M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (M. Martin Lévrier applaudit.)

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la fin du mois de novembre dernier, le ministre de l’économie reconnaissait que, si la hausse des prix avait perdu de sa vigueur, l’inflation, notamment alimentaire, pénalisait encore beaucoup trop de Français. Cette réalité économique a de vives répercussions sur la vie de nos concitoyens les plus précaires.

Selon l’Insee, la diminution des dépenses alimentaires est sans précédent et reflète les inquiétudes et les difficultés auxquelles les ménages sont confrontés face à la flambée des prix. Ils sont de plus en plus nombreux à surveiller l’évolution de leurs tickets de caisse et à adapter leur manière de consommer, quitte à se priver.

Diverses études, publiées ces derniers mois, ont ainsi souligné l’augmentation du nombre de demandes d’aide auprès des banques alimentaires, dont les besoins ont atteint un niveau historique.

Depuis le 1er octobre 2022, les titres-restaurant peuvent être utilisés pour acheter tout produit alimentaire, qu’il soit ou non directement consommable. Cette mesure, introduite sur l’initiative de notre collègue Frédérique Puissat dans le cadre de la loi sur le pouvoir d’achat d’août 2022, pour permettre aux Français de faire face à l’inflation, devait prendre fin le 31 décembre 2023.

Dans un contexte où le budget de l’alimentation reste une préoccupation majeure pour nos concitoyens, cette proposition de loi a pour objet de prolonger le dispositif jusqu’au 31 décembre 2024. Nous y sommes bien évidemment favorables.

Toutefois, nous entendons les inquiétudes des restaurateurs, victimes d’une forte augmentation de leurs coûts d’exploitation – matières premières, masse salariale, énergie ou encore remboursement des prêts garantis par l’État –, l’élargissement du périmètre des titres-restaurant ayant entraîné un manque à gagner pour des milliers d’entre eux.

Comme notre rapporteure le rappelait, en l’espace d’un an, sur les 8 milliards d’euros dépensés avec ce moyen de paiement, 500 millions d’euros l’ont été dans la grande distribution. Ils craignent ainsi, peut-être à raison, que le titre-restaurant ne soit dénaturé et devienne un « titre-caddie ».

La prolongation d’une année, dans un premier temps, nous semble pertinente pour faire face à l’inflation et de laisser le temps à une réflexion plus structurelle d’aboutir.

Rappelons que ce titre a été créé pour permettre aux salariés de se nourrir correctement sur leur lieu de travail, en l’absence de cantine d’entreprise ou de local aménagé à cet effet. C’est bien au salarié, à l’amélioration de son bien-être au travail et à sa santé, sans omettre le pouvoir d’achat, que nous devons être attentifs.

Il est donc indispensable de tout remettre à plat et de repenser le titre-restaurant de demain. En effet, l’évolution des modes de vie et des habitudes de consommation n’est plus vraiment adaptée à un dispositif qui a été créé, ne l’oublions pas, en 1967.

Je sais, madame la ministre, que vous avez lancé des travaux en vue d’une réforme structurelle, que vous nous présenterez au premier semestre 2024.

Elle devra, à mon sens, prendre en considération les aspirations des salariés qui souhaitent mieux maîtriser leur alimentation, s’adapter aux nouvelles méthodes de travail, telles que le télétravail, et répondre aux besoins spécifiques des salariés qui vivent en milieu rural et qui n’ont pas toujours de restaurant ou de petit commerce à proximité. Elle devra également prendre en compte la dimension santé et prévention. Je sais que votre gouvernement y est sensible.

Dans l’attente de cette réforme, le groupe du RDSE apportera son soutien à la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis quelques années, les habitudes des Français au travail ont profondément muté. Entre la disparité des modes et des lieux de travail, les changements de rythme, avec la généralisation du télétravail, les outils liés à la vie au travail doivent également s’adapter à ces modifications.

Tel est le cas du dispositif des titres-restaurant, qui nous réunit aujourd’hui dans cet hémicycle.

Créé en 1967, c’est un dispositif cofinancé par l’employeur et le salarié. Il a pour objectif de permettre aux travailleurs d’acheter un repas journalier dans le cadre d’une journée travaillée. Ces moyens de paiement sont acceptés dans un certain nombre de commerces, comme les restaurants, mais également les grandes surfaces commercialisant des plats préparés.

