Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme chaque année, la commission des affaires sociales a examiné conjointement les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d’affectation spéciale « Pensions ».

En premier lieu, nous notons que la progression de 1,5 % des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » est directement liée à la dynamique inflationniste et à la revalorisation des pensions qu’elle induit, à hauteur de 5,3 % au 1er janvier 2024.

Les subventions d’équilibre versées aux régimes de la SNCF et de la RATP représentent encore, malgré la fermeture respective de ces régimes en 2020 et en 2023, 70 % des crédits de la mission. Les deux tiers des charges de pensions de ces régimes seront ainsi financés par le contribuable en 2024.

La commission se félicite que la mise en œuvre de la réforme des retraites permettra de faire contribuer davantage les affiliés des régimes spéciaux à leur financement.

Néanmoins, dans le cadre du transfert au régime général de la responsabilité d’équilibrer les régimes spéciaux inscrit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, nous déplorons que rien ne garantisse au Parlement que le contribuable disposera toujours d’une information claire et précise sur la compensation versée par l’État à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) au titre de chaque régime, ni que l’État ne se désengagera pas progressivement.

À ce propos, le Gouvernement a soumis à l’Assemblée nationale, en nouvelle lecture, un texte expurgé de l’amendement voté par le Sénat sur ma proposition, et qui tendait précisément à garantir la compensation intégrale, chaque année, de la charge induite pour le régime général.

Concernant le compte d’affectation spéciale « Pensions », il est désormais certain que son solde cumulé deviendra déficitaire d’ici à 2026 et que le relèvement de la contribution employeur de l’État sera nécessaire pour assurer la continuité du versement des pensions des fonctionnaires.

La commission considère que ce relèvement doit intervenir au plus vite et de manière progressive afin de lisser son effet sur les budgets des ministères. Il est regrettable que le Gouvernement n’ait pas pu ou voulu m’apporter les précisions demandées sur le calendrier de mise en œuvre et sur son ampleur. (M. Jean-François Husson renchérit.)

De même, il est difficilement compréhensible que le projet de loi de financement de la sécurité sociale transfère 200 millions d’euros au régime général au titre des gains tirés de la réforme des retraites par le régime de la fonction publique.

La réforme devrait justement permettre de limiter le niveau du relèvement nécessaire de la contribution employeur de l’État en réduisant le déficit du régime de 300 millions d’euros en 2025 et de 1,2 milliard d’euros d’ici à 2035.

En tout état de cause, compte tenu de la nécessité de permettre le versement sans interruption des pensions des assurés des régimes spéciaux et des fonctionnaires de l’État, la commission s’est déclarée, sous ces réserves, favorable à l’adoption des crédits de la mission et du compte d’affectation spéciale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, les crédits du programme « Fonction publique », de la mission « Transformation et fonction publiques », qui financent le volet interministériel de la politique de ressources humaines de l’État, sont, à périmètre constant, en légère augmentation par rapport à la loi de finances pour 2023, avec 275,8 millions d’euros en autorisations d’engagement.

Je souhaiterais attirer votre attention sur trois points.

Je m’interroge tout d’abord sur le respect, par ce programme, de la démarche de performance et d’évaluation introduite par la loi organique relative aux lois de finances (Lolf).

D’une part, la pertinence de certains indicateurs choisis paraît contestable en ce qu’ils sont peu significatifs, insuffisamment rigoureux et en partie subjectifs. Je vous proposerai tout à l’heure deux amendements visant à préciser les indicateurs relatifs aux prestations d’action sociale et au recrutement dans la fonction publique.

D’autre part, je ne peux que déplorer les conséquences de la suppression, en loi de finances initiale pour 2023, du rapport sur l’état de la fonction publique et des rémunérations, jusqu’alors annexé au projet de loi de finances.

Monsieur le ministre, le Gouvernement avait argué, l’an dernier, que ce rapport faisait doublon avec le rapport annuel publié par la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP). Or, comme je l’avais souligné alors, la date de parution de ce rapport est très aléatoire : j’en veux pour preuve qu’il n’est toujours pas paru, alors que nous sommes le 7 décembre.

Cette situation ne permet pas au Parlement d’exercer ses missions dans des conditions satisfaisantes. Je pense que vous en conviendrez.

