la représentation nationale il y a encore quelques semaines ne tient plus. Ainsi, nous nous interrogeons sur le respect de l’engagement relatif au vote d’une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge avant la fin de l’année 2024. Nous aurions aimé vous entendre, madame la ministre, reprendre cet engagement à votre compte de façon claire et ferme.

Que de temps perdu, alors qu’il y a urgence à agir, investir, former, innover ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Sol, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Sol. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, vieillir n’est pas une maladie, et l’avenir que nous nous souhaitons tous est l’espérance d’une longue vie en bonne santé.

Vouloir « bâtir une société du bien-vieillir » suppose de proposer une prise en charge adaptée qualitativement et financièrement aux besoins des personnes vieillissantes.

Force est de constater que la proposition de loi adoptée par nos collègues députés constitue davantage un catalogue de mesures diverses qu’une véritable réforme des politiques de soutien à l’autonomie.

Nous avons abordé l’examen de ce texte au pas de course avec la volonté de le recentrer sur son contenu utile en faveur des personnes âgées ou en situation de handicap. Pour ce faire, nous avons supprimé une trentaine d’articles et mis en évidence des mesures structurantes.

Permettez-moi de revenir sur les points qui nous semblent importants.

En matière de gouvernance et de pilotage, nous avons supprimé la nouvelle conférence nationale de l’autonomie, considérée comme redondante. En revanche, nous avons approuvé la création du service public départemental de l’autonomie. Certes, le SPDA ne va pas bouleverser la gouvernance territoriale des politiques de l’autonomie, mais le texte permet de rendre ce dispositif souple et facilement adaptable aux spécificités de chaque territoire. En outre, le maintien à domicile est inscrit comme l’un des objectifs du SPDA, au même titre que le suivi dans la durée des personnes en situation de dépendance.

En matière de prévention de la perte d’autonomie, la généralisation du programme Icope constitue une avancée.

Nous avons clarifié son articulation avec les rendez-vous de prévention pour les 60-65 ans, créés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 et étendus aux 70-75 ans par la LFSS 2024, en précisant que les consultations contribueront au programme Icope, occasion de repérer des fragilités.

Le texte que nous allons voter prévoit également des dispositions sur le droit de visite en établissement. Les dispositions de la proposition de loi tendant à créer un droit de visite pour les malades, les personnes âgées et handicapées qui séjournent en établissements du président Bruno Retailleau, adoptée par notre assemblée, sont ainsi reprises afin d’offrir une meilleure garantie au résident ou au patient de recevoir ses proches, même en période de crise sanitaire.

Par ailleurs, conscients de l’importance des animaux de compagnie dans le quotidien des personnes en perte d’autonomie, et au déchirement que peut représenter l’admission dans un Ehpad, nous avons fait en sorte de concilier l’accueil des animaux domestiques des résidents avec les contraintes propres aux établissements.

S’agissant du signalement des cas de maltraitance, nous avons prévu la création d’une cellule sous l’autorité conjointe du conseil départemental et de l’agence régionale de santé. Cette cellule inclura également les centres Allo Maltraitance (Alma), déjà dotés d’un savoir-faire dans le recueil et l’évaluation des situations de maltraitance, notamment au moyen du numéro 3977.

Le soutien au virage domiciliaire passe par l’amélioration de l’attractivité du métier d’aide à domicile. Nous regrettons la faible portée des mesures. Nous avons décidé de soutenir la mobilité des personnels du secteur en rendant éligibles aux aides de la CNSA les actions des départements en faveur du financement du permis de conduire.

Malgré les améliorations adoptées par notre assemblée, cette proposition de loi ne répond que très partiellement aux enjeux du vieillissement de la population.

Les réponses sont en effet encore trop timides, notamment en matière de prévention de la perte d’autonomie de la personne âgée, de la personne handicapée et des proches aidants.

Il en est de même pour la question du virage domiciliaire, pourtant appelé de leurs vœux par 90 % de nos concitoyens.

