M. le président. La parole est à M. Philippe Paul, en remplacement de Mme Valérie Boyer, rapporteure pour avis.

M. Philippe Paul, en remplacement de Mme Valérie Boyer, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2024, les crédits du programme 105 progressent de près de 8,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2023, pour atteindre 2,26 milliards d’euros.

Le ministère se félicite de la hausse – inédite, semble-t-il, depuis 2005 – de 13 % des dépenses hors rémunérations. Sans doute, mais le doublement de la contribution française à la Facilité européenne pour la paix, destinée à aider l’Ukraine, représente près de la moitié de cet effort !

S’agissant des dépenses d’intervention, le poste le plus important est celui des crédits consacrés aux contributions internationales. Sa hausse, d’une petite centaine de millions d’euros, s’explique par les effets de change et la revalorisation de certaines contributions.

L’effort des contributions volontaires, lui, ne représente que 2,3 milliards d’euros, ce qui est loin, très loin des montants accordés par nos amis britanniques ou allemands, ainsi que l’ont montré nos collègues de la commission des finances l’an dernier. L’impact de ces contributions n’est pas même facile à illustrer et mériterait un examen plus approfondi.

Les crédits nouveaux permettront certes d’engager le réarmement de notre diplomatie, au sens où, pour la seconde année consécutive, le ministère recrutera. En 2024, le ministère prévoit l’embauche de 165 ETP dans le périmètre de la mission « Action extérieure de l’État », dont une bonne centaine au titre du programme 105. C’est bien, mais je rappelle que ces effectifs avaient perdu 3 000 ETP entre 2007 et 2021…

Cette hausse est la première marche d’une programmation présentée par le chef de l’État en mars dernier, à l’issue des États généraux de la diplomatie, convoqués pour apaiser les craintes suscitées par la réforme du statut des diplomates. À ce jour, près des trois quarts de ces derniers ont opté pour le cadre des administrateurs de l’État, mais il est peu probable que les inquiétudes soient toutes apaisées.

Quoi qu’il en soit, l’agenda de transformation suit son cours. L’organigramme du ministère a été revu le 1er septembre dernier et de nombreux chantiers ont été ouverts, touchant aux concours, à la qualité de vie au travail, à la formation, à la mobilité ou à la politique sociale du ministère.

Je dirai un mot des dépenses de fonctionnement. La sécurité diplomatique sera correctement financée : les événements de l’été dernier au Niger en ont montré la nécessité. Les crédits de protocole affichent une hausse notable, mais qui semble justifiée par le nombre d’événements internationaux prévus ; ils aideront à la professionnalisation de l’organisation de conférences internationales.

S’agissant des contraintes immobilières, en raison de l’évolution des méthodes de travail, du besoin de task forces, de formations de crise et de rationalisation du parc engagée naguère, les locaux en administration centrale sont désormais saturés. Dans ces conditions, abriter les 700 ETP promis d’ici à quatre ans par le chef de l’État sera une véritable gageure…

Enfin, la tendance à rogner sur les moyens de notre diplomatie semble révolue, et c’est heureux ! Aussi la commission des affaires étrangères est-elle favorable à l’adoption des crédits du programme 105, proposés par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au sein de ce budget offensif, j’ai examiné avec Valérie Boyer trois aspects qui nous semblent fondamentaux dans l’environnement géopolitique particulièrement dangereux du moment.

Nous nous sommes d’abord intéressés à nos moyens de gestion de crise. La France dispose en la matière d’un savoir-faire envié à l’étranger, dont la maîtrise est assurée par le centre de crise et de soutien. Je veux d’ailleurs saluer ici l’action de son personnel et de ses renforts, notamment de la Croix-Rouge et des anciens diplomates qui apportent leur soutien en cas de besoin.

C’est grâce à eux que la France, lorsqu’il le faut, parvient à rapatrier en un temps record nos ressortissants et les citoyens des autres États membres de l’Union européenne, mais aussi à déployer une action humanitaire. Nous sommes à quelques jours de la conférence nationale humanitaire. Des moyens significatifs ont déjà été attribués.

Ces crises sont de plus en plus fréquentes et graves. La seule année 2023 a été marquée par le séisme en Turquie et en Syrie, l’évacuation au Soudan dans le cadre de l’opération Sagittaire, les événements au Gabon, en Libye, au Maroc, au Haut-Karabakh ou, plus récemment, au Proche-Orient.