Sur le fond, ensuite, les modalités de financement de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale me semblent très préoccupantes.

Vous le savez, la loi de finances pour 2023 a acté le désengagement financier de l’État à ce sujet. Certes, la participation de l’État à hauteur de 15 millions d’euros, qui avait fait l’objet, en février 2022, d’un accord entre l’État et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), est reconduite dans ce PLF. Nous en prenons acte.

Mais cette apparente stabilité ne doit pas nous tromper : dès 2024, la contribution versée par France Compétences diminuera, et nous ne disposons à l’heure actuelle d’aucune garantie concernant le montant qui sera versé par l’État au-delà de 2025. À moyen terme, c’est bien l’équilibre du système de financement, donc le développement de l’apprentissage public, qui est menacé.

À l’heure où l’apprentissage dans la fonction publique territoriale constitue une composante à part entière de la politique des ressources humaines des collectivités territoriales, ainsi qu’une voie majeure d’insertion professionnelle des jeunes, cette situation est plus que regrettable. J’en reparlerai lundi soir, en proposant des amendements.

Enfin, j’invite à ne pas ouvrir plus de classes préparatoires Talents du service public qu’il n’est nécessaire. Les chiffres de la rentrée 2023 pourraient, à cet égard, témoigner d’un certain ajustement entre l’offre et la demande.

Sous réserve de l’adoption des deux amendements que je présenterai en son nom, la commission des lois a émis un avis favorable sur les crédits.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale de la commission des finances. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, 2024 est une année particulière, puisqu’elle est la première année de pleine application de la réforme paramétrique des retraites de 2023, votée dans les conditions que nous avons tous à l’esprit au printemps dernier et entrée en vigueur à compter du 1er septembre 2023.

Avant d’entrer dans le détail des crédits de la mission et du compte d’affectation spéciale, je souhaite rappeler que cette réforme ne suffira pas à équilibrer, à moyen terme, notre système de retraite.

Les projections actualisées publiées par le Conseil d’orientation des retraites (COR) en juin dernier sont très claires : si le recul de l’âge de départ doit permettre, à moyen terme, de limiter le flux des départs à la retraite, il ne suffira pas à compenser la hausse des dépenses de retraite, qui devrait induire, selon les projections du COR, un déficit égal à 0,3 % du PIB du système de retraite à l’horizon de 2027.

En ce qui concerne la mission « Régimes sociaux et de retraite », les crédits proposés atteindront, en 2024, 6,2 milliards d’euros, fléchés à plus de 70 % vers les régimes de retraite spéciaux des agents de la SNCF et de la RATP.

Il convient de rappeler que la réforme paramétrique n’a pas d’effet significatif sur les dépenses des régimes de la SNCF et de la RATP, dès lors que le Gouvernement a prévu qu’elle n’entrerait pas en vigueur avant le 1er janvier 2025 pour ces deux régimes.

La réforme de 2023 a néanmoins eu pour effet de fermer aux nouveaux entrants le régime de la RATP à compter du 1er septembre 2023. Depuis cette date, les nouveaux agents de la RATP sont affiliés au régime général. Cependant, la caisse de retraite de la RATP reste responsable du paiement et de la liquidation des cotisants qui étaient affiliés au régime avant sa fermeture, et la date d’extinction effective du régime devrait intervenir aux alentours de 2116.

C’est dans ce contexte que le Gouvernement a engagé une remise en cause du schéma de financement actuel des régimes spéciaux, par l’article 15 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, considérée comme définitivement adopté en application de l’article 49.3 de la Constitution depuis ce lundi 4 décembre.

Dans le schéma proposé, l’ensemble des régimes spéciaux fermés seront intégrés financièrement à la Cnav. Par conséquent, l’État ne versera plus de subvention d’équilibre annuelle pour ces régimes, mais affectera au régime général une fraction de TVA visant à compenser globalement les charges associées à ces compensations d’équilibre.

Cette nouvelle architecture de financement aura pour conséquence de vider la mission « Régimes sociaux et de retraite » de 87 % de ses crédits.

Elle soulève deux préoccupations majeures.

Premièrement, l’architecture proposée réduit la lisibilité du financement par la solidarité nationale des régimes spéciaux.