Enfin, l’accompagnement de celles et ceux qui sont déjà en situation de dépendance nécessite plus d’attention.

Permettez-moi de mettre en perspective ces principaux chantiers qui devront trouver appui sur la loi de programmation.

La prévention de la perte d’autonomie est un volet central. Il est primordial de généraliser au plus tôt la mise en place de l’Icope pour repérer les facteurs de risque et prévoir un plan d’action personnalisé avec les professionnels de santé.

Dès lors, la personne âgée serait inscrite dans un continuum, dans un parcours tracé qui partirait de la prise en charge à domicile pour aller vers la résidence autonomie, le béguinage, l’habitat inclusif partagé, puis vers l’Ehpad – avec un nouveau concept à envisager –, et, enfin, vers les unités de soins de longue durée (USLD). Il s’agirait ainsi de préparer cette transition en gardant un cap.

Certes, les moyens sont nécessaires et attendus par tous ; mais pour mettre en œuvre ces propositions, il nous faut des professionnels formés, compétents, reconnus, rémunérés et un taux d’encadrement adéquat. L’attractivité des métiers y contribuera fortement.

Concernant les aides à domicile, formation, statut, rémunération et mobilité sont les mots clés pour permettre l’amélioration de la prise en charge domiciliaire. Sans cela, nous n’y arriverons pas.

S’agissant des soignants, il faut créer une spécialité infirmière en gérontologie et gérontopsychiatrie ou former des infirmières en pratique avancée (IPA) à la spécialité « grand âge », comme le préconisent les professeurs Claude Jeandel et Olivier Guérin dans leur rapport de mission sur les USLD et les Ehpad.

Il est également nécessaire de renforcer la formation. Les 50 000 postes que vous voulez créer dans les Ehpad et les services d’aide et d’accompagnement à domicile ne verront pas le jour en quelques mois seulement.

Il faut peut-être aussi penser à valoriser le métier d’aide-soignant à domicile.

Enfin, la qualité de prise en charge de la personne âgée et de la personne handicapée et la reconnaissance des proches aidants ne pourront s’améliorer qu’avec le concours de tous les professionnels – c’est-à-dire les soignants et les travailleurs sociaux –, des usagers et de leur famille, et, bien sûr, des collectivités locales et des élus.

Sur toutes les travées de notre assemblée, nous sommes convaincus que l’autonomie et le grand âge sont des enjeux centraux pour l’avenir de notre société. Nous attendons donc avec impatience, depuis six ans maintenant, une loi pour répondre aux différents défis du vieillissement.

Pour conclure, le groupe Les Républicains votera ce texte dans sa version modifiée par le Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart, pour la réunion administrative des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.

M. Joshua Hochart. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le bien-vieillir est un thème central et majeur pour l’avenir de notre nation. En effet, écouter, soutenir et accompagner nos aînés est un enjeu moral et civilisationnel. Ceux-ci sont le maillon fort de notre société, à la richesse de laquelle ils ont souvent contribué. Porteurs des valeurs que nous défendons, comme la famille et le travail, ils méritent une reconnaissance nationale par un accompagnement digne et humain tout au long de ce chapitre concluant leur parcours de vie.

Pour nous, une telle loi devrait s’articuler autour de plusieurs axes centraux.

Il convient notamment de valoriser les métiers du soin et les intervenants à domicile, en assurant aux professionnels une formation adaptée et la perspective d’une réelle évolution professionnelle.

Il en est de même du rôle des proches aidants, réelles sentinelles du quotidien et acteurs majeurs du parcours de soins de nos aînés. Accordons-leur un revenu et un accompagnement personnalisé véritables, car aider son proche peut amener trop souvent à l’épuisement moral, psychique et physique.

Nous devons par ailleurs garantir le consentement libre et éclairé de nos aînés, pour qu’ils puissent vivre.

La société du bien-vieillir que nous voulons sera fondée sur l’accompagnement à domicile avec des aménagements financés pour que le logement soit adapté aux besoins de nos aînés. Il faudra développer et améliorer la mise en réseau de tous les acteurs de ce processus.

