M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre – j’aurais aimé pouvoir dire « messieurs les ministres » –, mes chers collègues, à l’aune d’un scrutin d’une telle importance pour l’avenir de notre pays, il est indispensable de se demander dans quel contexte intervient notre vote. À rebours de ce qu’affirment les ministres, en 2023, un quart des ménages ont vécu à découvert en fin de mois pendant au moins trois mois consécutifs ; près de quatre Français sur dix ont renoncé à des soins alors qu’ils en avaient besoin ; la Banque de France prévoit un effondrement de l’investissement des ménages : –5,8 % en 2023, –5,9 % en 2024 !

L’État social continue donc de se dégrader.

L’année 2023 a été celle d’une vulnérabilité climatique jamais atteinte, et qui touche plus sévèrement les plus modestes. Aussi une seule question mérite-t-elle d’être posée : ce projet de loi de finances va-t-il améliorer la vie des gens ?

La réponse est non, pour trois raisons.

Première raison : la limite démocratique inhérente à ce projet.

Nous avons là en effet un texte qui a été pensé sans la représentation nationale. Je vous cite, monsieur le ministre, à propos – précisément – du budget : « J’assume qu’on ait besoin du 49.3 ». C’était le 9 octobre, soit huit jours avant l’ouverture du débat à l’Assemblée nationale !

Élaborant son texte, le Gouvernement a par ailleurs ignoré les alertes émanant des citoyens, des syndicalistes, des maires et des grandes associations de solidarité.

Bien entendu, mes chers collègues, nous avons eu, au Sénat, un débat financier. Mais il a été en partie biaisé par des combinaisons politiques à visée électorale et par l’expression de prétentions individuelles imputables au quinquennat et au fait que les législatives dépendent de l’élection présidentielle.

Ce sont tous ces éléments qui ont conduit notre groupe à déposer une motion tendant à opposer la question préalable. Celle-ci ayant été rejetée, nous avons proposé l’élaboration d’un contre-budget d’initiative citoyenne constitué de plus de 150 propositions de recettes, mais aussi de relance de l’économie, des services publics et du pouvoir d’achat.

Certaines de ces propositions ont été adoptées. Je pense au renforcement de la taxation des rachats d’actions, à la lutte contre les logements vacants, à la suppression des cadeaux fiscaux aux fédérations sportives internationales et à quelques gestes sur la fraude fiscale. Nous nous félicitons de ce travail.

Mais, dans l’ensemble, nos propositions et celles des autres composantes de l’opposition de gauche ont été refusées par le Gouvernement et par la droite, main dans la main ; excusez-moi de vous le dire, mes chers collègues !

C’est bel et bien qu’il y a un clivage, et que ce clivage oppose gauche et droite, c’est-à-dire deux visions de la société.

Ce constat m’amène à la deuxième raison pour laquelle nous voterons contre ce texte.

Le ministre Le Maire, candidat permanent et, au Sénat, absent permanent (Rires et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Mickaël Vallet sesclaffe également.), déclarait : « Ce budget représente la fin d’une époque, celle du “quoi qu’il en coûte” ». « Le temps des économies est venu », ajoutait-il.

La question est : quelles économies et pour qui ?

Pour ce qui est du bouclier énergétique, on totalise 2,3 milliards d’euros de perdus pour les ménages, alors que la hausse des prix de l’énergie continuera en 2024, à hauteur de 10 %. Dans le même temps, les grands groupes du secteur de l’énergie, eux, vont bénéficier d’aides du Gouvernement : 42 milliards d’euros !

Côté collectivités, et nonobstant le discours sur l’augmentation de la DGF, l’exercice financier se traduira par d’importantes pertes financières : pas d’indexation de la DGF sur l’inflation, ce qui veut dire, en euros courants, une baisse de 5,6 milliards d’euros tous transferts confondus ; poursuite de la suppression de 19,6 milliards d’euros de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), ce qui veut dire, pour les communes, perte potentielle de la dynamique afférente.

Cet affaiblissement de l’action publique a été aggravé par la droite sénatoriale, c’est-à-dire par vous, chers collègues !