Tout cela justifie une augmentation des budgets de fonctionnement du CDCS de l’ordre de 15 % en 2024 et un accroissement de ses ETP.

Ensuite, la communication et l’inflation occupent une place croissante parmi les fonctions du ministère. Ce poste fait l’objet d’un effort additionnel de 2 millions d’euros pour 2024. Cela permettra à la direction de la communication et de la presse du ministère de renforcer ses effectifs et de mettre en œuvre ses ambitions de lutte contre la désinformation, avec la création récente – et bienvenue – d’une sous-direction chargée de la veille et de la stratégie. Celle-ci est chargée de surveiller les réseaux et d’élaborer une riposte.

Notons par ailleurs que le Quai d’Orsay communique en six langues depuis la centrale, mais en une cinquantaine de langues nationales ou locales, preuve de notre capacité à nous faire entendre partout.

Notre rapport met également l’accent sur la coopération de sécurité et de défense. Contrairement à ce que certains laissent croire, les attentes envers la France ne faiblissent pas, que ce soit en Afrique de l’Ouest ou ailleurs dans le monde. De nouvelles écoles nationales à vocation régionale (ENVR) ouvriront d’ailleurs prochainement, notamment au Sri Lanka. Le ministère se fixe pour objectif d’accroître l’offre de formation de 40 % et d’investir davantage certaines zones, telles que l’Indo-Pacifique ou les Balkans.

Dans ce monde où les crises s’accumulent, où le système multilatéral se délite et où de nouveaux théâtres d’opérations émergent, comme le terrain informationnel, ne boudons pas notre plaisir de voir le réarmement de notre diplomatie réellement engagé en termes de moyens humains et financiers. La commission s’est prononcée favorablement sur les crédits du programme 105.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Dumas, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2024 a vocation à transcrire budgétairement le réarmement de la diplomatie française annoncé par le président de la République à l’occasion de la clôture des États généraux de la diplomatie.

Le programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » verra ainsi ses crédits progresser de 62 millions d’euros en 2024 pour atteindre 806 millions d’euros. Cette trajectoire ascendante devrait se poursuivre dans les années à venir. Nous en donnons acte au Gouvernement.

Dans le domaine culturel, le PLF pour 2024 prévoit 4 millions d’euros crédits supplémentaires au titre de la mise en œuvre des actions de la feuille de route de l’influence. En particulier, le programme Villa Albertine, qui constitue un axe fort de notre politique d’influence aux États-Unis, bénéficiera d’une enveloppe de 1 million d’euros.

S’agissant des alliances françaises, quelque 800 000 euros sont prévus au titre de la coordination et la création de nouvelles alliances, soit un montant proche des besoins exprimés en 2023.

Par ailleurs, une dotation de 800 000 euros est inscrite pour la mise en place d’un fonds d’aide aux alliances en difficulté. Certaines d’entre elles, à l’instar de celle de São Paulo, doivent en effet faire l’objet d’un soutien renforcé.

Les dotations des Instituts français seront abondées de 4 millions d’euros en 2024. De plus, des crédits supplémentaires sont prévus, afin de poursuivre la revalorisation des rémunérations des agents des établissements à autonomie financière.

J’en viens maintenant à la question de l’attractivité universitaire et étudiante. Le regard que nous portons sur le PLF dans ce domaine est plus nuancé, madame la ministre.

L’enveloppe de bourses connaîtra certes une hausse de 6 millions d’euros par rapport à 2023, mais, d’une part, le ministère ne semble pas disposer d’une doctrine claire concernant l’emploi de ces crédits supplémentaires, et, d’autre part, l’ampleur de cette hausse ne semble pas cohérente avec l’objectif de doublement du nombre de bourses à l’horizon 2030.

Madame la ministre, pourrez-vous nous indiquer si le Gouvernement entend maintenir cette ambition ?

Par ailleurs, le montant de la subvention versée à Campus France constitue un point de vigilance, alors que l’opérateur devrait connaître un déficit en 2023.

Enfin, le décrochage relatif de la France dans les classements internationaux invite à donner un nouveau souffle à la stratégie Bienvenue en France, en s’attaquant aux questions structurelles.