Depuis 1967, il a connu un grand nombre de changements pour s’adapter aux évolutions du coût de la vie et des pratiques des salariés. La dernière en date a été proposée en août 2022 par le Sénat, sur l’initiative de Frédérique Puissat, avec une mesure dérogatoire permettant d’acheter avec un ticket-restaurant des aliments non préparés comme des pâtes, du riz, ou des fruits secs, qui peuvent servir à cuisiner à la maison.

L’objectif était clair : aider nos concitoyens dans une période de forte inflation, qui avait des conséquences sur leur pouvoir d’achat.

Cette mesure a trouvé son public pour plusieurs raisons.

Face à l’augmentation des prix, certains Français se sont tournés vers la préparation de leur propre gamelle, afin de limiter le coût de revient de leur repas.

De plus, depuis la crise de la covid et la généralisation du recours au télétravail, de plus en plus de nos concitoyens prennent leur repas à domicile.

Cette mesure était donc entrée dans les mœurs, et nous avons tous été pris de court quand nous avons découvert, ou redécouvert pour certains, que ce dispositif n’était que temporaire et allait disparaître le 31 décembre 2023. Alertés par voie de presse de la situation, nous avons immédiatement pris la mesure du problème pour les 5 millions d’utilisateurs des titres-restaurant. Il s’agissait donc d’agir dans l’urgence pour prolonger ce dispositif, et ce pour un an.

Pourquoi un an ? N’est-ce pas reculer pour mieux sauter ? Pourquoi ne pas pérenniser le dispositif ? Pour comprendre cette décision, il faut prendre en compte deux éléments.

Tout d’abord, le temps presse, et les deux chambres doivent s’accorder sur un texte rapidement. Ce délai, qui semble convenir à la majorité des membres du Parlement, permet de sécuriser le dispositif, sans renvoyer aux calendes grecques la réflexion autour de son sort futur. Mes chers collègues, nous avons ainsi besoin d’un votre conforme à celui émis par l’Assemblée nationale.

De plus, modifier le texte en élargissant encore cette dérogation ou en la pérennisant exigerait une concertation. En effet, les titres-restaurant sont financés par les partenaires sociaux, et le législateur ne peut faire fi de cette gestion en éclipsant des discussions préalables nécessaires, que ce soit avec les représentants des employeurs et des travailleurs, mais également les commerçants et les restaurateurs.

Nous devrons tous nous mettre autour de la table dans un avenir proche, et Mme la ministre s’est engagée à le faire durant cette année 2024.

En attendant le résultat de ces discussions, nous n’avons pas de temps à perdre. Aussi, le groupe RDPI votera en faveur de cette proposition de loi sans modification. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Annie Le Houerou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à prolonger jusqu’au 31 décembre 2024 l’utilisation des titres-restaurant pour des achats de produits alimentaires non directement consommables.

Le 17 août 2022, dans un contexte marqué par une forte inflation, et dans le cadre de l’examen du projet de loi portant des mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, l’adoption d’un amendement de notre collègue Frédérique Puissat a introduit la possibilité d’utiliser les titres-restaurant pour l’achat de denrées alimentaires non directement consommables. Il s’agissait d’une mesure dérogatoire et d’urgence sociale, que nous avons soutenue.

Face à la vive émotion suscitée par l’approche de la fin imminente de cette mesure, nous nous retrouvons aujourd’hui à en débattre en urgence dans cet hémicycle.

Nous aurions espéré une meilleure anticipation de la part du Gouvernement, ce qui aurait permis d’entamer un travail en amont, afin d’adapter ce dispositif sur le long terme et de clarifier sa raison d’être, qui est aujourd’hui oubliée et dévoyée.

Il est important de rappeler l’historique de ces tickets-restaurant et la gestion du dispositif par les partenaires sociaux.

Ce titre est né en 1967, d’un accord entre représentants des employeurs, des salariés et de l’État, chacun contribuant à son cofinancement. Il relève du code du travail.

À défaut de pouvoir bénéficier d’un restaurant d’entreprise, les salariés pouvaient obtenir une contribution financière à leur repas pris pendant leur journée de travail. Il s’agissait non pas d’une contribution au budget alimentation de la famille, mais d’une mesure de soutien à une bonne alimentation au travail.