Mission « Administration générale et territoriale de l’État » : –4,7 milliards d’euros ; mission « Immigration, asile et intégration » : –2 milliards d’euros ; mission « Plan de relance » : –1,4 milliard d’euros ; compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » : –4 milliards d’euros ; et, surtout, mission « Cohésion des territoires » : –19 milliards d’euros !

Les projets du Gouvernement et de la droite se confondent, autour d’un même centre de gravité : des économies sur les ménages, les services publics et l’égalité territoriale, mais non sur les actionnaires ni sur les hauts revenus.

Les économies se font aussi contre la planification écologique. En la matière, monsieur Cazenave, je suis obligé de vous donner raison ; je vous cite : « Nous sommes loin de la révolution écologique. » Là-dessus, soyons justes, il est impossible de douter de votre franchise… (Sourires sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

J’en viens à la dernière raison de notre vote contre : elle est motivée par l’adage classique : « Socialisation des pertes et privatisation des profits ». Autrement dit, vous faites le choix de la dette au détriment de l’impôt.

S’endetter peut être utile pour investir : c’est ce qu’on appelle une dette saine. Mais le problème est l’ampleur et la structure de la dette ! D’une part, il existe 1 800 à 2 000 dispositifs d’aide aux entreprises, dont 56 % seraient des subventions, 5 % des allégements fiscaux. D’autre part, la dette vient aussi en grande partie du refus d’une fiscalité juste et progressive pour tous.

Pour la très grande majorité de nos concitoyens, le système fiscal français est progressif. Toutefois, à partir des 0,1 % les plus riches, il devient dégressif, le taux moyen d’imposition chutant à 26 % pour les 0,0002 % les plus fortunés.

Voilà d’où viennent la dette et le déficit !

Avec 145 milliards d’euros de déficit et 280 milliards d’euros d’endettement, nous atteignons un record.

Il faut clairement parler d’une dépendance aux marchés financiers. Cette bulle a été créée par les intérêts de la dette, qui produisent une fragilité de l’État. L’argent prend alors le dessus sur nos valeurs, ces trois valeurs qui nous lient : liberté, égalité, fraternité ! Or, je le dis, l’argent ne fait ni la Nation ni la démocratie.

Je note aussi que la dette privée des entreprises, et entre entreprises, un tabou – on n’a jamais le droit d’en parler –, représente 162 % du PIB, contre 105 % en moyenne dans la zone euro.

La dette publique, à côté, fait pâle figure. Se déresponsabilisant, le Gouvernement fait le choix de la décentraliser – eh oui ! – et d’en faire supporter le poids par les collectivités et par les salariés, qui n’en sont pourtant pas responsables.

Nous voterons contre ce budget, car il n’améliorera pas la vie quotidienne des Français. Il ne réglera pas la crise énergétique ni ne désamorcera la bombe sociale qui commence à s’abattre devant nous, j’ai nommé la crise du logement.

S’il y a bien un changement dans la politique de l’exécutif, c’est que le Gouvernement vient de s’extraire de la gestion des urgences.

Le Gouvernement et la droite sénatoriale se sont finalement entendus, hier tard dans la nuit, en votant un article d’équilibre dont le solde est amélioré de 42 milliards d’euros. Tout était déjà réglé, entre pacte de fond et faux-semblant de conflit. (M. le ministre délégué le conteste.)

Conclusion : la droite n’a pas d’autre budget que celui du Gouvernement.

Les citoyens, les syndicats, les associations et l’opposition de gauche, eux, en ont un. Il n’est ni irréaliste ni extrémiste : il est nécessaire ! (M. Roger Karoutchi sexclame.)

L’année 2024 sera peut-être celle de résistances nouvelles, populaires, larges et unitaires ; et alors, je vous le dis, tout est possible ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER. – M. Daniel Salmon applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi s’achève le marathon budgétaire consacré au projet de loi de finances pour 2024. Mais, contrairement au marathon olympique, dont la distance est immuable, celui-là ne cesse de s’allonger, année après année, en raison du nombre croissant d’amendements déposés.

