Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier l’auteure de cette proposition de loi, Mme Jocelyne Guidez, et sa rapporteure, Mme Anne-Sophie Romagny, qui nous permettent de légiférer sur cet enjeu majeur, dans le cadre du temps réservé au groupe Union Centriste.

Je salue également nos collègues Corinne Féret et Laurent Burgoa, qui, avec Jocelyne Guidez, ont rédigé, en 2023, un rapport d’information au nom de la commission des affaires sociales sur les troubles du neurodéveloppement.

Je reprendrai leurs mots : non, concernant l’accompagnement des personnes présentant des troubles du neurodéveloppement, « le compte n’y est pas ».

En matière de scolarisation d’abord, si la loi dispose que l’État doit mettre en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes en situation de handicap, force est de constater qu’il n’y met pas suffisamment de moyens.

Comme tant de professeurs des écoles, je pourrais témoigner du nombre d’enfants qui ne disposent pas d’un accompagnement adéquat en classe. Quel dommage !

Je regrette que cette proposition de loi ne permette pas d’améliorer les conditions de travail des personnes qui accompagnent les élèves en situation de handicap. Nous avions proposé un amendement visant à lutter contre la précarité des AESH et des assistants et assistantes d’éducation. Il a été, malheureusement, jugé irrecevable pour des raisons financières. Dont acte.

Si la proposition de loi de notre collègue Cédric Vial que nous avons examinée au début de cette semaine nous permet d’espérer in fine – si l’État le veut bien – une amélioration de la rémunération des AESH pour leur travail sur le temps méridien, elle ne va pas assez loin. Philippe Mouiller, président de notre commission des affaires sociales, l’affirmait à cette occasion, il faut un véritable statut des AESH pour contrer les causes de la désaffection de ce métier essentiel : faible rémunération, manque de formation et complexité administrative. (M. le président de la commission acquiesce.)

Madame la ministre, l’État doit faire un effort sur cet accompagnement pour permettre la scolarisation de ces enfants en milieu ordinaire ; les personnes concernées le demandent.

Par ailleurs, il est souligné dans la présente proposition de loi que, malgré la prévalence des troubles du neurodéveloppement, aucun examen médical obligatoire parmi les vingt qui existent aujourd’hui n’est dédié spécialement à leur repérage.

L’introduction de deux examens spécifiques est donc une avancée certaine pour réduire les pertes de chance et améliorer l’efficacité des prises en charge et les conditions de scolarité liées à ces troubles. Malheureusement, le parcours auquel vous avez fait allusion, madame la ministre, reste largement insuffisant.

Enfin, le dispositif, prévu à l’article 7, visant à faciliter le recours des aidants au relayage sur le temps long permet une meilleure mise en œuvre du droit au répit des proches aidants, introduit dans la loi en 2015.

L’évaluation de l’expérimentation prévue par la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance est satisfaisante pour les personnes aidées comme pour les professionnels, tant sur le fond que sur l’encadrement des dérogations. Sa pérennisation est donc une bonne idée ; je la salue.

Pour résumer, si elle ne règle pas les questions d’accès à la scolarisation en milieu ordinaire, notamment en matière de formation, cette proposition de loi va dans le bon sens, en particulier en ce qui concerne le repérage des troubles.

Pour cette raison, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord souligner la constance du groupe Union Centriste sur le sujet des troubles du neurodéveloppement.

Nous avions débattu voilà deux ans de cette question, singulièrement des personnes atteintes de troubles du déficit de l’attention. Le groupe UC défend aujourd’hui un texte quelque peu différent : il nous propose d’améliorer non seulement le dépistage des troubles du neurodéveloppement dès le plus jeune âge, mais également l’accompagnement des personnes atteintes, ainsi que celui des personnes qui les entourent.

Ce texte vise à répondre à un enjeu auquel nous sommes, tous et toutes, confrontés dans nos territoires, lors de nos rencontres avec les familles ou les professionnels : celui de l’insuffisance des moyens humains et financiers alloués aux troubles du neurodéveloppement.

Nous avons conscience de la nécessité de renforcer la formation des enseignants et des professionnels de santé et d’améliorer l’accès aux soins, en particulier des enfants.

Les troubles du neurodéveloppement nécessitent un repérage par une équipe pluridisciplinaire et une prise en charge globale adaptée aux symptômes.