Deuxièmement, elle a pour effet de dessaisir le Parlement de sa mission de vote annuel et de contrôle sur ces subventions d’équilibre.

Je me félicite cependant que le Gouvernement ait conservé, dans le texte définitif, l’amendement de la commission des affaires sociales du Sénat tendant à la remise d’un rapport au Parlement sur ce nouveau schéma de financement, défendu par ma collègue Pascale Gruny.

Au-delà de cette information ponctuelle, pouvez-vous vous engager, monsieur le ministre, à continuer d’informer le Parlement régulièrement et de manière exhaustive sur le financement des régimes spéciaux qui ont été fermés ? Cette exigence est essentielle, non seulement pour la clarté du débat parlementaire, mais également pour la transparence du financement du système de retraite à l’égard de nos concitoyens.

Pour finir, je souhaite évoquer les crédits proposés pour le CAS « Pensions », qui s’élèvent à 67,7 milliards d’euros.

Comme l’ensemble des régimes de retraite, le régime de la fonction publique se trouve dans une conjoncture particulièrement délicate, en raison de la hausse dynamique de ses dépenses, liée à l’indexation des pensions sur l’inflation, et de la hausse plus modérée de ses recettes.

Le résultat de ces deux tendances est un déficit croissant du CAS « Pensions », qui atteindra 2,5 milliards d’euros en 2024 et qui est estimé à 4,6 milliards d’euros en 2026.

Par conséquent, le Gouvernement sera forcé de réagir pour augmenter les recettes du régime. Cela se traduira sans doute par une hausse du taux de contribution de l’État employeur, c’est-à-dire de la part des crédits prise sur les dépenses de personnels dans chacun des ministères pour alimenter le CAS « Pensions ».

Nous souhaitons de la lisibilité sur l’évolution des paramètres qui aura pour conséquence de réintégrer, à moyen terme, plus de 4 milliards d’euros dans les crédits des missions du budget général. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Audrey Linkenheld. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Audrey Linkenheld. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, récemment, le collectif Nos services publics dénonçait « le sentiment croissant d’urgence et de dégradation des services publics », qui « s’exprime essentiellement à travers un discours déplorant des services publics qui s’effondrent ».

Les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sont très attachés aux services publics, qui sont un rempart contre les inégalités sociales. Ils sont notre patrimoine commun et le seul capital de ceux qui n’en ont pas.

C’est pourquoi nous portons une attention particulière aux fonctionnaires, à ces hommes et ces femmes qui œuvrent tous les jours pour accueillir au mieux le public dans nos administrations locales, nationales, sociales, nos écoles, nos commissariats, nos agences des finances publiques.

Au travers de ce débat budgétaire, c’est aussi notre vision du service public, de l’organisation de l’État et de la fonction publique qui se dessine.

Or force est de constater que le service public ne suscite plus vraiment l’admiration ni les vocations, comme en attestent les pénuries de profs, d’infirmiers, d’assistants maternels, de policiers municipaux… De l’État aux collectivités, en passant par les hôpitaux, toutes les catégories de la fonction publique sont malheureusement touchées.

La stigmatisation des fonctionnaires – ils seraient trop nombreux, trop coûteux, trop revendicatifs, pas assez productifs… – a sans nul doute été une arme puissante pour affaiblir leur statut et éroder peu à peu l’attractivité des emplois publics, aujourd’hui en tension.

Nous souhaitons qu’il soit remédié à cette situation. À cette fin, il nous semble nécessaire d’activer tous les leviers : temps et conditions de travail, rémunérations et protection sociale, formation…

Nous nous réjouissons évidemment de la création des 8 301 postes dans ce PLF 2024.

Malgré tout, les missions budgétaires que nous examinons aujourd’hui comportent plusieurs faiblesses, que nous ne pouvons passer sous silence.

Il s’agit d’abord du temps de travail.

En 2019, la loi de transformation publique imposait une harmonisation des temps de travail aux collectivités, avec les fameuses « 1 607 heures ». Aujourd’hui, nous savons, grâce au PLF 2024, que 83 % des communes ont appliqué cette réforme.