Le droit d’amendement est un droit fondamental du parlementaire, sur lequel il serait dangereux de revenir. Mais peut-être faudra-t-il encore modifier notre règlement étant donné la contrainte de durée qui encadre l’examen de la loi de finances.

En attendant, je me félicite que les règles relatives à la durée programmée d’examen de chaque mission aient été respectées par tous les groupes, sous la vigilance permanente et bienveillante – il faut bien le dire – du président de la commission des finances, que je remercie, comme je remercie le rapporteur général et le ministre de leur présence assidue, leur pédagogie et leur écoute.

M. Mickaël Vallet. Manquerait plus qu’ils mordent…

M. Christian Bilhac. Le Sénat a apporté au texte présenté par le Gouvernement de nombreuses modifications dont il faut se féliciter. Concernant la partie recettes, je tiens à souligner les avancées inscrites dans le texte par le Sénat : plus de 1,5 milliard d’euros au bénéfice des collectivités territoriales.

Je veux citer, à titre d’exemples, l’abondement d’un fonds d’urgence destiné à aider les collectivités touchées par des inondations et une dotation incendie pour les communes rurales ; la revalorisation de la DGF ; la prolongation du filet de sécurité énergétique pour les collectivités ; une dotation supplémentaire pour les départements ; l’attribution de la dotation particulière relative aux conditions d’exercice des mandats locaux, dite dotation particulière « élu local » (DPEL), aux communes de moins de 1 000 habitants sans condition de ressources, 3 000 nouvelles communes y étant désormais éligibles.

Quant au zonage France Ruralités Revitalisation (FRR), il est une avancée pour la ruralité. Le groupe du RDSE regrette néanmoins le rejet de son amendement pour le beau département du Lot, qui s’en trouve exclu, à quelques habitants près, en raison d’un problème de procédure. Monsieur le ministre, nous comptons sur vous. C’est donc acquis ?… Je vous remercie ! (Rires aux bancs du Gouvernement et des commissions.)

Les dotations sont confortées pour les chambres consulaires, essentielles à nos territoires : chambres d’agriculture, chambres de commerce et d’industrie, chambres de métiers et de l’artisanat.

Je n’oublie pas l’élargissement à tout le territoire du prêt à taux zéro, qui permettra de soutenir l’accession à la propriété et le secteur du logement.

Concernant la seconde partie du budget, c’est-à-dire le volet dépenses, la plupart des missions ont été adoptées après avoir été amendées par le Sénat. Ont été rejetés, en revanche, les crédits des missions « Cohésion des territoires », « Plan de relance, « Administration générale et territoriale de l’État », « Immigration, asile et intégration » et « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que ceux du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».

Si les amendements proposés par le Gouvernement et adoptés par le Sénat ont toutes les chances d’être conservés dans l’hypothèse probable où un 49.3 serait déclenché à l’Assemblée nationale, on peut s’interroger sur le sort qui, le cas échéant, serait réservé aux amendements déposés par les sénateurs en séance ou en commission.

Il convient de noter que le Sénat a fait preuve de responsabilité dans l’examen de ce texte : si de nombreuses avancées ont été votées, en particulier en faveur des collectivités territoriales, le déficit global, lui, a été réduit par rapport au texte initial du Gouvernement.

Reste que ce déficit devient de plus en plus inquiétant, d’autant que la charge de la dette va être encore aggravée, dans les années à venir, par la hausse des taux d’intérêt.

Voilà trois ans que je siège dans cette assemblée ; lorsque j’examine avec du recul les événements que nous avons connus depuis lors – la crise sanitaire, la guerre en Ukraine, l’envolée des prix de l’énergie –, je m’aperçois qu’ils ont rendu toutes les prévisions obsolètes avant même que l’encre n’ait eu le temps de sécher sur le papier. Faudra-t-il faire appel demain, pour voir dans l’avenir, à la boule de cristal ou au marc de café ? (Sourires.)

À l’heure où je m’exprime, il semblerait que les prévisions gouvernementales soient optimistes, mais, compte tenu de ce que je viens de dire, le conditionnel s’impose en la matière.

