Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Anne Souyris, rapporteur. Pour conclure, face à l’essoufflement du système de bourses et à la précarisation des étudiants et des apprentis, ce texte prévoit de répondre par l’universalité et par la confiance de la collectivité nationale en la génération qui vient.

Mme la présidente. Veuillez respecter votre temps de parole !

Mme Anne Souyris, rapporteur. Toutefois, en ma qualité de rapporteure, je vous indique que la commission des affaires sociales a rejeté cette proposition de loi. La majorité de ses membres a fait valoir des raisons liées au coût de cette mesure et à la nécessité de privilégier les solidarités familiales. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre de lenseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet qui nous réunit aujourd’hui est un sujet majeur pour notre avenir collectif et notre jeunesse. Le Gouvernement partage pleinement l’objectif de la protéger de la précarité et de mieux l’accompagner.

Toutefois, nous mobilisons d’autres moyens que celui qui est proposé par ce texte. L’article unique de la proposition de loi prévoit la création d’une allocation autonomie universelle, sans condition de ressources, pour les étudiants et les apprentis.

Madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes déjà pleinement engagés dans le vaste et nécessaire chantier de la réforme du régime des bourses étudiantes sur critères sociaux, pilier du système de solidarité nationale à destination des étudiants.

Cette année, nos étudiants perçoivent des bourses sur critères sociaux revalorisées, grâce à un investissement historique, nécessaire dans le contexte d’inflation que nous avons connu et à la suite de la période du covid-19. Cette revalorisation dépasse l’inflation constatée.

J’insiste sur ce point, il s’agit d’une première étape de la réforme des bourses, qui représente un engagement d’environ 500 millions d’euros par an, supérieur à la simple revalorisation des montants de chaque échelon, car nous neutralisons les effets de seuil, nous renforçons nos aides aux étudiants en situation de handicap et en situation d’« aidance » et nous soutenons mieux les étudiants en outre-mer, qui sont confrontés à un coût de la vie plus important.

Le constat qui a guidé nos travaux était clair et partagé : notre système sur critères sociaux est à la fois efficace et redistributif – je reviendrai sur le principe de la redistribution –, mais il présente des limites et doit donc être remis à plat.

Conformément aux orientations du Président de la République, qui avait inscrit ce chantier dans la feuille de route de son second quinquennat, une attention particulière devait lui être accordée, afin que le coût de la vie ne soit jamais une barrière aux études.

Avec cette première étape de la réforme des bourses, nous avions trois objectifs principaux : aider plus d’étudiants, les aider mieux et protéger les gains du travail des parents, en mettant fin aux effets de seuil.

Plus d’étudiants qui deviennent boursiers, c’est, pour eux, sur l’année, 1 450 euros de bourse, sans compter les avantages associés au statut de boursier, dont ils n’auraient pas bénéficié si les paramètres étaient demeurés inchangés.

Le montant des bourses a augmenté pour tous les échelons de 37 euros par mois. J’entends souvent dire que les bourses devraient être indexées sur l’inflation. Or ces 37 euros correspondent à une revalorisation de 34 % pour le premier échelon et à une augmentation de 6,2 %, dépassant donc l’inflation constatée, pour l’échelon le plus élevé. C’est la plus forte revalorisation depuis dix ans ; et elle concerne tous les étudiants boursiers.

Plus d’entrants dans le système des bourses, c’est aider davantage. Des boursiers qui basculent à un échelon de bourse supérieur, c’est aider mieux. Cela peut représenter une augmentation de 66 euros à 127 euros par mois. Le nombre de boursiers reclassés est plus important que lors de toutes les précédentes réformes.

Enfin, nous neutralisons dès cette année les effets de seuils, en attendant de les supprimer définitivement. Cela signifie qu’à la rentrée aucun étudiant n’a vu sa bourse diminuer d’un montant supérieur à l’augmentation des revenus de ses parents.

En complément, nous pérennisons une tarification très sociale des repas pour les boursiers et les étudiants précaires, comme cela avait été recommandé dans le rapport de la mission d’information sur les conditions de la vie étudiante en France de M. Laurent Lafon. Cette année, de nouveau, nous avons gelé les tarifs de la restauration à 3,30 euros en général et à 1 euro pour le tarif très social.