Nous devons aussi penser l’Ehpad de demain et écouter les demandes du secteur, mais aussi des familles et des personnes âgées elles-mêmes. Chacun souhaite en effet rester à domicile dans les meilleures conditions possible.

Cette proposition de loi ne répond que très peu à cette demande. Elle n’a probablement été rédigée par ses auteurs que pour se donner bonne conscience après avoir conduit une réforme des retraites injuste et inefficace, qui a volé deux ans de vie à nos aînés et précarisé davantage nombre d’entre eux ; au mieux, ceux-ci se retrouveront au chômage, et dans le pire des cas, au revenu minimum. Rappelons-le ici, c’est une réforme misogyne qui va surtout toucher les femmes aux carrières hachées.

Que dire sur la vision du Gouvernement de l’Ehpad de demain ? En effet, l’Ehpad doit changer et être repensé pour mieux individualiser l’accompagnement et la volonté de chaque résident, à l’heure où beaucoup d’établissements sont obligés de standardiser les parcours de soins, faute de moyens, de personnel, mais aussi d’ambition politique, madame la ministre.

Le Gouvernement, comme à son habitude, propose des mesurettes, pour donner l’impression de s’attaquer aux sujets importants, suivant l’amateurisme macronien perpétuel. Les commissions des lois et des affaires sociales du Sénat, dans leur sagesse, ont déjà supprimé les articles inefficaces ou inapplicables.

Nous sommes dans l’attente d’une grande loi d’orientation sur le grand âge, dotée de véritables moyens. Nous voterons pour cette proposition de loi, mais elle reste bien timide pour mettre en place un réel accompagnement pour nos aînés durant le crépuscule de leur existence. (MM. Aymeric Durox et Alain Duffourg applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Corinne Bourcier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est un chiffre que l’on entend très souvent, et que mon collègue Daniel Chasseing a d’ailleurs rappelé lors de son intervention au cours de la discussion générale (Ah ! sur les travées du groupe INDEP.) : le nombre de personnes de plus de 85 ans va doubler entre 2020 et 2040.

D’ici à 2050, on comptera même, selon les estimations, plus de 4,8 millions de personnes âgées de plus de 85 ans. Le nombre de personnes dépendantes approchera quant à lui les 2 millions d’ici à 2040.

Il est un chiffre que l’on cite moins, et qui est peut-être, pourtant, au moins aussi parlant : on compte trente fois plus de centenaires aujourd’hui dans notre pays que dans les années 1970.

Il n’y a donc pas besoin d’être fin analyste pour comprendre à quel point notre pays vieillit, et que le vieillissement n’est pas le défi de demain, mais, d’ores et déjà, celui d’aujourd’hui.

C’est donc d’un projet de loi d’ampleur, à la hauteur des enjeux et avec les moyens corrélatifs, que les Français ont besoin. Nous, parlementaires, l’attendons.

Adaptation des logements, des établissements médico-sociaux et de l’urbanisme, aide à la mobilité, formation du personnel soignant, prise en compte des disparités importantes selon les territoires – je pense notamment aux outre-mer - : les enjeux d’adaptation au vieillissement sont nombreux.

La proposition de loi que nous devons voter aujourd’hui est-elle ce texte tant attendu ? Malheureusement, non. Elle dresse les contours de quelques améliorations nécessaires, mais sans aller assez loin. Surtout, elle ne donne aucune perspective financière.

Le titre de cette proposition de loi a d’ailleurs été revu en commission, pour l’adapter très justement à un contenu bien moins ambitieux que ce qu’elle affichait initialement. Arrivé au Sénat avec soixante-cinq articles, le texte pouvait laisser espérer des avancées majeures. En réalité, il contenait beaucoup d’articles inutiles, symboliques, de portée réglementaire ou même déjà satisfaits par le droit en vigueur. Le travail effectué en commission a permis de ramener cette proposition de loi au rang d’un texte législatif.