Faute de moyens, les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) n’ont pas la capacité d’organiser les actions de prévention, de diagnostic et de soins. Les parents attendent malheureusement plusieurs mois – jusqu’à deux ans – avant d’obtenir un premier rendez-vous pour leur enfant.

Ce délai est évidemment inacceptable, d’autant que le retard de diagnostic reporte sur les parents la prise en charge des frais de soins.

Les bilans et les séances de consultation auprès de médecins libéraux représentent pour de nombreuses familles un coût prohibitif qui creuse les inégalités sociales.

Pour obtenir un rendez-vous chez un orthophoniste, par exemple, il n’est pas rare non plus de devoir attendre plusieurs mois et la longue attente, due au manque de spécialistes, retarde également la prise en charge des enfants atteints de troubles de déficit de l’attention.

La formation des équipes enseignantes passe également par une meilleure formation des AESH, qui se mobilisent d’ailleurs – elles nous ont sollicités – pour obtenir de meilleures conditions de travail et de salaire.

Il s’agit majoritairement de femmes en grande précarité qui subissent l’enchaînement de contrats à durée déterminée pendant des années.

Depuis l’instauration des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial), les AESH accompagnent de plus en plus d’élèves, au détriment de la qualité du suivi individuel.

Le personnel est épuisé, et ce sont malheureusement les enfants qui subissent les conséquences de la dégradation des conditions de travail des accompagnantes et des accompagnants.

L’absence de classes spécifiques pour l’accueil des enfants présentant un trouble du neurodéveloppement appelle une réponse d’urgence. Là aussi, des moyens supplémentaires sont nécessaires.

Le Gouvernement s’est engagé à ouvrir dans chaque département un dispositif consacré à l’accueil des élèves de l’enseignement secondaire d’ici à 2027. Nous attendons désormais des actes.

En conclusion, le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky votera évidemment en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les acronymes sont nombreux : TND, TSA, TDAH, TSLA, TDI, etc. Ils recouvrent une multitude de troubles et de situations, mais des difficultés très similaires, malheureusement.

Un enfant sur six est atteint de troubles du neurodéveloppement. Ceux-ci persistent à l’âge adulte chez près de 70 % des personnes concernées. Or la France reste en retard dans ce domaine – nous avons encore beaucoup de progrès à faire.

Cette proposition de loi vise précisément à améliorer les conditions de scolarisation des enfants atteints de ces troubles, à garantir l’établissement d’un diagnostic précoce et à développer les possibilités de répit pour les aidants, ce qui est essentiel.

Le groupe RDSE tient tout d’abord à remercier son auteure, Jocelyne Guidez, dont on connaît l’engagement de longue date et la pugnacité sur ces sujets. Nous saluons également le travail de la rapporteure, qui a amélioré le contenu du texte.

Les familles et le corps éducatif attendent des évolutions législatives, car leur quotidien est particulièrement épuisant.

Pour les enfants qui ne peuvent être accueillis en milieu strictement ordinaire, 11 000 dispositifs spécifiques existent en France : il s’agit, dans la plupart des cas, d’unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis), où les temps de classe ordinaire alternent avec les temps d’enseignement spécialisé.

La stratégie pour l’autisme et les troubles du neurodéveloppement 2023-2027 prévoit la création de 380 dispositifs supplémentaires de prise en charge de ces troubles. Mais cette offre demeure insuffisante pour faire face, notamment, aux quelque 7 000 naissances d’enfants autistes chaque année.

C’est pourquoi nous souscrivons pleinement à la mise en place, dans chaque circonscription académique, au plus tard en 2027, d’au moins un dispositif consacré à la scolarisation en milieu ordinaire d’élèves présentant un trouble du neurodéveloppement.

Cette proposition de loi vise également à mieux former les équipes pédagogiques à l’accueil et à l’éducation des élèves concernés, en complément de la réalisation des vingt-cinq heures de formation obligatoires sur l’école inclusive, qui ne sont d’ailleurs pas toujours intégralement dispensées aux enseignants.

Chacun connaît la prévalence de ces situations et la complexité qu’elles peuvent représenter pour les professeurs. Nous invitons donc le Gouvernement à améliorer, dans sa future réforme de la formation des enseignants, la qualité et la quantité des cours consacrés à l’école inclusive.