En ce qui concerne la fiscalité, je me dois de rappeler que les collectivités locales ont de moins en moins d’autonomie fiscale et que désormais l’État ne conserve plus que le tiers du produit de la TVA.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. C’est vrai.

M. Christian Bilhac. Le coût global de la dette de la France dépasse les 54 milliards d’euros et nous devons collectivement nous en inquiéter. Lorsqu’on doit aller voir son banquier tous les mois, c’est que l’on est à sa merci ; c’est une évidence !

Au risque de me répéter, ce n’est pas sur les services publics qu’il faut s’acharner, car la population en a besoin ; c’est à notre suradministration, pléthorique et paralysante, qu’il convient de s’attaquer.

Enfin, avec les collègues de mon groupe, je me réjouis qu’une quinzaine de nos amendements aient été adoptés.

Je souligne aussi que, sur certaines missions, des amendements ont été retirés en échange de l’engagement du Gouvernement à régler les problèmes soulevés. Ainsi du financement des contrats d’apprentissage dans les collectivités – un accord a été annoncé avec le Centre national de la fonction publique territoriale (M. le ministre délégué le confirme.) – ou encore de l’harmonisation des allocations viagères perçues par les veuves de harkis. Dans les deux cas, nous avons retiré nos amendements devant l’engagement du Gouvernement.

Je voterai ce projet de loi de finances pour 2024, et le groupe RDSE se partagera entre approbation et abstention. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Bernard Buis et Mme Patricia Schillinger applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Didier Rambaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au début du mois d’octobre, nos collègues du groupe Les Républicains nous ont promis un contre-budget, un budget responsable, un budget d’équilibre, le budget d’une majorité sénatoriale à la hauteur de ses responsabilités.

À l’issue de nos soixante-dix heures de débats, ce contre-budget, le voilà, et il est temps de faire les comptes. Je vous assure que l’on n’est pas déçu du voyage !

M. Roger Karoutchi. Eh bah alors !

M. Didier Rambaud. Relisant votre manifeste d’il y a deux mois (Lorateur brandit un document.), j’y ai trouvé trente-quatre pages traçant un chemin exigeant vers la promesse d’un lendemain meilleur : trente-quatre pages pour le renforcement de l’État, la fin des petites économies, le retour d’une véritable politique familiale de droite ; trente-quatre pages d’économies sur le revenu de solidarité active (RSA), l’aide médicale de l’État (AME), l’hébergement d’urgence et l’aide publique au développement.

Je vous invite tous à le lire, mes chers collègues : c’est beau, c’est bleu, c’est grand !

M. Didier Rambaud. Le président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale, Olivier Marleix, défendait ce projet comme un rempart à « la politique du chien crevé au fil de l’eau », reprenant ainsi l’expression d’André Tardieu, qui fut trois fois président du Conseil sous la IIIe République.

M. Marc-Philippe Daubresse. Nous ne sommes pas à l’Assemblée !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est le Sénat, ici !

M. Didier Rambaud. Si cette République sombra dans la valse des cabinets, c’est dans une autre valse, celle des milliards, que votre budget aura fini de sombrer. (Excellent ! et applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

Je dis quelques mots sur la première partie.

Dès le début de l’examen du texte, l’amendement du président Retailleau sur le quotient familial a été rejeté par vos amis centristes, rejet bientôt suivi d’un nouveau revers pour le groupe majoritaire, sur l’assurance vie. Autrement dit, vous êtes victimes de votre majorité relative ; eh oui, vous aussi !

M. Marc-Philippe Daubresse. Quelle modestie, décidément…

M. Didier Rambaud. On ne compte plus les taxes nouvelles votées à votre corps défendant par vos amis centristes, sans compter les nombreuses créations de niches fiscales.

Cette première partie, ce n’est pas votre budget, c’est le manifeste politique de l’Union Centriste ; reconnaissons-le !