Si beaucoup reste à faire pour réarmer véritablement notre diplomatie culturelle et d’influence, les orientations prises dans le cadre du budget pour 2024 nous semblent aller dans le bon sens.

À cet égard, et même si nous partageons l’objectif de réduire le déficit public, nous ne pourrons pas voter l’amendement de la commission des finances ; celle-ci propose une réduction des crédits du programme 185, à hauteur de 20 millions d’euros.

Mme Catherine Dumas, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères. Ainsi, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 185, sans modification. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Didier Marie, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France dispose d’un outil d’influence unique au monde, avec ses 580 établissements scolaires d’enseignement français présents dans 139 pays.

À cet égard, s’il va dans le bon sens, l’effort porté par le projet de loi de finances pour 2024 nous semble globalement insuffisant au regard des ambitions réaffirmées en juillet dernier lors du conseil d’orientation interministériel de l’enseignement français à l’étranger.

En premier lieu, la progression de 8 millions d’euros du montant de la subvention versée à l’AEFE ne se traduira pas par un accroissement de ses moyens, mais permettra uniquement de compenser la moitié du coût lié à la réforme du statut des personnels détachés. En incluant la hausse du point d’indice de la fonction publique, ce sont près de 22 millions d’euros qui resteront à la charge de l’AEFE, auxquels il convient d’ajouter les effets de l’inflation, estimés à plus de 7,5 millions d’euros.

Ce surcoût aura un effet direct sur le niveau des contributions versées par les établissements, donc sur les droits de scolarité payés par les familles.

Par ailleurs, l’objectif présidentiel de doubler les effectifs d’élèves à l’horizon 2030, bien qu’il ait été réaffirmé en 2023, semble hors de portée, au regard des moyens engagés et de la tendance constatée ces dernières années.

En second lieu, d’importants freins doivent encore être levés, concernant en particulier les questions immobilières, pour permettre une croissance du réseau.

En tant qu’organisme divers d’administration centrale, l’AEFE ne peut pas avoir recours aux emprunts de plus de douze mois. Cette interdiction nuit à la réalisation d’opérations pourtant essentielles au maintien de la qualité et de l’attractivité du réseau.

Ainsi, selon l’AEFE, les besoins immobiliers non satisfaits au titre du schéma immobilier en cours s’élèveraient à près de 100 millions d’euros. Les premiers éléments de chiffrage pour les années à venir laissent apparaître des besoins de l’ordre de 200 millions d’euros. Cette évaluation reste évidemment à affiner, mais elle constitue un indicateur de l’ampleur des investissements nécessaires.

C’est pourquoi nous demandons que soit inscrite dès le budget 2025 une subvention pour charges d’investissement destinée au financement des investissements immobiliers des établissements en gestion directe.

S’agissant des établissements conventionnés et partenaires, nous avons constaté des retards dans la mise en œuvre du nouveau dispositif d’octroi de la garantie de l’État. Un seul arrêté a ainsi été pris à ce jour, alors que onze dossiers ont reçu un avis favorable depuis avril 2022.

Nous demandons donc que les arrêtés d’octroi de garantie soient pris le plus rapidement possible, afin de permettre aux établissements concernés de lancer leurs projets immobiliers.

Pour conclure, ce projet de budget laisse un goût d’inachevé. Pourtant, la direction prise nous semble la bonne. Aussi, une réduction de l’effort consacré à notre diplomatie culturelle et d’influence, telle que le prévoit l’amendement de la commission des finances, apparaîtrait contradictoire avec les ambitions affichées dans le contexte géostratégique actuel, alors que nos compétiteurs investissent massivement cette fonction stratégique.

La commission s’est donc prononcée en faveur de l’adoption des crédits du programme 185, sans modification.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour le programme 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires » comme pour les deux autres de la mission « Action extérieure de l’État », ce PLF poursuit et confirme la trajectoire de hausse entamée l’an dernier.

Notre commission a donc émis un avis favorable à l’adoption de ces crédits : il convient de se féliciter que notre diplomatie, longtemps maltraitée, retrouve progressivement des moyens à la hauteur de ses missions. De plus, le programme 151 prend cette année toute sa part dans cette hausse, puisque ses crédits augmentent de 11,6 %, contre 8,9 % pour l’ensemble de la mission. C’est appréciable, les rapporteurs ayant regretté l’an dernier que ces crédits progressent moins vite que ceux du réseau diplomatique.