Nous souscrivons bien évidemment à l’article 4, qui prévoit, dans la lignée des bonnes pratiques déjà adoptées par certaines MDPH, la notification des aides scolaires pour toute la durée d’un cycle pédagogique, à savoir trois ans. Il est indispensable de soulager les familles confrontées à la complexité et à la longueur des procédures administratives.

Cela m’amène à la question de l’errance diagnostique qui touche encore trop de familles. Si nous devons sensibiliser davantage les professionnels de santé à la détection des troubles, cette proposition de loi apporte deux premières réponses intéressantes.

D’une part, elle met en place des examens de repérage par le médecin traitant aux âges de 18 mois et de 6 ans.

D’autre part, elle consacre le principe d’une détection précoce chez les enfants identifiés comme à risque. Le service de repérage créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 devra ainsi s’appuyer sur les examens obligatoires de l’enfant, mais aussi sur d’éventuels examens justifiés par une naissance prématurée ou par tout autre facteur de risque identifié.

L’enjeu est important : il s’agit de réduire les pertes de chance, d’améliorer les prises en charge et les conditions de scolarité, d’éviter, en somme, des années de souffrance liées à l’errance diagnostique et à une prise en charge inadaptée.

Enfin, cette proposition de loi n’oublie pas non plus les proches aidants. Sous réserve d’un accord de branche entre les partenaires sociaux, elle vise à pérenniser une expérimentation qui permet, depuis 2018, de déroger au droit en matière de temps de travail pour permettre des interventions de longue durée lorsque le proche aidant est en séjour de répit. Ces prestations de relayage sont indispensables pour préserver la santé physique et mentale de ce dernier.

C’est donc avec enthousiasme que l’ensemble du groupe RDSE – c’est assez rare ! (Sourires.) – apportera son soutien à cette proposition de loi. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille.

Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, on estime qu’environ 11 millions de Français sont atteints d’un trouble du neurodéveloppement.

Les TND sont caractérisés par des perturbations significatives dans le développement de plusieurs fonctions du cerveau, qui affectent la socialisation, la communication, la motricité, l’attention, le raisonnement, la mémoire ou encore les apprentissages. Ils regroupent les troubles du spectre de l’autisme, le trouble du développement intellectuel, le trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité et les troubles dys.

Lors du comité interministériel du handicap du 6 octobre 2022, Élisabeth Borne avait annoncé la poursuite de la politique menée depuis 2018 en faveur des personnes concernées par ces troubles et de leurs familles.

Le Gouvernement a lancé, en novembre dernier, une nouvelle stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement. Fruit d’une concertation entre les différentes parties prenantes, elle a également fait l’objet d’une consultation citoyenne.

Cette nouvelle stratégie comporte six grands engagements : développer la recherche scientifique et partager les connaissances ; garantir l’accompagnement de chaque personne souffrant d’un TND par des personnes bien formées ; repérer encore plus tôt les TND pour aider les enfants à se développer ; adapter la scolarité à tous les âges ; accompagner les adolescents et les adultes ; enfin, faciliter la vie des personnes, des familles, et faire connaître les TND.

Ces six engagements se déclinent en 81 mesures et se traduisent par un budget de 680 millions d’euros pour la période 2023-2027, en nette hausse par rapport à la période 2018-2022.

Le présent texte s’inscrit en complément de cette stratégie gouvernementale. Loin de comporter des avancées exceptionnelles, il introduit néanmoins plusieurs mesures qui nous semblent utiles : scolarisation en milieu ordinaire avec un accompagnement médico-social dans tous les territoires, simplification des démarches administratives pour les familles, formation des professionnels de l’éducation nationale ou encore pérennisation du dispositif de répit pour les aidants.

Le groupe RDPI votera donc en faveur de ce texte, mais sans enthousiasme débordant : la portée de cette proposition de loi nous paraît en effet limitée et plusieurs des dispositifs proposés sont déjà pris en compte dans la stratégie annoncée par le Gouvernement. Nous soutiendrons les amendements de ce dernier, qui apportent des précisions bienvenues ; je vous invite à les considérer avec beaucoup d’attention, notamment en ce qui concerne le relayage à domicile – nous avions déjà défendu une mesure similaire lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

J’aurais aussi souhaité que l’on aille un peu plus loin sur le sujet spécifique de la prise en charge de l’autisme – trouble de neurodéveloppement mal quantifié –, notamment sur l’accompagnement des enfants autistes dans leur accès à l’éducation. Je soutiendrai un amendement à cet égard.