Si la première partie se résume à des critiques injustifiées, qui sont le symptôme de vos incohérences, la seconde partie démontre l’irresponsabilité de la majorité sénatoriale (Huées sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)…

M. Didier Rambaud. … et met en lumière nos désaccords.

M. Marc-Philippe Daubresse. Il s’appelle « Rambaud » : c’est toujours la même histoire…

M. Didier Rambaud. Les crédits du sport supprimés, l’année même des jeux Olympiques ; aucun budget pour la politique migratoire ; rejet en bloc de la mission « Cohésion des territoires » et, corrélativement, disparition de la politique du logement ; fin de la mission « Plan de relance » ; et j’en passe !

Mme Sophie Primas. Vous voulez qu’on parle de la Fifa ?

M. Didier Rambaud. Les crédits de toutes ces missions ont été rejetés, pour des raisons que je peine encore à comprendre. Vous nous dites qu’il s’agit de marquer un désaccord politique ; mais vous pouviez proposer un contre-budget ! Telle était d’ailleurs votre ambition de départ, que vous n’avez cessé de répéter dans la presse.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Pas du tout !

M. Didier Rambaud. Mais, au pied du mur, vous n’avez su construire une alternative crédible.

Ne nous y trompons pas : si vous avez une majorité, vous êtes responsables du texte que vous rendez.

Vous demandez que les apports du Sénat soient conservés. Or on ne sait même plus vraiment de quoi vous parlez. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. André Reichardt. Quelle mauvaise foi !

M. Didier Rambaud. De la disparition comme par magie de la dette covid ? Doit-on comprendre que, l’ayant retirée du texte, vous nous en avez débarrassés ? Voilà qui, comme par miracle, vient améliorer encore votre solde… La gauche en a rêvé, vous l’avez fait !

M. Jacques Grosperrin. On sent les marcheurs fâchés et blessés !

M. Didier Rambaud. Voulez-vous plutôt parler des centaines de milliers de postes de fonctionnaires supprimés ? Du reste, on ne sait pas même où vous les supprimeriez. Dans l’éducation nationale ? Dans la police ? Chez les magistrats ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous n’allez pas être déçu !

M. Didier Rambaud. Chacun peut consulter votre amendement, il est public. Vous n’avez pas eu le courage d’aller au-delà de la formule incantatoire et de nous dire où vous voudriez supprimer ces postes ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Grégory Blanc et Thomas Dossus ainsi que Mme Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)

M. Jacques Grosperrin. C’est Rambaud, pas Rimbaud, hélas !

M. Didier Rambaud. Monsieur le rapporteur général, mettons que, demain, vous soyez aux responsabilités.

Mme Pascale Gruny. Vous, vous y êtes : c’est triste…

M. Didier Rambaud. Je veux bien croire que dans un an ou deux les comptes seraient rétablis. Mais à quel prix ? Il n’y a plus de stratégie d’ensemble : chacun y va de son petit amendement, et des pans entiers du budget sont passés par pertes et profits pour financer les quelques dépenses consenties au profit de votre électorat. C’est cela que vous appelez un État fort, au rendez-vous des défis du siècle ?

L’irresponsabilité coûte cher, surtout quand elle préside aux décisions de toute une famille politique.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous avez écrit cela avant-hier ?

M. Marc-Philippe Daubresse. C’est le crépuscule de Renaissance…

M. Didier Rambaud. « Le kantisme a les mains pures, mais il n’a pas de mains », écrivait Péguy. Le groupe LR aura bientôt un budget à l’équilibre, mais il n’a pas de budget. (Rires sur les travées du groupe RDPI.)

M. Jacques Grosperrin. On voit que ce n’est pas de vous, ça !

M. Didier Rambaud. Mes chers collègues, cette irresponsabilité est d’autant plus regrettable que l’examen de la première partie fut l’occasion de voter des dispositions positives pour nos finances publiques. Je pense à la réduction de l’avantage fiscal applicable à la location de meublés touristiques ou à la déliaison des taux de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, que nous attendions tant et que le ministre nous a permis de voter. Je pense également à la création d’une taxe streaming dont devront s’acquitter les plateformes payantes et gratuites et dont le produit abondera le budget du Centre national de la musique, idée proposée par notre ancien collègue Julien Bargeton.