Nous avons aussi gelé les loyers dans les résidences des Crous. Nous avons de nouveau gelé les frais d’inscription universitaires pour tous les étudiants.

J’ai eu l’occasion de le dire, cette première étape de la réforme des bourses ne solde pas nos travaux. Le travail continue. En effet, apporter des modifications structurelles à notre système de bourses, objectif que je partage, est un chantier considérable, dont il convient d’étudier les impacts. Parce qu’il engage nécessairement l’avenir à long terme, il demande à être instruit.

Il demande à être instruit sur le plan du modèle que nous défendons, plus juste, plus redistributif, plus cohérent avec les autres aides, et dans la logique de la solidarité à la source.

Il demande aussi à être instruit sur le plan technique. Il faut faire des simulations, être capable de mesurer pleinement et précisément les effets et les impacts des changements apportés. Cette instruction se poursuit, tout comme le dialogue avec toutes les parties prenantes.

Mais je le dis devant vous, nous défendons un modèle de solidarité nationale redistributif, où l’aide apportée vient compléter la capacité contributive de la famille et non s’y substituer, afin de véritablement remplir son rôle, à savoir la résorption des inégalités sociales et les inégalités économiques des territoires.

À cette occasion, vous me permettrez de rappeler que les étudiants les plus précaires bénéficient du plus haut niveau de bourse, dont le montant est équivalent à celui du RSA. Si vous ajoutez à cela les aides personnelles au logement, vous atteignez peu ou prou le montant d’aide visé par votre proposition.

Vous évoquez souvent le système danois, qu’il convient cependant de considérer dans sa globalité. En effet, dans ce système, l’aide cesse systématiquement à compter d’un retard équivalent à un semestre d’études. Il est dédié aux étudiants décohabitants. Les étudiants danois sont plus âgés, en moyenne de cinq ans, que leurs homologues français et il existe une sélection à l’entrée à l’université. Par ailleurs, le gouvernement danois semble engager une réforme de ce modèle, pour le limiter à cinq années, voire pour transformer l’aide en un prêt. Surtout, cette aide est imposable.

Je suis opposée au principe même d’un revenu universel, où la solidarité nationale se substituerait intégralement à l’aide familiale et ne concentrerait pas ses efforts sur ceux qui en ont le plus besoin. C’est mon fil rouge.

Je ne peux pas terminer mon propos sans évoquer le coût budgétaire de cette proposition de loi.

Si l’on fait le calcul dans les grandes lignes, avec une assiette de 2 millions d’étudiants, soit une assiette plus restreinte que celle qui est définie dans cette proposition de loi, auxquels on verserait une allocation de 1 000 euros par mois sur douze mois, on atteint un coût d’environ 24 milliards d’euros par an, soit, permettez-moi d’insister sur ce point, la quasi-totalité du budget du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. À cet égard, je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que le budget de mon ministère a déjà augmenté de 4,38 milliards d’euros depuis 2017.

Si le Gouvernement partage pleinement l’objectif d’aider plus et mieux les étudiants, afin qu’ils puissent faire leurs études dans les meilleures conditions possible, il est défavorable, pour toutes les raisons évoquées, à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Devésa. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Brigitte Devésa. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à mettre en place une allocation autonomie universelle d’études pour l’ensemble des étudiants du supérieur, ainsi que pour les élèves de la formation professionnelle du second degré. Elle vise à répondre au problème de la précarité, qui progresse fortement depuis la crise sanitaire et touche l’ensemble de notre société, mais concerne plus particulièrement les étudiants.

Nous avons tous en tête les images des files d’attente d’étudiants devant les centres de distribution d’aide alimentaire. En effet, 29 % des étudiants déclarent rencontrer des difficultés financières importantes. Ce chiffre est en augmentation, car ils étaient seulement 24 % en 2020.

Les étudiants ont particulièrement subi les effets de l’inflation, notamment de l’inflation alimentaire qui s’élève à 13,2 % depuis deux ans. Ils subissent également de plein fouet les effets de la crise du logement : trouver un studio, un appartement, devient de plus en plus difficile et coûte de plus en plus cher.

Ainsi, pour des raisons financières, nombre d’étudiants ne peuvent plus mener sereinement leurs études. Nous sommes tous d’accord sur ce point, une telle situation est inacceptable.