Cela dit, on comprend bien que la longueur et le contenu du texte transmis au Sénat n’étaient que le reflet de l’émotion suscitée par le scandale qui a éclaté au sein des Ehpad en 2022, faisant lui-même suite au traumatisme encore récent des restrictions lors de la crise sanitaire.

Cette angoisse légitime a été suscitée par les récits les plus durs que l’on puisse imaginer. Ceux-ci nous renvoient inévitablement à la peur de la dépendance, celle de nos proches, celle de nos parents – et, sans doute, à la nôtre –, mais aussi aux abus dont certains font preuve face à cette situation.

Néanmoins, nous avons rappelé, avec le travail effectué dans notre Chambre haute, que le rôle du Parlement n’est pas de légiférer sous le coup de l’émotion, mais de garder la tête froide pour prendre des décisions raisonnées et raisonnables.

Comment ne pas saisir cette occasion pour saluer et remercier tous ceux qui travaillent auprès des personnes âgées, à domicile ou en établissement ? Deux ans après avoir été applaudies au début de la crise sanitaire, ces personnes ont été salies par un scandale avec lequel beaucoup d’entre elles n’avaient rien à voir. Je souhaite donc remercier tous ces professionnels qui, chaque jour, parfois au prix de leur propre santé, font la différence auprès de nos aînés en leur apportant gentillesse et bienveillance. J’ai une pensée toute particulière pour les salariés et bénévoles du Village Santé Saint-Joseph, dans les Mauges.

Ce texte, s’il ne propose pas de bouleversements majeurs, offre néanmoins quelques avancées.

La création d’un service public départemental de l’autonomie est une mesure de bon sens qui permettra un pilotage cohérent de la prise en charge de la perte d’autonomie à l’échelle du département. Il permettra d’orienter les personnes âgées, les personnes en situation de handicap et leurs proches, en s’assurant du bon suivi des dossiers par les services compétents. Nous formons le vœu qu’il contribue ainsi, par une meilleure coordination des acteurs, à faciliter ce qui peut parfois ressembler à un parcours du combattant pour les usagers.

J’aurais préféré, pour ma part, que l’instauration d’une conférence nationale de l’autonomie soit maintenue, car celle-ci aurait placé ce thème au centre des préoccupations de plusieurs ministères, garantissant ainsi sa prise en compte.

Dès l’année prochaine, les départements volontaires auront la possibilité d’expérimenter le financement des services autonomie à domicile par des dotations forfaitaires, au lieu de facturations à l’heure.

Je ne sais pas si cette nouvelle méthode de financement suffira à les sortir des difficultés financières qu’ils rencontrent, mais il s’agit d’une nouvelle possibilité qu’il convient d’essayer. Or, si nous voulons réussir le virage domiciliaire, nous devons soutenir par tous les moyens les services d’aide à domicile. À ce titre, nous nous réjouissons de l’adoption d’un amendement rendant facultative la fusion entre les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad), son caractère obligatoire ayant posé beaucoup de problèmes aux acteurs concernés.

Je me félicite que la carte professionnelle instaurée par le texte soit ouverte à tous les professionnels intervenant à domicile, grâce à l’adoption d’un amendement que j’ai déposé. Cette carte reste néanmoins symbolique : la meilleure reconnaissance de ces professions passe avant tout par une revalorisation de leurs rémunérations. Sur ce point, l’aide financière accordée aux départements pour aider à la mobilité des intervenants à domicile va dans le bon sens, et nous nous félicitons que le permis de conduire y ait été intégré.

Nous saluons aussi l’adoption d’un amendement de notre collègue Pierre Jean Rochette, qui a permis la suppression d’un article ajoutant des contraintes administratives aux Ehpad, sans rendre plus efficace la lutte contre la maltraitance.

Vous l’avez compris, notre groupe votera en faveur de ce texte ; pour autant, madame la ministre, nous attendons de pied ferme un projet de loi pour le grand âge contenant une projection précise pour les années à venir et apportant des moyens chiffrés. Le vieillissement de la population est déjà à l’œuvre, les besoins sont non plus imminents, mais urgents. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP. Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le président de la commission des affaires sociales applaudit également.)