Dans le détail, l’augmentation bénéficie à la quasi-totalité des postes de dépense : Assemblée des Français de l’étranger, réseau consulaire, modernisation de l’administration consulaire, aide à la scolarité – avec une augmentation significative des crédits alloués aux bourses scolaires.

Exception notable, l’aide sociale est simplement reconduite, sous réserve d’éventuels ajustements en gestion. Pourquoi ne pas reconnaître d’emblée que le contexte inflationniste mondial et la situation de crise dans de nombreux pays justifient un renforcement du secours à nos compatriotes ?

Il est également regrettable que ce réel effort budgétaire ne se traduise que très imparfaitement dans la progression des effectifs affectés aux affaires consulaires.

Notre réseau consulaire est pourtant mis sous pression par la reprise des demandes de visas après la pandémie. Le ministère traite cet afflux par un système de vacations, en faisant appel à des renforts venus de la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE). Mais le financement de ce dispositif, qui repose en partie sur les recettes de visas des années précédentes, n’est pas optimal.

Il faudra, à long terme, apporter des réponses structurelles à cette situation. En présentant en avril ses propositions pour une amélioration de la délivrance des visas, Paul Hermelin décrivait dans son rapport des consulats débordés, voire en souffrance. Le ministère s’est engagé à expertiser les pistes qu’il a suggérées.

La poursuite du déploiement du service France Consulaire est un autre point fort de ce PLF. Il s’agit d’une plateforme téléphonique pour répondre aux demandes les plus courantes des Français de l’étranger, afin de soulager les postes consulaires.

À La Courneuve, nous avons pu constater que ce service fonctionne de manière tout à fait satisfaisante. Les téléconseillers sont supervisés par un plateau composé de quatorze agents du ministère, qui reprennent les demandes auxquels le premier niveau ne peut répondre et, surtout, constituent pour chaque pays une base de données mise à jour en temps réel.

Le budget de France Consulaire est doublé cette année, afin d’accompagner l’extension du service à toute l’Europe fin 2023, puis, à l’horizon 2025, à tous les fuseaux horaires entre GMT-8 et GMT+8, ce qui couvrira 97 % des Français de l’étranger. Il faudra faire grandir le service en conséquence, en installant notamment le plateau de deuxième niveau.

France Consulaire est une initiative bienvenue, qui aidera nos consulats à se concentrer sur leurs tâches essentielles, à la condition qu’elle ne serve pas de prétexte à de nouvelles réductions d’effectifs dans le réseau. En effet, il y a des demandes que seul un agent sur place peut traiter, et le contact humain, dans le réseau consulaire comme ailleurs, n’est pas une variable d’ajustement. (M. Thierry Meignen applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Guillaume Gontard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous présenterai, en complément, deux points qui ont attiré notre attention lors de l’examen de ce PLF.

Le premier concerne les crédits des bourses scolaires allouées sur critères sociaux aux enfants scolarisés dans le réseau de l’AEFE. Il s’agit du premier poste de dépenses du programme 151, hors titre 2. Ces crédits sont en augmentation marquée, puisque ce PLF les fixe à 118 millions d’euros, contre 104,4 millions d’euros l’an passé.

Néanmoins, cette augmentation est en trompe-l’œil. En 2023, le montant prévu en loi de finances initiale était insuffisant. Il a donc fallu avoir recours, en gestion, au dégel de la réserve et à la soulte, reliquat de montants non distribués pendant la crise sanitaire. À la fin de 2023, les montants effectivement alloués s’élèvent à environ 113,3 millions d’euros, c’est-à-dire à un montant supérieur à celui qui est prévu pour 2024, soit 112,6 millions d’euros, après déduction de la réserve.

Même avec ces compléments, le montant prévu s’est révélé insuffisant. Il a donc fallu recourir à un dernier expédient, à savoir la contribution progressive de solidarité (CPS), élégante périphrase pour désigner un rabot budgétaire appliqué au montant des bourses… Le taux de cette CPS, normalement fixé à 2 %, a donc été porté à 7 %, ce qui a suscité l’incompréhension des parents.