Dans les années 1970 et 1980, le titre-restaurant était quasi exclusivement utilisé dans les établissements où le prix d’un repas était abordable, les restaurants devant proposer un menu dit ouvrier à un tarif équivalent.

À la fin des années 1980, l’offre alimentaire étant dominée par l’essor des grandes surfaces. L’État a décidé de leur ouvrir les titres-restaurant, mais seulement pour les produits dits traiteur. Cette tolérance, non négociée avec les partenaires sociaux, s’est élargie à tout commerce proposant des préparations alimentaires immédiatement consommables.

La CNTR, qui assure la gestion du dispositif, a dû réguler par une charte leur utilisation, alors que certaines grandes surfaces permettaient l’achat de produits non alimentaires et l’utilisation de carnets entiers pour payer les courses.

Au début des années 2000, l’État a élargi l’utilisation de ce moyen de paiement aux fruits et légumes, aux produits laitiers et aux distributeurs automatiques.

Aujourd’hui, il faut reconnaître que les habitudes alimentaires et l’organisation du travail des salariés ont évolué : le télétravail détache le salarié de son lieu de travail ; la crise du pouvoir d’achat contraint de nombreux salariés à apporter leur repas sur le lieu de travail ; les prix de l’alimentaire augmentent plus vite que les salaires.

Il s’agit donc de se poser la question de l’opportunité de maintenir le titre-restaurant dans son objectif d’origine et d’évaluer la nécessité de le moderniser.

Ce travail, qui ne semble pas avoir été réalisé au fond, doit se faire en concertation entre le Gouvernement et les représentants des cofinanceurs, salariés et employeurs, réunis au sein de la CNTR. Le rappel historique auquel j’ai procédé indique bien que les tickets-restaurant ne doivent pas être confondus avec une aide alimentaire de droit commun, devenue également indispensable dans un contexte de précarité croissante des salariés.

L’inflation alimentaire reste très élevée : entre octobre 2022 et octobre 2023, les prix de l’alimentation ont augmenté en moyenne de 7,7 %.

Selon une enquête de l’Ifop publiée en avril dernier, la moitié des Français parmi les plus précaires ont déclaré avoir sauté un repas pour respecter leur budget.

Depuis la crise de la covid, le nombre de nouveaux bénéficiaires de l’aide alimentaire a augmenté de 34 %. La précarité alimentaire touche non seulement les personnes sans emploi, mais elle affecte également les actifs. Parmi les 17 % d’entre eux qui recourent à l’aide alimentaire, plus de 60 % sont en CDI, souvent à temps partiel, avec un revenu moyen inférieur au seuil de pauvreté de 1 070 euros par mois. La précarité alimentaire touche donc de plus en plus les travailleurs pauvres.

Nous devons aussi être vigilants pour que ces titres-restaurant incitent nos concitoyens à avoir une alimentation saine et équilibrée.

Dans ce contexte, il est compréhensible que les salariés souhaitent les utiliser pour couvrir les frais alimentaires de la famille, dévoyant ainsi leur rôle initial.

Pour rappel, aujourd’hui, seuls 5,4 millions de salariés, sur 27 millions d’actifs, en bénéficient, et 20 % seulement des entreprises participent au dispositif.

Ces titres-restaurant constituent une subvention de l’employeur couvrant de 50 % à 60 % du coût des repas des salariés, le reste étant financé par les salariés eux-mêmes. En échange, cette participation de l’employeur est assortie d’avantages fiscaux et sociaux.

Aussi, il faut relativiser le coup de pouce aux salariés tant vanté par le Gouvernement.

Le véritable coup de pouce demandé par les représentants des salariés que nous soutenons est une revalorisation des salaires, du Smic et de tous les minima sociaux ; le véritable coup de pouce passe par une indexation des salaires sur l’inflation, comme dans d’autres pays européens.

Ce gouvernement utilise ce texte pour donner l’illusion d’œuvrer en faveur du pouvoir d’achat des Français, alors qu’il n’en est rien ! Les tickets-restaurant ne sont pas non plus un cadeau offert par les employeurs aux salariés.

La priorité pour améliorer le pouvoir d’achat demeure l’augmentation des salaires. Il est impératif de relancer sans tarder les discussions avec les partenaires sociaux sur cette question.