Par ailleurs, je souhaiterais qu’une attention spécifique soit accordée à l’outre-mer, où la connaissance et la prise en charge des troubles du neurodéveloppement est parfois plus lacunaire. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et UC.)

Mme Corinne Féret. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour débattre d’une proposition de loi portant sur un enjeu qui me tient particulièrement à cœur depuis mon élection au Sénat : le dépistage des troubles du neurodéveloppement et, plus globalement, la prise en charge de ces troubles, qui sont avant tout des handicaps, chez l’enfant comme chez l’adulte.

Souvent associés chez une même personne, les TND prennent des formes variées et ont des conséquences plus ou moins sévères : on peut citer les troubles du spectre autistique, les troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité, ou encore les troubles dys, comme la dyslexie ou la dyspraxie. La stratégie nationale 2023-2027 pour les TND y intègre également les troubles du développement intellectuel.

La prévalence de chacun de ces troubles est en augmentation constante ces dernières décennies. On le sait notamment grâce à un meilleur repérage.

La loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a permis la reconnaissance des troubles dys ou TDAH en tant que handicap. Plus exactement, elle a reconnu l’existence d’un handicap dû aux troubles des fonctions cognitives, qu’elle a distingués des troubles mentaux ou psychiques. C’était une véritable avancée, qui n’a malheureusement pas été assez suivie d’effets pour les familles concernées, particulièrement en matière de scolarisation.

Pour ma part, je dois bien avouer que je ne suis pas toujours à l’aise avec ce terme de « TND », tant il recouvre des réalités variées et donc des handicaps différents, voire invisibles pour certains.

Surtout, comme je l’ai souligné l’an dernier lorsque j’étais rapporteure, avec Jocelyne Guidez et Laurent Burgoa, de la mission d’information de la commission des affaires sociales sur les troubles du neurodéveloppement, il est regrettable que notre pays ait pris tant de retard.

En 2024, nous pâtissons toujours d’un manque de données, notamment épidémiologiques, qui empêche l’ensemble des acteurs de prendre conscience de l’ampleur des besoins.

Selon la littérature internationale, entre 10 % et 15 % des enfants qui naissent chaque année seraient atteints d’un TND. Cette prévalence impose de renforcer l’action publique. Il nous faut construire une prise en charge globale, à la bonne dimension, pour répondre aux besoins des enfants, des adultes et de leurs familles.

La présente proposition de loi va dans le bon sens, car elle traite de la question du dépistage, du suivi des enfants nés prématurément, de la scolarisation, comme du soutien nécessaire aux proches aidants.

Je me réjouis aussi de la réécriture, en commission, de son article 1er, dont la portée était imprécise et, en tout état de cause, trop large pour garantir son applicabilité.

Il importe d’assurer une répartition équitable sur l’ensemble du territoire national des dispositifs consacrés à la scolarisation en milieu ordinaire des élèves présentant un TND, particulièrement de ceux qui sont atteints d’un trouble du spectre autistique complexe, autrement dit qui requièrent un accompagnement médico-social particulier.

Il faut garantir aux familles d’enfants présentant ce type de handicap l’accès à un dispositif adapté à proximité de leur domicile, y compris en zone rurale. Bien évidemment – je veux être parfaitement claire sur ce point –, les enfants présentant des TDAH ou des troubles dys ont toute leur place dans une classe ordinaire, dès lors que des mesures adaptées d’aménagement et d’accompagnement de la scolarité sont prises.

Oui, les enseignants et les personnels d’encadrement des établissements scolaires ont un rôle central à jouer. Ils doivent donc être formés en conséquence. Or leur formation demeure trop lacunaire et inadaptée aux enjeux. Une montée en compétences est nécessaire. Une simple sensibilisation aux difficultés ne suffit pas.

En amont, le rôle de l’enseignant est majeur, car il est le plus à même de repérer les troubles, ce qui ne signifie pas « diagnostiquer ». L’enseignant doit ensuite pouvoir orienter la famille vers un spécialiste, qui réalisera un diagnostic et un bilan pluridisciplinaire.