Il est à craindre, au vu des données budgétaires, qu’un taux de 7 % soit de nouveau appliqué cette année. Il faut reconnaître que le suivi budgétaire de l’attribution des bourses est très complexe : les montants votés ne sont pas consommés sur l’année civile, les versements n’interviennent pas au même moment dans les pays du rythme nord et dans ceux du rythme sud, les variations de taux de change peuvent être très importantes, et des changements liés à la scolarisation peuvent intervenir en cours d’année.

L’AEFE a engagé une refonte de son application Scola, consacrée à la gestion de ses bourses, qui devrait permettre un suivi plus étroit et une meilleure prévisibilité. Il reste que les expédients, comme la hausse brutale de la CPS, ne sont ni vertueux d’un point de vue budgétaire ni équitables vis-à-vis des parents.

Le second point de vigilance porte sur le concours de l’État à la catégorie dite aidée des adhérents à la Caisse des Français de l’étranger (CFE).

Pour rappel, cette caisse est un organisme de droit privé, mais titulaire d’une délégation de service public, offrant une protection sociale facultative à nos compatriotes de l’étranger. Les foyers se situant en dessous du seuil de 22 000 euros de revenus annuels en 2023, qui définit la catégorie aidée, bénéficient d’un tarif d’adhésion préférentiel fixé à 210 euros par trimestre. Le coût de ce dispositif est pris en charge par l’État et la CFE. Mais, les parts respectives n’ayant pas été fixées, le concours de l’État s’est réduit. Depuis 2016, il est fixé à 380 000 euros.

Or le coût du dispositif, qui concernait 2 203 contrats en 2022, a augmenté, alors que les marges de manœuvre financières de la CFE diminuaient. Aujourd’hui, il coûte 4 millions d’euros par an. L’État en assume moins de 10 %, contre 25 % en 2011.

Ce qui est en jeu, c’est la couverture sociale de nos compatriotes les moins favorisées. L’État devrait donc prendre sa part, d’autant que les montants sont extrêmement modérés. Ces dernières années, le concours de l’État a en réalité été abondé en gestion, atteignant par exemple 764 800 euros en 2022.

C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous soumettrons un amendement visant à doubler la contribution de l’État, pour la porter à 760 000 euros. Sous réserve de l’adoption de cet amendement, et malgré les réserves et points de vigilance que nous avons exposés, nous avons émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 151.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme les orateurs précédents, je me félicite de voir progresser les crédits accordés à la diplomatie culturelle et d’influence. Dans le contexte géopolitique très préoccupant que nous connaissons, cette évolution mérite d’être saluée.

Plusieurs bémols doivent toutefois être apportés.

Ainsi, je demeure tout à fait sceptique quant à la possibilité d’atteindre l’objectif présidentiel de doublement des effectifs du réseau de l’enseignement français à l’étranger, qui a pourtant été réaffirmé en juillet dernier. La directrice de l’AEFE admet elle-même que cet objectif est « extrêmement ambitieux » et que les effectifs à la rentrée 2023 étaient en deçà des chiffres espérés, en hausse de 1 % – il faudrait une augmentation quatre fois plus rapide pour atteindre l’objectif !

L’accroissement des effectifs résulte surtout de la hausse du nombre d’élèves étrangers. Actuellement, les deux tiers des élèves de l’enseignement français à l’étranger n’ont pas la nationalité française. Cette proportion devrait dépasser les 80 % d’ici à 2030.

Je regrette vivement les refus de détachement formulés par les académies, qui ajoutent aux difficultés de recrutement d’enseignants pour le réseau. À la rentrée 2023, le nombre de postes vacants sur l’ensemble du réseau avait été multiplié par deux par rapport à l’année précédente. En conséquence, de plus en plus de personnels français sont désormais recrutés sur des contrats locaux, ce qui constitue une aberration.

Je souhaite enfin saluer l’action de nos réseaux de diplomatie culturelle et d’enseignement français à l’étranger, qui exercent actuellement leur activité dans des zones de guerre.

En Ukraine, l’Institut français a adapté un certain nombre de ses activités en fonction du contexte de guerre, qui a fait apparaître de nouvelles demandes de la part de nos partenaires ukrainiens. Les six alliances françaises d’Ukraine continuent leurs activités d’enseignement en distanciel et fonctionnent en mode dégradé. Les deux établissements d’enseignement français de Kiev scolarisent encore à ce jour plus de 300 élèves.