Nous regrettons que les derniers débats budgétaires n’aient pas permis un dialogue constructif au sujet des salaires, des aides sociales et de la préservation du pouvoir d’achat des ménages.

Je suis également consciente des défis auxquels font face les restaurateurs et particulièrement sensible aux arguments avancés par le chef Thierry Marx, nouvellement élu président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie.

Dans nos départements, nous avons tous constaté la fermeture de nombreux commerces, notamment des restaurants, en raison de leur difficulté à reprendre une activité normale après la crise sanitaire. Les restaurateurs ont du mal à retrouver les niveaux de consommation d’avant la crise.

Cependant, nous le savons, cette crise n’est pas l’unique origine des multiples difficultés du secteur, qui sont liées à de nouvelles façons de travailler et de consommer.

Enfin, l’essor du télétravail bouscule incontestablement l’utilisation des titres-restaurant. Cette réalité doit être prise en compte dans la réflexion pour concevoir un dispositif durable visant à soutenir l’alimentation des salariés lorsqu’ils travaillent et cuisinent chez eux.

Le week-end dernier, madame la ministre, vous avez formulé des propositions d’évolution des tickets-restaurant. Notre groupe ne peut que souhaiter que la négociation avec les partenaires sociaux aboutisse à un accord unanime.

Dans cette attente, nous voterons les amendements identiques proposés par les groupes Union Centriste et Écologiste – Solidarité et Territoires, qui ont pour objet que la négociation soit conclue dans un délai de six mois, lequel nous semble raisonnable.

Nous sommes conscients que, dans l’urgence, les salariés ne comprendraient pas qu’on limite l’usage des tickets-restaurant. Par conséquent, c’est pour ne pas les pénaliser que, à défaut d’un vote favorable sur ces amendements, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera pour le délai d’un an supplémentaire prévu par cette proposition de loi.

Ce texte ne résoudra pas les inquiétudes grandissantes des salariés quant à la garantie de leur pouvoir d’achat, mais nous le voterons pour répondre à l’urgence. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Alexandra Borchio Fontimp. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « inflation » : tel est le mot qui occupe l’esprit de tous les Français, de tant de ménages et de tellement d’étudiants qui n’ont d’autre choix que de travailler pour survivre.

De fait, l’inflation alimentaire cumulée pendant dix-huit mois, entre janvier 2022 et août 2023 pour être précise, atteint 17,9 %. La France remporte tristement ce record, devant six autres pays voisins de l’Europe de l’Ouest. Ce sont 97 % des Français qui ont vu leurs dépenses d’alimentation augmenter. Ces chiffres donnent le vertige, mais il est inutile de les détailler : n’importe quelle personne qui effectue ses courses au supermarché ne peut pas les contester.

Plusieurs facteurs, tant climatiques et géopolitiques que conjoncturels, sont invoqués par les professionnels du secteur. L’exécutif, quant à lui, évoque déjà la fin de la crise inflationniste. Permettez-moi de penser que la réalité risque d’être tout autre dans les rayons. Même si l’inflation alimentaire plie ces dernières semaines, elle ne rompt pas. Je rappelle par ailleurs que recul de l’inflation ne signifie pas baisse des prix.

À la veille de Noël, les rêves se dessinent, mais les prix du panier de fêtes s’envolent, et la facture est salée. Telle est la triste réalité !

À ces augmentations s’ajoute fréquemment la baisse des quantités dans les boîtes de produits vendus, donnant l’illusion d’une stabilité des prix. Ces tours de passe-passe deviennent sordides et perfides.

Les Français ont basculé dans la restriction. La déconsommation touche alors le niveau de la qualité des produits achetés. Alors que le souci de manger sain irrigue toutes les couches de la population, l’on renonce à la qualité tout en y aspirant, ce qui alimente la frustration.

Vous aviez proposé, madame la ministre, de suggérer aux Français d’arrêter d’acheter des plats préparés, plus chers, et même d’encourager les écoliers à apprendre à cuisiner. Pourquoi pas ? Ne pas sombrer dans la malbouffe constitue en effet un enjeu de santé publique.

Ce même constat est apparu à mes collègues Sophie Primas et Frédérique Puissat, ainsi qu’à moi-même : prolonger jusqu’à la fin de 2024 la dérogation qui permet l’utilisation des tickets-restaurant pour acheter tous les produits alimentaires permettra aux bénéficiaires de ne pas avoir à consommer uniquement des plats déjà préparés.