Cependant, le rapport que cette loi impose de remettre au Parlement sur le temps de travail des agents de l’État n’a, je crois, toujours pas été remis. Curieuse manière de montrer l’exemple ou de démontrer, s’il le fallait, la pertinence de cette loi.

Ce n’est pas très différent en matière de rémunérations.

Bien sûr, les récentes hausses du point d’indice sont tout à fait nécessaires face à l’inflation, plus encore que cette prime de pouvoir d’achat exceptionnelle rendue possible pour tous les agents, dont les agents territoriaux.

À cet égard, comment ne pas regretter qu’il y ait eu un aussi long délai entre les annonces et la publication du décret d’application, intervenue seulement le 31 octobre 2023 ? Dans ces conditions, il est difficile, pour les collectivités, de répondre rapidement aux revendications légitimes de leurs agents territoriaux, mais aussi de prévoir sereinement les impacts sur les budgets locaux 2023 ou 2024.

Quant à la protection sociale dans la fonction publique, elle n’est pas non plus sans poser quelques problèmes.

Alors que le Gouvernement affichait la réforme des retraites comme une garantie pour l’avenir des pensions, les données du PLF 2024 soulignent que, pour la troisième année consécutive, la régime de retraite des fonctionnaires devrait être déficitaire et que cela ne devrait pas s’améliorer, puisque le solde est estimé à –4,6 % en 2026.

Faute d’encourager suffisamment l’emploi des fonctionnaires pour équilibrer entrées et sorties, il reviendra encore à l’État d’assurer le paiement des pensions de ses anciens agents, en augmentant significativement sa contribution employeur, donc le budget afférent.

On le voit, le système de retraite des fonctionnaires est peu rassurant, alors qu’il faudrait qu’il le soit pour attirer de nouvelles vocations et de nouveaux talents.

Le signal que veut envoyer la majorité sénatoriale en matière de maladie ne nous semble pas positif. Nous nous opposerons à l’amendement du rapporteur spécial Claude Nougein visant à l’instauration de deux jours de carence supplémentaires pour les fonctionnaires. Le progrès social et la santé publique doivent conduire, pour les travailleurs des secteurs publics et privés, à un alignement par le haut plutôt que par le bas.

J’en viens enfin aux conditions de travail de nos agents liées notamment au parc immobilier de l’État et aux cités administratives, question abordée dans la mission « Transformation et fonction publiques ».

Comme le rapporteur spécial a pu le souligner, on note un délai important entre les annonces et la rénovation énergétique des bâtiments concernés. Au-delà des enjeux de pilotage opérationnel auxquels ils renvoient, ces délais reflètent les difficultés intrinsèques des rénovations lourdes qui touchent le patrimoine immobilier de l’État, comme celui des collectivités et des particuliers.

J’attire l’attention du Gouvernement sur les leçons à tirer de ces difficultés dans la manière dont il accompagne et finance les rénovations. Peut-être les montants sont-ils insuffisants face à l’urgence climatique ? Peut-être les démarches opérationnelles devraient-elles être simplifiées ?

Pour conclure sur la fonction publique et la manière de la rendre à nouveau intéressante et valorisante aux yeux de nos concitoyens, je veux dire un mot sur la formation, et précisément sur l’apprentissage.

Les collectivités se sont pleinement investies dans le développement de l’apprentissage, qui permet de favoriser l’emploi local à destination des jeunes et de donner le goût du service public de proximité.

Malheureusement, si l’apprentissage public local est un succès, on sait que le CNFPT a été contraint de limiter le nombre de contrats aidés, en raison du désengagement soudain de France Compétences, qui vient s’ajouter à l’incertitude qui pesait déjà sur la pérennité du soutien de l’État.

Cette situation est d’autant plus injuste qu’elle crée un décalage entre employeurs privés et publics.

Aussi proposerons-nous un amendement de 5 millions d’euros à destination du CNFPT visant à compenser la baisse de participation de France Compétences. Nous soutiendrons les autres initiatives permettant de pérenniser la participation de l’État en la matière.

En conclusion, et sur le fondement de ces quelques commentaires, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur des crédits de la mission « Régimes sociaux et retraites ». Il s’abstiendra sur la mission « Transformation et fonction publiques » et votera contre les crédits des missions « Crédits non répartis » et « Gestion des finances publiques ». (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a participé fortement à la hausse moindre des effectifs de la fonction publique. Cela s’est fait en ayant recours à la dématérialisation, à la simplification ou encore à la rationalisation des procédures de déclaration ou de contrôle.