Mme Jocelyne Guidez. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pour reprendre les mots justes du sociologue Michel Billé : « Être vieux n’est en soi ni un défaut, ni une maladie, ni un délit… Demain, je serai un peu plus vieux, et j’aurai peut-être besoin d’être “soutenu” à domicile et non “maintenu” à domicile ! J’aurai besoin d’être “pris en considération”, non pas “pris en charge” – je ne suis pas une charge ! J’aurai besoin que l’on “veille” sur moi, pas que l’on me “surveille”. » Détrompez-vous, je ne parle pas de moi ! (Sourires.)

Je tiens à remercier l’équipe du Sénat ainsi que celle du cabinet ministériel, qui ont su travailler en bonne intelligence sur des sujets parfois sensibles et dans un contexte de remaniement ministériel assez singulier. Je remercie aussi mon collègue Jean Sol, avec qui j’ai eu l’honneur de travailler. Cela nous a permis d’avancer sur le texte de Mme Aurore Bergé, initialement intitulé « proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir ». Il s’agit d’une préoccupation majeure des Français.

Ce texte, initialement composé de quatorze articles, en comptait soixante-cinq à l’issue de son examen par l’Assemblée nationale. Notre objectif a été de le recentrer sur les dispositifs véritablement utiles pour répondre aux enjeux liés au vieillissement de la population et à l’accompagnement des personnes en situation de handicap. C’est pourquoi nous avons supprimé plusieurs articles dont les dispositions étaient déjà satisfaites ou relevaient du pouvoir réglementaire.

Revenons sur les enjeux auxquels je m’intéresse particulièrement : renforcer le droit au respect de la vie privée et familiale, améliorer la lutte contre la maltraitance et garantir des conditions d’hébergement et d’habitat ainsi que des prestations de qualité dans l’aide à domicile grâce à des professionnels accompagnés et soutenus dans leurs pratiques.

Je salue la reconnaissance d’un droit de visite dans les Ehpad, les ESSMS ou encore les établissements de santé. La commission a ainsi introduit dans le texte les dispositions de la proposition de loi du président Bruno Retailleau tendant à créer un droit de visite pour les malades, les personnes âgées et handicapées qui séjournent en établissements.

Nous avons par ailleurs supprimé l’article 3 bis A, lequel consacrait, dans un dispositif inopérant, le droit à une vie affective et sexuelle pour les usagers des établissements médico-sociaux. Celui-ci est déjà garanti par le droit en vigueur et cet article ne nous semble pas adapté au respect de l’intimité des résidents ; il ne répond pas, en outre, aux difficultés pouvant être rencontrées en structure médico-sociale : séparation d’avec le conjoint, assurance du consentement en présence de troubles psychiques de la personne, etc. Je suis néanmoins satisfaite que son examen mette en lumière ce sujet encore largement tabou.

L’article 4 prévoit la création d’une cellule départementale de recueil et de suivi des signalements de maltraitance envers les personnes majeures vulnérables du fait de leur âge ou de leur handicap. Placées sous l’autorité conjointe du président du conseil départemental et de l’ARS, ces cellules visent à centraliser les signalements adressés au numéro d’alerte national 3977, créé en 2008. Cette mesure permettra un traitement mieux coordonné des signalements de maltraitance.

Nous avons également prévu que les personnes étant à l’origine du signalement soient informées des suites qui lui sont données, ce qui n’est pas systématique à l’heure actuelle. En revanche, nous ne sommes pas favorables à imposer à tous les Ehpad la création d’un comité d’éthique, puisque cela introduirait une organisation trop lourde et, dans certains cas, disproportionnée.