Le 13 novembre dernier, j’avais saisi le ministre de l’économie sur le sujet, mais personne au Gouvernement ne semblait s’en soucier. Quelques jours plus tard, notre proposition de loi était inscrite à l’ordre du jour du Sénat, car protéger le pouvoir d’achat des Français n’est pas une option pour notre assemblée : c’est une obligation à laquelle nous ne dérogerons jamais.

Le seul objectif de l’ensemble de mes collègues du groupe Les Républicains, c’est de proposer une solution à ces fameuses fins de mois difficiles, que 75 % des Français connaissent.

Nous devons cependant mener collectivement une réflexion sur l’utilisation des tickets-restaurant. Si nous débattons ce soir de leur extension, alors qu’ils avaient été pensés pour permettre au salarié d’acheter un repas pendant ses heures de travail, c’est qu’il faut répondre à une urgence.

Bien sûr, le dispositif créé il y a cinquante-six ans n’avait pas vocation à soutenir le pouvoir d’achat des salariés. Mais dans le contexte inflationniste exceptionnel que nous connaissons aujourd’hui, nous devons faire preuve de solidarité.

J’espère donc que le Gouvernement saura répondre à ce double enjeu : protéger, d’une part, le pouvoir d’achat des Français, mais aussi, d’autre part, nos professionnels de la restauration, qui ont vu la crise énergétique et l’inflation sur les matières premières succéder aux années covid.

Cette proposition de loi, brillamment rapportée par notre collègue Marie-Do Aeschlimann, va dans le bon sens, puisqu’elle reprend en tout point celle que nous avions déposée au Sénat. Nous dirons donc que le hasard fait bien les choses…

Les Républicains voteront bien entendu cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier. (M. Grégory Blanc applaudit.)

Mme Corinne Bourcier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le dispositif des titres-restaurant bénéficie aujourd’hui à 19 % des salariés, soit à 5,2 millions de personnes.

Il permet le cofinancement par l’employeur et par le salarié d’un titre de paiement destiné à l’achat d’un repas par un salarié ne bénéficiant ni d’une cantine ni d’un restaurant d’entreprise. En contrepartie, la part financée par l’employeur est exclue de l’assiette des cotisations et des contributions sociales.

En principe, le repas acheté avec un titre-restaurant doit correspondre à une préparation alimentaire directement consommable. On pense évidemment à un plat servi dans un restaurant, mais aussi à un plat préparé, acheté en grande surface ou dans un commerce de bouche.

Créé en 1967, le titre-restaurant n’a pas été conçu comme un moyen de soutenir le pouvoir d’achat des Français. Mais l’inflation exceptionnelle des dernières années a dû conduire à un élargissement de son cadre, parmi d’autres mesures instaurées pour soutenir le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Tout d’abord, en 2022, son plafond d’utilisation journalier a été rehaussé de 19 euros à 25 euros.

Ensuite, il en a été de même du plafond d’exonération de la part de l’employeur.

Enfin, sur l’initiative de notre commission des affaires sociales, la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a ouvert un régime dérogatoire temporaire permettant l’utilisation des titres-restaurant pour l’achat de tout produit alimentaire, directement consommable ou non. La validité de ce dispositif est prévue jusqu’au 31 décembre de cette année.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à prolonger cette dérogation d’un an, en l’étendant jusqu’au 31 décembre 2024.

Notre groupe votera cette proposition de loi, parce que le contexte la justifie. Même si elle ralentit, l’inflation est encore présente, notamment sur les prix de l’alimentation. Nombre de Français doivent encore sortir la calculatrice au moment de faire leurs courses.

Nous partageons tout de même une interrogation soulevée lors de l’examen du texte en commission : que ferons-nous dans un an ? Revenir en arrière pourrait être difficile. La prolongation du régime dérogatoire d’une année devrait donc conduire à une réflexion plus large, sans qu’il soit besoin d’attendre le mois de décembre 2024.

Je l’ai déjà indiqué, ce dispositif a été créé en 1967. Réinterroger son objet et ses modalités plus d’un demi-siècle plus tard n’aurait rien de déraisonnable. La société a largement évolué depuis les années 1960, ainsi que les préférences des salariés et des consommateurs.