Il sera malheureusement difficile d’aller beaucoup plus loin, car la présence territoriale des services des impôts ou des douanes est indispensable pour les citoyens, les acteurs économiques et les collectivités locales.

Depuis plusieurs années, le groupe Les Républicains et le rapporteur spécial appellent à un alignement des jours de carence entre secteur public et secteur privé – vous l’aurez compris, plutôt dans le sens opposé à celui que ma collègue Audrey Linkenheld vient de promouvoir. (Sourires.)

Au-delà de cette mesure, c’est la procédure de contrôle des arrêts maladie qui doit être réétudiée. En effet, à la différence du secteur privé, l’employeur public est également assureur. Dans quelle mesure un suivi des absences ne serait-il pas jugé discriminatoire ou attentatoire au secret médical ?

L’alignement du jour de carence est une étape. Pour le rendre pleinement effectif, il faudra aussi, à terme, distinguer les fonctions d’assureur et d’employeur dans la fonction publique.

Concernant les effectifs, le rapporteur spécial soulève avec justesse la question de la réserve opérationnelle des douanes. Cette dernière n’est pas prête, alors qu’elle devait apporter un renfort utile dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Au-delà des douanes, la question de la gestion des ressources humaines va se poser dans plusieurs pans de la fonction publique, à l’occasion de cet événement planétaire. J’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion de la soulever. J’attends toujours que l’on me réponde…

La diminution des effectifs a été permise par la numérisation. De fait, l’informatique est au cœur de la transformation de l’action publique ; elle est le socle des missions de la direction générale des finances publiques et des douanes. D’ailleurs, près de 590 millions d’euros de crédits sont ouverts à ce titre pour 2024.

Malheureusement, Bercy n’échappe pas à la malédiction des projets informatiques publics. Les coûts de tous les projets sont révisés à la hausse et les dates de livraison sont décalées.

Ce projet de loi de finances reporte d’ailleurs une seconde fois l’ouverture du portail pour la facturation électronique au 1er janvier 2026, réforme annoncée depuis 2020…

Je ne peux manquer de revenir sur les difficultés rencontrées par le service en ligne Gérer mes biens immobiliers et sur leurs conséquences visibles, ces derniers jours, avec l’envoi d’avis de taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS). Certaines communes ont vu leurs rôles augmenter de 200 % ! Comment les services de Bercy ont-ils pu ne pas être alertés avant l’envoi des avis ? Quel sera le coût, pour les finances publiques, des dégrèvements à accorder ?

De l’immobilier des particuliers à l’immobilier de l’État, il n’y a qu’un pas.

Comme le rappelait Albéric de Montgolfier l’année dernière, la politique immobilière de l’État est éclatée et peu lisible, une soixantaine de programmes budgétaires concourant à cette politique.

Le ministère de l’économie, qui abrite la direction de l’immobilier de l’État, devrait être le fer de lance des politiques ministérielles.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. C’est vrai !

Mme Christine Lavarde. Je relève avec malice que le retard pris pour la rénovation des cités administratives a permis de tenir compte des évolutions des modes de travail à la suite de la crise de la covid-19 et du recours accru au télétravail, avec un impact notable sur la gestion des surfaces des bâtiments.

Cela ne vous a d’ailleurs pas échappé, monsieur le ministre. Vos annonces du 21 novembre dernier en témoignent : pour faire des économies, dans le cadre des revues de dépenses que vous menez avec le ministre Bruno Le Maire, vous souhaitez diminuer les surfaces utilisées, qui passeraient de vingt-cinq à seize mètres carrés par fonctionnaire, vendre une partie de l’immobilier de l’État et louer le reste, via la création d’une foncière. Chaque ministère paierait ainsi un loyer correspondant aux surfaces occupées par ses services.

Je comprends que l’État ait envie de se débarrasser de quelques passoires thermiques : il n’y a pas de temps à perdre pour respecter le calendrier exigé par le décret tertiaire de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, la loi Élan.