De même, après le diagnostic, il existe encore trop de disparités dans les accompagnements.

L’amélioration de la formation, initiale comme continue, des professionnels de santé sur le repérage, le diagnostic et l’accompagnement des TND constitue également un enjeu décisif.

On parle beaucoup des enfants, mais combien d’adultes n’ont jamais pu obtenir de diagnostic et ne bénéficient donc d’aucun suivi ? Cela signifie souvent que ces personnes subissent une errance médicale douloureuse, qui s’ajoute à des difficultés dans la vie personnelle et professionnelle.

Nous manquons fortement, il faut bien l’avouer, de professionnels de santé, même si les disparités territoriales sont fortes. Nous ne cessons pourtant d’alerter sur ce sujet, PLFSS après PLFSS, et nous l’avons encore fait l’an dernier dans notre rapport sénatorial. On peut voter toutes les lois, élaborer tous les plans et toutes les stratégies nationales que l’on veut, comment diagnostiquer de manière précoce, puis accompagner, si l’on manque de professionnels ?

Dans mon département du Calvados comme ailleurs, nombre de familles voient leurs vies bouleversées par le handicap. Acceptation du diagnostic, incertitude quant à l’évolution de l’enfant, de ses capacités cognitives, de son degré de dépendance, d’autonomie : ce ne sont pas de petits sujets !

Tout doit être fait pour faciliter la vie des familles et je souscris sans réserve à l’inscription dans la loi de la possibilité de prendre des mesures d’inclusion scolaire pour la durée d’un cycle pédagogique. C’est une mesure attendue.

Enfin, en ce qui concerne le soutien aux proches aidants, il convient de simplifier le recours au relayage sur le temps long, afin d’apporter durablement une solution de répit adaptée. Il faut donc pérenniser les dérogations au code du travail prévues par la loi Essoc.

Je prends acte de la volonté de la rapporteure de permettre aux partenaires sociaux des branches concernées d’ajuster les dispositifs de soutien, afin qu’ils répondent au mieux aux réalités du terrain. Je note surtout qu’ils restent encore trop coûteux pour les familles. Compte tenu de leur intérêt, il serait souhaitable que le financement des prestations soit adéquat.

Pour toutes ces raisons, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce texte.

Nous avons une pensée particulière pour toutes les familles en souffrance, pour celles dont la MDPH ne veut pas reconnaître administrativement le handicap de leur enfant, même lorsque le diagnostic a été posé.

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Corinne Féret. En sus de la question des délais de traitement des dossiers, cette disparité selon les départements constitue un vrai problème. Il faut encore agir : j’espère que cette proposition de loi contribuera à améliorer les choses. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Mouiller. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer notre collègue Jocelyne Guidez, auteure de cette proposition de loi, pour la qualité de son travail. Nous connaissons tous sa mobilisation au sein de notre commission des affaires sociales sur le sujet du handicap, notamment pour les aidants. Je l’en remercie.

Comme l’a rappelé notre rapporteure Anne-Sophie Romagny – que je remercie aussi et que je félicite pour son premier rapport –, Jocelyne Guidez, Laurent Burgoa et Corinne Féret ont publié, en mai 2023, au nom de notre commission, un rapport d’information sur la prise en charge des troubles du neurodéveloppement.

Ils ont formulé des préconisations dans l’attente de la présentation par le Gouvernement de la nouvelle stratégie pour l’autisme et les troubles du neurodéveloppement, qui a finalement été dévoilée en novembre dernier.

Ils plaidaient pour que la stratégie vise tous les TND, non seulement les troubles du spectre autistique, mais aussi les troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité, et les troubles spécifiques du langage et des apprentissages, dans la mesure où ces différents types de troubles sont souvent associés chez une même personne. Ils souhaitaient que les réponses soient ajustées aux besoins spécifiques de chacun. Cet équilibre est essentiel.

La proposition de loi de Jocelyne Guidez, que nous examinons aujourd’hui, s’inscrit dans le prolongement des travaux de la mission d’information et traduit plusieurs recommandations du rapport en dispositions législatives, afin notamment d’améliorer le repérage et l’accompagnement des personnes présentant des TND, de favoriser la scolarisation des enfants concernés et d’offrir des solutions de répit aux proches aidants.