Face à ce problème, les bourses du Crous, qui se révèlent de plus en plus insuffisantes, permettent toutefois de venir en aide à près de 800 000 étudiants chaque année. Une augmentation de 500 millions d’euros de leur enveloppe a permis de les revaloriser de 370 euros par an, et ce malgré une hausse de 6 % des plafonds de ressources de l’ensemble des échelons, qui a permis aussi d’augmenter le nombre d’étudiants boursiers issus des classes moyennes.

Par ailleurs, la complexité du système des bourses du Crous fait que nombre d’étudiants qui pourraient y avoir droit ne les demandent pas. Ce problème du non-recours concerne particulièrement les plus précaires.

Outre ces bourses, l’État vient en aide aux étudiants en leur proposant des repas au tarif social de 3,30 euros dans les restaurants gérés par les Crous. Ce tarif a été gelé, ce qui va dans le bon sens. Depuis 2020, les étudiants boursiers ont, par ailleurs, accès à ces mêmes repas au prix de 1 euro.

Malheureusement, tout cela ne suffit pas à endiguer la paupérisation des étudiants. Il est donc indispensable d’aller plus loin, afin de permettre à tous les étudiants, en particulier à ceux qui sont issus des classes populaires, de mener leurs études sans avoir une épée de Damoclès financière au-dessus de leurs têtes. C’est un enjeu d’égalité des chances.

À ce titre, l’idée d’une allocation autonomie universelle d’études pourrait, à première vue, apparaître comme une solution séduisante.

Cette allocation représenterait, certes, une augmentation substantielle des revenus pour les étudiants issus des classes populaires et moyennes, en comparaison avec les montants de bourses auxquels ils ont droit actuellement. L’allocation universelle envisagée dans le cadre de cette proposition de loi serait, par ailleurs, une mesure simple et compréhensible par tous, qui se substituerait au maquis des bourses, allocations et autres aides qui sont aujourd’hui proposées aux étudiants. Elle résoudrait donc certainement le problème du non-recours.

Cependant, malgré les bonnes intentions des auteurs de ce texte, cette allocation présenterait autant voire plus d’inconvénients, ce qui la rend, selon nous, mal adaptée à la résolution du problème que constitue la paupérisation des étudiants.

En effet, l’allocation telle que conçue par cette proposition de loi n’est pas conditionnée à des plafonds de ressources. Un étudiant issu des classes populaires toucherait ainsi le même montant qu’un étudiant issu des couches les plus aisées.

Par ailleurs, le montant de l’allocation proposée serait fixe et ne dépendrait pas du lieu d’études de celui ou de celle qui en bénéficierait. Or le coût de la vie pour un étudiant parisien n’est pas le même que pour un étudiant rennais.

À vouloir être trop égalitaire, cette proposition nous semble donc profondément inéquitable.

De plus, le dispositif proposé prévoit l’interdiction du cumul de cette allocation avec un contrat de travail, ce qui nous semble poser un double problème.

D’une part, cette interdiction laisse un trou dans la raquette : en permettant le cumul de l’allocation universelle avec une activité d’autoentrepreneur, elle favorisera l’ubérisation et, donc, la précarisation du travail des étudiants.

D’autre part, l’interdiction, pour les étudiants, d’avoir un contrat de travail s’ils veulent conserver leur allocation mettra en difficulté les secteurs de notre économie qui se reposent beaucoup sur les emplois étudiants.

Ce n’est pas tout ! La proposition de loi prévoit que l’étudiant, pour bénéficier de l’allocation universelle, quitte le foyer fiscal de ses parents. Cela signifie, pour ces derniers, la perte d’une demi-part fiscale, voire plus pour les familles nombreuses. L’étudiant touchera donc plus, mais ses parents paieront également plus d’impôts.

Enfin, mes chers collègues, il nous faut bien parler du principal problème soulevé par cette proposition de loi, à savoir le financement. Le coût de cette mesure est estimé à plus de 30 milliards d’euros, ce qui, dans le contexte actuel de nos finances publiques, est inenvisageable.

Mes chers collègues, les solutions au problème de la précarité des étudiants ne manquent pas. Il appartiendra au Sénat d’en proposer au cours de débats futurs. Poursuivre le développement des filières en apprentissage, par exemple, permettrait de rehausser le niveau de vie des étudiants, sans pour autant en faire supporter le coût à nos finances publiques. Enfin, il faudra, plus largement, affronter le problème de la précarité des jeunes, qui ne touche pas seulement les étudiants.