Il s’agit là d’un chantier énorme, pour lequel l’État a déjà dépensé 3,9 milliards d’euros sur les trois dernières années. C’est un chantier « pharaonique », considéré comme « le chantier du siècle » par le ministre de la transition écologique, Christophe Béchu. Mais c’est aussi un chantier que l’État n’a pas les moyens de financer, ainsi que le directeur de l’immobilier de l’État l’a lui-même reconnu.

Par conséquent, je partage le constat que le parc public doit être rationalisé. Je ferai cependant une triple mise en garde.

L’État n’a, pour l’instant, pas démontré de compétences particulières en tant qu’agent immobilier, comme on l’a vu lors de ses dernières cessions immobilières. La Cour des comptes l’a d’ailleurs relevé. Je ne citerai qu’un exemple : alors que l’Imprimerie nationale avait déjà réussi à vendre un immeuble situé rue de la Convention au plus bas, le ministère des affaires étrangères l’a racheté quelques années plus tard, au prix fort ! (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. En effet !

Mme Christine Lavarde. Par ailleurs, les prix de l’immobilier baissent depuis plusieurs mois : la période actuelle n’est donc peut-être pas la meilleure pour vendre les bijoux de famille.

Enfin, l’idée de créer une foncière et d’instaurer des loyers pour chaque ministère n’est pas nouvelle : cette foncière avait vu le jour en 2006, avant d’être supprimée, en 2019, par le Président de la République, du fait « de la lourdeur et de l’inutilité des opérations comptables auxquelles donnait lieu sa mise en œuvre », pour reprendre les termes d’un rapport du député Jean-Paul Mattei sur le projet de loi de finances pour 2020. (M. le rapporteur général le confirme.)

Avant de conclure, je ne peux manquer de partager l’inquiétude de la rapporteure spéciale Sylvie Vermeillet quant à la croissance inéluctable du déficit du régime de retraite des fonctionnaires d’État. En effet, celui-ci atteindra 2,5 milliards d’euros en 2024 et certainement 4,6 milliards d’euros en 2026.

Du fait du gel du point d’indice pendant de nombreuses années et de la revalorisation limitée de ces deux dernières années, les salaires des fonctionnaires augmentent moins vite que les pensions, qui vont connaître une hausse de 5,2 %, pour la retraite de base, en janvier 2024. Le déficit ne peut donc que se creuser,…

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !

Mme Christine Lavarde. … alors même que les effets de la réforme des retraites seront très limités : ils s’élèveront à 1,2 milliard d’euros au maximum en 2034.

Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Christine Lavarde. Une note très intéressante de Jean-Pascal Beaufret, présentée lors de la réunion du Conseil d’orientation des retraites qui s’est tenue le 21 septembre dernier, dénonce l’absence d’identification du solde des caisses de retraite dans l’ensemble des administrations de sécurité sociale. Ces calculs auraient d’ailleurs pu être réalisés par l’Insee au moment où le Parlement a débattu de la réforme des retraites…

La même note relève que le traitement des pensions de l’État, compte tenu de l’absence de caisses de retraite juridiquement séparées, transforme profondément les comptes nationaux. La majoration de 33 % des rémunérations des personnels de l’État par une importante subvention d’équilibre augmente le PIB en conséquence. Dans le même temps, les prélèvements obligatoires sont réduits par rapport à des cotisations effectives.

Pour conclure, je ne saurais dire mieux que M. Beaufret : « Pour les comptes de la Nation comme pour les comptes de l’État, des méthodes légales, fondées sur le choix de taux de cotisation exorbitants du droit commun et non pas sur celui “d’un pourcentage raisonnable des salaires versés aux personnels en activité”, ne vont donc pas dans le sens d’une transparence des comptes publics. »

Ainsi, ce sont près de 74 milliards d’euros de transferts réels qui doivent être déduits du système de retraite en 2022, ce qui conduira à un solde des caisses de retraite de –68 milliards d’euros.

Au regard des enjeux financiers, il pourra être utile, dans les prochaines années, de se pencher sur la question de la comptabilisation des différents engagements financiers, sujet sur lequel notre rapporteur spécial alerte régulièrement la commission des finances.

Malgré ces réserves, le groupe Les Républicains votera en faveur des crédits de deux missions et des comptes spéciaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)