On sait depuis longtemps que le titre-restaurant ne permet pas à tous ses bénéficiaires de manger au restaurant, soit que leur pause déjeuner ne soit pas suffisamment longue, soit qu’ils ne disposent pas d’un restaurant à proximité immédiate de leur lieu de travail, en ruralité notamment. Ces mêmes personnes n’ont pas forcément envie de manger tous les jours un sandwich ou une salade industrielle achetés en supermarché.

Nous savons également que beaucoup de salariés préfèrent préparer leurs repas chez eux et l’emporter à leur travail, ce qui leur permet souvent de manger mieux et pour moins cher.

Prendre en compte cette évolution des préférences des salariés me semble évident. Certes, les titres-restaurant n’ont pas été créés pour cela, mais, encore une fois, ils l’ont été il y a bientôt soixante ans.

J’insiste sur le temps qui est nécessaire pour évaluer l’impact d’une évolution pérenne du dispositif. En effet, cette évolution ne devrait pas se faire au détriment des restaurateurs qui, après avoir subi la crise sanitaire, subissent encore de plein fouet les difficultés de recrutement, ainsi que la hausse du coût des matières premières et de l’énergie.

Je connais aussi les difficultés actuelles que nombre de restaurateurs rencontrent pour être remboursés des titres papier, depuis la fermeture des centres de traitement des titres-restaurant au début de cette année. Je pense que la dématérialisation totale du dispositif est attendue.

Les salariés subissent eux aussi cette inflation de toute part et doivent de plus en plus procéder à de nouveaux arbitrages financiers, qui peuvent changer fondamentalement leurs habitudes. Nous devons y être attentifs.

Nous soutenons donc cette proposition de loi, et plus généralement l’idée d’une réforme plus large du titre-restaurant afin d’adapter son cadre à notre époque, qui devra tenir compte de façon équilibrée des nouvelles aspirations des salariés comme des intérêts des restaurateurs. (Mme Nadia Sollogoub ainsi que MM. Martin Lévrier et Marc Laménie applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur l’initiative du Sénat, la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a prévu un dispositif dérogatoire permettant d’utiliser jusqu’au 31 décembre 2023 les titres-restaurant pour l’achat de tout produit alimentaire, directement consommable ou non.

Force est de constater que la crise sanitaire avait fait disparaître la notion de restaurant de notre vocabulaire et que bien des salariés n’avaient pu utiliser leurs titres-restaurant pendant les périodes de confinement.

Le principe du titre-restaurant est de contribuer au repas d’un salarié ne disposant pas dans son entreprise d’une cantine ou d’un local aménagé à proximité de son lieu de travail. À cet égard, il serait plus exact de l’appeler « titre-déjeuner ».

Le repas acheté au moyen de titres-restaurant est, en principe, composé de préparations alimentaires directement consommables, le cas échéant à réchauffer ou à décongeler, ou encore de produits laitiers ou de fruits et légumes.

Il peut être accepté par les restaurateurs, les hôteliers-restaurateurs, les détaillants en fruits et légumes et par les commerces assimilés agréés par la Commission nationale des titres-restaurant.

Je suis l’élue d’un territoire rural, où il existe évidemment quelques entreprises disposant de restaurants d’entreprises ou de cantines, mais également de très nombreuses petites et moyennes entreprises (PME), qui compensent l’absence de tels lieux de restauration en proposant des tickets-restaurant à leurs salariés. Il existe également de très petites entreprises en milieu très rural, qui sont éloignées des magasins et des restaurants.

Un chef d’entreprise témoignait récemment : « C’est le choix de mes salariés que de cuisiner chez eux et d’apporter leur gamelle sur le lieu de travail pour le déjeuner, mais pas seulement. Parce que là où nous sommes implantés, il n’y a pas de commerce de proximité, et nous n’avons pas la possibilité comme dans les grandes villes, de sortir et de traverser la rue pour acheter un plat tout préparé ! De nombreux salariés en France ne travaillent pas à côté de commerces de bouche et sont obligés, soit de prendre leur voiture, soit d’apporter leur déjeuner sur leur lieu de travail… »

Je voudrais donc souligner, madame la ministre, mes chers collègues, qu’il n’existe pas qu’une seule catégorie de salariés.

Il existe des salariés en rase campagne ; il existe des salariés ayant des intolérances alimentaires ;…