Pour accueillir les personnes en toute sécurité au sein des structures médico-sociales, le contrôle des antécédents judiciaires des intervenants, bénévoles et professionnels, a été renforcé une première fois par la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants. Je me réjouis que le Sénat ait adopté, à l’article 5 bis A, de nouvelles dispositions sécurisant le criblage de ces antécédents. Il sera ainsi possible de suspendre temporairement une personne condamnée non définitivement ou mise en examen.

Le Gouvernement a souhaité faire évoluer ce dispositif par le dépôt tardif d’un amendement dont les motivations étaient peu étayées. Celui-ci tendait à imposer la présentation, sous un mois, d’une attestation d’honorabilité, la personne concernée devant elle-même entreprendre les démarches à cette fin, sous peine de suspension automatique de ses activités. Toutefois, la procédure entourant la suspension temporaire des personnes condamnées non définitivement ou mises en examen n’était pas encadrée. Compte tenu des enjeux d’une telle mesure, il était plus sage de ne pas adopter dans la précipitation un tel dispositif et de travailler, dans la suite de la navette, à une rédaction mieux adaptée.

En ce qui concerne le secteur du domicile, j’approuve la création d’une carte professionnelle pour les intervenants à domicile, une mesure cependant essentiellement symbolique. La majorité de ces professionnels ne disposant d’aucun titre ou diplôme, la commission a prévu, à juste titre, d’en ouvrir le bénéfice aux personnes justifiant obligatoirement de deux années d’exercice professionnel. Les facilités offertes par cette carte devront toutefois être précisées par un décret.

Je suis heureuse de l’adoption de mon amendement visant à aider les professionnels intervenant à domicile à obtenir le permis de conduire, une disposition indispensable pour les habitants des communes rurales, dans lesquelles les contraintes de mobilité constituent un véritable obstacle au recrutement.

Le regroupement des catégories existantes de services à domicile en une unique catégorie dénommée SAD, que nous avons voté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, implique une transformation qui se révèle difficile en pratique pour les services, notamment pour les Ssiad. Ces derniers disposant d’un délai de deux ans pour fusionner ou se regrouper avec un SAD existant, ils craignent de disparaître s’ils ne parviennent pas à obtenir à temps une autorisation. L’article 8 bis vise à répondre à ces inquiétudes en permettant aux Ssiad de conventionner avec un SAD pendant une durée de trois ans, sans demander de nouvelle autorisation. Il prévoit en outre un délai supplémentaire pour les Ssiad recevant un refus d’autorisation, que nous avons proposé d’étendre à deux ans.

Mes chers collègues, vous avez relayé les doutes de vos territoires à l’égard de ce processus en votant en faveur d’un assouplissement du cadre des services autonomie à domicile. Je partage votre préoccupation. Pour autant, il ne semble pas opportun de remettre en cause cette réforme, déjà bien engagée. Nous veillerons, dans la suite de la navette, à garantir un meilleur accompagnement des Ssiad dans la gestion de cette période transitoire.

L’article 13 bis A tend à garantir la qualification des locaux dans lesquels sont constitués les habitats inclusifs en bâtiment d’habitation pour l’application de la réglementation en matière de sécurité contre les risques d’incendie. Cela permettra de leur épargner les contraintes liées au risque de requalification en établissement recevant du public, qui pourrait menacer le financement de l’habitat inclusif - et, par conséquent, son avenir.

Dans le but de soutenir le développement de ce type d’habitat, je suis favorable au renforcement de la sécurité juridique ; pour autant, ce sujet me semble mériter une réflexion plus approfondie dans les années à venir.

Pour terminer, nous attendons impatiemment le projet de loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge et nous veillerons à ce que celui-ci soit à la hauteur des attentes de l’ensemble des acteurs du soutien à l’autonomie. Ce texte ne devra pas faire l’impasse sur la gouvernance non plus que, surtout, sur la répartition des moyens financiers. Il est indispensable de préciser qui va payer quoi, afin d’assurer une coordination sereine entre les différentes instances : ARS, départements et CNSA.

En attendant de mener ces réflexions urgentes, le groupe Union Centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du RDSE.)