Pour l’heure, cette proposition de loi nous semble créer plus de problèmes qu’elle n’apporte de solutions. C’est pourquoi, tout en reconnaissant le problème de la précarité des étudiants et en appelant à y apporter rapidement des solutions pertinentes, le groupe Union Centriste votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

Mme Mathilde Ollivier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord remercier ma collègue Monique de Marco de cette proposition de loi et du combat sans faille qu’elle mène en faveur de nos étudiantes et étudiants, ainsi que les organisations étudiantes, qui se sont mobilisées sur ce sujet.

Voilà un peu moins de quatre ans, au cœur de la crise sanitaire, les files d’attente devant les banques alimentaires ont considérablement marqué les esprits. À l’époque, il était insupportable de voir les visages d’une jeunesse à l’arrêt et placée devant la difficulté de se nourrir.

En réalité, ces images sont toujours d’actualité ! Aujourd’hui encore, des milliers de jeunes se rendent chaque soir à des distributions alimentaires. Voilà quelques semaines, je me suis rendue à l’une d’entre elles, réalisée par l’association Cop 1. J’ai retrouvé dans ces files, devant des paniers-repas, les images qui faisaient déjà froid dans le dos en 2020, mais nous sommes fin 2023 !

Combien d’années encore laisserons-nous cette situation s’aggraver ? Combien d’années encore baisserons-nous les yeux devant ces étudiants précarisés ? Le constat est connu depuis des années. Nous rappelons à intervalles réguliers les mêmes chiffres, dans l’espoir qu’un jour une réforme structurelle intervienne.

Madame la ministre, nous nous attendions à votre réponse, toujours la même : « Nous faisons une réforme des bourses. » Toutefois, plus de 50 % des personnes présentes dans les files de distribution alimentaire ne sont pas éligibles aux bourses sur critères sociaux. Vous le voyez bien, il y a là un problème structurel. Votre politique ne permet pas de lutter contre la précarité étudiante.

Notre pays est marqué par une augmentation sans précédent des inégalités. La jeunesse est, dans son ensemble, la population la plus marquée par ce phénomène. En quelques années, les conditions d’entrée dans la vie adulte se sont fortement dégradées. Ainsi, en 2021, 9,1 millions de personnes vivaient avec un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, dont 1,4 million de jeunes de 18 à 24 ans.

La situation actuelle est grave, même alarmante. Elle conduit à une insécurité permanente, le coût de la vie étudiante ayant augmenté de plus de 25 % depuis 2017. Ainsi, 40 % des jeunes doivent exercer une activité professionnelle parallèlement à leurs études et 43 % des étudiants sautent un repas par jour.

L’insécurité des étudiants est multiple : économique et alimentaire, mais aussi pour ce qui concerne l’accès au logement, à l’énergie ou à la santé et les liens sociaux. Comment démarrer sa vie adulte dans ces conditions ? Le « plus bel âge de la vie », comme certains aiment à l’appeler, ne serait donc que le privilège de quelques-uns ? Démarrer dans la vie adulte doit donc signifier dépendre de la solidarité familiale plutôt que de la solidarité nationale ?

Une telle précarité fracture la jeunesse, tandis que ces inégalités ébranlent notre société, sapent la cohésion nationale, fragilisent nos modèles sociaux et érodent la promesse républicaine d’égalité des chances, promesse chère à toutes et tous dans cet hémicycle.

Nous le voyons bien, le système des bourses est à bout de souffle. Il n’est plus efficace et atteint ses dernières heures de vie. Nous ne pouvons pas rester là sans rien faire ; nous ne pouvons pas banaliser une telle précarité. Nous refusons le retour à une société d’héritiers. Nous ne pouvons pas nous résigner à ce que François Dubet nomme la « préférence pour l’inégalité ».

Face à ces constats, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires vous fait aujourd’hui une proposition permettant une avancée concrète dans la lutte pour l’égalité et contre la précarité des jeunes : la création d’une allocation autonomie universelle d’études.

Nous devons garantir à notre jeunesse protection et avenir. Il en est fini des petits ajustements au gré de l’actualité.