En Israël, le dispositif culturel français est resté ouvert, à l’exception de l’antenne de Nazareth. Le contexte sécuritaire a suscité un départ important d’élèves des six établissements d’enseignement français en Israël – jusqu’à un tiers des effectifs. Le 3 novembre dernier, l’Institut français de Gaza a été touché par une frappe. Heureusement, son personnel avait été évacué vers le sud de la bande de Gaza.

Au bénéfice de ces observations, madame la ministre, la commission de la culture a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 185 pour 2024. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Nicole Duranton et M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent également.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Olivier Cadic. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI.)

M. Olivier Cadic. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le plan de réarmement de la diplomatie française voulu par le Président de la République nous réjouit. Il conduit, cette année encore, à une hausse du budget de la mission et du nombre d’ETP, qui s’accroît de 165 en 2024.

En ma qualité de sénateur représentant les Français établis hors de France, j’ai plusieurs motifs de satisfaction à la lecture de ce programme 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires ».

Le premier est l’accélération du déploiement du service France Consulaire. La nouvelle directrice des Français de l’étranger, dont je salue le remarquable pragmatisme, a réorganisé la plateforme de réponses téléphoniques. En Irlande, pays test, le consulat de Dublin ne reçoit plus que 4 % des appels, les 96 % restant étant traités par France Consulaire. On comprend pourquoi tous les autres consulats attendent impatiemment de bénéficier de ce service ! La couverture mondiale est envisagée pour la fin de 2025, soit un an plus tôt que prévu, sans requérir d’emplois publics supplémentaires.

Un autre point positif est la dématérialisation du renouvellement des passeports, qui évitera d’avoir à se présenter dans les postes consulaires. Celle-ci débutera au Canada et au Portugal en mars 2024.

Avec ma collègue sénatrice représentant les Français de l’étranger, Olivia Richard, nous nous réjouissons également que soit opérée la première revalorisation des indemnités des conseillers des Français de l’étranger depuis 2014, en fonction du point d’indice de la fonction publique.

Annoncé en ouverture de la dernière session de l’Assemblée des Français de l’étranger par Olivier Becht, cet effort était très attendu. Ce sera la première fois depuis la réforme de 2013 ! Cela ne nous dispensera pas de remettre à plat les modalités de calcul de ces indemnités.

Une autre avancée pour nos compatriotes serait la révision du dispositif de prise de rendez-vous au consulat ou pour déposer une demande visa.

Malheureusement, dans certains pays, des officines ont mis en place des systèmes astucieux pour préempter tous les rendez-vous et en faire commerce : 200 euros pour un rendez-vous avec le consulat, 300 euros pour le service d’état civil, 500 euros pour un certificat de capacité à mariage… Nos compatriotes finissent par penser qu’il est normal de devoir payer pour avoir accès au service public français. À l’évidence, le système de prise de rendez-vous mérite d’être revu d’urgence pour les postes concernés.

Autre urgence : nos consuls honoraires, qui exercent leurs fonctions à titre bénévole. Ils sont un maillon essentiel de notre réseau consulaire. Leur rôle doit être revu, pour être adapté aux besoins d’aujourd’hui. La prise en charge, totale ou partielle, de leurs dépenses de fonctionnement doit être revalorisée. De plus, il est indispensable de garantir leur protection juridique et sanitaire par un système d’assurance.

Depuis mon arrivée au Sénat, je plaide pour que notre pays se fixe pour objectif que tous les Français sachent parler français. Chacun a pu voir à la télévision des Français d’Israël qui ne parlent pas notre langue. Je l’ai dit souvent ici : 80 % des enfants français nés en Israël, comme en Algérie d’ailleurs, ne parlent pas français. Cette proportion dépasse les deux tiers en Amérique latine. Il y a deux semaines, à São Paulo, la cheffe de Chancellerie m’a indiqué qu’il était rare que nos compatriotes nés au Brésil parlent français.

Depuis 2014, j’ai déposé régulièrement un amendement visant à ce qu’un chèque éducation soit destiné à ces 80 % d’enfants français de l’étranger qui ne fréquentent pas notre réseau d’enseignement. Cette idée a été reprise dans le programme d’Emmanuel Macron en 2022 et baptisée pass éducation.