Malgré la forte progression du nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire, il convient de souligner le manque de fluidité des parcours entre les différents cycles scolaires, ainsi que les difficultés d’accès à l’école des enfants autistes : la scolarisation reste limitée à quelques heures par semaine pour un nombre considérable d’entre eux.

Le texte de la commission répond à ces constats, et c’est très naturellement que ses membres l’ont adopté à l’unanimité.

Je profite de cette tribune pour évoquer la nouvelle stratégie pour l’autisme et les troubles du neurodéveloppement. La commission des affaires sociales souhaiterait être associée à son suivi. Le groupe d’études Handicap du Sénat est déjà mobilisé sur ces enjeux.

Si nous reconnaissons l’effort réalisé par le Gouvernement depuis de nombreuses années, nous savons tous qu’il y a encore des manques, des difficultés. Nous sommes sollicités par beaucoup d’associations et de familles, parce que l’on constate parfois, dans les territoires, un manque d’accompagnement, un manque de places d’accueil dans les structures, notamment pour l’autisme lourd, même s’il est beaucoup question d’inclusion, de nos jours.

Je voudrais aussi rappeler que quelque 7 000 ressortissants français sont encore obligés d’aller en Belgique, faute de trouver une réponse adaptée sur le territoire national : plus de la moitié de ces 1 500 enfants et 6 000 adultes sont concernés par les troubles que nous évoquons.

Nous devons procéder pas à pas. Les moyens financiers déployés sont importants, mais nous avons besoin, madame la ministre, de porter un regard, d’effectuer un suivi particulier sur les politiques que le Gouvernement va mener dans ce domaine, qui constitue le parent pauvre de l’accompagnement du handicap, tant les situations familiales peuvent être délicates et certains handicaps difficiles à accompagner.

C’est un sujet essentiel, même s’il s’agit d’un petit élément de l’ensemble de la politique du handicap. Celle-ci doit être conçue autour du parcours de vie, depuis la détection jusqu’à la fin de vie, en passant par la scolarisation, le travail et l’accompagnement. Cette vision globale est essentielle pour une prise en charge adaptée aux besoins. Madame la ministre, nous sommes mobilisés à vos côtés. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre. Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de vos interventions. Merci pour votre proposition de travailler ensemble, monsieur le président de la commission des affaires sociales.

Je ne rappellerai pas les chiffres, vous les connaissez. Je prendrai simplement l’exemple de la cohorte Marianne, consacrée à la recherche dans le domaine de l’autisme : 1 200 femmes enceintes ainsi que 500 femmes ayant un ou plusieurs enfants atteints d’un TND feront l’objet d’un suivi. Il s’agit de mieux comprendre les facteurs environnementaux et biologiques en cause, de développer la prévention et d’améliorer l’accompagnement. C’est ainsi que nous pourrons avancer.

Madame Souyris, le statut des AESH évoluera. Ils deviendront des accompagnants à la réussite éducative, deuxième catégorie après celle des professionnels.

Madame Apourceau-Poly, grâce aux plateformes de coordination et d’orientation (PCO), nous orientons les enfants atteints de TND vers des séances d’orthophonie, de psychomotricité et d’ergothérapie, sans reste à charge pour les familles. C’est un premier pas, il faut aller plus loin.

Madame Guillotin, la formation des enseignants n’existait pas en 2017. Une centaine d’entre eux ont été formés depuis et nous allons continuer dans cette voie.

Madame Nadille, je vous remercie de votre engagement en faveur du relayage. Nous y reviendrons lors de l’examen des articles. J’ai bien noté vos propos sur les outre-mer ; ils nécessitent en effet une attention particulière.

Nous avons un travail important à réaliser sur les centres de ressource sur l’autisme. Le diagnostic repose sur les médecins généralistes et sur les plateformes de coordination, qui ont permis d’orienter plus de 55 000 enfants depuis leur création.

Monsieur Henno, je vous rejoins sur la nécessité d’assurer un continuum : c’est le sens de notre action.

Ce texte constitue une première approche et apporte quelques réponses concrètes. Les amendements du Gouvernement sont le signe que nous accompagnons votre démarche : je remercie l’auteure de la proposition de loi, ainsi que la rapporteure, dont le premier travail est très prometteur.