Nous avons l’occasion historique de construire un véritable dispositif de protection sociale étudiante pour conduire les jeunes vers l’autonomie et l’émancipation.

Nous avons l’occasion historique de proposer, main dans la main, en concertation, une loi qui changerait la vie de millions de jeunes Françaises et de jeunes Français.

Je terminerai par une citation de Jean Jaurès : « Une fois émancipé, tout homme cherchera lui-même son chemin. » Cette proposition de loi répond à ce besoin de sécurité et de protection, ainsi qu’à ce désir d’émancipation de nos jeunesses. Donnons-lui sa chance ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous saluons la volonté du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires d’inscrire à l’ordre du jour de notre assemblée cette proposition de loi visant à créer une allocation autonomie universelle d’études pour tous les jeunes en formation de 18 ans à 25 ans, de 16 ans à 25 ans pour les apprentis.

Cette allocation supplanterait les bourses, dont le montant varie de 1 450 euros à 6 300 euros annuels et dont une majorité des étudiants est toujours exclue. Elle compléterait également la rémunération des entreprises pour les apprentis.

Répondre à la précarité de la jeunesse, laquelle ne cesse de croître en France, est indispensable. La crise de la covid-19 a mis en lumière et amplifié ce phénomène. Chacun a en tête les files d’étudiants devant les distributions alimentaires. Nous le savons aussi, les jeunes en formation professionnelle, souvent issus des milieux populaires, doivent acquérir des matériels et des équipements coûteux.

Malgré cette situation, les députés du camp présidentiel et les sénateurs du groupe Les Républicains ont empêché l’extension à tous les étudiants du repas à 1 euro des Crous.

En 2023, le coût de la vie étudiante a augmenté de 6 % à 7 %. Cela a été rappelé, nombre d’étudiants sont contraints de se salarier pour subvenir à leurs besoins fondamentaux, ce qui n’est évidemment pas sans conséquence sur leurs chances de réussite.

En outre, la réforme des lycées professionnels risque de faire naître de nouvelles injustices, entre les lycéens de terminale qui choisiront un parcours de formation au sein de l’établissement et ceux qui iront en entreprise et seront, eux, rémunérés.

L’allocation autonomie universelle d’études nous apparaît comme l’une des solutions pour répondre à ces situations.

Certes, elle nécessite des crédits importants, vous l’avez rappelé, madame la ministre, mes chers collègues. Cela devrait nous conduire à réfléchir collectivement aux sources de financement à mobiliser.

Notre groupe, comme d’autres, a présenté, au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, des propositions permettant d’accroître les recettes publiques. Celles-ci seraient bienvenues face à l’enjeu qui nous réunit aujourd’hui !

Pour d’autres, c’est la solidarité familiale qui doit décider qu’un jeune pourra ou non faire des études supérieures. Autant dire que ce sont les revenus des parents et non pas les capacités ou la volonté qui permettront aux jeunes d’accéder à tel ou tel niveau ou type de formation.

Il est temps de passer d’une solidarité familiale à une solidarité nationale, faute de quoi notre système éducatif restera longtemps encore l’un des plus inégalitaires du monde. Seulement 12 % des enfants d’ouvriers prolongent leurs études à l’université. Voulons-nous que, demain, les classes moyennes soient elles aussi à ce point sous-représentées ? On peut le craindre, compte tenu du décrochage des salaires par rapport à l’inflation.

De ce point de vue, il faudrait creuser plus avant les effets de la suppression de la demi-part fiscale des familles, pointée par les auteurs de cette proposition de loi, entre autres possibilités, comme une piste de financement de cette allocation. Une telle mesure ne risquerait-elle pas d’accroître les inégalités ?

Ne serait-il pas également nécessaire d’étudier l’ouverture de droits à la retraite liée à ce régime d’allocation ?

Les Crous doivent en parallèle être dotés de moyens, tout comme la médecine universitaire. La problématique du transport doit aussi être prise en compte, en matière tant de coût que de dessertes à développer.

Je pense également au logement, premier poste de dépense des étudiants. Selon le rapport de nos collègues Pierre Ouzoulias et Laurent Lafon, 57 % des étudiants paient un loyer et y consacrent en moyenne 388 euros par mois. Ce montant explose pour les locataires du privé, puisqu’il atteint 570 euros en moyenne par mois. Or, sur les 60 000 logements étudiants promis par le candidat devenu président en 2017, seuls 36 000 ont été livrés en 2021.