Par ailleurs, je déplore l’adoption d’un certain nombre d’amendements lors de l’examen des missions : je pense à l’allongement du délai de carence dans la fonction publique d’État, à la coupe de 10 000 postes dans les effectifs des opérateurs de l’État, au rejet des crédits du compte spécial « Avances à l’audiovisuel public », sans oublier la baisse des moyens alloués à l’aide médicale de l’État, pourtant indispensable du point de vue de la sécurité sanitaire comme d’un point de vue humanitaire.

M. Marc-Philippe Daubresse. Ils n’ont pas compris ce qui s’est passé hier, apparemment…

M. Didier Rambaud. Mes chers collègues, compte tenu des amendements votés en première partie et des profonds désaccords que nous avons quant aux missions rejetées en seconde partie, force est de constater que le budget qui sort du Sénat ne ressemble à rien. Il ne ressemble ni à un budget digne d’un parti de gouvernement ni même à un budget tout court : ce n’est ni plus ni moins qu’un texte à trous où les failles s’accumulent ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Qu’y trouve-t-on ? Des politiques non financées, notamment en matière de logement ; des coups de rabot qui ressemblent plutôt à des coups de hache (Mme Sophie Primas et M. Jacques Grosperrin protestent.) ; des amendements non évalués ; des économies de plusieurs milliards d’euros dont aucun contour n’est défini. (Mme Christine Lavarde et M. Marc-Philippe Daubresse protestent.)

D’ailleurs, en parlant de vos économies, j’ai de nouveau l’occasion de pointer votre mauvaise foi : si le Gouvernement décidait de conserver les prétendus apports du Sénat, vous seriez les premiers à lui reprocher l’effondrement de l’État et du service public.

M. Roger Karoutchi. C’est cela…

M. Didier Rambaud. Mes chers collègues du groupe LR, entre la première partie, qui ne vous convient en rien, et la seconde, qui – je l’ai montré – ressemble plus à un texte à trous qu’à un véritable budget,…

M. Marc-Philippe Daubresse. Réveillez-vous !

M. Didier Rambaud. … le seul vote raisonnable serait de vous abstenir, comme le fera le groupe RDPI ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Bernard Fialaire applaudit également. – Huées sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Yannick Jadot applaudit également.)

M. Thierry Cozic. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis afin de clore l’examen de ce projet de loi de finances pour 2024.

Le vote que nous nous apprêtons à émettre n’a de solennel que le nom, tant, après un énième 49.3, les parlementaires que nous sommes pouvons légitimement nous interroger sur le sens de la mission pour laquelle nos électeurs nous ont élus.

Je tiens à vous le dire, monsieur le ministre, les heures que nous avons passées dans cet hémicycle, de jour comme de nuit, ne sauraient être balayées par le choix d’un seul homme.

Dans une société où la crise démocratique est de plus en plus prégnante, nous ne pouvons pas nous résoudre à accepter que le Parlement ne soit plus qu’une caisse d’enregistrement de décisions prises ailleurs.

D’ailleurs, le cinglant camouflet que le Gouvernement a subi hier est la manifestation claire que cette méthode n’est plus acceptée, car elle est devenue trop inacceptable.

Si nous ne sommes pas capables de réinventer un mode d’organisation politique qui soit plus soucieux des aspirations de nos concitoyens, alors d’autres s’en chargeront, ceux-là mêmes qui laissent penser à des concitoyens crédules que le problème serait notre système démocratique.

Je le dis avec force, l’effondrement des croyances associées à la démocratie représentative devrait nous préoccuper au plus haut point.

Entrons maintenant dans l’analyse du texte que nous avons examiné.

Je l’avais annoncé lors de la discussion générale, ce budget fait face à un triangle d’incompatibilité que trois semaines de séance n’auront pas réussi à résoudre.

Durant nos débats, comme prévu, l’obsession du Gouvernement à maintenir la baisse des impôts est entrée en collision avec son obsession à réduire le déficit public.

Mais, monsieur le ministre, vous n’êtes pas à une incohérence près.