Si cette proposition de loi n’épuise donc pas l’ensemble des sujets concernant la jeunesse, nous la voterons bien évidemment. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Guylène Pantel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans un premier temps, je tiens, au nom du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, à remercier nos collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires de mettre en lumière la question de la précarité économique des étudiants, dans le cadre de l’ordre du jour qui leur est réservé.

Ce sujet nous a particulièrement sautés aux yeux au moment de la crise sanitaire, mais il perdure dans le temps avec les difficultés liées à l’inflation et la crise du logement.

Plusieurs chiffres révélateurs ont été évoqués au fil de nos débats, notamment l’enquête menée par l’Ifop en septembre dernier avec l’association d’entraide Cop 1 auprès de deux échantillons de près de 800 étudiants chacun, l’un constitué des seuls bénéficiaires des paniers-repas de l’association et l’autre représentatif de la population étudiante.

Les résultats montrent que 36 % des étudiants se privent régulièrement d’un repas par manque d’argent et ils sont 58 % dans ce cas parmi les jeunes inscrits aux distributions alimentaires. Ces proportions sont alarmantes.

Au fil du temps, l’État, les organismes de sécurité sociale, les collectivités territoriales, le secteur associatif, les fondations et le secteur privé ont bâti une multitude de dispositifs visant à endiguer les risques sociaux auxquels les étudiants sont confrontés.

Bourses, aides au logement et à la caution locative, aides à la complémentaire santé, à la mobilité, au sport, aux loisirs ou à la culture, tarifs spécifiques de transports en commun décidés par des EPCI et des régions, dispositifs d’accompagnement pour étudier à l’étranger, aides spécifiques pour les étudiants ultramarins : l’arsenal de dispositifs a peu à peu pris la forme d’un véritable labyrinthe pour les bénéficiaires, ce qui pose la question de l’accès aux droits.

Ces questions sont d’autant plus légitimes lorsqu’on étudie la diversité et les écarts des droits en fonction des territoires.

En effet, au sein d’une même région, l’étudiant de Toulouse paiera son abonnement de transports 133 euros, l’étudiant de Mende 49,70 euros, tandis que l’étudiant de Millau ou de Montpellier aura accès gratuitement au réseau de transports urbains.

Ces disparités sont également perceptibles pour ce qui concerne l’accès au logement, puisque l’offre du parc social et le niveau des loyers varient en fonction des lieux de résidence. Ainsi, dans le rapport d’information de 2021 de nos collègues Pierre Ouzoulias et Laurent Lafon sur les conditions de la vie étudiante, on apprend que, selon l’Association interprofessionnelle des résidences étudiants et services, il manquerait au moins 250 000 logements étudiants pour répondre à la demande. Il s’agit d’une estimation basse, si l’on en croit d’autres enquêtes.

L’autre poste important de dépenses grevant le budget d’un étudiant – j’en ai parlé en préambule – est l’alimentation.

Sur ce point, je déplore de n’avoir pas pu déposer d’amendement, faute de lien suffisant avec le texte en discussion. En effet, élue d’un département hyper-rural, je constate au quotidien que l’absence, à Mende et ailleurs, d’un restaurant universitaire porté par le Crous augmente sensiblement les dépenses d’alimentation des jeunes. À défaut d’implanter des restaurants universitaires partout, la réflexion sur la mise en place d’un ticket-restaurant au bénéfice des étudiants résidant dans des communes dépourvues de ce service doit être creusée sérieusement.

Notre groupe est donc sensible aux enjeux soulevés par l’auteure de la proposition de loi, notamment pour encourager l’émancipation des étudiants et éviter qu’ils échouent, en consacrant un temps démesuré à des jobs alimentaires. Nous sommes ouverts à des pistes concrètes visant à revaloriser nettement leur pouvoir d’achat, mais dans le cadre d’un système de redistribution verticale et progressive et non pas d’un système de redistribution universelle, c’est-à-dire dans le cadre d’une plus grande justice sociale.

En somme, le groupe du RDSE partage pleinement le combat contre la précarité des étudiants et restera force de propositions. Néanmoins, pour les raisons évoquées précédemment, les votes des membres de notre groupe seront partagés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)